Test de Mighty No. 9

C'est en 2013 que Keiji Inafune, célèbre pour son travail sur la série Megaman, a lancé une campagne de financement participatif afin de développer Mighty No. 9, un jeu d'action-plateformes en 2D. Avec un système de jeu similaire et un personnage au look très proche, il se pose comme le successeur spirituel de la célèbre licence. Mais le jeu est-il à la hauteur des quatre millions de dollars qu'il a amassé sur la désormais fameuse plateforme Kickstarter ?

Mighty no. 9 se pose dans un monde où la violence a été réduite à un Colisée où s’affrontent des robots. Un jour, un mystérieux virus se propage parmi eux et le chaos s’installe. Initialement pacifiques, ils deviennent des machines de guerre. Beck, le neuvième androïde d'une unité de combat nommée Mighty Numbers, est contraint d'affronter ses anciens compagnons afin de leur faire entendre raison. Dans sa quête, il est aidé par Dr. Sanda et Dr. White, deux scientifiques qui l'aident à braver les obstacles et qui lui fournissent des informations importantes sur la technologie Xel, les espèces de cellules qui alimentent les robots.

 

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Un gameplay au poil

On ne va pas se mentir, les qualités de Mighty No. 9 sont très rares et se résument globalement à son gameplay.
En effet, les anciens développeurs de Megaman ont été capables de proposer un système de jeu rafraichissant, dans lequel l'objectif du joueur est d'affaiblir les différents ennemis avant de les absorber avec un dash ; enchaîner les absorptions dans un temps limité permet d'obtenir temporairement des bonus de vitesse, de puissance ou d'armure. Avec ce système, le joueur est encouragé à déterminer rapidement de quelle manière il peut enchaîner les ennemis sans interrompre son combo et ainsi engranger le maximum de points et de puissance.
Le héros répond très bien aux commandes et le dash est rapidement jouissif. Le jeu n'est pas une balade de santé : entre certains niveaux où on meurt instantanément en touchant les parois et les ennemis tous plus vicieux les uns que les autres, il est souvent nécessaire de s'y reprendre plusieurs fois pour aller jusqu'au bout. On repère en quelques essais où se trouvent les ennemis et on peut alors pratiquement planifier notre progression afin de terminer le niveau de la manière la plus fluide et la plus rapide possible.

 

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On se plaît ainsi à passer au travers des ennemis en engrangeant une certaine puissance avant d'aller affronter le boss de fin de niveau. La dizaine de boss est facilement identifiable grâce à des patterns bien définis qu'il est bon d'apprendre pour s'en sortir sans trop de dégâts.
Une fois leur Xel absorbé, les boss offrent une nouvelle arme que le héros peut utiliser en se transformant. Chaque arme a une propriété (feu, glace, électricité, …) et permet d'exploiter les points faibles d'autres boss grâce à des attaques chargées qui ne manquent pas de rappeler Megaman.

 
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Un intérêt proche du néant

Une fois passé la très bonne impression laissée par le gameplay, les défauts du jeu sautent aux yeux et empiètent allègrement sur le plaisir qu'il procure.

Graphiquement, le jeu est une purge. Développé sur Unreal Engine3, le jeu en side-scrolling est franchement moche et n'est malheureusement pas rattrapé par sa direction artistique. En effet, cette dernière est à la limite de l'acceptable. Si les différents artworks laissaient croire à un univers haut en couleur et au moins aussi intéressant que la licence dont il s'inspire, il n'en est finalement rien et Mighty No. 9 ressemble presque à une mauvaise copie. Au-delà de niveaux peu inspirés, les personnages amis et ennemis frisent souvent le ridicule ; seul le character design du héros s'en sort honorablement.

Cependant, c'est finalement cohérent : les quelques cinématiques qui racontent le semblant de scénario du jeu tendent à faire rire, grâce notamment à des voix françaises dont on sent à chaque mot toute la détresse des doubleurs. Heureusement, il est possible de passer les voix en japonais, histoire de fermer les yeux sur des dialogues au ras des pâquerettes. De plus, en raison d'un level design très peu inspiré, il est pratiquement impossible de se prendre au jeu du scoring. Malgré les qualités évidentes du gameplay et le plaisir que l'on a à évoluer dans la peau de Beck, il faut avouer que les niveaux sont d'une pauvreté rare. Tout à fait classiques et peu inspirés, les différents environnements n'ont aucun cachet ; les fois où ils offrent plusieurs embranchements se comptent sur les doigts d'une main et malgré leur très petite taille, on a le sentiment de revoir la même chose tous les dix mètres. Quant à la musique qui les accompagne, que ce soit celle de base ou sa version 8 bits (à choisir dans les options), elle passe presque inaperçu.

 

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Et ce ne sont pas les modes de jeu qui relancent l'intérêt du titre. La fin du scénario s'atteint en moins de deux heures en prenant son temps. Bien que ce ne soit pas l'intérêt principal du jeu, cette faible durée est très dommage. Ce genre de chose devait être compensé par le scoring, mais, pour les raisons évoquées plus haut, seuls les plus passionnés auront le courage de traverser plus d'une fois ou deux les différents niveaux. Ce mode histoire propose tout un panel de boss tous plus transparents les uns que les autres qui, mis à part à une ou deux occasions, offrent des combats inintéressants.

Du côté des autres modes de jeu, on trouve un mode challenge qui consiste en de nombreuses missions assez courtes où le héros doit atteindre un objectif tout en étant handicapé par divers contraintes : survivre pendant un certain temps, aller d'un bout à l'autre sans utiliser de dash, utiliser une seule arme, ne disposer que d'un point de vie, etc. Bien qu'il allonge considérablement la durée de vie, ce mode de jeu n'intéressera que les amateurs de comparaison de score et de temps sur les classements mondiaux. Quant au reste, on a droit à un New Game+ qui apporte deux niveaux de difficulté supplémentaires, un mode Boss Rush sans grand intérêt à cause de la pauvreté des combats de boss et un mode en ligne. Dans ce dernier, il est possible d'effectuer des « courses-duels » qui consistent à éliminer plus de cibles que notre adversaire dans le temps imparti ou bien on peut également jouer un certain nombre de missions en coopération. Entre combats contre les boss (encore une fois) et challenges, ce mode est un ajout plutôt sympathique.

La douche froide

Keiji Inafune était un character designer sur la célèbre licence et il le prouve finalement : s'il est capable de proposer un personnage sympathique (bien que très inspiré par Megaman), il peine à convaincre dans tout le reste malgré d'excellentes idées de gameplay. Mighty No. 9 est un échec et je ne suis pas certain que la licence perdure comme son aîné. Le jeu est donc extrêmement loin de la réussite qu'espéraient les nombreuses personnes ayant participé au financement. À des années lumières de la qualité de level design qui a fait la renommée des Megaman, sans le moindre génie et jamais marquant, le successeur spirituel de la licence de Capcom ne parvient pas à convaincre. Les nostalgiques d'un genre qui se fait trop rare devront encore attendre avant de voir la relève arriver.

Test réalisé par Hachim0n à partir d'une version fournie par le distributeur.

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