Tuturu - Test de Steins;Gate 0

Disponible le 25 novembre à l'achat sur PlayStation 4 et Vita, la suite d'un des meilleurs romans visuels ayant eu droit à une version européenne s'annonçait comme un pari risqué. Pari réussi ou coup d'épée dans l'eau ?

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De plus en plus de visual novels (ou romans visuels en bon français) japonais bénéficient d'une adaptation anglaise pour être commercialisés en Europe. Ce genre si particulier, qui consiste à faire du joueur le personnage principal et le seul décisionnaire d'une histoire illustrée par des plans fixes ou de courtes séquences d'animation, a toujours été très populaire au Japon et se taille sa place en Occident à grand renfort d'expériences intéressantes, dont Stein's;Gate, premier du nom, est sans doute l'un des meilleurs exemples.

Le principal intérêt de ces jeux est qu'étant exclusivement concentrés sur le narratif, ils laissent la possibilité aux auteurs d'explorer librement des thématiques ou d'employer des mécanismes très rarement utilisés ailleurs. Après tout, dans quel autre format qu'un visual novel aurait-on pu penser proposer une simulation de drague de pigeon ?

De plus en plus de jeux de ce type signifie qu'il faut de plus en plus de temps au joueur pour essayer les différents titres, et surtout, malheureusement, qu'il y a plus de chances de tomber sur un mauvais titre qu'auparavant, quand seuls les jeux les plus rentables étaient traduits. Dans quelle catégorie rentrera cet épisode 0 ? Plutôt planche à billet ou réelle réussite ? Nous allons essayer de vous donner quelques éléments de réponse.

I heard you like fail

Il était difficile d'être réellement enthousiaste à l'idée de lancer ce Stein's;Gate 0. En effet, c'est la suite d'un des meilleurs visual novels à avoir été publié en Occident et le premier opus de la licence était clairement une des œuvres les plus abouties qu'il nous ait été donné de prendre en main.

Avant d'aller plus loin, il est important d'indiquer que ce test fera de très nombreuses références à l'histoire de Stein's;Gate et risque donc de dévoiler des pans très importants de l'intrigue du premier volet. Considérez-vous avertis et si vous souhaitez vous éviter tout spoil, nous vous invitons à directement consulter la conclusion. S'il est possible de jouer au jeu sans avoir touché au premier volet, nous ne pouvons que vous recommander de jouer à l'original, disponible sur la quasi-totalité des consoles d'ancienne génération, non seulement car c'est un très bon titre, mais car il vous facilitera l'accès à sa suite.

C'est d'ailleurs un des principaux reproches qu'on peut faire d'entrée à ce jeu : un novice sera rapidement noyé dans un flot d'informations liées au premier (qui n'est déjà pas facile d'accès de ce côté), un vétéran sera peut-être déçu du parti-pris de la fin choisie officiellement comme étant canon.

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En effet, les auteurs ont fait le choix de baser cet épisode 0 sur une seule des diverses fins possibles de Stein's;Gate. Vous retrouvez le personnage principal, Rintaro Okabe, quelques mois après les faits de Stein's Gate, sur un des plans de réalité dans lequel il a tué son assistante adorée, Kurisu, de manière involontaire. Détruit par ce coup du sort, il a abandonné son rôle de scientifique fou et tué la personnalité de Hououin Kyouma, détruit le PhoneWave, sa machine à remonter le temps, et repris ses études. En somme, il ne reste plus rien de la superbe du personnage principal du premier jeu, qui a complètement disparu pour laisser la place à un être humain détruit et complètement misérable, résolu à attendre sa mort dans 14 ans et résigné à ne pouvoir éviter la troisième guerre mondiale qu'il sait maintenant inévitable.

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Il va cependant faire la connaissance d'une personne qui va l'aider à remonter la pente : Mako Hiyajo, une scientifique qui travaillait avec Kurisu et qui va l'inciter à reprendre ses activité. En effet, les deux comparses travaillaient à la création d'une forme d'intelligence artificielle capable de s'imprégner de la conscience d'une personne et le sujet-test de cette expérience n'était autre que... Kurisu elle-même, dont la conscience vit donc encore dans son invention, baptisée Amadeus, qui peut communiquer avec l'extérieur principalement grâce à l'utilisation d'une application pour smartphone.

Le jeu vous plonge directement dans le vif du sujet : les voyages dans le temps reviennent rapidement sur le devant de la scène et multiplient les plans de déroulement de l'histoire. Flashbacks, flashforwards, vous vivez et revivez des événements futurs, présents, passés et une nouvelle menace se dresse sur votre chemin... Est-ce le SERN, votre némésis du premier opus ? Ou bien une toute nouvelle organisation ? Nous n'en dirons pas plus, puisque c'est là encore le cœur de l'histoire.

Je suis un savant fou !

La plupart des personnages encore en vie à la fin de Stein's;Gate reprennent du service, et les relations entre les uns et les autres sont rapidement expliquées, ce qui permet de se faire rapidement une idée de qui est qui et qui laisse aux novices la possibilité de mieux s'imprégner de l'histoire. Il faut le garder en tête, et le jeu le martèlera pour vous, nous sommes dans une version divergente de la réalité de départ du premier jeu, et certains personnages de cette réalité ont une évolution différente par rapport à ce que vous aurez pu expérimenter dans Stein's;Gate si vous avez eu une autre fin que celle menant à la mort de Kurisu.

Quelques personnages viennent se greffer au casting originel, mais seulement une poignée d'entre eux sont réellement pertinents, comme la collaboratrice de Kirisu, Mako Hiyajo. Certains ne sont là que pour le décorum, ou pire encore, n'ont pour seule et unique raison d'exister que d'être des personnages clés utilisés à un seul et unique moment pour faire avancer l'histoire : ils sont 99% du temps insignifiants ou inutiles, mais auront à un moment un éclair de génie ou un choix à faire qui justifiera, selon les auteurs, leur existence. C'est un peu une solution de facilité, mais ça marche, dans l'ensemble, car c'est plutôt bien intégré à l'histoire et que les auteurs ne cherchent pas à vous faire croire que ces personnages sont importants et ne vous laissent pas vous attacher à eux.

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Le seul réel reproche qu'on puisse faire au jeu est que Rintaro est juste génial et brillamment traité, tellement bien traité qu'il donne l'impression de porter l'histoire sur ses seules épaules et qu'il éclipse totalement le reste des personnages, même ceux de la première partie de l'histoire. La complexité de son histoire et de ses émotions est telle qu'elle prend énormément de place, laissant moins d'occasions aux autres personnages de se mettre en avant dans l'histoire principale, donnant l'impression qu'ils sont un tout petit peu plus insipides qu'auparavant.

Si vous voulez en apprendre plus sur leur sujet, il vous faudra utiliser votre nouveau smartphone et communiquer avec eux, comme dans le premier, via SMS. C'est là que vous aurez la possibilité d'explorer plus profondément la personnalité et les pensées des comparses de Rintaro, et c'est là que les personnages gagnent en crédibilité et deviennent beaucoup plus attachants.

Petits cailloux et miettes de pains interdits

Comme de coutume dans les visual novels, le déroulement de l'histoire dépend de vos choix, généralement un choix binaire important qui survient très tôt et qui vous fera partir sur une branche, qui pourra elle-même se subdiviser en plusieurs fins possibles. Stein's;Gate 0 vous propose un choix dès la fin du premier chapitre et un total de six fins différentes possibles, en fonction des différents choix que vous aurez pu faire à des moments clés de l'histoire. Attention cependant : ces moments-clés ne seront pas forcément évidents, puisqu'il peut s'agir parfois de simplement répondre à un coup de fil que vous pouvez rater si vous êtes trop lents pour décrocher ou choisir une réponse plutôt qu'une autre à un des SMS que vous recevez, et comment dire... Certains sont tellement chargés en informations scientifiques sur les voyages dans le temps qu'il est difficile de savoir vraiment quoi répondre si le concept n'est pas très clair dans notre tête.

Cela reste d'ailleurs une des forces incroyables des auteurs de Stein's;Gate. Ils ont réussi à créer un univers scientifique dense et riche qui croule sous une multitude d'informations, plus ou moins vraies, plus ou moins plausibles, parfois complètement absurdes, mais toujours cohérentes du point de vue de l'histoire. Science, voyage dans le temps, physique quantique, intelligence artificielle, tout y passe et on se laisse prendre au jeu de croire que cela peut effectivement exister... Qui sait?

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Ne prenez pas peur, ça relève le plus souvent de la vulgarisation scientifique ou de la science-fiction de comptoir, et il y a bien d'autres moments où la romance et les professions d'amitié reprendront le dessus. Les interactions entre les personnages sont d'ailleurs parfois un peu trop clichés, et les clichés un peu trop nippons : votre seul pote qui vous répond tout de go et sans ciller qu'il était "en train de se taper une queue devant un jeu érotique", en anglais dans le texte, quand vous l'appelez, ça laisse un peu pantois, même si on connaît l'affection de Daru pour les femmes 2D plutôt que 3D.

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Malgré ces pointes d'humour, le jeu est résolument plus sombre que Stein's;Gate. La "mort" de Hououin Kyouma, l'un des principaux éléments comiques du jeu, n'y est sans doute pas étrangère, car elle laisse entre les mains du joueur un Rintaro complètement détruit, qui n'est plus que l'ombre de lui-même et dont la loufoquerie n'égaillera pas le jeu dans l'immédiat. Stein's;Gate 0 est un véritable ascenseur émotionnel, qui fera changer du tout au tout vos émotions en quelques écrans : c'est Jean qui pleure et Jean qui rit tout au long de l'histoire, et même si il est admirable que les auteurs arrivent à nous faire passer par toutes ces émotions, on regrettera peut-être juste que les transitions entre l'une et l'autre ne soient pas plus soignées et un peu moins abruptes. On rit de manière bien trop sporadique, et le changement de tonalité fait tâche dans l'atmosphère globale, alors même que l'on pouvait s'attendre à un mélange aussi subtil que dans le premier.

Une patte graphique à nulle autre pareille

Poster

Et tant qu'on en est à parler de l'atmosphère, il faut dire que l'une des principales forces du premier opus était sa direction artistique, et Ryohei Fuke, plus connu sous son pseudonyme de huke (le monsieur derrière le charadesign de Black★Rock Shooter, entre autres), s'est vraiment surpassé sur les personnages de ce nouvel épisode. Les plans, réalisés dans un style se rapprochant de l'aquarelle, sont tous plus beaux les uns que les autres et permettent une mise en avant de personnages sur lesquels on peut voir des évolutions notables, notamment Rintaro, qui porte les stigmates physiques de ses troubles psychologiques, avec des yeux hagards, de grosses cernes et son dos légèrement voûté. Les paysages et les décors sont extrêmement variés, et c'est un plaisir véritable que de découvrir un nouvel environnement, ne serait-ce que pour voir le talent de l'artiste derrière.

Crache ton John Connor, Myrhdin

Que dire de ce Stein's;Gate 0 ? C'est une bonne suite, une suite dont on peut dire qu'elle est très clairement incontournable pour les joueurs du premier volet. Si vous avez aimé Stein's;Gate, il n'y a absolument aucune raison pour que vous n'aimiez pas cette suite, à moins que vous ne soyez trop attachés à certains personnages du premier épisode absents dans cette suite (et encore). Une narration dynamique, une histoire claire même pour les novices et un joli mélange savamment dosé de science et de romance, font clairement de ce jeu un excellent visual novel et sans aucun doute une des suites les plus réussies d'un point de vue scénaristique, malgré un pari risqué sur l'histoire de base.

Le jeu n'est pas exempt de défauts, notamment dans la finition de la version européenne qui regorge de nombreux soucis de localisation (on a rencontré de nombreux caractères japonais dans des phrases anglaises, ou des phrases anglaises trop longues pour leur bulle de dialogue, certains internautes rapportent que leurs dialogues de fin n'étaient absolument pas traduits). L'impression de tension qui fait toute la force du premier jeu est moins grande, même si toujours présente, car au lieu d'un crescendo incroyable, on passe plutôt à un yo-yo qui vous emmène dans les extrêmes, des phases de suspens haletant alternant avec des dialogues mièvres et barbants au possible.

Le visual novel n'est pas forcément un genre très accessible, il faut accepter l'idée de jouer en lisant plutôt qu'en prouvant son skill, mais la série des Stein's;Gate est sans aucun doute une des meilleures introductions possibles à ce type de jeux si particulier, ce 0 en est la preuve, s'il en fallait une.

El Psy Kongroo.

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Plateformes PlayStation 4, PlayStation Vita
Genres Visual novel, contemporain, fantasy

Sortie 2016 (Europe) (PlayStation 4)
2016 (Europe) (PlayStation Vita)

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