Test d'A Way Out - Pas le choix, faut y aller

Annoncé en grande pompe à l'E3, porté par le talentueux Josef Fares, papa du jeu Brothers: A Tale of Two Sons, A Way Out voulait vous offrir une expérience coopérative à nulle autre pareille. Pari réussi ?

Petit préambule qui s’impose si vous découvrez ce jeu annoncé à l’E3 2017 : A Way Out est un jeu uniquement jouable en coopération. Vous ne pouvez pas y jouer seul ; il n’y a pas d’IA à votre disposition pour vous seconder ou vous guider à la manière d’un jeu LEGO. Alors oui, cela ne plaira pas forcément à tout le monde, mais pour nous, grands amateurs de coop’, c’était un argument assez bandant pour nous faire mettre de côté une clé dès juin 2017. Vu que le jeu repose entièrement sur le principe de coopération, dans une ère où on ne te laisse même plus vraiment prêter ton jeu et ton contenu, A Way Out fait d’ailleurs bien les choses en vous offrant la possibilité de non seulement jouer en coopération sur votre canapé, mais aussi de jouer en ligne avec un ami de votre choix qui pourra accéder au jeu entièrement gratuitement, grâce à un système de pass ami. Pas mal, non ?

Bon, allez, maintenant qu’on est tous au courant, venez nous aider à limer les barreaux.

La solitude est une prison

Dans A Way Out, vous incarnez Léo et Vincent, deux personnages qui ne se connaissent a priori ni d’Ève ni d’Adam et qui se rencontrent en taule quand Vincent y débarque pour purger une lourde peine pour un crime qu’il n’aurait pas commis. Les circonstances font que les deux taulards deviennent rapidement (peut-être un peu trop) complices pour mener à bien le premier vrai objectif du jeu : finir Prison Break Simulator et devenir de vrais petits Wentworth Miller. Le jeu, relativement court, puisqu’il faut entre sept et huit heures pour le finir, se découpe en trois phases bien distinctes : vous organisez et menez à bien votre évasion, puis vous tentez tant bien que mal d’échapper à la flicaille lancée à vos trousses (parce que bon, deux détenus qui s’évadent, cela ne passe pas vraiment inaperçu) et vous finirez par partir dans une quête commune que le scénariste du jeu lui-même nous a imploré de taire pour éviter de vous gâcher la surprise si vous vous laissiez tenter à votre tour.

En terme de gameplay, le jeu touche un peu à tout et oscille entre des phases de QTE simplissimes et des séquences bourrées d’action avec des plans pour le moins renversants qui ne sont pas sans rappeler des productions comme Uncharted (le saut au dessus du vide lors de votre évasion vous rappellera notamment le dernier opus de la saga). On ne s’est jamais ennuyé pendant la durée du jeu, les séquences alternent relativement rapidement et se renouvellent bien, ce qui évite d’avoir trop souvent l’impression de faire la même chose. Tout n’est pas parfait, cependant, notamment dans les séquences plus orientées action : on sent bien que le studio est plus spécialisé dans les jeux à scénario, car que ce soient les séquences de tir ou de course-poursuite en voiture, le tout manque un peu de pêche ou même de réel danger. Les voitures n’ont absolument aucun répondant et on a à peine l’impression que nos personnages manipulent autre chose que des pistolets à bouchon…

La grande évasion

Sur le plan de la narration, A Way Out nous laisse un peu dubitatif. Dans les faits, on doit s’avouer qu’on s’est peut-être monté le bourrichon tout seul dans notre coin. Quand on nous a dit qu’on allait devoir collaborer à deux pour sortir de taule, on s’attendait à devoir soudoyer des gardes, à créer une révolte avec la complicité d’un gang qui nous devaient un faveur, à déterminer la meilleure voie pour se faire la malle. Au final, on tombe dans le travers principal de l’histoire du jeu, qui est d’être extrêmement linéaire, puisqu’on n’a pas vraiment d'influence sur les événements qui s'enchaînent toujours de la même manière, peu importe nos choix.

Ne lisez pas ce reproche comme “On sait tout de suite ce qu’il se passe”, bien au contraire, mais on aurait aimé avoir un peu plus de liberté dans la conception de notre histoire. En l’état actuel des choses, vous avez régulièrement un choix sur la méthode à employer pour progresser, mais la finalité n’en change jamais ; il n’y aura pas de réel changement dans l’histoire globale. Si vous ratez un événement, le jeu part en Game Over et vous reprenez juste un peu plus tôt : pas de conséquence directe ou indirecte, là où on aurait pu envisager que, par exemple, vous faire surprendre en possession d’un outil aurait pu vous emmener en cellule d'isolation et laisser votre partenaire essayer de récupérer un objet équivalent à celui confisqué.

Mi-temps au mitard

Si on est honnête, on doit avouer que le jeu est un peu court pour être à la hauteur de ses ambitions et fini trop à la hâte pour être à la hauteur des attentes des joueurs. Les dialogues sont mornes et plats, les clichés pleuvent plus drus que la pluie en juillet au cap Fréhel et le grand méchant de l’histoire est aussi charismatique que les vendeurs de hash de Porte de la Chapelle. Le meilleur exemple de ce manque d’attention à la finition est sans doute la prison dans laquelle vous évoluez au début du jeu : on a tous vu des séries sur l’univers carcéral américain, que ce soit Prison Break, Oz ou même Orange is the New BlackVous ne retrouverez absolument rien de la dangerosité de ces prisons, de la tension dans les interactions, des rivalités entre gangs dans ce A Way Out. Vous pourrez importuner un mec violent dans son phrasé dix ou quinze fois, jamais il ne vous plantera le marteau qu’il a dans les mains entre les deux yeux. Alors soit, l’histoire se déroule à la fin des années 70 ou au début des années 80 et le contexte était peut-être différent du tout au tout… Néanmoins, on a du mal à y croire malgré tout.

C’est triste, car l’histoire en elle-même et notamment son dénouement auraient mérité un meilleur traitement et auraient pu donner un grand jeu. On a juste trop souvent, tout au long du jeu, l’impression de jouer avec le squelette de ce qui aurait pu être une bombe vidéoludique. Le tout aurait mérité un peu plus de corps : on n’apprend rien ou presque des personnages, en dehors de leur fiche de présentation au tout début, avant trois ou quatre heures de jeu, quand on rencontre leurs familles. Il est vraiment difficile de croire que l’on confie des plans d’évasion à un total inconnu… Il nous manque la bonne viande bien juteuse autour de ces os que constituent les mécaniques coopératives.

C’est peut-être là un avis très personnel, mais on s’est vraiment amusé avec ces dernières et on s’est surtout amusé à essayer de trouver toutes les interactions possibles pour choisir celle que l’on voudrait utiliser au final, en espérant voir des changements dans l’histoire. On se trompait sur ce dernier point, comme on l’a déjà dit, mais les bases sont plutôt bonnes et souvent créatives. Jouer avec son partenaire implique de communiquer régulièrement, de se synchroniser et de partager des informations, ce qui aurait été extrêmement jouissif si l’enrobage avait été plus intéressant. On attendait mieux d’un Josef Fares qui avait ému aux larmes la planète vidéoludique avec son jeu Brothers: A Tale of Two Sons en 2013 : les larmes seront peut-être présentes pour ce jeu, mais pas pour les mêmes raisons.

Crache ta savonnette, Myrhdin

Difficile de rendre un verdict sur ce A Way Out qui ne nous fende pas le coeur. Tout n’est pas à jeter, loin de là, et on espère sincèrement que l’idée fondamentale d’avoir un jeu extrêmement axé sur la narration et la coopération survive à ce premier essai qui ne soit pas le fruit du travail des studios Quantic Dream (qu'on les aime ou non, ils sont toujours précurseurs dans le domaine). Les échanges qu’il a suscité avec nos différents partenaires ont vraiment été l’occasion de partager des moments drôles et incongrus qui révélaient parfois la noirceur de l’esprit de certains (dédicace à “The Shiv” qui voulait littéralement planter une lame entre les côtes du moindre prisonnier qu'il croisait).

Le souci, c’est que l’histoire qui enrobe la mécanique manque de consistance, sombre rapidement dans les raccourcis et les clichés et surtout donne l’impression d’être menée à la va-vite. On l’a dit, le jeu est relativement court, mais il faut garder en tête qu’il ne coûte pas extrêmement cher non plus, puisqu’il est vendu pour une trentaine d’euros et qu’il vous permet d’inviter un ami à jouer gratuitement avec vous en ligne ou sur votre canapé. Le souci, c’est qu’on a l’impression que sa brièveté est liée à une cruelle absence de moyen : au lieu d’avoir un petit bijou indépendant poli au fil du temps, on a entre les mains un produit qu’on sent soumis à un cahier des charges et à un calendrier de production qui ont tous les deux desservis la bonne volonté évidente de l’équipe de développement.

On s’attendait vraiment à mieux, ce qui explique notre ton mi-figue mi-raisin au moment d’écrire cette conclusion, mais cela nous permet aussi de relativiser la dureté du jugement. Il y avait mieux à faire, il est encore possible de changer la donne. Peut-être qu’ailleurs, dans un autre studio, avec moins de contraintes et plus de temps, un apprenti sorcier se donnera des airs de Frankenstein et jouera avec le robuste squelette laissé par A Way Out et en fera une créature merveilleuse qui sera complètement fonctionnelle.

En l’état, c’est une expérience qui reste intéressante et agréable si on sait mitiger ses attentes.

Ce test a été réalisé de manière indépendante sur une version Xbox One mise à disposition gratuitement par l'éditeur du jeu et n'est aucunement associé à une quelconque opération promotionnelle sur JeuxOnLine.

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