Test de Judgment - Les petits meurtres de Kamurocho - MÀJ du 07.05.2021 : test de la version PS5

Développé par le Ryû ga Gotoku Studio, Judgment est un spin-off qui prend place dans l'univers de la saga des Yakuza. Avec un changement de héros et un ton résolument plus sombre, puisant son inspiration dans le film noir, on reste toutefois en terrain connu avec un jeu d'aventure mêlant histoire à rebondissements et activités secondaires souvent loufoques. Il s'agit aussi du premier jeu de la série, depuis Yakuza 1, qui bénéficie de sous-titres en français.

Mise à jour du 07.05.2021 : Test du portage de Judgment PlayStation 5 par Hachim0n

En voilà un portage que l’on n’attendait pas vraiment. Ni même espéré en réalité, puisque Judgment est sorti fin 2018 au Japon (et à l’été 2019 en occident) avec toutes les qualités visuelles que la série des Yakuza, dont il est un spin-off, nous a habitué à voir depuis l’introduction de son Dragon Engine sur son sixième épisode. Mais voilà, un remaster vite fait bien fait est une bonne occasion de relancer la machine, qui plus est pour une licence qui pourrait faire son retour sur le devant de la scène avec une possible annonce suggérée pour aujourd'hui sur un site dédié : https://ryu-ga-gotoku.com/20210507/fr/

Mais puisqu’on l’a dans les mains, il serait dommage de ne pas jeter un œil à ce remaster. En réalité, les choses se limitent à quelques petites améliorations qui relèvent du confort, entre un passage aux 60 images par seconde sur PlayStation 5, Xbox Series X et Stadia contre moitié moins sur sa version PlayStation 4. À cela, on ajoute des temps de chargements drastiquement réduits, pour un jeu qui n’en comptait déjà pas énormément. Le jeu a également peaufiné son aspect visuel, avec des textures légèrement retravaillées sur ses personnages et des couleurs que certains jugeront un peu plus ternes, mais qui nous semblent plus intéressantes tant elles semblent moins artificielles. Cela accentue le côté drama télévisuel dont la narration du jeu s’inspire très largement. Enfin, le remaster inclut tous les DLC du jeu original, c’est-à-dire quatre packs qui apportent leur lot de contenu bonus pour différents mini-jeux (notamment les courses de drone et les rencontres avec des petites-amies potentielles).

Malheureusement, il faut se contenter de ces maigres nouveautés. Comme beaucoup de « remasters » et « portages » sortis ces derniers mois sur les consoles de nouvelle génération, il ne faut pas chercher plus loin qu’une expérience globalement plus confortable grâce à un framerate doublé. Cela rend cette nouvelle version infiniment plus agréable à parcourir que la version PlayStation 4, mais rien d’indispensable pour les gens qui y ont déjà goûté à l’époque. À moins, toutefois, que vous ayez la volonté de vous replonger dans cette longue histoire d’avocat déchu, auquel cas on aurait bien du mal à vous en vouloir compte tenu de sa qualité. Pour les autres, si vous n’avez jamais essayé c’est le meilleur moment de vous y mettre.

Un bémol toutefois : les possesseurs de l’original sur PlayStation 4 ne peuvent pas profiter d’une quelconque mise à niveau gratuite puisque, au contraire de beaucoup d’éditeurs, Sega vous laissera repasser à la caisse si l’envie vous prend de vous replonger dans l’histoire de ce diable de Takayuki Yagami.

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Avocat réputé après être parvenu à faire innocenter un criminel, Takayuki Yagami a connu une lente descente aux enfers quand son client à peine sorti du procès a commis un nouveau crime. Dégoûté par le métier, Yagami devient détective privé et enchaîne les petites affaires à base d'histoires d'adultères à élucider. Jusqu'au jour où le quartier de Kamurocho est victime d'une série de meurtres lors desquels des yakuzas sont découverts les yeux crevés. Contacté par le principal suspect, Kyohei Hamura, un membre du clan Tojo, il est chargé de trouver des preuves prouvant son innocence.

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Détective Yagami

Après une longue attente et un scandale impliquant l'un des acteurs qui donnait ses traits et sa voix à l'un des personnages principaux du jeu, Judgment arrive enfin dans nos contrées. Une sortie attendue des fans de la saga Yakuza, mais aussi un point d'entrée intéressant pour celles et ceux qui étaient rebutés par l'absence de version française. En effet, cette traduction tant attendue et qui arrive avec Judgment est un vrai plus pour le jeu, d'autant plus qu'il propose également des voix anglaises en plus des voix japonaises. Néanmoins, ce qu'on attendait, c'était surtout de pouvoir découvrir un nouveau héros : Takayuki Yagami. Avocat déchu, détective privé quelconque, on découvre une personnalité très différente de ce à quoi la série nous a habitué. Vêtu d'un perfecto d'une autre époque et avec une cigarette jamais bien loin, on redécouvre en sa compagnie le quartier de Kamurocho qui, toujours inspiré par le véritable Kabukicho à Shinjuku, s'affiche sous son meilleur jour alors que l'histoire nous amène à porter un regard différent.

Parce que ce spin-off de Yakuza entend bien marquer ses différences, et bien qu'on soit en terrain connu, le jeu affiche dès le début ses spécificités. Très rafraîchissant, le jeu puise ses inspirations ici et là, majoritairement du côté des Yakuza, mais aussi des Phoenix Wright. Dans la peau du détective, on doit chercher les preuves, analyser chaque recoin des scènes de crime, organiser des filatures et photographier des suspects avec notre portable ou un drone ou s'infiltrer dans des bâtiments au moyen d'un déguisement bien senti avant de crocheter quelques serrures. Les interrogatoires nous laissent jouer avec les preuves récoltées pour faire craquer un suspect ou un témoin, tandis qu'on pose des questions ici et là pour alimenter le dossier en témoignages et avancer l'affaire. Néanmoins, on remarque rapidement les limites du jeu : tout est cousu de fil blanc et on ne dispose finalement que de très peu de liberté. Le jeu est extrêmement dirigiste et les enquêtes relèvent plus de l'emballage que de la réflexion, le fond du jeu reste assez similaires aux quêtes des Yakuza et on se contente le plus souvent de suivre l'objectif sans avoir à se soucier de récolter des preuves. C'est évidemment dommage, car l'influence de Phoenix Wright - à qui il ne manque pas de rendre hommage avec un scène très drôle - avec ses analyses des scènes de crime offre au spin-off un goût très particulier. Malgré tout, Judgment offre un ton assez différent de ses prédécesseurs en s'orientant vers le film noir,  dans un polar qui met aux prises les yakuzas dans une affaire de meurtres terriblement violents, un ton plus sérieux et moins grandiloquent que les grands affrontements torse nu entre des mafieux hauts en couleur. D'autant plus que Yagami est le cliché du détective un peu blasé, mais qui a bon coeur, à qui tout le monde fait appel quand l'affaire est désespérée. Un cliché qui fonctionne étonnamment bien, même pour un fan de la saga qui était triste de voir partir son héros fétiche.

Ne nous y trompons pas pour autant, Judgment nous rappelle vite aux bonnes habitudes de la saga : le cœur du jeu reste proche des Yakuza, comme l'indiquent les nombreux combats contre des malfrats qui nous agressent en ville ou les combats de boss. Yagami est d'ailleurs plutôt plaisant à jouer avec deux styles de combats différents de ce que la série a proposé jusqu'à maintenant, même si le gameplay reste identique avec l'utilisation d'objets, de coups spéciaux en tout genre et de barre d'"EX" à charger pour déchaîner des coups plus violents. La progression se fait grâce à de l'expérience glanée en combats et en récompense de missions, une expérience que l'on distribue dans des améliorations allant de nouveaux coups spéciaux à une puissance accrue. Judgment vient aussi avec son lot de rebondissements incroyables, une mise en scène inspirée du cinéma d'action japonais, des mafieux à la personnalité très marquée et un mystère permanent sur les motivations des uns et des autres. La réussite du Ryû ga Gotoku Studio est d'ailleurs d'être parvenu à concilier ces éléments qui font la popularité des Yakuza et un ton plus sérieux inhérent au genre du film noir. Le jeu n'est toutefois pas irréprochable : l'histoire souffre d'un rythme compliqué et de quelques rebondissements un peu trop faciles. En plus d'être très dirigiste, le jeu peine à surprendre avec une histoire attendue. Cependant, la recette fonctionne toujours pour les amateurs du genre, avec un héros plutôt attachant et un mystère autour des meurtres que l'on a envie d'élucider.

Le crime de Kamurocho

Ce ton plus sérieux passe par une redécouverte de Kamurocho. Si le quartier garde sa folie, ses commerces bien connus des fans de la série et quelques-unes de ses activités, on redécouvre vraiment le quartier. S'il n'a pas beaucoup bougé et reste assez similaire au Kamurocho de Yakuza 6, se mettre dans la peau d'un détective qui enquête sur des crimes violents et les petites affaires du coin permet de porter un nouveau regard. Pourtant, la perte de quelques activités pourrait sembler rédhibitoire ; on pense notamment au karaoké ou aux bars à hôtesses, et tout le monde n'accrochera pas à cette nouvelle ambiance. 

Du côté des quêtes secondaires, elles prennent cette fois-ci deux formes : les "affaires secondaires" que l'on récupère auprès à l'agence de détective de Yagami ou auprès d'intermédiaires, et les quêtes d'amis. Les affaires secondaires portent sur des choses très différentes, allant de la recherche d'un pervers harceleur à un éditeur qui nous demande notre aide pour réussir une énigme (plutôt bien foutue, d'ailleurs) qui lui fera gagner les droits d'édition du dernier polar d'un auteur à succès, en passant par la classique affaire d'adultère. Des histoires diverses, donc, parfois sérieuses, parfois plus loufoques, à l'image des quêtes d'amis qui se déclenchent principalement auprès des commerces dont les vendeurs demandent parfois notre aide pour améliorer leur commerce ou se débarrasser d'individus malveillants, ou parfois on aide un passant, telle qu'une hôtesse en manque de clients ou un ninja américain qui joue aux fléchettes. L'occasion d'améliorer notre réputation en ville et d'ainsi débloquer plus d'infos sur des affaires qui rapportent beaucoup de sous à l'agence de Yagami. Un contenu conséquent qui alimente une durée de vie déjà généreuse, puisqu'il faut prévoir au moins quarante heures pour en voir le dénouement, dans un mélange de quête principale et de missions secondaires.

Enfin, on retrouve toujours les activités secondaires telles que la salle d'arcade avec quelques nouveaux jeux comme Virtua Fighter 5, Puyo Puyo ou un certain "Kamuro of the Dead", jeu de tir à la sauce House of the Dead. On peut également aller jouer aux fléchettes, au baseball en cage, retrouver des chats perdus en ville ou, une des nouveautés : faire des courses de drone. Pas vraiment passionnantes, elles nous amènent toutefois à customiser et à améliorer le drone qui nous sert parfois dans la quête principale pour espionner des suspects. 

Yagami ne craint personne

Le point noir du jeu reste encore et toujours son moteur : si le Dragon Engine apparu avec Yakuza 6 est toujours aussi joli, malgré quelques textures qui s'affichent en retard, un clipping et un aliasing toujours présent, ses performances sur PlayStation 4 sont déplorables. Le jeu brille de mille feux avec la foule, les effets lors des combats et les illuminations des panneaux qui décorent les rues du quartier chaud de Tokyo, mais son framerate peine à maintenir le cap des 30 images par seconde et souffre de très nombreux ralentissements.

Enfin, un mot sur la version française. Après Yakuza 1 à la traduction déplorable, la série n'avait jamais retenté l'expérience, tous ses successeurs qui se contentant d'une version anglaise. Toutefois, fort de son succès récent en Europe, le spin-off Judgment bénéficie non seulement de voix anglaises pour ceux que ça intéresse, mais aussi d'une traduction textuelle dans les principales langues européennes. Le jeu offre le choix de la bande son (japonaise ou anglaise) et de la langue des sous-titres au premier lancement. Que dire donc de cette version française ? Elle est assez difficile à évaluer. Satisfaisante la plupart du temps, il lui arrive toutefois de dévoiler des choix surprenants dans certains dialogues. Avec des tournures de phrases étonnantes qui semblent avoir été traduites littéralement et des choix de quelques termes qui tendent à faire rire tant ils sont datés ("loubards" ou "canailles" pour désigner des délinquants dans la rue ou des mafieux), la version française est loin d'être un exemple et si elle reste parfaitement praticable, elle est assez loin de la qualité de la traduction anglaise qui fait un travail formidable sur la saga depuis des années. On note d'ailleurs parfois des confusions sur le sens des termes juridiques, à l'image de cette fois où un personnage censé connaître le droit nous explique sérieusement qu'un individu ne peut être mis en examen que si sa culpabilité ne fait aucun doute. Un exemple qui passe inaperçu chez bon nombre de joueurs, mais qui fera rire les juristes. Ce manque de précision trahit finalement une traduction qui, si on ne doute pas de son sérieux, aurait mérité plus de rigueur.

Conclusion

Spin-off assez inattendu lors de son annonce, Judgment est séduisant : la redécouverte de Kamurocho sous un jour nouveau et dans un ton différent, un nouveau personnage plutôt intéressant et une ambiance tournée vers le film noir se révèlent efficaces et permettent à l'univers des Yakuza de s'étendre un peu plus. Plus sérieux que la saga principale, il ne manque toutefois pas de nous rappeler de bonnes habitudes avec des références ici et là et des combats qui ne surprendront aucun joueur des précédents épisodes. Bon point d'entrée à la saga Yakuza pour celles et ceux qui n'ont pas joué aux précédents épisodes (qui ne sont absolument pas utiles pour comprendre l'histoire de Judgment) ou qui étaient rebutés par l'absence de version française, c'est aussi un bol d'air frais pour les fans qui auraient envie de jouer les détectives dans un univers et un quartier qu'ils connaissent sur le bout des doigts.

Test réalisé par Hachim0n sur Playstation 4 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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