Test d'Erica - De belles intentions mal réalisées

Le 30 octobre 2017, Sony dévoilait Erica, un jeu narratif en FMV, lors de sa conférence pré-Paris Games Week. Depuis, on était sans nouvelles, jusqu'à la conférence d'ouverture de la Gamescom d'hier et la sortie du jeu dans la foulée. Que vaut ce titre ?

Apprentie épouvanteur

Les premières images le dévoilent : Erica est un jeu en FMV, c'est-à-dire en prises de vue réelles, comme Late Shift, Super Seducer ou Black Mirror - Bandersnatch. Dans ce titre, on incarne Erica (jouée par Holly Earl), une jeune femme dont les parents sont morts lorsqu'elle était enfant. Le titre appartient au genre fantastique, dans son sens strict du terme : à l'image des nouvelles de Guy de Maupassant, il y a dans Erica de nombreux éléments surnaturels, mais il n'est jamais certain que ceux-ci sont réels. C'est au joueur d'explorer et de tirer ses propres conclusions, mais la réponse n'est pas évidente.

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Les demoiselles du téléphone

À l'époque, Erica avait été annoncé comme un membre du programme en vogue de Sony : PlayLink. Les jeux de cette gamme avaient pour particularité de se jouer avec un téléphone et non avec une manette traditionnelle. Problème : cette initiative visant les familles a été un échec cuisant. C'est pour cette raison que rien ne lie plus officiellement Erica avec les jeux de cette catégorie.

Cependant, il n'est pas si facile de changer son fusil d'épaule en cours de développement. Ainsi, Erica est jouable de deux façons différentes : avec l'application disponible sur téléphone ou avec une manette traditionnelle, en utilisant le pavé tactile. Seul bémol : l'application recommandée est introuvable sur le Google Play Store... Va donc pour la manette. De prime abord, la prise en main est délicate, mais on s'y habitue vite.

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Il faut dire que le jeu fait tout pour nous forcer à nous habituer. N'imaginez pas pouvoir poser la manette de temps en temps : le jeu réclame énormément d'interactions. Une boîte apparaît à l'écran ? Deux actions sont nécessaires pour l'ouvrir. Dans ces cas, le jeu s'arrête généralement en attendant que le joueur accomplisse l'action. En revanche, les questions sont toutes en durée limitée. Cette durée est généralement très acceptable, mais cela demeure un concept désagréable, surtout quand on lutte pour choisir sa réponse avec le pavé tactile.

Super, j'ai hâte de tout recommencer !

Le titre dure environ une heure et demi. Ce temps est très agréable, en raison notamment d'une excellente performance des acteurs et d'une ambiance très réussie. De même, le jeu est entièrement doublé en français, bien que malheureusement les quelques textes sur lesquels on peut tomber ne le sont pas. Pour 10€, on pourrait s'arrêter là et se dire qu'on a passé une bonne soirée pour un prix raisonnable.

Seulement, se limiter à une seule expérience limite grandement la compréhension que l'on peut avoir du titre. Or, impossible comme dans Detroit de recommencer librement depuis un chapitre précis : si on souhaite recommencer, il faut le faire depuis le début.

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Le jeu ne durant qu'une heure trente, cela ne semble pas insurmontable. Seulement, c'est là que la structure narrative pose problème. Après deux parties, effectuées en sélectionnant volontairement des choix opposés, il est indéniable que les choix ont de l'impact. Cependant, cet impact n'est pas linéaire, loin s'en faut. À certains instants du jeu, le titre s'ouvre soudainement. À un moment, il est par exemple possible de choisir parmi trois activités. Or, chacune de ces trois activités possède plusieurs subdivisions selon les dialogues et les choix effectués pendant qu'elles se déroulent. On pourrait donc refaire le jeu quatre, cinq, six fois et toujours avoir quelque chose de différent lors de ces séquences. De même, celles-ci ont des impacts sur la suite du jeu, mais cet impact tient généralement du détail : un objet présent ou absent, un regard positif ou négatif, etc. La structure narrative de base est, elle, extrêmement similaire. Ainsi, en effectuant des choix opposés, la majorité du jeu est quand même identique, alors qu'il faudrait un grand nombre de parties pour explorer les parties offrant davantage de liberté.

Cet aspect est renforcé par les trophées. Ceux-ci ne se débloquent qu'au terme d'une partie. Cela semble positif de prime abord, car cela évite les pop up intempestifs, mais cela signifie surtout qu'il faut finir une partie pour valider le trophée visé. Or, il y en a beaucoup et ceux-ci tiennent souvent du détail, faisant qu'il est impossible d'en obtenir beaucoup en une seule partie. Des guides optimisés sortiront certainement un jour, mais à première vue, pour débloquer l'ensemble des trophées, il faut à mon avis refaire le jeu en entier au moins cinq ou six fois. Cinq ou six fois à refaire un contenu en grande partie identique, pour juste quelques instants apportant un changement.

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Certes, rien n'oblige à chasser les trophées, mais cela illustre l'un des principaux problèmes du jeu. Erica a beaucoup de mystères à offrir, mais pour pleinement en profiter, il faut être prêt à s'infliger de nombreuses heures de désagréments.

Sinon, Super Seducer 3 sort quand  ?

La déception est grande au terme de ce titre, tant attendu depuis deux ans. Ce n'est pas que l'expérience est mauvaise, au contraire : elle est de grande qualité, surtout pour un prix aussi dérisoire (10€, pour rappel). Si vous aimez le genre, nous ne pouvons que vous le recommandez chaudement. C'est juste que le jeu est seulement bon, alors qu'il aurait pu être exceptionnel avec des changements mineurs : moins d'interactions inutiles, une prise en charge plus traditionnelle de la manette (comme utiliser les boutons pour décider des choix) et la possibilité de recommencer le jeu depuis n'importe quelle scène. C'est cela qui fait toute la différence entre un jeu que l'on finit deux fois avant de le désinstaller et un autre que l'on parcourt encore et encore jusqu'à en avoir épuisé tous les recoins. Quel dommage.

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Test réalisé par Alandring à partir d'une version PlayStation 4 commerciale.

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Plateformes PlayStation 4
Genres Aventure, fantasy

Sortie 19 août 2019

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