Test de Mosaic - La déprime du bon salarié

Mosaic promettait de nous mettre dans la peau d'un salarié à la vie monotone, dans une ville dystopique toute acquise à la cause d'une corporation, quoi de mieux pour terminer l'année ? Jeu narratif presque monochrome, Mosaic avait ce petit quelque chose dans sa bande-annonce qui donnait envie d'y jouer. Prêt à partir au combat contre le grand capital en compagnie d'un salarié qui a bien besoin de lutter contre le système qui lui pourrit la vie, votre humble testeur en ressort broyé.

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Comme une envie de disparaître

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Mosaic est un jeu narratif tout ce qu'il y a de plus classique. Dirigé à la souris, le héros qu'on incarne dans un monde quasi-dystopique dans lequel une corporation contrôle la ville s'évertue à faire bonne impression à ses supérieurs. Manque de bol, il reçoit tous les jours un avertissement par message qui lui indique ses manquements et son nombre de retards restant avant de prendre la porte. Englué dans un quotidien sans échappatoire, il ne profite que de quelques moments de répit et d'introspection pendant ses voyages entre son domicile et son lieu de travail. Aider un chat en détresse, tomber sur un musicien dans un jardin, se fondre dans la masse du métro ou encore observer, avec désespoir, les milliers de voiture qui sont dans un embouteillage sur l'autoroute, autant de bonnes raisons de se poser des questions et de se demander ce qu'on fait là. Disons le d'ailleurs tout de suite : la direction artistique, particulièrement sur l'aspect visuel, de Mosaic est sa seule véritable qualité. Aussi grise et déprimante que le quotidien qu'elle représente, elle a le bon ton pour installer un univers cohérent dans lequel la corporation prend le pas sur la vie des habitants.

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Le monde de Mosaic est profondément individualiste, codifié, sur-connecté, comme une hyperbole du monde dans lequel nous, joueurs qui vivons dans des pays très industrialisés, évoluons déjà. Les développeurs tentent de développer leur idée autour de cet anti-héros du quotidien qui essaie de vivre sa vie comme il peut, écrasé par la masse de ce qui l'entoure. Pression de son supérieur, métro bondé, ville polluée, pauvreté qui gangrène la société ; son petit studio dans une tour qui semble en contenir des milliers est son dernier rempart face à ce qui l'oppresse à l'extérieur. Néanmoins, la corporation s'invite sans arrêt : outre les messages de sa société, il se retrouve aussi à passer son temps sur son smartphone en jouant à un mini-jeu qui rappelle furieusement son travail. Un travail répétitif, que Mosaic nous propose d'expérimenter sous la forme d'un mini-jeu de construction qui consiste à apporter des ressources d'un point A à un point B. Pas bien passionnant, c'est pourtant le moment le plus intéressant du jeu. En effet, les séquences entre son appartement (où on répète tous les jours la même routine) et son travail n'inspirent rien d'intéressant. Si les développeurs nous jettent sans arrêt des concepts qui semblent marqués d'un gigantesque "ça fait réfléchir, hein, hein ?", on doit bien avouer que la situation du personnage nous dépasse rapidement et nous donne envie de vite atteindre le bout de l'aventure pour passer à autre chose. 

Il est l'heure d'aller dormir

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Le jeu manque très certainement d'une meilleure maîtrise de son rythme, mais surtout d'une finesse dans son propos. On était prêt à partir en guerre contre la corporation qui empoisonne la vie de ses employés, mais au lieu de ça on a rapidement eu envie de dormir face à cette manière de raconter la monotonie de la vie du héros. Sans saveur, gris, triste, son quotidien est symbolisé par sa routine du matin pendant laquelle il refait son noeud de cravate, se lave les dents et se recoiffe avant de partir au travail. Difficile de dire si les développeurs ont raté le coche ou s'ils l'ont si bien réussi que l'ennui quotidien du héros s'est transposé sur nous, mais peu importe : le résultat est d'une fadeur terrible.

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Les développeurs ne parviennent, en outre, pas à assumer la radicalité de leurs idées et de cette lutte contre la corporation qu'ils introduisent dans les derniers moments du jeu. On nous raconte un homme qui vrille au moment où la corporation aura un peu trop tiré sur ce culte de la productivité qui alimente la société, mais on en arrive par ne plus avoir aucune considération pour son destin tant l'ensemble paraît artificiel. Mosaic a quand même de bonnes idées, comme quand un "ami" nous conseille par message de lire valeurs_entreprises.pdf pour nous remettre sur le droit chemin de la nation start-up qui n'a pas le temps pour les loisirs. Ou encore ce poisson rouge acerbe et ironique (poisson rouge, tâches répétitives, vous l'avez ?) qui est l'unique personnage avec lequel on peut interagir de temps en temps. Cependant, Mosaic n'est jamais intéressant à suivre, jamais non plus intéressant à jouer à cause d'une action d'une lenteur terrible. Certes, il se termine en moins de trois heures, mais cela nous a semblé durer vingt heures. Quand l'élément le plus intéressant du jeu est le mini-jeu de clicker disponible sur le smartphone du héros (Mosaic: BlipBlop, qu'on peut également télécharger gratuitement sur iPhone et Android), il faut certainement se poser des questions sur l'intérêt ludique du reste.

Conclusion

À trop vouloir raconter la fadeur d'un être dont la vie est accaparée par une corporation où il n'est qu'un chiffre, Mosaic ne tombe-t-il pas lui-même dans le piège de son propos ? Mou, fade, ennuyant, le jeu a au moins le mérite de nous donner envie de tout lâcher ; à l'instar du héros prêt à craquer contre ses employeurs, on a envie de désinstaller le jeu et de faire quelque chose de plus agréable. Paradoxalement, les seuls passages amusants sont ceux pendant lesquels on joue sur smartphone ou lorsque l'on est au travail en jouant au mini-jeu de construction, deux éléments pourtant censés représenter la monotonie de son quotidien et la répétitivité des tâches confiées par sa société. Pire encore, les développeurs de Krillbit font souvent preuve de naïveté, avec de grandes affiches dans les rues qui semblent presque scander l'habituel "ça fait réfléchir" des discours pseudo-subversifs. Son grand final est presque touchant, mais les développeurs manquent tellement de subtilité qu'on a eu le sentiment de revenir à nos 15 ans, écoutant Damien Saez en se pensant rebelles. La révolution contre le grand capital sera malheureusement pour une autre fois, sans Mosaic et sans poisson rouge sarcastique comme seul étincelle narrative.

Test réalisé par Hachim0n sur PC avec une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Linux, MacOS, Nintendo Switch, PlayStation 4, Windows, Xbox One, Xbox One X
Genres Aventure, contemporain

Sortie 5 décembre 2019 (Windows)
5 décembre 2019 (Linux)
5 décembre 2019 (MacOS)
2020 (Nintendo Switch)
2020 (Xbox One)
2020 (PlayStation 4)

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