Test de Paranoïa: Happiness is Mandatory - trahi par ses bonnes intentions

Les adaptations en jeu vidéo des grandes licences du jeu de rôles se succèdent, après l'Appel de Cthulhu quelques mois auparavant et en attendant les retours de Vampire et de Werewolf courant 2020 (au plus tôt), voilà Paranoïa qui pointe le bout de son nez, toujours avec Cyanide dans le coin pour mettre la main à la pâte.

Les amis de mes amis sont mes ennemis et je suis l'ami de mon ami, donc...

Première règle : ne faire confiance à personne...
Première règle : ne faire confiance à personne...
"Big Brother vous regarde" est la citation la plus connue de l'oeuvre fameuse de George Orwell, 1984. C'est aussi l'année où est sortie la toute première édition du jeu de rôles Paranoïa, écrit à six mains par Greg Costikyan, Dan Gelber et Eric Goldberg, qui reprend le thème du Big Brother avec brio pour nous mettre dans la peau d'un habitant du complexe Alpha, ville sous dôme coupée du reste du monde et gérée de main de fer par l'Ordinateur, omniprésent et tout-puissant. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes sous la surveillance permanente de notre ami l'Ordinateur, la vie est belle et si elle ne l'est pas, c'est soit qu'on manque de pilules de joie et de bien-être, soit qu'on est un traître, et si on est un traître alors on doit être exécuté : comment ferait le complexe Alpha pour continuer à survivre dans le bonheur si l'Ordinateur laissait des traîtres se balader en toute liberté, après tout ? Coupés du reste du monde pour leur propre bien, les humains s'en remettent à leur ami cyclopéen, mais après des années, décades ou peut-être siècles, l'Ordinateur ne tourne plus vraiment rond (mais ça, il ne faut pas le dire) et le réseau de caméras et de surveillance ne couvre pas ou plus l'intégralité du complexe.

Tandis que les traîtres potentiels, menaces fantômatiques et sociétés secrètes (évidemment officiellement interdites) pullulent, l'Ordinateur continue à toujours gérer la vie des humains qu'il classe selon un système de couleur allant de l'infrarouge à l'ultraviolet en passant par l'essentiel de l'arc-en-ciel. Les humains de caste de couleur inférieure doivent obéir aveuglément aux ordres venant d'au-dessus, en plus des directives obligatoires de l'Ordinateur (la première directive étant : le bonheur est obligatoire) ; alors si on vous dit de tester une ogive thermonucléaire, vous souriez, la prenez et allez la tester avec le sourire dans un endroit adéquat. Toute objection ou tentative d'en apprendre plus sur les raisons seront automatiquement classifiées dans le dossier de traîtrise : le niveau d'accréditation limite bien sûr aussi les informations récupérables et vouloir en apprendre plus signifie forcément qu'on a des pensées séditieuses. Bannissez donc "pourquoi" quand on vous donne une mission ou un ordre... C'est un conseil d'ami (mais le suis-je vraiment ?).

Être coupable de traîtrise signifie le trépas, qu'il vienne des ennemis rencontrés dans le complexe, des envoyés spéciaux de l'Ordinateur dont la mission est de vous zigouiller proprement, de vos propres coéquipiers Clarificateurs ou bien de vous-même à l'aide des centres d'extermination disséminés ça et là. Mais heureusement, cela ne signifie pas la fin de votre personnage, car on a en tout et pour tout six clones et l'Ordinateur, dans sa grande mansuétude, fait venir le caisson du clone suivant pour prendre la place de celui éliminé et reprendre sa mission là où elle avait échoué. Merci à l'Ordinateur, vive Lui et vive nous !

L'alphapédie donnera tout le B.A.-BA de ce qu'il faut savoir
L'alphapédie donnera tout le B.A.-BA de ce qu'il faut savoir

La guerre c'est la paix, la liberté c'est l'esclavage, l'ignorance c'est la force

C'est dans le corps du premier clone que l'on fait surface dans le complexe Alpha, en tant qu'individu d'accréditation Rouge, soit quasi en bas de l'échelle (au moins, on n'est pas un de ces misérables infrarouges, il ne manquerait plus que ça !). À la sortie de la cuve, une petite douche pour se nettoyer des fluides restants et être bien propre (la propreté c'est essentiel, diront les agents spéciaux chargés de l'entretien et du nettoyage) et on peut se faire poser son implant grâce auquel l'Ordinateur pourra nous contrôl surveill suivre pour s'assurer de notre santé et de notre bonheur. Une petite mutation ? Rien de grave, il faut juuuuuuuuuste éviter que l'Ordinateur le sache. Mais rien de grave, hein ! Circulez, il faut aller voir l'officier Orange pour avoir son affectation. Ah oui, éviter de marcher du côté Jaune, votre niveau d'accréditation ne le permet p... Trop tard, c'est consigné dans votre dossier.

Après cela, les journées se suivent et se ressemblent au paradis sous cloche. Métro - boulot - dodo n'aura jamais aussi bien correspondu au déroulé d'une mission : au lever, on va au briefing de mission par l'Ordinateur, qui nous assigne comme toujours une mission selon son bon vouloir. Après avoir choisi ses membres d'équipe, direction la R&C (autrement dit "Recherche et Conception") pour qu'ils nous refilent un produit à tester, que ce soit une canette de soda ou une arme bien trop puissante ou chère pour atterrir entre nos mains (mais lui c'est un Bleu, alors on accepte et on sourit). Puis, direction le Transbot pour une mission de routine et une fois cela fait, retour au bercail, débriefing avec l'Ordinateur et retour à la R&C pour un petit compte-rendu de l'expérience, puis retour au lit pour achever un cycle-jour bien rempli ! Merci à l'Ordinateur, vive Lui et vive nous !

Il faut surtout éviter de se retrouver à sec en plein combat, sinon...
Il faut surtout éviter de se retrouver à sec en plein combat, sinon...
Le centre commercial menant à l'underplex
Le centre commercial menant à l'underplex

Tant que les missions se déroulent comme prévu, le débriefing se passe comme un charme et le lendemain on peut peut-être même se réveiller avec une accréditation supérieure, bonjour le Orange (au moins, on n'est plus un de ces misérables Rouges, il ne manquerait plus que ça) ! Bonjour le Jaune (au moins, on n'est plus un de ces misérables Oranges, il ne manquerait plus que ça) ! Et ainsi continue la vie au paradis... Mais évidemment, rien ne peut toujours se dérouler comme prévu, surtout quand les traîtres se multiplient et qu'ils envahissent les complexes inférieurs désaffectés.

Les clones tueurs venus d'ailleurs

Le jeu se présente principalement comme un C-RPG où on dirige une petite escouade de quatre Clarificateurs aux capacités (forcément) bien différentes tout comme leur personnalité et des compétences fixes qui sont amenées à augmenter automatiquement entre chaque mission. À la création de son personnage, le joueur est libre de répartir quelques (très rares) points dans plusieurs compétences, réparties elles-mêmes en trois catégories. On a les aptitudes mentales et intellectuelles, dont la bureaucratie, la procédure et la psychologie ; les compétences techniques et mécaniques comme celles permettant de pirater ou de créer des objets et enfin les compétences classées "violence", dont l'art de mêlée, le maniement des armes à feu ou l'endurance. Les points sont trop rares (on ne peut plus en dépenser par la suite... sauf en changeant de clone) et pour être tout à fait franc, les occasions d'utiliser les compétences à part pour tirer, pirater et créer des objets sont malheureusement bien trop peu nombreuses pour qu'on s'en soucie vraiment. Fait amusant : à la fin du jeu, mes acolytes avaient plusieurs compétences à 10 points alors que personnellement, je n'avais pas changé depuis mon 3ème clone et j'étais donc cantonné à 4 au maximum dans une seule compétence. De l'utilité...

L'ambiance reste sinistrement décalée et folle, même dans les dialogues
L'ambiance reste sinistrement décalée et folle, même dans les dialogues
Question exploration, on est plutôt gâtés entre les environnements différents à explorer, dont une en particulier qui demande pas mal de temps pour remplir la mission correspondante, pullulant d'ennemis en tous genres. Hélas, en contrepartie des lieux gigantesques à explorer, les personnages se traînent aussi pour parcourir les lieux, leur vitesse de déplacement étant asthmatique. Il est possible de courir, mais cela est limité par l'endurance des personnages. On attend donc parfois un bon moment qu'ils traversent les salles déjà explorées, si tant est qu'ils ne soient pas bloqués par un escalier malicieux...

À contrario, les combats sembleront parfois trop rapides si on ne prend pas le temps de s'organiser et on a vite fait de voir un des Clarificateurs tomber au combat - pour revenir plus tard avec un autre clone évidemment, tant qu'il lui en reste. Heureusement, le jeu offre une mécanique de pause active en combat, permettant d'organiser le placement de chaque personnage et de lui faire avaler des pilules, autant qu'il le peut et du moment qu'elles sont dans son inventaire, avant de reprendre le cours du jeu. L'inventaire est par ailleurs vite rempli ras la gueule de pilules et autres armes glanées dans les distributeurs, soit via les dotations de l'Ordinateur en début de mission, soit en les achetant ou bien encore en les ramassant tout simplement sur le terrain. Merci à l'Ordinateur, vive Lui et vive nous !

Voilà mon débrief, ami Ordinateur

Si les premières missions sont vite faites - principalement en raison des limitations d'accréditation et donc d'accès aux informations, petit à petit on a affaire avec une vaste conspiration souterraine et on en apprend plus sur l'Ordinateur, le complexe Alpha... et même sur soi-même (houuuuu). Globalement, l'écriture est plutôt bien sentie, les dialogues font mouche et reprennent vraiment parfaitement l'humour cynique et absurde du jeu de rôles dont il est issu. En parallèle, le jeu ne dure pas forcément très longtemps, un peu plus d'une douzaine d'heures suffisent pour le terminer... Si vous n'êtes pas victime comme moi d'un sale bug : une mission donnait deux objectifs principaux et j'ai fini le deuxième sans me soucier du premier. Pas de bol, cet objectif devait être validé sinon ça bloque toute progression par une porte du jeu et évidemment on s'en aperçoit plusieurs missions plus tard... Pas de bol bis : les sauvegardes sont forcément automatiques et il est de ce fait impossible de revenir en arrière, forçant ainsi à... tout refaire depuis le début. Autant dire que je l'ai eue mauvaise (d'autant que, je dois avouer, j'étais déjà bien en retard sur le test du jeu...). C'est d'autant plus dommage que ça doit être le seul bug du genre dans le jeu, je n'ai trouvé personne qui a eu le même souci ailleurs - dommage pour moi.

L'interface peut paraître un peu bordélique
L'interface peut paraître un peu bordélique
L'interface est un peu confuse et les ennemis peuvent vite nous submerger en combat pour peu qu'on n'utilise pas ou pas assez les compétences des Clarificateurs. La maniabilité est un peu difficile à appréhender, à la hauteur de la netteté des tirs des personnages sans les petites pilules de précision qui s'avèrent vite indispensables. On rage aussi sur quelques bugs de sélection de destination ou de choses à fouiller. Pas de vrai bestiaire à proprement parler, on affronte simplement des humains, quelques robots et des hybrides humains-poissons sans grande variété. Les graphismes sont assez simples, mais fonctionnent bien pour l'ambiance, et si on regrette que le jeu ne soit pas doublé en français concernant les voix, l'intégralité des textes sont traduits avec un certain talent (et même quelques éléments de jeu). On peut s'émouvoir de leur abondance, mais ils ont le mérite d'être là !

En résumé, c'est un petit jeu que je conseillerais principalement à ceux qui connaissent déjà la licence Paranoïa, et pour les autres, eh bien préparez-vous à serrer les fesses servir l'Ordinateur. Merci à l'Ordinateur, vive Lui et vive nous !

Comment ça pas assez enthousiaste ? Je ne fais que refléter mon avis, le jeu n'est pas fabuleux, mais se laisse jouer... Oui, j'ai un peu de retard... Bon d'accord, beaucoup... Quoi ? Un centre d'extermination ? Mais...

Test réalisé par Bardiel Wyld à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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