Test de Bayonetta Anniversary Edition - Dix ans et pas une ride ?

Si Bayonetta est la figure la plus connue du studio Platinum Games, ce n'est pas par hasard. Équipée de quatre flingues, un dans chaque main et un sur chaque high heel, la sorcière de l'Umbra, plongée dans un conflit centenaire contre des anges tous plus abominables les uns que les autres, est surtout l'icône du beat'em all stylé, fun et exigeant. Faut-il craquer pour cette édition anniversaire sur PlayStation 4 et XBox One ?

Bayonetta

Et Dieu... créa la femme ???

Bayonetta est une femme, pas seulement un avatar féminin, et ça se voit dans la façon de se battre, à la fois agile, orientée sur l'esquive et capable de gros combos techniques, mais aussi dans sa façon d'être. Son ombre en forme de papillon, symbole son pacte avec Madama Butterfly, ses invocations formées de cheveux magiques, ses échanges avec les anges qu'elle juge "trop moches" pour les laisser vivre, ses boucles d'oreilles, sa façon de jouer avec le playboytoy de service ou encore la mort du personnage emporté dans une tempête de pétales de rose, mais aussi aspirée dans l'au-delà. Tout sent la femme, mais pas n'importe laquelle : Bayonetta n'est pas réaliste, elle est vraiment too much et c'est pour ça qu'on la kiffe, parce qu'elle renvoie au placard tous les clichés de femmes du jeu vidéo en osant tout ce que les héros gonflés de testostérone et bardés de gros muscles font : exagérer. Rien que pour ça, le jeu est déjà une pure bouffée d'air frais.

Transgressif, Platinum se sert de la religion chrétienne comme d'une base mythologique pour faire un scénario abracadabrantesque dont seuls les Japonais ont le secret. L'introduction à base de bonne sœur sexy et certains combats basés sur des "Glorias" dramatiques en coeur perturbent d'une très bonne façon cette habitude de voir les mythes et légendes d'autres peuples transformés dans nos jeux. Bayonetta blasphème avec ses poses lascives dans les églises, elle élimine sans aucune pitié et de façon particulièrement violente de monstrueux anges, parfois titanesques, tout droit sortis d'Evangelion ou de Clamp, dans des giclées de sang et de plumes. Elle punit, décapite, broie et torture toute cette faune en nous envoyant de petits bisous sexy, et se permet même de nous faire sincèrement rire devant notre console.


Plus que par son scénario, le jeu se démarque par sa capacité à créer des ambiances. On passe des volutes d'un bar feutré et jazzy à des combats dynamiques sur fond de pop et de musique sacrée remixée. L'univers est une collection d'instantanés, d'ambiances, de musiques, de parfums, à l’image de ces cinématiques fixes qui montrent qu’avec un peu de créativité, on peut dépasser les contraintes budgétaires tout en ayant de la personnalité. Niveau ambiance, le jeu est un festival de bonnes choses dont il faut abuser sans modération.

Foi de volaille

Les sensations sont, dès la prise en main, incroyablement plaisantes. Bayonetta frappe, esquive, virevolte et défouraille de façon agile, fluide et puissante. On sent l'impact des coups et c'est un plaisir de voir la cliquaille angélique souffrir dans un délire gore et kitsch. Les mouvements sont précis, les enchaînements semblent sortir naturellement, de façon limpide, et le système d'esquive propre au jeu, le "Witch Time", déclenche un ralenti qui permet d'amocher encore plus les ennemis. Dès les prémices, on sent qu'on est face à un grand jeu de combat aux animations léchées et au gameplay fluide. Ici, pas de monde ouvert : chaque chapitre est divisé en versets qui sont autant d'arènes jalonnant notre parcours, dans un univers certes dirigiste, mais incroyablement bien construit.


La mise en scène du jeu dans l'acte 1 est en tous points exemplaire : Platinum renverse les archétypes de niveaux autant que les décors, on a une vraie implication du personnage face aux ennemis qui se fendent tous d'une petite présentation, on avance dans un niveau qui évoque furieusement une "Italespagne" bigote très bien dépeinte et, surtout, on sent venir la grosse baston dont bien sûr on sera servis. La suite, bien que de qualité, reste beaucoup plus convenue d'un point de vue mise en scène. On sait qu'on rentre dans une arène, on enchaîne les combats, les environnements sont plus jeu vidéo et les surprises moins présentes malgré les idées originales, mais ça va de pair avec l'évolution du joueur et de sa façon d'aborder le jeu.

Larmes fatales

En effet, malgré ces premières impressions positives, on sent très vite que le jeu place la barre très haut, peut-être un peu trop, et on se retrouve rapidement à mordre la poussière à répétition. Le jeu est difficile à lire : les caméras partent parfois là où on ne les attend pas, l'avatar cible l'ennemi qu'on ne veut pas et la surenchère d'adversaires et d'effets rend les mêlées pas faciles à déchiffrer. Le joueur est rapidement noyé sous une tonne de combos (une trentaine par arme) qu'il faut connaître pour déclencher les Wicked Weaves, ces super attaques chevelues qui en plus de faire de gros dégâts déclenchent des stuns, permettant de garder l'avantage. Le ton est donné ; à défaut de lire, il faut connaitre sa partition. Problème, rien n'est expliqué et tout doit se travailler via une zone d'entraînement qui s'affiche à peine sur les écrans de chargement - merci la puissance de la console et merci internet de nous dire qu'appuyer sur Start permet de s'y rendre.


À cela s'ajoutent en plus des mécaniques complémentaires parfois cryptiques, souvent cachées. Le jeu tourne principalement autour de l’esquive : pas question d'aller bourriner dans le tas, le moindre coup reçu vous fait perdre votre magie et donc vos fatalités, compliquant les chances de s'en sortir indemne. De façon totalement contre-intuitive pour un jeu de combat nerveux, il faut apprendre à ralentir ses combos en gardant le bouton d'attaque enfoncé après chaque coup, renforçant chaque impact avec la puissance d'une tempête de balles. Plus avancé encore, le "Dodge offset", pierre angulaire du gameplay est malheureusement à peine évoqué. Cette technique originale permet de placer des esquives sans casser ses combos : c'est difficile à apprendre, difficile à sortir, mais quelle satisfaction une fois cette fluidité apprivoisée.

Même les moyens de régénérer sa vie sont contre-intuitifs. À chaque mort, on peut reprendre le combat ou le stage au dernier point de contrôle, mais les consommables utilisés sont perdus. Il vaut mieux dès lors utiliser une mort pour remplir sa jauge de vie et conserver les sucettes pour les moments clef, d'autant qu'elles sont rares et que le marchand nous refuse l'achat si l'on en possède plus de trois. Ne parlons pas non plus de certaines techniques cruciales qu'il faut acheter sans qu'on nous prévienne, ni des objets qui donnent des pouvoirs spéciaux dont certains ne sont pas expliqués, comme le contre qui permet quand même d'entrer en Witch Time.

Entre les sorties systématiques de cinématiques qui requièrent une esquive avec un timing toujours différent, les QTE parfois pas cohérents auxquels on ne s'attend pas, les ennemis qui deviennent invincibles sous certaines conditions sans prévenir, le joueur se prend des murs de plein fouet tout au long du jeu. C'est d'ailleurs une bonne chose : assez rapidement, on prend conscience qu'on ne fait qu'effleurer un système de jeu riche, précis et exigeant. Certes, on peut traverser Bayonetta comme une brute en se jetant sur tous les murs jusqu'à ce qu'ils cassent, mais c'est bien plus gratifiant de travailler sur chaque niveau, sur chaque situation, sur chaque combo, sur chaque arme pour apprendre et s’améliorer. Et il y a beaucoup à apprendre, il faut donc du temps et de la persévérance.

Équilibrage au gros calibre

Le jeu a vraiment deux facettes selon qu'on veuille le traverser ou le dompter. C'est d'ailleurs pour ça que je trouve l'équilibrage du jeu discutable. Pour celui qui veut juste profiter de l'aventure, Bayonetta semble être un jeu d'action varié avec des combats plein de punch qui s'enchaînent, en renouvelant les situations, avec des phases d'action-plate-forme sympathiques pour casser le rythme et une petite dose d'exploration. Le problème est que le jeu est bien trop dur, avec des pièges trop punitifs, une profusion d'attaques trop riches et pas assez d'explications.

À l'inverse, le joueur qui veut exploiter le potentiel du jeu répètera plusieurs fois chaque niveau, progressant ainsi sur chaque situation, chaque tactique, affinant ses réflexes et sa maîtrise globale du personnage. Il faudra mettre en place des stratégies, gérer sa magie pour aborder un affrontement spécifique, utiliser tel type d'attaque pour un passage précis, définir ses cibles prioritaires et grappiller petit à petit des points vers les médailles et les statues de pur platine, qui récompensent les plus aguerris. Si cette répétition et progression est très satisfaisante, les cinématiques et passages de plate-forme cassent le rythme, quant aux QTE qui ruinent nos efforts, c'est de la frustration gratis.

Si vous voulez vous baladez, le jeu "normal" est sans doute un peu trop dur et si vous souhaitez poncer tous les niveaux, les phases hors combat pourraient être à la fois sources d'ennui et de frustration – heureusement qu'on se prend rapidement au jeu de la course frénétique. Il n'y a là rien de rédhibitoire une fois les clefs en main – rien en tous cas qui ne justifie de passer à côté de ce grand festival qu'est Bayonetta.

À l'instar de son personnage principal, Bayonetta est une force de la nature qu'il faut dompter à coup d'efforts et de persévérance pour arriver à entrapercevoir l'étendue de ses plus beaux atours. Sous l’apparente facilitée initiale se cache en réalité un jeu de combat diablement précis, démoniaquement bourrin tout en étant malicieusement fin, au rythme comme au timing infernal et pourtant véritablement ensorcelant. Bayonetta et ses airs de dominatrice ne cesse à chaque instant de nous rappeler qu'il faut nous sacrifier sur l'autel de son gameplay pour vraiment espérer la maîtriser – et c’est un pur bonheur.

Source : Testé par Oulanbator sur une version PS4 fournie par l'éditeur

Réactions (31)

Afficher sur le forum

  • En chargement...

Plateformes PlayStation 3, Wii U, Windows, Xbox 360
Genres Action, contemporain, fantasy

Sortie 8 janvier 2010 (Europe) (PlayStation 3)
8 janvier 2010 (Europe) (Xbox 360)
24 octobre 2014 (Europe) (Wii U)
11 avril 2017 (Europe) (Windows)

Aucun jolien ne joue à ce jeu, 1 y a joué.