Test de Heavy Rain sur Windows - Fenêtre sur court

Jusqu'ici exclusifs à la Playstation, les jeux du studio Français Quantic Dream arrivent sur PC, une bonne nouvelle pour les amateurs d'aventures narratives. Le joueur, plongé dans un thriller sordide, incarne quatre personnages cherchant à faire avancer l'enquête, notamment le père du gamin, à la merci du tueur aux origamis, le tueur en série qui retient son fils en otage. Connu pour être un des premiers jeux en full motion capture, Heavy Rain faisait en 2010 le pari d'un rendu réaliste et d'une ambiance impressionnante. Ce portage Windows fait-il honneur aux objectifs initiaux ?

Heavy Rain

Gone Girl

Heavy Rain est un jeu d'ambiance. Dans une ville américaine glauque sur laquelle ruisselle une pluie sale, on déambule de lotissements minables en jardins délaissés, en passant par des friches industrielles dans lesquelles se trament les pires horreurs. Les motels miteux aux papiers peints décollés n'ont rien à envier aux maisons cradingues aux plafonds en dalle de polystyrène. Les peintures craquent et ça sent le moisi. Tout est gris, marron, verdâtre ; c'est un univers déshérité, sans espoir. On y côtoie des prostituées, des détectives alcooliques, des flics violents, des macs drogués : tous les clichés y passent et ils passent bien.

Ce qui fait basculer l'expérience Heavy Rain du jeu au vécu prenant aux tripes, c'est la capacité à s'immerger dans son univers. Il faut donc, comme le petit garçon que vous essayez de sauver, accepter que vous êtes vous aussi davantage une victime du jeu qu'un de ses acteurs. Heavy Rain est malhonnête, il vous attaque par les sentiments, vous prend par les émotions et vous roue de coups bas avant de vous laisser haletant, cramponné à la manette, pousser un soupir de soulagement une fois tiré d'une situation tordue.

Le doublage est crédible même en français, l'ambiance sonore est efficace et l'enchaînement de cliffhangers nous garde engagés dans l'histoire. Le but recherché est l'empathie que vous ressentez (ou pas) pour les personnages, notamment via des choix, une composante principale du jeu. Plusieurs embranchements dans l'histoire amènent à plusieurs fins, ayant chacune plusieurs variations selon l'état de nos personnages. Pour ma part, l'histoire s'est plutôt mal finie. J'aurais pu revenir en arrière en traitant le jeu comme un jeu, mais j'ai choisi de l'accepter et de laisser le récit se dérouler tel quel : ce sont finalement mes erreurs qui façonnent cette histoire que j'ai partagée avec les personnages et j'ai apprécié ce concept.


Usual Suspects

Selon votre sensibilité, plusieurs points dans Heavy Rain peuvent casser l'immersion, vous ramenant à votre réalité de joueur. Les plus évidents (mais pas forcément les plus gênants) sont les graphismes. Le jeu date de 2010 et le portage PC, bien que montant à 60FPS, est identique à la version PlayStation 4 : les visages ne sont pas toujours crédibles, surtout en début de partie ou les enfants sont très "uncanny valley". Malgré ce rendu, le jeu fonctionne, d'une part parce que les décors créent une ambiance forte, d'autre part parce qu'une fois parti sur le grand huit des émotions, les limites techniques s'estompent. Certes, en prenant du recul, en voyant les vidéos du jeu, tout fait carton-pâte ; cependant, plongé dans l'histoire, manette en main, l'intensité fait oublier le reste.

On déplore aussi quelques bugs, comme ces personnages qui se bloquent dans le décor au lieu de répondre à nos directions : sans conséquence au début du jeu, problématique par la suite quand ça nous empêche de déclencher un évènement. Le jeu a également planté lorsque je l'ai mis en pause lors d'une cinématique. C'est un peu frustrant, d'autant que certains de ces bugs n'étaient pas présents sur PlayStation 4. Le jeu étant déjà sorti depuis plus de six mois, il y a peu de chances qu'on les voie corrigés, mais leur apparition très conditionnelle n'impactera sans doute pas toutes les histoires.

Le crime était presque parfait

Viennent ensuite ces fameux QTE, pour certains antithèse du gameplay. Tout dans le jeu est QTE, notamment beaucoup d'actions de tous les jours à priori sans intérêt. Les QTE marchent cependant très bien. D'une part, ils créent de l'empathie, par exemple quand on essaye de ne pas étouffer le bébé en lui donnant son biberon, alors qu'on s'étrangle soi-même. D'autre part, les actions banales sont bien utilisées dans le crescendo narratif et s'intensifient de façon intéressante. Heavy Rain ne mise pas du tout sur le grand spectacle ; au contraire, le joueur lie avec les personnages principaux une relation intimiste : quatre pantins prennent vie devant nos yeux, sous ces coups de boutons qu'on presse frénétiquement pour leur faire effectuer des gestes, y compris ceux qu'on n'a moralement pas envie de leur faire faire.

Si j'adhère totalement à cette proposition, je trouve que l'interface utilisateur n'est pas satisfaisante : les invites de commandes monochromes n'utilisent ni formes ni positionnement, uniquement des lettres encadrées de symboles cryptiques ; les boutons du pad PlayStation sont plus clairs. Pire encore, les choix moraux sont présentés sous forme de textes tournants et il est difficile d'associer une idée à un bouton, on se retrouve du coup à faire n'importe quoi. Quantic Dream a d'ailleurs largement amélioré la formule avec Detroit: Become Humain, dommage que cette version PC antérieure n'en bénéficie pas.

Il est possible de faire les QTEs au clavier souris, ce qui implique de réaliser des gestes bizarres en gardant les boutons enfoncés, une idée qui a changé les paramètres de ma souris : cette dernière s'est mise à clignoter en rouge. Certaines interactions qui utilisaient le gyroscope ont été remplacées par des mouvements du stick droit ou de la souris, ce qui plaira à certains. Les déplacements ont aussi été changés, pas forcément pour le mieux : la touche pour avancer change en fonction de l'angle de vue et on se retrouve parfois à tourner en rond sur soi-même : les contrôles d'origine étaient plus adaptés. Le tout reste fonctionnel, même si je pense que la manette est plus adaptée pour s'agripper à l'histoire que le clavier.


Heavy Rain est un très bon jeu, mais qui n'est pas fait pour tout le monde. Pour en profiter, il faut d'une part un bon contexte, d'autre part être en mesure de passer outre une technique un peu datée, mais surtout être ouvert sur l'aspect aventure interactive pour se laisser happer. Cependant, si ça clique, vous vous retrouverez face à une expérience intense qui vous fera ressentir les situations, vous prendra aux tripes et vous laissera lessivé pour votre plus grand bonheur. Ce jeu est vraiment capable de communiquer des émotions au joueur et de ce point de vue-là, le pari est non-seulement réussi, mais il tient aussi toujours la route.

Test réalisé par Oulanbator à partir d'une version fournie par le distributeur.

Source : Testé par Oulanbator sur PC, via une version Epic Games Stores fournie par l'éditeur.

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Plateformes PlayStation 3, PlayStation 4, Windows
Genres Visual novel, contemporain, réaliste

Sortie 24 février 2010 (Europe) (PlayStation 3)
1 mars 2016 (PlayStation 4)
24 juin 2019 (Windows)

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