Test de Marvel's Avengers - L'enfer, c'est le loot

Avec sa licence ultra populaire, le nouveau jeu service concocté par Square Enix et Crystal Dynamics avait tout pour plaire. Cependant, sa promotion, depuis la première annonce du jeu il y a quelques années, n'a pas été un long fleuve tranquille. Entre un design qui semble emprunter aux films Marvel sans avoir le droit de les représenter fidèlement et un système de jeu qui inquiète, Marvel's Avengers attise autant de curiosité que de méfiance. Mais voilà qu'il est passé entre nos mains et qu'on peut, enfin, poser des mots sur cette expérience.

Des fulgurances grâce à Kamala Khan

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L'équipe créative menée par Shaun Escayg (Uncharted : The Lost Legacy) a fait un choix étonnant, mais finalement bien senti : raconter les Avengers dans les yeux d'une fan. Celle-ci, c'est Kamala Khan. Une jeune femme musulmane, dont l'héritage culturel est central à la construction de son personnage, qui ressemble à beaucoup d'entre nous. Fascinée par les super héros, elle en écrit des fanfictions et assiste à un simili-Comic Con à la gloire des Avengers. Un lieu où une catastrophe lui confère de nouveaux pouvoirs. La bonne idée, c'est de raconter l'effondrement des Avengers pendant cette catastrophe nommée "A-Day" au travers des yeux de celle qui les adule, déconstruisant le mythe du super-héros tout puissant. Surtout, c'estaussi une bonne excuse pour nous lancer ensuite à la recherche des héros, un par un, des années après le "A-Day" et ainsi pouvoir installer une sorte de progression vidéoludique assez basique dans laquelle les héros se débloquent les uns après les autres. Cette histoire est accrocheuse, d'autant plus que l'héroïne a une histoire personnelle touchante. Celle qui devient plus tard Ms. Marvel, en référence à son idole Captain Marvel, sort des sentiers battus : son histoire telle qu'elle est racontée dans ce jeu colle pleinement à celle imaginée par ses créatrices G. Willow Wilson et Sana Amanat. C'est-à-dire une jeune femme musulmane, fille d'immigrés pakistanais, dont l'héritage religieux et culturel fonde son identité de super-héroïne. Le jeu ne s'attarde évidemment pas sur ses origines et les raconte simplement au travers de son père, mais on note une super scène où elle explique à un Tony Stark bienveillant les origines de son costume : un burkini qu'elle a légèrement transformé pour l'occasion. Et on doit bien dire que cette manière de mettre en scène une femme musulmane dans un AAA, et plus généralement dans un média populaire, sans qu'il n'y soit question d'oppression ou de terrorisme, fait beaucoup de bien en matière de représentation. Kamala Khan ressemble beaucoup à de nombreux jeunes qui aiment les super-héros, des jeunes qu'elle incarne quand elle regarde avec admiration tous ces héros qu'elle aime plus que tout. On peut d'ailleurs regretter que l'éditeur n'ait pas plus insisté que cela sur son mode campagne dans les différentes apparitions du jeu : avec une dizaine d'heures, la campagne - dont certaines missions ne sont pas jouables en multijoueur - est tout à fait sympathique et assez loin des considérations multijoueur et de jeu-service qui entachent l'expérience. On regrette quand même de ne pas pouvoir rejouer aux missions de campagne une fois terminées. 

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Car voilà, maintenant que l'on a présenté l'histoire du jeu, on a un peu fait le tour de ses réussites. Mémorable et terriblement important en matière de représentation, le jeu peine à côté à cause de systèmes pas bien maîtrisés ni inspirés par ses créateurs. Son système de combat a toutefois le mérite de proposer des sensations assez différentes selon les personnages contrôlés, apportant une belle diversité de coups et de feelings à l'heure où l'on a tendance à répéter un peu les mêmes objectifs. Si on mettait des réserves sur certains personnages à l'issue de la bêta le mois dernier, on doit avouer que le jeu final parvient à offrir de l'intérêt à tous ses personnages grâce à une multitude de compétences et de techniques déblocables. Qu'il s'agisse de Ms. Marvel et ses pouvoirs de polymorphe, de Black Widow et ses attaques au corps à corps, d'Iron Man et ses rayons ou encore de Captain America et son bouclier, on a toujours le même plaisir à explorer les possibilités offertes par chaque personnage. Même Thor et Hulk, qui mettent peut-être un peu plus de temps à être apprivoisés pour être fun à jouer, permettent de passer de bons moments. Les coups ont suffisamment d'impact et les techniques propres à chaque héros permettent d'identifier leurs styles de combat très rapidement. Attention toutefois : le jeu reste extrêmement bourrin. Mis à part quelques esquives au moment opportun, on se contente le plus souvent de taper sur tout ce qui bouge sans trop réfléchir. Néanmoins, ce n'est pas forcément un mal, le but du jeu étant essentiellement de démonter tout ce qui ressemble vaguement à un ennemi tout en se marrant avec des amis en coopération. Pour débloquer les techniques, le jeu propose un système de progression assez commun à base de niveau de personnage et de points à dépenser dans un arbre de compétences dont les explications ne sont pas toujours très claires. Toutefois, cela permet de spécialiser les héros, Ms. Marvel ayant par exemple une compétence de soin dont elle peut faire profiter ses partenaires, tandis que d'autres frappent plus souvent de loin, peuvent taper plus fort ou encore offrir des bonus passifs.

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Chaque personnage bénéficie en effet de trois compétences spéciales qui se rechargent en combattant, tandis que leur puissance propre s'améliore avec de l'équipement récupéré sur les ennemis ou dans des coffres. Du loot assez basique dans l'ensemble, dont les différentes catégories de rareté sont symbolisées par des couleurs histoire de vite s'y retrouver. Bonus passif, bonus de défense ou d'attaque, les chiffres s'empilent et on se contente le plus souvent d'équiper celui qui nous indique des petites flèches vertes qui marquent une amélioration de nos statistiques sans chercher plus loin. D'autant plus que l'équipement équipé n'est pas représenté visuellement sur nos personnages. L'autre problème, outre le loot peu inspiré, c'est la répétitivité globale du jeu. Une fois passé la charmante campagne solo, le jeu a tendance à répéter les environnements et les objectifs, tout comme ses ennemis, qui manquent cruellement de "vilains" propres à l'univers Marvel. Au programme, trois combats de boss contre des méchants plus ou moins connus qui entrecoupent d'interminables séquences où on tape ce dixième gros robot estampillé AIM, l'organisation qui veut du mal aux Avengers, qui n'a pour seul caractéristique qu'un passif élémentaire différent ou un bouclier en plus. On a bien en tête un boss plutôt sympathique à affronter en coopération grâce à une multitude d'objectifs à atteindre sur lui (frapper les pattes, les flancs puis la tête), mais ce n'est malheureusement rien de plus que l'arbre qui cache une forêt de médiocrité du côté des ennemis.

Le endgame du pauvre

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Ce qui frappe tout particulièrement avec Marvel's Avengers, c'est le sentiment d'avoir sous nos yeux un jeu qui tente d'inclure un peu tout ce qui fait l'essence d'un jeu-service sans pour autant avoir de ligne directrice. Le jeu nous balance une multiplicité infinie d'objectifs secondaires qui peinent à faire preuve de la moindre clarté entre les objectifs journaliers et hebdomadaires pour débloquer des tenues et des ressources inhérentess à chaque personnages, les objectifs de factions, les objectifs journaliers globaux ou encore les objectifs de missions. On se retrouve vite submergé par des informations qui sortent de nulle part, réussissant même régulièrement des objectifs secondaires en pleine mission sans trop savoir pourquoi. On se retrouve complètement paumé au milieu d'un jeu qui tente d'inclure beaucoup de contenu sans jamais vraiment essayer d'être didactique et c'est ce qui rend le endgame assez peu captivant. On va pas se mentir, on s'amuse encore beaucoup à y retourner de temps en temps pour jouer entre amis, mais chaque passage dans les menus d'objectifs et d'équipement donnent un mal de crâne qui rappelle les pires jeu free to play et leurs multiples objectifs journaliers qui n'ont qu'un seul but : nous faire revenir encore et encore dans l'espoir de débloquer une tenue en plus. Il y a quelque chose d'assez malhonnête dans ce procédé qui tente de créer un sentiment d'urgence et d'envie à revenir constamment sur le jeu pour débloquer des objectifs qui disparaîtront quelques heures plus tard. Pourtant, le jeu tente d'être relativement honnête sur d'autres points : on sait déjà que les personnages supplémentaires qui arriveront à partir d'octobre et novembre, avec Kate Bishop et Clint Barton, seront gratuits. Seule la "carte de défis de héros" sera payante à hauteur de dix euros. Ce système apporte là-encore de nouveaux objectifs journaliers et hebdomadaires qui permettent de progresser sur une sorte de roadmap avec, à chaque niveau, le déblocage d'un item. Soit une nouvelle tenue (souvent peu inspirée à base de color swap), soit des ressources, soit des emotes et autres plaques d'identité multijoueur ou enfin des crédits à dépenser dans la boutique pour acheter... D'autres tenues et emotes un peu moches. Pour les complétistes, ce système a l'avantage de rembourser l'investissement : terminer tous les niveaux de la carte de défi d'un héros nous offre 1 300 crédits, soit l'équivalent d'un peu plus de 10 euros avec la monnaie du jeu, sachant que les six héros de base ont tous une carte de défi débloquée d'office. Cela peut-être réinvesti soit dans des contenus qui sont normalement payants, soit être conservé pour les futurs héros à venir. Certes, cela est plus honnête que de mettre une barrière payante pour tous les personnages à venir, mais on va pas se mentir : il faut y passer de très nombreuses heures pour terminer tous les niveaux d'un personnage. Surtout que le nombre de points déblocables est limité dans le temps, avec deux objectifs journaliers et deux objectifs hebdomadaires.

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Voilà, j'espère ne pas vous avoir perdu avec le système économique et les objectifs du jeu en multijoueur. En effet, le nerf de la guerre est bien là pour un jeu-service : ce qui pousse les joueurs à revenir, c'est le contenu. Avoir toujours quelque chose à débloquer,  qu'il s'agisse de compétences, d'équipement, de cosmétique ou de nouvelles missions, est important. Actuellement, le contenu est assez limité en fin de partie, les missions sont très peu diversifiées et il n'existe que de rares missions de boss. On ne doute pas que les développeurs rajouteront au fil du temps une multitude de missions qui exploiteront les trois ou quatre modèles d'objectifs déjà disponibles (capture de territoire, tuer tout le monde, protéger une cible...), qui rappelle d'ailleurs beaucoup la structure des missions de Warframe, afin de nous emmener vers de nouvelles caisses de ressources à récupérer ici et là. Cependant, en l'état actuel, c'est bien trop peu pour nous occuper sur la durée, même si on y revient de temps en temps pour faire nos défis du jour et espérer débloquer de nouveaux éléments cosmétiques. Tout ça sur fond d'un jeu qui peine quand même à tourner sur notre vieille PlayStation 4 fat, avec de très grosses chutes de framerate sur les missions en multijoueur où ça pète un peu de tous les côtés. La résolution dynamique provoque dans ces cas-là une bouillie de pixels, même si les choses se sont largement améliorées depuis la bêta grâce à une réduction du motion blur. Le jeu a tendance à devenir très confus et dur à suivre dans les combats durant lesquels il y a beaucoup d'ennemis, même si là encore les développeurs y apportent une légère solution avec la possibilité d'éloigner la caméra, sans que cela ne fasse de miracle. Certes, les combats sont si bourrins qu'on n'est pas vraiment pénalisés par cette confusion générale dont l'on s'en sort en général plutôt bien en tapant ce qu'il y a devant nous et en nous éloignant quand on commence à perdre trop de vie. Toutefois, si les développeurs veulent proposer des missions plus difficiles à l'avenir, ils devront faire un effort sur la lisibilité des combats.

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Enfin, au cours du test, nous avons eu affaire à quelques soucis qui, sans casser l'expérience, restent désagréables. Notamment avec des coffres qui refusent de s'ouvrir pour une raison obscure, des ennemis invincibles dont la vie ne descend pas ou l'obligation de relancer le jeu en plein chargement qui ne se termine jamais. Néanmoins, le plus gros problème est à relever du côté des sous-titres et des voix : les sous-titres disparaissent régulièrement pendant les dialogues tandis que la version française, assez correcte dans l'ensemble, revenait à chaque démarrage du jeu alors que l'on a configuré les voix anglaises dans les options. Ainsi, nous devions à chaque fois reconfigurer les voix avant de lancer une partie. C'est assez pénible à la longue, d'autant plus que la version anglaise bénéficie d'un casting renommé avec Nolan North, Troy Baker, Laura Bailey et Travis Willingham, mais aussi du super boulot de Sandra Saad dans la peau de Ms. Marvel.

Conclusion

Qu'il est curieux ce Marvel's Avengers. Porté par une super-héroïne qui fait beaucoup de bien dans le paysage des AAA grâce à la manière dont le jeu aborde son héritage culturel et religieux, le jeu s'intègre à côté dans un système devenu trop classique, trop évident pour que l'on n'en remarque pas toutes les techniques pernicieuses qui visent à faire revenir les joueurs et les joueuses dans l'espoir de leur faire dépenser un peu de sous. Ceci grâce à un sentiment d'urgence créé par des tenues distribuées temporairement sur la boutique, avec des objectifs journaliers et une limitation de la progression quotidienne mélangée à un grind intempestif pour s'étaler dans le temps et donner une chance au jeu-service d'exister une fois passé les premières semaines d'exploitation. Alors, on gardera un très bon souvenir de sa super-héroïne musulmane dont l'histoire est un vrai plaisir à suivre, avec l'espoir de la revoir dans d'autres jeux et au cinéma. Cependant, pour ce qui du end game, il faudra que les développeurs proposent un contenu un peu plus excitant pour nous donner envie de revenir à l'arrivée des prochains personnages. En l'état, Marvel's Avengers n'a pas grand chose de plus pour sa licence pour nous tenir en haleine au-delà de sa campagne plutôt bien menée par une bonne équipe narrative.

Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 4 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Genres Action, aventure, espionnage, fantasy, futuriste / science-fiction, super héros

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21 août 2020 (Windows)
Sortie 4 septembre 2020
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