Interview de Bruno Chabanel, directeur d'Artefacts Studio

Pour ceux ayant loupé l'info, le studio Artefacts a récemment sorti une adaptation de la série audio du Donjon de Naheulbeulk. Nous avons eu l'occasion de poser quelque question au directeur du studio, Monsieur Bruno Chabanel. Voici le compte-rendu de l'interview !

Bonjour, merci de prendre le temps de répondre à nos quelques questions concernant Le Donjon de Naheulbeuk : L’Amulette du Désordre.

Quelles connaissances aviez-vous de l’univers Naheulbeuk avant le début du projet ?

BC : En tant que « rôliste » et Maître de jeu sur pas mal de licences de jeux de rôle papier et directeur du studio Artefacts, j’ai découvert la licence par la saga audio et la BD dans les années 2 000. Vu que John Lang parodie le monde des jeux de rôle et de la fantaisie, j’ai tout de suite adhéré à cette licence qui se moque gentiment des « rôlistes », ainsi que des univers de jeux de rôle/fantaisie très sérieux et épiques.

Comment est né le projet d’adaptation en jeu vidéo ?

BC : Fin des années 2000, j’ai contacté John Lang et Pierre Léoni  (Clair de Lune, éditeur BD du Donjon de Naheulbeuk) pour voir si la licence était disponible dans le but d’en faire un jeu vidéo tout simplement ; cela a bien fonctionné avec John et on a lancé le projet.

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Naheulbeuk est présent sous de nombreuses formes (saga MP3, romans, BD, jeu de rôle, livres dont vous êtes le héros, etc.). Sur quoi vous êtes-vous basé pour réaliser cette adaptation ?

BC : Un peu tout, mais plus précisément la saga audio, les BD et le JDR.

Cette adaptation en jeu vidéo a-t-elle représenté certaines difficultés spécifiques ?

BC : Oui, car on ne pouvait reprendre stricto sensu la direction artistique de la BD qu’il a fallu adapter pour les besoins de la 3D et pour toucher un public plus international. On a dû se greffer sur la série qui devait voir le jour et on a été finalement bloqué pendant 3 ans ; heureusement, en 2017 grâce à Clair de Lune, John et Marion, nous avons pu nous dissocier de la série et avancer.

Quel a été l’implication de John Lang dans la réalisation du jeu vidéo ?

BC : Forte ; John a composé les musiques du jeu,  a participé aux choix des acteurs FR avec nous pour les rôles secondaires et a validé les acteurs principaux. Il a aussi validé le scénario écrit par Stéphane Audrand, qui est impliqué dans l’univers de Naheulbeuk depuis plusieurs années. 

Certains doublages ont été modifiés par rapport au matériau de base, pourquoi ce choix ?

BC : Parce que John ne voulait/pouvait pas tout faire, il n’en n’avait pas vraiment pas le temps.

Vous avez fait appel à de nombreux influenceurs/Youtubeurs pour doubler des personnages, pourquoi ce choix ?

BC : C’est un choix de John, qui les connaît et nous les a conseillés, et que nous avons validé avec lui et Dear Villagers.

La licence Naheulbeuk est assez vieille. Craigniez-vous qu’elle ne réponde plus aux attentes du public actuel, notamment en raison de son humour ?

BC : "Vieille" n’est pour moi pas le bon mot ; tout est relatif. Cette licence fait partie intégrante de la culture du jeu de rôle français et même de la culture tout simplement (Prix Merlin obtenu par John Lang en 2010, les BD et romans servent de support pour des exercices à l’école, notamment en musique, français, mathématiques et physique ; de plus, le Donjon de Naheulbeuk participe activement au fonctionnement de salons littéraires, bibliothèques et médiathèques).  On sent de l’engouement même à l’étranger sur le lancement du jeu, je pense que la licence reste d’actualité et parle à un public de rôlistes, mais pas seulement.  On ne va pas se cacher, on savait qu’une partie de l’humour de Naheulbeuk pouvait être clivant aujourd’hui, mais c’est un pilier de la licence, trop l’édulcorer aurait déçu la communauté toute entière.

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Dans une période dominée par les super héros, c’est quand même jouissif de diriger une équipe de baltringues, à qui il arrive les pires mésaventures du fait de leurs incompétences, mais qui finissent, en groupe, à s’en sortir.

Au vu des premiers retours, le pari semble gagné car le public répond de manière plus positive que négative à en juger par les retours et les évaluations Steam (86% d’évaluations positives).

Pourquoi avoir décidé de faire un jeu de rôle tactique ?

BC : Parce que faire un jeu de voiture était trop cher. Non, sérieusement, parce que vu le type de licence, on avait le choix à mon sens entre un jeu de rôle classique (avec pause active), un RPG tactique, un rogue-like et un hack n slash. De mon point de vue de rôliste, le combat au tour par tour me paraissait le plus adapté aux univers de jeux de rôle et à la licence, tout simplement.

L’aléatoire est très présent dans le jeu. Pourquoi ce choix ? Ne craigniez-vous pas que cela frustre les joueurs ?

BC : Idem, c’est pour marquer le côté jeu de rôle papier : le côté chaotique de l’aléatoire est fait pour éviter des combats identiques et stéréotypés en mettant un peu de surprise que l’on peut contrecarrer en utilisant la jauge Randomia (la jauge se remplit sur les échecs du groupe et donne des compétences gratuites pour renverser le cours du combat). Il faut effectivement réfléchir et anticiper pour construire sa tactique. Si une tactique ne fonctionne pas pour un combat, il faut reprendre le combat et en changer. C’est particulier, tranché, mais à priori ça plaît plus que cela ne rebute. De plus, à la base, les personnages qui composent la compagnie sont des baltringues, le côté aléatoire nous permet d’intégrer ce point dans la jouabilité. C’est aussi un hommage à UFO les pré- X COM.

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On ressent une très nette différence entre les notes des joueurs et celles des sites spécialisés, est-ce que vous pensez que c’est la nostalgie qui crée cet écart ?

BC : Nostalgie ou pas, il y a une communauté forte et vivante autour du Donjon de Naheulbeuk, qui attendait cette adaptation depuis des années ; on se devait de respecter la licence et la communauté. Ensuite, la presse a eu une version un peu trop boguée au départ, ce qui n’a pas aidé pour les notes. Il y a certes une différence d’appréciation entre les joueurs et une partie de la presse, mais à la fin on voit que le jeu est apprécié par les joueurs, par John et qu’une partie de la presse spécialisée rejoint ce ressenti (CanardPC 8/10, rockpapershotgun 7/10 pour ne citer qu’eux) et c’est une récompense inestimable pour le studio.

Prévoyez-vous du nouveau contenu pour le jeu (DLC) ou une suite ?

BC : C’est en discussion avec Dear Villagers, mais on en a très envie, oui !

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