Test de Pokémon Écarlate et Violet - le paradoxe des couleurs

La neuvième génération de Pokémon vient tout juste de sortir avec son lot de nouveautés et d’innovations, mais elle s’illustre surtout par une technique désastreuse qui saute aux yeux. Le fond arrivera-t-il à faire passer la pilule de la forme ? C’est ce que nous allons essayer de voir ici !

Pour sa neuvième mouture, Pokémon pose ses valises en Espagne, ou plutôt sur une région nommée Paldea qui s’en inspire. Pour la toute première fois depuis le début de la saga, il s’agit d’un open world que l’on peut visiter en long et en large dès le tout début du jeu. Pour certains recoins un peu particulier, il faut au préalable avoir débloqué des compétences pour la monture via l’une des quêtes principales, mais la plupart du contenu est disponible tout de suite. Le souci, comme on pouvait le présager, c’est la difficulté. En s’éloignant de l’ordre pré-établi par Game Freak, on trouve certes un peu de challenge au début, mais il se transforme rapidement en simple formalité. L’absence de scaling fait vraiment tache et on aurait apprécié que la difficulté suive notre avancée dans le jeu.  

Comme dans la plupart des jeux en monde ouvert, on dispose de divers moyens pour accélérer les déplacements qui sont parfois très longs. Il y a bien entendu des points de téléportation sous forme d’arrêts de taxi, mais le plus grand intérêt réside dans la monture. Koraidon dans Écarlate et Miraidon dans Violet sont les Pokémon légendaires principaux de cette neuvième génération mais on y a accès dès le début. Tout du moins, à leurs formes de voyage qui ressemblent à des motos : on ne peut pas s’en servir pour combattre avant la fin du jeu, et fort heureusement, d’ailleurs. De prime abord, restreindre de telles légendes au rôle de simples véhicules paraît complètement hors de propos, mais il faut admettre que la justification scénaristique est plutôt convenable. L’une des missions consistera à leur rendre leurs pouvoirs et leur permettre de nager ou de grimper, ce qui ouvre l’accès à des recoins un peu plus isolés. Toutefois, leur maniabilité un peu nerveuse rend compliquée certaines phases qui nécessitent de la précision.

Écarlate et Violet proposent une centaine de nouvelles créatures, ce qui est le total le plus haut dans une nouvelle génération depuis les versions Noire et Blanche. Comme souvent, il y a à boire et à manger avec des Pokémon très réussis ou extrêmement surprenants et d’autres qui manquent clairement d’inspiration. La nouvelle mécanique du Téracristal est, elle, plutôt bien trouvée. Elle permet de changer le type d’un Pokémon pendant le combat, ce qui ouvre la porte à de nouvelles stratégies, en transformant par exemple l’énorme faiblesse Sol d’un Magnézone en immunité grâce à un Téracristal Vol. En plus, ses apparitions lors de l’histoire sont assez épiques avec de jolis effets et une musique qui change en adéquation. 

L’ambiance sonore d’Écarlate et Violet est un véritable point fort. Si certains regrettaient que la patte « historique » de Pokémon soit moins présente que d’habitude, ce changement de direction était nécessaire et accompagne avec brio le passage en monde ouvert tout 3D. On reconnaît facilement la touche Toby Fox, créateur d’Undertale et de Deltarune qui avait déjà composé la musique de la Tour de Combat sur Épée et Bouclier et qui a ici travaillé sur beaucoup plus de morceaux comme l’air des Raids Téracristal. Les thèmes des combats contre les Pokémon sauvages s'incorporent à la perfection aux mélodies ambiantes, sans aucune transition. Ce virage ne plaira pas à tout le monde, mais après plusieurs générations qui avaient de bonnes BO sans pour autant être mémorables, on est agréablement surpris ici. Certaines cassent même totalement les codes et sont totalement inattendues pour un jeu Pokémon.

Seulement, et ça, tout le monde a pu le voir, graphiquement, Écarlate et Violet sont des jeux catastrophiques. Les textures bavent, les objets lointains sont modélisés n’importe comment, le crénelage est extrêmement visible, en bref, c’est totalement indigne d’un jeu sorti en 2022. Le pire dans tout ça, c’est qu’on grognait à juste titre pour Légendes Arceus et même Épée / Bouclier il y a trois ans, mais le résultat aujourd’hui est encore moins bon. Le pire, c’est que cette bouillie concerne les décors. Le contraste est saisissant : si tout ce qui est inanimé est particulièrement immonde, les personnages et surtout les Pokémon, eux, sont vraiment bien modélisés. Toutes les textures ont été améliorées et, visuellement, on est franchement sur quelque chose de tout à fait agréable à l’œil. Les personnages ont aussi bénéficié d’un soin tout particulier qui leur donne une vraie personnalité. 

Le souci, c’est que les performances sont également aux fraises. Ça rame en permanence. Ce ne sont pas de simples petits ralentissements dans certaines zones mais des baisses de framerate permanentes qui sont fortement accentuées dans des endroits un peu chargés. Et le pire, c’est que ça s’étend à tout le jeu ! Les menus sont d’une lenteur incompréhensible, le simple fait d’ouvrir le PC pour avoir accès aux Pokémon est un calvaire sans nom. Ils mettent entre  une et deux secondes à s’afficher à chaque nouvelle page, ce qui constitue une frustration supplémentaire doublée de gros questionnements. Il n’y avait aucun problème de ce côté dans les jeux précédents et on ne parle pas de retour en arrière mais plutôt d’un véritable dérapage.

Si on met de côté les versions Rouge / Bleue / Verte, les jeux Pokémon développés par Game Freak sont dans l’ensemble plutôt propres en ce qui concerne les bugs. Il en reste toujours un ou deux de temps en temps, mais ça n’entrave généralement pas la progression dans l’aventure ni même le plaisir de jeu. Écarlate et Violet ont fait voler en éclats les bonnes habitudes. Il y a bien sûr les classiques écrans noirs avec les fameuses lignes qui stipulent que le jeu a crash ou les sauvegardes de secours qui plantent mais ils ne constituent qu’une petite goutte d'eau au milieu de l’océan.  On peut parfois traverser les textures pour se retrouver en dessous de la map, avoir des bugs de collision qui mènent à des situations absurdes, des montures qui se plantent dans le sol, des personnages décharnés, des Pokémon qui se retrouvent en l’air sans raison et bien d’autres. Alors bien souvent, c’est très drôle, mais on a tendance à plutôt rire jaune. On parle de Pokémon aka la licence la plus lucrative au monde, et un tel résultat n’est tout simplement pas acceptable en l’état. Certains mécontents se sont fait rembourser leur version numérique par Nintendo qui est en train de taper sur pas mal de doigts... Comme d’habitude, les raisons sont multiples : un rythme de parution très soutenu imposé par le merchandising, le travail simultané sur de multiples projets avec des équipes somme toute restreintes ne dépassant pas les quelques centaines de personnes et très certainement un manque de compétences dans le domaine de la 3D. 

Mais l’étrange paradoxe, c’est qu’à côté de tout ça, Écarlate et Violet sont très bons. Ils se manifestent par une écriture des personnages et de son histoire qui dépassent de loin ce qu’on a pu avoir lors des derniers jeux. Un sujet de société très important en relation avec l’école est traité avec bienveillance et tendresse et on salue l’initiative qui, on l’espère, permettra à de jeunes personnes de prendre la parole. Et puis, il y a cet arc final hors du temps. Une ambiance visuelle et musicale qui mélange aventure, excitation mais aussi stress et désarroi. On se surprend à être littéralement subjugué par ce ton beaucoup plus mature que prend la fin du jeu avec des révélations choquantes qui feront facilement rougir les yeux des personnes les plus sensibles. C’était totalement inattendu, mais ressentir des émotions fortes est quelque chose que l’on accueille à bras ouverts en jouant à deux jeux vidéo, et Pokémon a réussi à viser très juste.

Les versions Écarlate et Violet sont de véritables paradoxes. D’un côté, la forme est totalement ratée et tous les voyants sont au rouge pour que l’on ne donne pas plus d’argent à la Pokémon Company qui est incapable de fournir un produit abouti. Mais le fond, lui, est vraiment de qualité. Entre son contenu solo et coopératif très important, son ambiance unique et son histoire plutôt bien ficelée et très touchante, son cœur cache un véritable trésor. Et c’est là qu’on a une grosse sensation d’amertume : ces versions auraient pu être les meilleures de toute la saga si elles avaient été fignolées avec soin. En l’état, on a l’impression de manger un excellent plat de restaurant trois étoiles mais servi sous forme d’une purée épaisse et peu ragoûtante. Les saveurs et le plaisir sont là, mais on se demande comment ils peuvent oser nous les servir sous cette forme.

Test réalisé par Malison avec une version fournie par l'éditeur.

 

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Plateformes Nintendo Switch
Genres J-RPG, jeu de rôle (rpg), contemporain

Sortie 18 novembre 2022 (Monde) (Nintendo Switch)

Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.