Interview de Alain Jarniou, Game Director, pour la sortie de WRC 8

À l'occasion de la sortie de WRC 8 il y a quelques jours, nous avons eu l'occasion d'interviewer Alain Jarniou, le Game Director de Kylotonn sur WRC 8 pour en apprendre plus sur le développement du jeu, son orientation "eSports", mais également sur leur travail en interne sur plusieurs franchises grâce à leur moteur de jeu maison.

Interview de Alain Jarniou, Game Director, pour la sortie de WRC 8

Kylotonn s'est imposé depuis longtemps dans le domaine des jeux de course grâce à son équipe KT-Racing, avec une expertise développée autour des jeux de rallye puisqu'ils ont récupéré le développement de la licence en 2015 à l'occasion du cinquième épisode. Pour ce faire, l'équipe a développé un moteur maison (le "KT Engine") et s'est agrandi au fil des années et de ses ambitions.

Après une année de pause, la licence faisait son retour avec WRC 8 le 5 septembre dernier. Testé dans nos colonnes, on découvrait un jeu plus ambitieux que ses prédécesseurs avec un mode carrière refondu, une conduite plus précise et une intégration de modes "eSports" qui apportaient un petit truc en plus. Imparfait, le jeu remettait tout de même la licence sur la bonne voie et promet de bonnes choses pour l'avenir.

C'est dans ce contexte qu'Alain Jarniou, le Game Director du studio Kylotonn, nous a accordé une interview, à retrouver ci-dessous en intégralité.

(ndlr : cette interview a été réalisée avant que l'on puisse jouer au jeu, ainsi quelques questions portent sur le contenu que l'on a découvert par la suite comme vous pouvez le voir dans notre test, mais nous avons tout de même décidé de publier l'interview intégralement.)

Sur l’aspect eSport du jeu et le public visé par le retour de la licence.

L’eSport est mis en avant depuis l’annonce du jeu, quoi de nouveau pour cette année ? De nouveaux modes de jeu spécifiques, des challenges hebdomadaires par exemple, ou l’organisation de compétitions en ligne ou en tournoi réel ? On connaît déjà la compétition eSports WRC depuis 2015, mais est-ce que vous proposerez quelque chose de nouveau pour WRC 8 ?

Effectivement, l’eSport est un aspect très important des jeux WRC depuis WRC5, le premier opus développé par Kylotonn. Il nous semble en effet primordial de créer un pont entre la compétition officielle du championnat du monde des rallyes et le jeu. L'eSport rally est une compétition exigeante et passionnante qui offre, comme dans le championnat réel, un vrai défi sportif. Nous avons d’ailleurs travaillé en collaboration avec nos meilleurs joueurs eSports pour valider le gameplay de WRC 8 : 

À noter, au rang des nouveautés, que la finale eSport se jouera sur WRC 8 dès cette année. L’eSport WRC est à la fois un tournoi réel et virtuel en ligne : en effet, au long de la saison WRC (en même temps que les rallyes réels), les joueurs s’affrontent sur des évènements en ligne sur plusieurs spéciales et sont classés sur le même principe de points que dans la réalité. Néanmoins, nous avons aussi introduit depuis la dernière saison, la possibilité pour des joueurs physiquement présents sur certains rallyes du championnat de se qualifier sur place pour la finale. De plus, comme pour les précédentes éditions, nous regroupons les finalistes physiquement sur un rallye (au rallye du Pays de Galles cette année) pour qu’ils puissent s’affronter en temps réel et consacrer le champion eSport. Pour WRC8, nous allons introduire cette année un nouveau type de compétition pour se rapprocher encore plus de la réalité, mais nous ne pouvons pas encore en dévoiler les détails.

Cette orientation eSport traduit-elle une volonté d’attirer un public plus exigeant, ou WRC conserve une vision grand public et accessible de la simulation automobile ?

Ce sont là 2 aspects du même jeu : nous souhaitons que WRC 8 soit le plus authentique possible, la conduite est donc proche de la simulation. Mais nous faisons aussi en sorte que le jeu reste accessible à des joueurs non-experts de la conduite en proposant plusieurs niveaux de difficulté et des aides à la conduite. La partie eSport, quant à elle, comme toute compétition sportive de haut niveau, s’adresse naturellement à une tranche de joueurs plus “hardcore” qui passe beaucoup de temps à s’entraîner. Mais il y a un énorme avantage à avoir une telle compétition sur un jeu WRC : en effet, les courses des meilleurs joueurs sont accessibles pour que chacun puisse se comparer lors des spéciales avec les ghosts de ces joueurs.


Viser les compétitions eSport a-t-il un impact particulier sur le développement du jeu, sur les idées et priorités de l’équipe ? Ou bien est-ce que le studio apporte autant d’intérêt et de soin au jeu solo ou au multijoueur non-compétitif ?

C’est un tout. En effet, l’une des plus importantes améliorations apportées dans WRC8 est son mode carrière, beaucoup plus immersif et faisant la part belle à l’aspect management d’une équipe. À première vue, l’eSport n’a rien à voir avec cette partie. Pourtant, la conduite, les réglages et améliorations possibles sur la voiture sont en partie inspirés des habitudes et demandes que nous avons discutées avec les joueurs eSport (chaque joueur a ses réglages préférés).

Sur le mode carrière et les intentions du jeu en matière de conduite.

Le mode carrière a été refondu, à quel point ce mode cherche à investir le joueur dans l’évolution de son écurie ? Le joueur a-t-il une influence sur son écurie, sur le staff, le développement de sa voiture ? À quel point ses décisions comptent ?

Le mode carrière a été complètement revu. Supprimé, oublié et recréé avec une nouvelle philosophie : apporter la dimension stratégique d’un manager en plus de l’expérience de conduite. Trois grandes mécaniques régissent cette nouvelle expérience : la gestion d’un calendrier de course qui permet au joueur de choisir à quelles activités prendre part parmi 7 types différents, en plus des épreuves de rallyes que l’on connaît. La gestion de membres d’équipe représentés sous la forme de 6 métiers différents, chacun apportant une expertise (et donc des avantages) plus ou moins efficace en fonction de leurs statistiques ; il faudra donc recruter de nouveaux membres plus performants. Et un pôle de Recherche & Développement qui permet d’améliorer les performances et la fiabilité de la voiture, mais aussi l’écurie et les membres d’équipe. Tous ces paramètres permettent au joueur d’établir une stratégie à long terme afin de subvenir aux besoin d’une équipe : budget, moral d’équipe, réputation auprès d’autre constructeurs, maintenance de la voiture...

Une chose manque parfois aux jeux de courses, c’est la dimension émotionnelle que peut procurer une saison en championnat. Les rivalités, les objectifs changeants au fil des événements en cours de saison, le sentiment d’accomplissement quand on arrive à accrocher une place honorable dans une écurie qui n’y accède que très rarement. Est-ce que vous vous intéressez à ces composantes du sport automobile ? Si oui, de quelle manière cela se traduit-il en jeu ?

Les WRC précédents étaient axés sur le fait de gagner des courses encore et encore, effectuer une longue succession de rallyes, mais cela limitait effectivement toute implication émotionnelle du joueur dans le sport en lui-même. Il ne finissait par voir que sa voiture et les chronos. Nous avons changé l’approche du mode carrière pour justement permettre au joueur de s’impliquer et d’être acteur de la réussite ou de l’échec de son équipe. La philosophie est de faire travailler le joueur, de faire en sorte qu’il mérite ce qu’il obtient. Rien n’est donné gratuitement ou outrageusement facile. Il y a une véritable implication à avoir parfois sur plusieurs heures de jeu. Il faut faire des choix pour construire l’équipe la mieux adaptée. Afin d’être en bon terme avec son constructeur, il faut accomplir des objectifs, comme recruter un certain nombre de membres d’équipe dans un temps donné, ou ne pas endommager la voiture au-delà d’un certain stade. Ce sont aussi des stratégies à moyen et à long terme que le joueur peut voir se concrétiser avec l’utilisation du pôle R&D permettant d'améliorer la voiture et l’équipe. Tout cela est fait pour que le joueur soit réellement impliqué, responsable de ses réussites et de ses échecs, il est un véritable acteur de son expérience de jeu et crée sa propre histoire pour devenir champion du monde.

WRC 7 avait du mal à se détacher d’une vision parfois simpliste de la conduite de rallye, avec des dérapages parfois exagérés, avare en sensations au volant (ou à la manette). WRC 8 promet un feeling plus proche de la simulation, peut-on s’attendre ainsi à une physique revue, notamment du côté du poids de la voiture, du transfert de masse si important au rallye ou encore une gestion des pneus et autres dommages provoqués par une conduite agressive ?

WRC 8 a pris un virage vers la simulation pour justement s’éloigner de comportements de voiture étranges et donnant des sensations arcades : des freinages très courts, du grip plus que de raison ou des dérapages irréalistes. C’est un gros travail sur la physique du jeu, en termes de programmation et de réglage, afin de recréer le fonctionnement des voitures : simuler la rotation d’un axe passant par un démultiplicateur ensuite envoyé aux roues qui grippent plus ou moins à la surface au sol en fonction du couple envoyé... c’est véritablement la retranscription d’une mécanique réelle et non plus de simuler un résultat visuel. Nous avons développé WRC 8 avec l’aide d’ingénieurs de chez Hyundai et de Citroën afin de simuler cette mécanique, mais aussi avec de vrais pilotes de rallye pour que toutes les techniques de pilotage soient réalisables dans le jeu, du transfert de masse au freinage pied gauche, short shifting... Nous avons fait évoluer notre moteur de simulation de véhicule sur chacun de nos jeux, en allant toujours dans une direction « simulation ». Sur WRC 8, nous avons revu pas mal de choses : gestion du différentiel à glissement limité, amélioration de la simulation du turbocompresseur en prenant en compte la vitesse de rotation de l'hélice du turbo, sa propre masse, etc. Nous espérons que nos joueurs apprécieront.

D’ailleurs, en prenant cette orientation plus proche de la simulation, vous ne craignez pas de vous couper d’un public qui attend un jeu plus accessible ? Disons qu’un néophyte se lance dans une carrière WRC 8, que fait-il face au développement du véhicule, les réglages ? Est-ce que le jeu saura lui apprendre les rudiments du rallye ?

Il est vrai que le rallye est un sport mécanique qui n’est pas connu de tous et c’est là où le jeu vidéo devient un média de divertissement, mais aussi de pédagogie. Tout d’abord, nous avons développé un “Mode saison” qui permet d'enchaîner les saisons sans se soucier de la partie gestion de carrière, pour les joueurs ne souhaitant pas avoir la partie gestion qui peut paraître complexe. Pour ce qui est du mode carrière, nous avons introduit les mécaniques de jeu au fil de la progression du joueur, et certaines n'apparaissent et ne sont expliquées que lors de l’arrivée en championnat WRC (cela représente déjà 15 heures de jeu) ; le jeu s'approfondit et se complexifie à un rythme très progressif pour justement accompagner le joueur et ne pas le noyer sous une masse d’informations indigeste.

Les voitures font partie intégrante de l’apprentissage du jeu et certaines sont plus simples que d’autres, le joueur peut ainsi apprendre avec des tractions avant moins puissantes, puis s’essayer à une WRC2 pour finir quelques heures plus tard - si le courage leur en dit - avec une propulsion de 385 chevaux. Même constat pour les réglages de la voiture ; nous avons mis en place 2 systèmes de réglages. Le premier permet de régler finement chaque pièce de la voiture, comme le différentiel avec 13 variables différentes ; et un système plus accessible peut aussi être utilisé afin de régler ce même différentiel où le joueur décide simplement de dire que la voiture est plus stable et sous-vireuse, ou au contraire plus joueuse et survireuse. Nous avons pris un virage vers la simulation, mais avons créé des outils et un rythme de jeu afin que les joueurs néophytes puissent prendre ce virage avec nous.

WRC 7 était plutôt décevant du côté des dégâts visuels, est-ce que des efforts ont été faits en ce sens pour cette année ?

En rallye, les dégâts subis par la voiture font partie intégrale de la discipline. Avant de parler de dégâts visuels, il faut savoir que cela a un impact, un grand impact, sur la voiture : une suspension endommagée absorbe moins les chocs et rend les transferts de masse plus difficiles ; c’est quelque chose que nous avons retranscrit dans le jeu et que les joueurs peuvent particulièrement essayer avec le mode de jeu “Conditions Extrêmes” disponible en carrière, les mettant au volant d’une voiture très endommagée. Nous avons donc fait en sorte de pouvoir constater ces dégâts visuellement. Dans le cas de la suspension, on peut voir que la roue touche le passage de roue en l’absence de résistance ou, au contraire, se retrouve bloquée en extension. Au final, nous avons changé la façon de travailler les éraflures et les enfoncements de carrosserie, mais surtout nous avons travaillé l’impact gameplay et sonore pour renforcer l’immersion et la sensation de danger du rallye.

Vous avez annoncé l’arrivée d’une météo dynamique pour WRC 8. Quel impact cela aura en jeu au-delà du visuel ?

Effectivement, l’impact des changements de météo dans une spéciale dépasse largement l’aspect visuel. Cette météo va tout simplement changer l’approche du joueur, que ce soit à cause de la pluie ou simplement d’une question de visibilité avec la luminosité ambiante ou le brouillard. La pluie, et plus exactement l’humidité de la route et la quantité d’eau au sol, réduit le grip des voitures, rendant les freinages plus longs et moins stables ; mais aussi sur la remise des gaz qui demande une plus grande finesse pour ne pas patiner outre mesure. Les pneus également, puisque nous avons ajouté les pneus pluie dans WRC 8 amenant toute une dimension stratégique en termes de pilotage : si les pneus pluie offrent un meilleur grip sur une route mouillée, ils s’usent plus vite en conditions sèches et offrent une moins bonne tenue de route. Alors, que faire lorsqu’il se met à pleuvoir en plein milieu de la spéciale, quel choix faire ? La météo influe sur la stratégie derrière le volant et dans le parc d’assistance. D’ailleurs, un météorologiste peut intégrer l’équipe du joueur afin de prédire la météo avant les spéciales et comme ces prévisions ne sont pas toujours exactes, cela peut donner lieu à une mauvaise stratégie de course...

Deux ans se sont passés depuis le dernier WRC : depuis, le rallye a été monopolisé par un concurrent avec la licence DiRT Rally, alors qu’est-ce qui pourrait convaincre quelqu’un qui a ses bonnes habitudes sur le jeu d’aller jeter un coup d’œil à WRC 8 – mis à part la licence officielle ?

C’est exact... Leur travail place la barre assez haute dans le milieu du rallye. Mais notre moteur physique a beaucoup évolué et continue d’évoluer à chaque nouveau jeu de Kylotonn pour arriver au niveau de nos meilleurs concurrents. Par ailleurs, nous avons choisi de développer le jeu sur des axes spécifiques. Les sensations de jeu sont de plus en plus fines, mais la particularité de WRC 8 est de développer tout ce qui englobe cette expérience de conduite. Nous essayons de faire bouger les choses et le mode carrière est le premier du genre à faire sortir le rallye d’un enchaînement de spéciales grâce à 4 nouveaux modes de jeu comme les entraînements ou les conditions extrêmes. La gestion des membres d’équipe dans un sport mécanique nous semble incontournable et cela se traduit par du gameplay et une évolution de l’expérience de jeu : la voiture peut subir des pannes mécaniques. Un mauvais mécanicien accélère la dégradation de la voiture, et une voiture mal entretenue subit des pannes mécaniques sur ses différentes parties mécaniques, menant inexorablement à une perte de performances. WRC 8 parle du sport mécanique de façon globale.

Pourquoi avoir pris la décision de prendre plus de temps pour travailler sur WRC 8 plutôt que de viser une nouvelle sortie annuelle en 2018 ?

Avec WRC 5, 6 et 7, Kylotonn a énormément progressé en termes de ce que nous appelons le “core gameplay”, c’est-à-dire principalement la conduite, la création des niveaux de jeu et la représentation des voitures et des environnements. L’étape suivante pour pouvoir proposer une expérience de jeu encore plus immersive et passionnante passait pour nous par la mise en place d'éléments complexes tels qu’un mode carrière beaucoup plus complet et une évolution importante du moteur de jeu, développé en interne, avec les conditions météo changeantes. Ces gros changements auraient difficilement été possibles en seulement 1 an, nous avons donc préféré prendre le temps nécessaire.

Sur le portage Switch, une première pour la licence WRC.

C’est la première fois que la licence arrive sur Switch : avec une concurrence moindre sur la plateforme, il y a sûrement un coup à jouer. À quoi faut-il s’attendre en termes de contenu ? Est-il identique ?

Nous avons développé la version Switch pour qu’elle soit au niveau des autres plateformes, même si elles sont plus puissantes. La version Switch de WRC 8 bénéficie des dernières avancées du moteur KT Engine et nous avons capitalisé sur l’expérience des précédents portages. Par exemple, le Free Roaming, qui fait appel à la technologie du streaming, est complètement porté sur Switch, ce qui permet au joueur de naviguer librement dans un espace aux multiples routes et intersections. Autre exemple, la météo dynamique, qui procure une sensation au plus proche des rallyes, est également de la partie.


La question qui fâche : à combien d’images par seconde faut-il s’attendre ? On se souvient du portage de V-Rally 4, sur KT Engine, qui était assez décevant... Qui plus est pour le rallye, qui nécessite une certaine stabilité pour être pleinement appréciable, tant la discipline compte à la fois sur l’anticipation et les réflexes.

Nous avions un objectif de 30 images par seconde constantes. L’équipe a fourni énormément d’efforts sur la version Switch pour rendre l’expérience fluide et immersive. Nous espérons que les joueurs Switch apprécieront les améliorations de ce huitième opus.


L’ajout d’une version Switch, sur une console très différente de ses concurrentes, a-t-elle compliqué le développement du jeu et mobilisé de nouvelles ressources ?

En effet, la Nintendo Switch est une console ayant de fortes spécificités par rapport aux autres plateformes du marché. Le portage sur Switch s’est fait en même temps que le développement sur les autres consoles grâce à une collaboration étroite entre différentes équipes, ce afin de fournir une version Switch de qualité et au plus proche de la licence WRC.

Sur le studio et son moteur maison.

Kylotonn semble plus ambitieux que jamais avec WRC 8, est-ce que le studio s’est agrandi ou conservez-vous la même équipe depuis le dernier épisode il y a deux ans ?

Effectivement, WRC 8 est l’un des projets les plus ambitieux pour Kylotonn. Kylotonn utilise aussi sa propre technologie et son expertise pour développer d’autres titres de racing tels que Tourist Trophy. Nos équipes ont donc naturellement grossi. Pour WRC 8, une majorité de l’équipe avait participé à WRC 7, afin de bénéficier de leur expérience, qu’ils soient artistes, programmeurs, modeleurs véhicules ou au marketing. Nous essayons au maximum de pérenniser l’expérience au sein du studio afin de pouvoir approfondir le jeu à chaque fois. Intégrer de nouveaux membre aux équipes de développement est également très important : si leur expérience du titre est moindre, leur œil neuf et leurs idées fraîches permettent de renouveler le titre pour offrir une expérience de jeu nouvelle.

Cette ambition se traduit aussi par les nombreux projets : entre TT Isle of Man, V-Rally et WRC, le studio a été très actif ces dernières années. Comment gérez-vous tous ces projets ? Sont-ils menés en simultané par plusieurs équipes ?

L’équipe de Kylotonn s’est étoffée au fil des années et plusieurs projets sont généralement développés en parallèle. Mais la technologie est , par exemple, partagée par tous, ce qui permet de faire progresser tous nos jeux en parallèle aussi. Le moteur « Kt Engine » est réutilisé sur chacun de nos jeux et il évolue aussi pour chaque jeu : il n’y as pas un jeu où nous n’avons pas amélioré le rendu, les performances, la « simu » des véhicules, le support volant, etc.

Certains métiers (car artists, sound designer, etc.) peuvent mutualiser leur travail quand d’autres équipes sont plus spécifiques (gameplay, interface, environment artists, etc.). C’est une façon de créer des jeux qui a certaines contraintes, évidemment, mais qui permet aussi d’améliorer la qualité de chacun de nos jeux.

Vous couvrez par ailleurs des disciplines très différentes : TT Isle of Man porte sur une course de motos mythique, V-Rally est plus arcade tandis que WRC 8 tente de s’imposer du côté de la simulation. Mais est-ce que l’expérience acquise sur une licence profite aux autres projets et, si oui, de quelle manière ?

Absolument. Kylotonn est un studio à taille humaine et l’objectif est de mutualiser l’expérience de nos équipes afin d’avoir une progression à chaque projet. Nous faisons également en sorte de récupérer toutes les technologies développées sur un projet pour les suivants, qui seront bien entendu adaptées, améliorées et optimisées pour ce projet. La circulation de l'expérience et la mutualisation des projets permet à la fois d’améliorer notre expertise des jeux de courses et de diversifier les disciplines.

D’ailleurs, V-Rally et WRC portent sur la même discipline, mais avec des approches très différentes. Quel intérêt pour le studio de développer un jeu de rallye hors-licence WRC ? Est-ce que cela offre plus de libertés qu’un jeu sous licence officielle ou l’intention était simplement de proposer un jeu « arcade » pour viser un autre public ?

Effectivement, c’est pour ces deux raisons que nous avons repris la licence V-Rally ; c’était l’occasion de pouvoir être débridé sur l’expérience de jeu en proposant un contenu radicalement différent d’un WRC. Le hillclimb ou le buggy ne pourraient absolument pas rentrer dans un WRC. Il faut également voir que le fait de travailler sur des jeux différents, dans différents styles nous permet de développer de nouvelles technologies et de pousser les anciennes encore plus loin. Par exemple, créer l’expérience buggy avec des suspensions d’un débattement de 80cm a demandé une refonte entière du système, qui aujourd’hui est exploitée sur nos autres titres. Dans le sport mécanique réel, les constructeurs automobiles investissent énormément pour participer aux différentes compétitions dans le but d’obtenir de la visibilité, mais aussi de développer de nouvelles technologies de pointe. C’est comme ça que sont nés les quatre roues motrices, les turbos, les éléments aérodynamiques ou encore l’utilisation de la fibre de carbone. C’est exactement la même chose pour un moteur de jeu et c’est ce que nous avons fait grâce à V-Rally 4 entre autres.

Pourquoi avoir fait le choix d’exploiter un moteur maison (KT Engine) plutôt que d’utiliser un moteur externe ? Qu’est-ce que cela vous apporte dans le développement du jeu et, au contraire, est-ce qu’il y a des mauvais côtés à ce choix ?

Kylotonn s’est spécialisé dans le racing ; le fait d’avoir un moteur maison qui se concentre sur ce sujet est un gain de productivité immense. Un moteur généraliste répond à des problématiques globales, que ce soit du racing, du FPS, du TPS, du STR… Mais ça le rend aussi moins pointu dans tous ces domaines, alors que le KT engine de son côté est constamment amélioré pour une meilleure expérience de jeu racing. De plus, nous voulons garder notre indépendance technique et ne pas subir des choix technologiques externes à nos besoins de production. Je dirais que le plus gros inconvénient est que nous devons passer plus de temps à former les gens. Il est vrai que si demain nous faisions un FPS nous aurions un sérieux problème, mais ce n’est pas la volonté de KT-Racing ;) Cela demande en revanche des ressources humaines dédiées qui travaillent en permanence sur le moteur de jeu et non sur les projets directement, leur rôle est de pouvoir répondre aux besoins d’un projet, et c’est là que la magie opère, c’est là que le moteur maison offre tout son potentiel en répondant à un besoin spécifique auquel un moteur de jeu généraliste n’aurait pas su répondre spécifiquement.

Récemment le KT Engine a été utilisé par un autre studio, pour un jeu également édité par Bigben Interactive, avec le jeu FIA European Truck Racing Championship (FIA ETRC). Comment est née cette collaboration et qu’est-ce que cela implique pour Kylotonn de donner accès à son moteur de jeu à un autre studio ?

Bigben nous a demandé de partager le moteur « Kt Engine » pour le développement de FIA European Truck Racing Championship. Cela faisait beaucoup de sens : d’un côté, cela permettait aux développeurs d’avoir une base de travail (un circuit, un véhicule, des IA, …) très rapidement et de bénéficier de tous nos outils. De l’autre côté, cela nous a permis d’avoir pas mal de feedback sur notre techno, avec un point de vue externe.

Est-ce qu’une équipe de Kylotonn a travaillé ou était en contact permanent avec les développeurs du jeu FIA ETRC ?

L’équipe Kt Engine était en lien quotidien avec l’équipe de Truck Racing afin de faire passer un maximum de connaissances à propos du moteur et de les aider dans les problématiques qu’ils rencontraient.

Le studio a été racheté par Bigben Interactive en octobre 2018, est-ce que cela a eu un impact sur le développement de WRC 8 ?

Le rachat est arrivé en plein développement de WRC 8, mais n’a pas impacté la production. Ce rachat est le symbole de la confiance et des bonnes relations que nous entretenions avec notre éditeur Bigben pour lequel nous travaillions depuis des années. Les conséquences ont été positives pour nos productions, Kylotonn étant racheté parce que le studio à une réelle expertise reconnue par Bigben qu’il a souhaité sécuriser pour le futur, sans interférer sur le travail des équipes.

Enfin, une dernière question, aimeriez-vous travailler sur d’autres licences de sport automobile à l’avenir ?

Certainement, je pense que nous avons acquis une excellente expertise dans le domaine du racing et qu’elle peut être utilisée sur beaucoup de disciplines.

Nous remercions chaleureusement Alain Jarniou et le studio Kylotonn pour sa disponibilité et cette interview.

WRC 8 est sorti le 5 septembre dernier sur PC, Playstation 4 et Xbox One, et sortira fin novembre sur Switch.

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