Pourquoi l'AAApocalypse n'est qu'un mythe
Il a suffit de quelques jeux dont les ventes ont baissé pour qu'un vent de panique souffle dans les rédactions du monde entier. Le modèle "AAA" est terminé ; désormais, quelques jeux ayant une forte dimension online vont avaler le marché, condamnant les jeux solos à une disparition prochaine.
Vivons-nous réellement un changement de marché ? Plusieurs éléments forcent à nuance cette impression.
Commençons par du concret. Quatre jeux concentrent l'attention des analystes inquiets : TitanFall 2, Dishonored 2, Call of Duty : Infinite Warfare et Watch Dogs 2. Chacun de ces titres a connu une baisse importante par rapport à son prédécesseur. Au Royaume-Uni, la baisse est de 75% pour TitanFall 2 (et 79% aux États-Unis), 38% pour Dishonored 2, 48% pour Infinite Warfare et 80% pour Watch Dogs 2. Si les chiffres britanniques servent ainsi de référence, c'est parce que ce sont toujours les premiers chiffres issus d'un marché occidental d'envergure disponibles. Ainsi, pour les États-Unis, les résultats des jeux sortis en novembre ne seront connus que mi-décembre. En France et en Allemagne, les deux autres gros marchés européens, les chiffres sont plus difficiles d'accès. Si ces baisses ont inquiété plusieurs analystes, il est dangereux d'en tirer un avis définitif. Voici pourquoi.
Un avenir 100% dématérialisé ?
C'est le premier argument du néophyte devant une baisse annoncée des ventes d'un jeu : les instituts ne prennent pas en compte le dématérialisé. Sur le sujet, un éditeur s'est montré assez bavard : Electronic Arts. Durant le premier trimestre de l'année fiscale 2016 (d'avril à juin 2016), 77% des revenus de l'éditeur provenaient du digital. Cependant, si le chiffre peut faire penser que le dématérialisé a grandement gagné en influence, une analyse plus avancée force à nuancer le constat.
Revenus digitaux d'Electronic Arts. Graphique présenté à l'occasion de leur bilan financier de fin du premier trimestre de l'année fiscale 2016.
Si le digital est si important, c'est surtout grâce aux DLC et au mobile ; les ventes de jeu ne représentent que 18% de ces revenus. Il y a quelques semaines, Electronic Arts a annoncé que 24% de ses jeux étaient vendus en digital et que cette part pourrait atteindre 30% d'ici à la fin de l'année.
Ce nombre est en progression, mais il ne saurait compenser une baisse de ventes. Quand Watch Dogs 2 passe de 388 000 copies à 80 000, aucune hausse des ventes dématérialisées ne peut compenser cela. Cela peut amener à nuance le constat, mais pas à l'inverser.
Le problème des sorties post Brexit
C'est le problème lorsque tous les regards sont focalisés sur un seul marché : on oublie que ce qu'il s'y produit n'est pas forcément valable partout. Le Royaume-Uni est souvent le premier indicateur des ventes de jeu, pour les raisons évoquées plus tôt. Or, la décision de cette nation de quitter l'Union Européenne le 23 juin 2016 a modifié le marché britannique. S'il n'y a pas eu de résultats immédiatement catastrophiques, ce que redoutaient certains analystes, la livre sterling a néanmoins connu une baisse importante et les ventes au détail ont par exemple baissé en août. Ce qui est vrai pour les jeux l'est aussi pour l'économie en général : il ne faut pas attribuer davantage de conséquences à ce vote qu'il n'en a réellement eu. Cependant, l'année demeure très particulière pour le Royaume-Uni ; il faut donc être prudent avec les ventes enregistrées sur ce territoire.
Nintendo VR Pro S
Le marché du jeu vidéo a aussi sa propre particularité durant cette année fiscale : le lancement de nouvelles consoles. Août voyait ainsi le lancement de la Xbox One S, suivie en octobre par le PlayStation VR et en novembre par la PlayStation 4 Pro, en attendant la Nintendo Switch en mars. Une information tout sauf anodine.
Ventes réalisées au Royaume-Uni en première semaine par la licence FIFA. Graphique réalisé par Oscar Lemaire.
Prenons en référence FIFA, le jeu le plus vendu chaque année au Royaume-Uni. De 2008 à 2012, le jeu voit ses ventes en première semaine progresser chaque année. Puis, soudain, en 2013, une baisse. Cela pourrait être un simple accident, mais la situation est partagée par les autres gros titres de la fin de cette année : Battlefield 4, Call of Duty - Ghosts ou encore Assassin's Creed IV : Black Flag connaissent tous une baisse importante par rapport à leur prédécesseur. La raison de cette baisse ? Si le succès de GTA V ne saurait être exclu de l'équation, la sortie de la PlayStation 4 et de la Xbox One est un facteur déterminant.
C'est en définitive assez logique : le budget des joueurs n'est pas illimité. Personne n'achète une console sans jeu ; en revanche, pour compenser l'achat d'une console à 350£, les acquéreurs se contenteront peut-être de deux jeux au lieu de trois, ce qui entraîne une baisse généralisée des ventes.
La Xbox One S, le PlayStation VR et la PlayStation 4 Pro ne constituent pas une nouvelle génération de consoles. Cependant, ils s'adressent - surtout les deux derniers - aux personnes possédant déjà une console, mais désirant se doter d'un lecteur Blu-ray 4K, d'un appareil de réalité virtuelle ou avoir de meilleurs graphismes. La Xbox One S n'est pas uniquement dédiée à ce public : de par son tarif agressif (240£ comme premier prix, avec un jeu), elle peut également séduire les personnes ne possédant pas de Xbox One. En revanche, le PlayStation VR nécessite une PlayStation 4 pour fonctionner ; il ne peut donc être acheté que par des possesseurs de cette dernière. Concernant la PlayStation 4 Pro, certains indices incitent à penser qu'elle se destine davantage aux personnes ayant déjà une console, mais désirant une amélioration graphique.
Ainsi, au Japon, les ventes de PlayStation 4 standards se sont révélées très stables dans les semaines du lancement de la nouvelle version. Voici les chiffres du modèle traditionnel :
- 17 au 23 octobre : 27 069.
- 24 au 30 octobre : 30 375.
- 31 octobre au 06 novembre : 32 041.
- 07 au 13 novembre : 28 318.
- 14 au 20 novembre : 26 267.
De son côté, la PlayStation 4 Pro a fait 64 194 ventes la semaine de son lancement (du 07 au 13 novembre, source ci-dessus) et 11 116 la semaine suivante. Il est possible que quelques acheteurs aient préféré la PlayStation 4 Pro à son modèle de base, mais la stabilité des ventes de ce dernier fait penser que c'est un fait marginal. En effet, avant la sortie d'un modèle slim, les ventes connaissent en général une baisse importante. Ainsi, la PlayStation 4 est passée 17 516 unités (du 15 au 21 août) à 560 la semaine précédent la sortie de sa version slim. En l'occurrence, rien de tout cela : les ventes ont progressé dans les semaines précédents le lancement de la PlayStation 4 Pro. Cela montre que ce nouveau modèle n'a pas découragé les acheteurs de se procurer l'ancienne version.
Or, comme la PlayStation 4 Pro s'est néanmoins vendue et que ce n'est pas à de nouveaux acheteurs, c'est donc que des possesseurs de PlayStation 4 ont décidé de repasser à la caisse. En conclusion, la Xbox One S, le PlayStation VR et la PlayStation 4 Pro ont été vendus, en des proportions variables, à des personnes possédant déjà une console de dernière génération. Or, les acheteurs de console day one sont généralement les mêmes que les acheteurs de jeux day one, c'est-à-dire des personnes jouant beaucoup et préférant se procurer leurs titres le plus vite possible plutôt que d'attendre une réduction de prix. Il est difficile d'évaluer précisément les ventes de ces trois consoles, puisqu'aucun chiffre global et officiel n'existe, mais il est donc probable qu'elles aient affecté les ventes des jeux de fin d'année.
Étude de cas
C'est le problème majeur des tendances : elles oublient généralement de regarder précisément la situation de chaque cas isolé. Si les ventes de AAA semblent en baisse durant cette fin d'année, c'est en premier lieu à cause des jeux concernés. Prouvons cela en les prenant un par un.
TitanFall 2
Il y aurait beaucoup à dire sur la licence TitanFall, qui constitue un bon symbole des difficultés que peut rencontrer un développeur indépendant de triple A. Pour le premier jeu, l'éditeur, Electronic Arts, avait vendu l'exclusivité console du jeu à Microsoft, sans que le développeur, Respawn, ne soit pleinement au courant des tractations. Néanmoins, porté par le marketing du constructeur américain, qui avait en TitanFall une exclusivité très forte, le jeu était parvenu à bien se vendre initialement, avant que les serveurs soient peu à peu désertés. Si le statut d'exclusivité a servi le jeu, via le marketing, cela a aussi nui à sa popularité à moyen terme. En effet, afin de renforcer la dimension "system seller" du titre, la version Xbox 360 n'est sortie qu'un mois après les deux autres versions. De plus, logiquement, le marketing s'est concentré sur la version Xbox One, n'évoquant pratiquement pas l'existence du jeu sur PC. Conséquence de ces choix, le jeu s'est surtout vendu sur Xbox One. Les chiffres sont bons... compte-tenu du faible parc installé. TitanFall n'a pas pu attirer suffisamment de joueurs pour s'assurer d'avoir suffisamment de connexions simultanées. La suite est irrémédiable : l'attente pour les parties est trop longue et les joueurs désertent peu à peu les serveurs, aggravant le problème.
Sa suite, TitanFall 2, est elle lancée simultanément sur trois plateformes, la PlayStation 4, la Xbox One et le PC. Les retours de la presse sont bons : selon l'agrégateur metacritic, le jeu est mieux noté que les deux autres FPS principaux, Battlefield 1 et Call of Duty: Infinite Warfare. En somme, le titre a tout pour réussir à se faire une place au soleil. Seulement voilà : trois éléments expliquent le lancement raté de cette suite.
Premièrement, Electronic Arts décide de lancer le jeu le 28 octobre, soit une semaine après Battlefield 1 et deux semaines avant Call of Duty : Infinite Warfare. Le titre se retrouve donc en concurrence directe avec les deux séries de FPS les plus fortes actuellement sur le marché. Un handicap de poids, à fortiori pour un jeu dont le premier opus n'était pas sorti sur PlayStation 4, la console dominant le marché.
Si la concurrence existe sur le plan commercial, elle s'exerce aussi dans le domaine du marketing. Nous avons vu le rôle joué par Microsoft lors du lancement du premier TitanFall. Or, en octobre 2016, le constructeur a déjà choisi son poulain : Battlefield 1. Du côté de Sony, c'est Call of Duty Infinite Warfare qui est privilégié. Sans accord de partenariat avec l'un des constructeurs, TitanFall 2 ne dispose donc ni des avantages marketings ni des bundles offerts par ces accords.
En l'absence de soutien d'un constructeur et à une période très concurrentielle, seul une communication très agressive - et coûteuse - aurait pu sauver le jeu. Seulement, Electronic Arts s'est montré très discret. C'est logique : l'éditeur aussi dispose de son favori, Battlefield 1. EA préfère pousser le titre de DICE que celui de Respawn. Est-ce lié au fait que DICE appartient à l'éditeur, tandis que Respawn est indépendant ? Ce n'est pas impossible. Un autre facteur joue également : Respawn est impliqué dans un jeu d'action/aventure Star Wars, dont le potentiel commercial semble peut-être plus important pour EA. Entre Battlefield et Star Wars Battlefront, l'éditeur américain se sent peut-être suffisamment armé dans le domaine des FPS et préfère que Respawn se consacre à un genre de jeu et à une licence différents. Cela pourrait expliquer le manque de soutien concernant TitanFall 2.
Quelles que soient les raisons de cette stratégie d'Electronic Arts, le verdict est implacable : le jeu est un échec commercial important. Toutefois, ce n'est pas au marché qu'il faut imputer ce résultat, mais à de mauvais choix de la part de l'éditeur. Si TitanFall 2 était sorti en mars 2017 et avait connu un soutien important d'EA et d'un constructeur, le résultat aurait pu être bien différent.
Dishonored 2
Dishonored 2 souffre de son côté de trois problèmes. En premier lieu, l'importance de la licence est très surestimée. Les ventes de Dishonored 2 sont certes en baisse de 38%, mais le premier opus n'avait déjà pas connu un départ important. Au Royaume-Uni, le jeu n'est que deuxième pour son lancement (devancé par la troisième semaine de FIFA 13) et vingt-quatrième sur l'ensemble de l'année. La Definitive Edition, sortie en août 2015, n'est même pas dans le top 50 du Royaume-Uni cette année-là, alors que plusieurs autres jeux remasterisés sont présents. Conclusion ? Contrairement aux trois autres jeux évoqués aujourd'hui, Dishonored est un jeu de niche. Le premier a certes fini par bien se vendre, notamment sur Steam, mais les soldes ont certainement grandement fait croître ce chiffre. Cette suite représentait un pari, en dépit de ce que la présence médiatique du jeu pendant l'E3 pourrait laisser supposer.
Deuxième problème du jeu, son éditeur. Contrairement au cas précédent, Dishonored 2 a été fortement soutenu par ce dernier. Néanmoins, Bethesda est un éditeur ayant beaucoup moins de poids et d'expérience qu'Electronic Arts, Activision et Ubisoft, les trois autres éditeurs impliqués dans les jeux présentés ici. Steam Spy a l'avantage de permettre une comparaison facile entre les jeux sortis par un éditeur. Or, hormis Skyrim, Fallout New Vegas et Fallout 3, aucun jeu Bethesda ne dépasse les 3 millions d'unités écoulées sur cette plateforme. Wolfenstein : The New Order (1 279 209), DOOM (1 261 551) ou The Evil Within (500 482) n'ont connu qu'un succès très modéré sur cette plateforme. Au niveau français, Bethesda n'était que le dixième éditeur en terme de chiffre d'affaires durant l'année 2015, en dépit de la sortie de Fallout 4. Les réussites commerciales des jeux Fallout et Elder Scrolls tiennent beaucoup à l'attachement du grand public envers ces licences. Pour Dishonored, une licence beaucoup moins connue, il est nécessaire d'opter pour une communication différente. Si Ubisoft excelle dans ce domaine, en témoigne sa faculté à lancer de nouvelles licences, Bethesda manque probablement d'expérience dans ce domaine, ce qui a nui aux ventes du jeu.
Enfin, Dishonored 2 appartient à un genre sinistré en 2016 : l'infiltration. Deux Ex Mankind Divided s'est ainsi moins vendu lors de son lancement britannique que son prédécesseur, Human Revolution, tandis qu'Hitman s'est très mal vendu sur Steam, en comparaison de ses prédécesseurs. Là encore, il faut se méfier et ne pas tomber d'un jugement hâtif à un autre : ce n'est pas parce que trois jeux se sont mal vendus que tout le genre est à jeter à la poubelle. Il serait intéressant de faire une analyse poussée des succès et des échecs des jeux d'infiltration, mais ce serait une autre histoire. Toutefois, il demeure indéniable que le genre semble moins populaire que les shooters (FPS ou TPS), les jeux d'action-aventure en monde ouvert ou les RPG. Aucun jeu d'infiltration n'a franchi la barre des 10 millions de vente, contrairement aux genres cités précédemment.
Dans tous les cas, entre la faiblesse de la franchise, le manque d'expérience de son éditeur et son genre, il n'est pas illogique que les ventes de Dishonored 2 soient aussi faibles. La baisse peut sembler inhabituelle, mais elle ne l'est pas tant que ça quand on regarde l'anonymat de la Definitive Edition, sortie un an plus tôt sur les mêmes consoles que Dishonored 2. Arkhane s'est peut-être vu un peu trop beau.
Watch Dogs 2
Depuis son annonce, durant la conférence pré-E3 2012 d'Ubisoft, Watch Dogs a su attirer l'attention des joueurs. Lors sa sortie, le 27 mai 2014, le jeu constitue le meilleur lancement pour une nouvelle licence. Par la suite, le jeu reçoit plusieurs récompenses, comme le Gamekult Awards 2014... de la déception de l'année. Il reçoit le même prix par le site GiantBomb, est deuxième de cette catégorie sur JOL et se contente de faire de la figuration ailleurs. Sur Eurogamer, il n'est par exemple que 34ème de la liste des 50 meilleurs jeux de l'année. Il ne s'illustre pas non plus sur senscritique (5.9) ni sur Metacritic (6.3 d'userscore).
En bref ? Le jeu a beaucoup déçu. Il s'est très bien vendu, mais n'a pas répondu aux attentes des joueurs étant passés à la caisse. La suite s'annonce dès lors compliquée : il est difficile de reconquérir un public déçu. C'est ce qui explique l'échec des ventes de Watch Dogs 2 : les joueurs ont préféré différer leur achat, dans le but de ne pas se faire avoir à nouveau. Ce n'est pas une première dans l'histoire du jeu vidéo et c'est en définitive rassurant : les joueurs n'oublient pas la déception provoquée par un précédent jeu.
Néanmoins, le constat n'est pas nécessairement définitif. Les promesses de Watch Dogs ont séduit les joueurs, mais elles n'ont pas été pleinement réalisées. Si Ubisoft parvient à rectifier le tir et à livrer un produit plus apprécié par le public, il n'est pas impossible que la franchise retrouve les fans déçus. Watch Dogs 2 semble aller dans ce sens : pour reprendre senscritique en exemple, Watch Dogs 2 y obtient une note moyenne de 7.7, soit 1.8 point de plus que son prédécesseur. Progression similaire sur metacritic, où le titre récolte un userscore de 8.0 (+ 1.7). À moyen terme, le bouche à oreille pourrait donc permettre au jeu de peu à peu rattraper son aîné. Ce ne sera probablement pas suffisant pour égaler son score, mais le troisième opus pourrait amorcer une nouvelle dynamique, à condition de continuer dans ce sens.
Au Royaume-Uni, les ventes du jeu ont, fait rarissime, progressé en deuxième semaine. C'est en partie lié au Black Friday et aux promotions proposées sur le jeu, mais aussi aux avis positifs sur cette suite. Les prochains chiffres NPD ont donc un intérêt tout particulier, puisqu'ils englobent le Black Friday et sont liés à une période de ventes plus longue qu'une unique semaine. Le déclin de la franchise ne sera donc peut-être pas aussi importante aux États-Unis qu'au Royaume-Uni, bien que la déception engendrée par le premier opus laissera nécessairement des séquelles.
Call of Duty : Infinity War
Pour la licence Call of Duty, une baisse importance par rapport à son prédécesseur, Black Ops 3, a également été constatée. Cependant, là encore, des raisons propres au jeu rendent cette baisse logique. En pourcentage, Infinity WAR ne constitue pas la plus forte baisse en première semaine par rapport à l'opus précédent. Au Royaume-Uni, ce titre revient à Call of Duty Ghosts, qui faisait suite à... Black Ops 2. On pourrait penser que la série Black Ops nuit aux ventes des jeux suivants, mais la réponse est ailleurs : Ghosts et Infinity War sont les deux derniers jeux développés par Infinity Ward.
Vente des différents épisodes de la franchise Call of Duty, en première semaine et au Royaume-Uni. Graphique réalisé par Daniel Ahmad.
Petit historique. Infinity Ward est fondé en 2002, puis est racheté par Activision juste avant la sortie de leur premier jeu : Call of Duty. Fondateur de la licence, Infinity Ward est aussi le studio à l'origine de Modern Warfare, qui a permis à la franchise de séduire le grand public. Seulement, en mars 2010, Vince Zampella et Jason West, deux des trois co-fondateurs du studio, sont renvoyés par Activision. Ils fondent alors Respawn, que nous évoquions précédemment.
Si Modern Warfare 3 connaît un succès important, les deux jeux suivants du développeur ne convainquent pas les joueurs. Privé de ses anciens directeurs, affecté par des problèmes juridiques en raison de primes non payées, Infinity War ne semble plus pouvoir séduire les fans de la licence Call of Duty. La baisse des ventes n'a donc, là encore, rien d'étonnant, ce d'autant plus que TitanFall 2 a pu priver le jeu de quelques clients supplémentaires.
Le problème ici ne vient donc pas du marché, mais du développeur. C'est d'autant plus vrai qu'Infinity War passe après un opus de la série Black Ops, dont le premier numéro constitue le meilleur lancement d'un Call of Duty sur le territoire britannique. Ajouté au déclin annuel de la licence, cette baisse n'est donc pas étonnante.
Quand le chat n'est pas là...
Enfin, un autre élément empêche de penser que le modèle des triple A arrive à échéance : le succès, régulier et parfois record, de nombreux jeux appartenant à cette catégorie. Rien que cette année, de nombreux titres ont collection les records.
En mars, The Division est devenu à son tour le meilleur lancement pour une nouvelle licence. En mai, Overwatch a conquis plus de 7 millions de joueurs durant sa première semaine de commercialisation. En octobre, Mafia 3 a connu le meilleur lancement pour un jeu 2K.
Enfin, en novembre, Pokémon Soleil et Lune ont constitué le meilleur lancement d'un jeu Nintendo au Royaume-Uni, mais aussi en France. Ce n'est pas un AAA, mais le titre montre que les jeux solos peuvent encore connaître un succès important.
En somme, il serait parfaitement possible de réaliser un bilan de 2016 en utilisant le succès de quelques jeux pour montrer un marché en pleine croissance. Des records continuent d'être battus et chacun des éditeurs cités précédemment est concerné : Electronic Arts a Battlefield 1, Bethesda la version remasterisée de Skyrim, Activision peut compter sur les licences de Blizzard et Ubisoft a eu un très bon début d'année avec Far Cry : Primal et The Division. Aucun de ces éditeurs n'est donc en danger, tout au contraire : chacun saura mettre en lumière ce qui l'intéresse au moment de faire le bilan devant les actionnaires.
La réussite de certains jeux ne signifie pas que le marché ne traverse pas une crise. En revanche, elle confirme que le succès demeure possible. Elle illustre surtout le fait qu'il est facile de faire une analyse servant son propos : il suffit de se concentrer sur les jeux qui nous intéressent. 2016 a connu de grands succès, des échecs cuissants et des résultats moyens ; comme chaque année, en somme.
AAAvenir
Les AAA continuent donc à engranger de l'argent et à prospérer. Le modèle n'est pas en danger. Il continuera à y avoir des réussites et des échecs, parce que le développement n'est pas une science exacte, tout comme le marketing. L'important est de générer de la hype, de l'attente auprès des joueurs. Certains titres y parviennent, d'autres non, pour diverses raisons.
Il ne faut pas imaginer que tout a changé en raison de l'échec de quelques jeux. Le modèle continue à fonctionner et à beaucoup rapporter aux éditeurs, qui enchaînent les records de bénéfice. Une analyse plus approfondie devra être faite début 2017, une fois tous les chiffres connus, mais rien n'incite aujourd'hui à céder à la panique, tout au contraire.
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