Interview pour le jeu Kulebra and the Souls of Limbo
Kulebra and the Souls of Limbo est un jeu indépendant qui mêle poésie, mystère et empathie dans un monde hors du temps. Nous avons échangé avec ses créateurs, Paulo et Pavel Lara, pour en découvrir les inspirations et les intentions.
Bonjour et merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous parler de votre parcours dans le jeu vidéo ?
Avec plaisir ! Nous sommes l’équipe principale derrière Galla Games : Paulo Lara (artiste visuel) et Pavel Lara (programmeur). Deux frères dominicains vivant aux États-Unis.
J’ai (Paulo Lara) toujours été très attiré par les aspects artistiques des jeux vidéo. En particulier le design de personnages. Comme beaucoup de développeurs indépendants, j’ai grandi avec les jeux vidéo, notamment à travers la Nintendo 64 et l’ère GameCube. J’ai toujours été très attiré par les jeux de Capcom et de Nintendo.
Des jeux comme The Legend of Zelda, Megaman, Metroid, Resident Evil et bien d’autres ont défini ma sensibilité artistique dans ce milieu.
Mais si je devais ne retenir qu’un seul jeu comme mon préféré de tous les temps, ce serait The Legend of Zelda: Majora’s Mask, car il m’a vraiment ouvert les yeux sur tout ce que les jeux vidéo peuvent offrir.
Quant à Pavel Lara :
Les jeux vidéo ont toujours été mon passe-temps numéro un. Le tout premier auquel j’ai joué était Star Wars Episode I: Racer sur Nintendo 64. J’avais quatre ans et évidemment je n’étais pas très doué — la manette ne tenait même pas dans mes mains ! Mais ça ne m’empêchait pas de me coller à l’écran, pour le plus grand agacement de ma famille.
Ensuite, je me suis tourné vers les jeux de Nintendo et Capcom, comme Zelda ou Mega Man. The Legend of Zelda: Wind Waker est le jeu qui m’a vraiment fait plonger dans un univers, bien au-delà du simple gameplay. J’ai commencé à m’intéresser aux histoires et à l’esthétique.
J’ai joué à énormément de jeux différents, donc je ne saurais pas en citer un seul qui aurait façonné ma vision à lui seul. Mais j’ai appris à apprécier la manière dont chaque jeu tente de proposer une expérience propre et comment ils peuvent nous toucher bien au-delà de l’écran.
Kulebra and the Souls of Limbo nous plonge dans un au-delà vibrant, rempli de mystère et de poésie. Quelle a été votre source d’inspiration pour imaginer le Limbo et ses habitants ?
C’est un mélange d’éléments qui reviennent souvent dans mon travail. J’ai toujours été attiré par les thèmes sombres et les éléments fantastiques. Majora’s Mask a eu une forte influence, tout comme certaines contraintes techniques.
Un autre facteur a été mon exposition à la culture mexicaine, quand j’ai déménagé aux États-Unis. Les couleurs vives et certains symboles culturels sont devenus plus présents dans mon art à partir de là.
Mais de manière amusante, l’idée de base de Kulebra vient en fait d’une limitation technique. On voulait un serpent comme personnage principal, mais on ne savait pas comment faire une animation fluide de sa queue. On a donc choisi de la découper en segments, ce qui a mené à l’idée d’un serpent squelettique. Et tout le reste du monde s’est construit autour de ça.
Le jeu aborde des thèmes profonds comme le regret, la rédemption et l’acceptation de soi. Comment avez-vous intégré ces thèmes dans les mécaniques de gameplay et la narration ?
On a trouvé très intéressant d’apprendre à connaître les personnages à travers leurs émotions, leurs problèmes, leurs espoirs. On voulait qu’ils paraissent vivants — ce qui est plutôt ironique vu qu’ils sont dans l’au-delà !
C’est aussi pour ça qu’on a intégré un système de cycles temporels. Il y a trois phases dans la journée et chaque personnage change en fonction du moment. Ça donne l’impression d’avoir trois personnages en un et cela vaut aussi pour les lieux à explorer.
Kulebra est un serpent squelettique lumineux, à la fois étrange et attachant. Comment est née l'idée d'un tel personnage, entre humour et humanité ?
Je pense que c’est une réaction très humaine que de faire face à la tragédie avec de la joie et de l’humour. Malgré les épreuves, on continue d’avancer, en riant parfois au nez de l’adversité avec l’espoir qu’il nous reste.
Je dirais que c’est un élément qui vient de manière très organique, ce n’est pas quelque chose de calculé ou d’imposé, mais plutôt une partie naturelle du design. Cela mérite tout de même d’être reconnu et apprécié.
Pour moi, Kulebra est une icône de positivité et de bienveillance. Il incarne le sacrifice que peut représenter le simple fait de partager une étincelle d’empathie.
Le cycle journalier, structuré en trois phases, joue un rôle clé dans l’expérience. Comment avez-vous conçu cette boucle temporelle et comment influence-t-elle l’exploration et la résolution d’énigmes ?
Elle influence directement les énigmes ! En fait, la plupart tournent autour de la mécanique temporelle. Il est très important de bien connaître les personnages du Limbo et de savoir comment et quand interagir avec eux pour les aider à briser la malédiction.
On a conçu le cycle journalier pour donner au monde une impression de vie (encore une fois, ironique !) en permettant aux personnages d’agir indépendamment du joueur. La boucle temporelle justifie le fait que leur routine se répète. Cela nous a aussi permis de proposer des zones plus variées et riches, puisque chaque lieu existe en trois versions différentes.
Ce choix apporte beaucoup d’avantages mais aussi des défis. Le monde est bien plus dynamique, car il change à chaque phase de la journée, ce qui oblige le joueur à être attentif aux détails pour découvrir toutes les options possibles. En contrepartie, cela impose une contrainte de temps permanente pour explorer et progresser, donc il fallait trouver un équilibre entre défi et plaisir de jeu. On a donc ajouté des bancs permettant d’accélérer le temps, pour éviter la frustration liée à l’attente.
Au départ, on voulait un cycle basé sur les heures, mais on a rapidement compris que le diviser en trois phases était plus simple à développer et plus facile à suivre pour les joueurs. C’est l’un des premiers cas où la simplicité s’est révélée plus efficace .C’est aussi pour ça qu’on a intégré un système de cycles temporels. Il y a trois phases dans la journée et chaque personnage change en fonction du moment. Ça donne l’impression d’avoir trois personnages en un et cela vaut aussi pour les lieux à explorer.
On sent une forte influence de jeux comme Majora’s Mask ou Paper Mario, tout en conservant une identité propre. Quelles ont été vos principales références en termes de gameplay, de création d’univers ou de direction artistique ?
Majora’s Mask est de loin notre plus grande influence et l’inspiration principale pour le développement des personnages que Kulebra rencontre. On voulait vraiment les développer émotionnellement et les faire évoluer au fil de leurs quêtes respectives. En matière d’inspiration, Majora’s Mask a vraiment beaucoup apporté pour relever ce défi.
Paper Mario, lui, a servi davantage de référence esthétique, car au départ je voulais donner au jeu un style visuel proche d’un conte en livre pop-up. Naturellement, Paper Mario était donc une excellente référence pour intégrer ce type d’éléments. On a aussi repris quelques interactions intéressantes de l’overworld, comme la mécanique de « frappe » pour faire tomber ou activer des choses ou encore la roulade pour se déplacer plus rapidement sur la carte.
Une influence plus discrète, mais bien réelle : Resident Evil. Croyez-le ou non, Resident Evil a eu une grande influence sur les énigmes du jeu. Beaucoup d’entre elles reposent sur des objets clés et certaines énigmes viscérales s’inspirent directement de la série. Sans parler de quelques petits frissons disséminés ici et là !
L’interaction avec les autres âmes semble centrale dans l’expérience. Pourriez-vous nous en dire plus sur la manière dont ces interactions façonnent le parcours de Kulebra ?
Il y a un dicton dans le jeu qui dit : « Aucun bon geste ne reste impuni. »
Toutes les actions de Kulebra auront des conséquences sur le monde du Limbo — certaines bonnes, d’autres peut-être moins — et c’est à travers ces interactions que son aventure progresse. Chaque choix met son caractère à l’épreuve, peu importe ce qu’il en retire.
J’aimerais pouvoir en dire plus, et être moins énigmatique, mais je ne veux pas gâcher la surprise !
Le jeu propose des confrontations originales avec des « Dark Souls ». Comment avez-vous conçu ces rencontres basées sur le dialogue qui remplacent les combats traditionnels ?
Ces rencontres sont nées d’un besoin de proposer un défi qui valorise les connaissances accumulées par le joueur au fil des chapitres liés aux « Dark Souls ».
On a imaginé une sorte de quiz final, qui repose sur tous les détails appris pendant l’exploration. Une épreuve qui récompense la curiosité et le sens de l’observation, un peu comme une enquête à résoudre.
Nous n’avons jamais eu l’intention d’intégrer des combats comme élément central. Peut-être quelques interactions légères ici ou là, mais Kulebra ne repose pas sur l’affrontement physique. Il s’agit avant tout de relever des défis émotionnels. Ces « Rencontres Obscures » sont donc un prolongement naturel de cette philosophie.
Petite anecdote : le gameplay de ces confrontations a été inspiré par les énigmes à base d’indices de la série Ace Attorney.
La direction artistique se démarque par ses couleurs chaleureuses malgré un thème mélancolique. Comment avez-vous trouvé cet équilibre visuel et émotionnel ?
Je crois que cela revient à ce que j’ai déjà mentionné : la manière dont chacun peut faire face à la tragédie. La plupart du temps, nous vivons avec une perspective optimiste, en espérant que les choses se passent bien. Ce qui fait que nous sommes rarement préparés à affronter les aspects plus sombres de la vie.
Et pourtant, ces éléments existent en parallèle de nos efforts quotidiens pour vivre une vie épanouie. On les ressent, en quelque sorte, sous la « couverture » de notre vision positive du monde.
Je partage cela, car je pense que cette perspective optimiste se reflète directement dans l’esthétique du jeu. C’est un élément profondément réel, qui s’est naturellement imposé dans le style visuel.
Cela peut sembler un peu mélancolique, mais il ne faut pas s’y tromper : c’est avant tout une façon d’apprécier la beauté de la vie, dans ses hauts comme dans ses bas.
Le jeu est développé par un studio familial. Quels ont été les plus grands défis et les plus belles surprises dans cette aventure indépendante ?
Je dirais que notre plus grand défi, c’est de faire connaître notre travail. Nous sommes deux personnes plutôt introverties, et il nous arrive d’oublier qu’il faut parler de ce qu’on crée avant même que ce soit terminé. On fait de notre mieux… mais on peut encore s’améliorer !
Et je dirais que la plus belle surprise, c’est l’accueil positif réservé au projet. C’est extrêmement touchant de voir qu’il résonne chez les gens. Cela donne beaucoup de sens à notre parcours.
Et puis, travailler avec des entreprises comme Xbox et Nintendo… c’est un peu un rêve qui devient réalité. Quand nous étions enfants, ces noms paraissaient inaccessibles. Aujourd’hui, voir leurs produits interagir avec notre jeu, même à ce stade, c’est tout simplement surréaliste.
Enfin, si vous deviez décrire Kulebra and the Souls of Limbo en une seule phrase ?
Je dirais : « Kulebra and the Souls of Limbo, c’est aussi bien que possible. » (rires)
Mais plus sérieusement : « Un voyage à travers le deuil, la joie, et la beauté de l’empathie. »
Merci pour votre temps ! :)
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Plateformes | Linux, MacOS, Nintendo Switch, Windows |
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Genres | Aventure, aventure graphique, point & click, fantasy |
Sortie |
16 mai 2025 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
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