Test de Talent not Included
Le théâtre et le jeu vidéo. Ces deux formes d'art n'ont pas grand-chose en commun, pourtant le studio Frima a tenté le pari de les allier dans Talent not Included. La performance est-elle réussie, va-t-on remercier les développeurs ou leur jeter des tomates à la figure ? Artistes, montez sur scène !
TNI (on va utiliser l'acronyme, ce sera plus simple et un peu moins lourd à lire) est un jeu de plate-forme développé par les studios québecois Frima qui prend place au théâtre. Le principe est simple : vous évoluez sur la scène et n'en sortez pas. Bien sûr, les décors changent pour laisser place à des épreuves caractéristiques de ce type de jeu, des plate-formes simples aux panneaux amovibles en passant par des obstacles à éviter et des ennemis à vaincre, généralement en un ou deux coups. Le sol de la scène est composé de gros cylindres qui pivotent dès lors que l'on actionne une roue crantée, synonyme de fin de scénette et d'arrivée de nouveaux obstacles.
Ceci permet de proposer des niveaux variés et assez complexes sans sortir du cadre de la scène du théâtre. C'est plutôt bien pensé et ça offre un petit répit parfois bienvenu quand vous venez de passer in extremis une série d'obstacles compliqués.
La tarte aux truffes
TNI est ce qu'on pourrait appeler un platformer pour scorer. En effet, l'objectif principal de ce jeu est de terminer les différents niveaux en obtenant le plus gros score possible. Pour l'augmenter, c'est très simple : il suffit de ramasser des gros sacs d'or qui ressemblent à des bonbons, le tout en évitant absolument de subir des dégâts : les actions positives (ramasser des objets ou tuer des ennemis) font augmenter un multiplicateur de points qui retombe à zéro si le personnage subit des dégâts. Bien sûr, le temps est compté et terminer le niveau rapidement rapporte encore plus de points. Il est donc indispensable de faire un sans-faute pour avoir le plus haut score possible et ainsi figurer en tête du classement.
Le gameplay de base est à mi-chemin entre un Super Meat Boy et un Shovel Knight : le joueur contrôle un personnage capable d'attaquer, de se déplacer rapidement (dash, roulade ou téléportation), de faire des doubles sauts et même de rebondir sur les murs comme Mario. L'intérêt vient dans son découpage en trois actes, chacun correspondant à un personnage : Cécile, le chevalier pataud et résistant (oui, c'est un homme), Bonnie, la voleuse agile et rapide, et Gundelf, le mage chefouin, capable de se téléporter dans plusieurs directions. Chacun d'entre eux propose un gameplay différent avec des petites subtilités à maîtriser pour obtenir un score toujours plus haut. Dans tous les cas, ils répondent au doigt et à l'oeil, la prise en main est parfaite et intuitive et on se sent parfaitement à l'aise seulement quelques secondes après avoir commencé.
Chaque acte est lui-même divisé en 15 scènes, sachant que les niveaux 5, 10 et 15 sont réservés à des combats de boss. Il y en a un seul par protagoniste ; ainsi, le boss du niveau 5 est une version moins rapide et moins puissante de celui du niveau 10, qui lui-même est beaucoup moins ardu à affronter que celui rencontré au niveau 15. Il s'agit bien évidemment d'affrontements à l'ancienne avec un pattern à mémoriser afin d'esquiver ses attaques et de contrer au moment opportun ; il vous faudra pas mal d'entraînement pour figurer parmi les meilleurs scores.
La direction artistique est un quasi sans-faute. Le style épuré et cartoon est très agréable à l'oeil sans en faire trop, les protagonistes fourmillent d'animations et l'aspect steampunk de ce théâtre est rendu à merveille. Les roues crantées et autres ennemis automates fabriqués par les réalisateurs se marient extrêmement bien avec le côté plus traditionnel médiéval-fantastique des personnages principaux. TNI est également un plaisir pour les oreilles. Bien que peu nombreuses, les musiques collent parfaitement aux différents univers (prairie, désert et montagne) avec quelques touches rock pour les combats de boss ; les bruitages, quant à eux, sont très bien réalisés, tant dans les actions directes (personnage, mécanismes, ennemis) que dans les réactions du public (qui rit quand le héros rebondit sur des ressorts ou le hue en cas de défaite). Les développeurs sont même allés jusqu'à proposer un arrangement de coulisse lorsque le menu pause est activé, donnant vraiment l'impression d'attendre que de véritables artistes entrent sur scène.
Côté histoire, c'est un jeu de plate-formes typique : elle est réduite à son strict minimum. Les trois protagonistes sont des acteurs qui jouent sur scène afin d'être payés, et voilà. Si le chevalier veut piquer le casque du premier boss, la voleuse récupérer les muscles du sien ou le mage raconter plus de blagues que son nemesis, c'est plus pour caser quelques références vidéoludiques et autres mèmes lors des dialogues précédant les scènes qu'autre chose.
On ne fait pas d'Hamlet sans casser d'oeufs
Ces quelques lignes peuvent laisser penser à un happy ending sans aucune ombre pour ce TNI, à savoir un incontournable des jeux de plate-formes de 2016. Ce n'est pas tout à fait le cas, sans pour autant arriver à une fin dramatique digne de Roméo et Juliette.
Le principal défaut de TNI vient de sa gestion de la difficulté : elle n'est pas inexistante, mais pas loin. Les niveaux s'enchaînent avec une facilité déconcertante, tout comme les masques d'or, synonymes de haut score atteint. À titre d'exemple, j'ai obtenu cette récompense sur la moitié des niveaux après les avoir terminés une seule fois, tout le reste étant en argent – je ne suis jamais tombé jusqu'au bronze. Et on parle d'un joueur qui a laissé Super Meat Boy en plan, alors je n'imagine pas ce qu'en penseraient les ténors du genre. Les boss rehaussent un peu le niveau, même s'ils finissent par se faire facilement une fois le concept maîtrisé. Et je ne parle pas du boss final qui est une énorme farce, se classant juste derrière celui de Fable 2 dans la catégorie « Boss Final Tout Pourri ». Il y avait de quoi faire quelque chose d'épique quand la scène en question arrive, mais il suffit de répéter la même action triviale 9 fois en une grosse minute pour boucler le jeu. Personnellement, j'ai eu besoin de 4 essais : le premier pour comprendre le pattern et les 3 autres pour vaincre le boss final avec chacun des personnages (chose qui n'a d'ailleurs aucun intérêt puisqu'il est rigoureusement identique et qu'il ne débloque rien). Pire encore, c'est le seul niveau dans lequel aucun score n'est comptabilisé !
Le jeu souffre donc d'un problème de durée de vie : en y allant tranquillement, il vous faudra entre 2 et 3 heures pour le terminer et à peine le double pour obtenir tous les masques en or. Même pour un jeu à bas coût (vous devrez vous délester de 13€ pour votre place de théâtre), on aurait aimé en avoir plus, que ce soit nativement ou via un éditeur de niveaux qui aurait permis de tirer partie de la singularité de ces scènes de théâtre montées sur cylindres ; mais malheureusement, le jeu n'en dispose pas. Un mode multijoueur local de coopération est présent et propose de rejouer les différentes scènes avec le héros de l'acte et une copie de lui-même contrôlée par le second joueur, mais le concept reste limité.
On peut également y ajouter une gestion imprécise de la hitbox (certains ennemis ou pièges affectent le personnage alors qu'il se trouve à côté) qui donne un peu de frustration là où il n'y en a pas besoin, un humour mal dosé, tantôt bien trouvé, tantôt lourd ainsi qu'une traduction française... qui peut surprendre. Si la mention "OVATION DEBOUT" après avoir terminé un niveau est curieuse et sonne bizarrement, il s'agit très certainement d'une variation due au fait que Frima est un studio basé à Québec. Une fois le rideau tombé, on obtient un jeu fort agréable qui laisse toutefois quelques regrets. Un peu comme si la pièce s'arrêtait au beau milieu du dernier acte.
Le Songe bien embêté
Talent not Included porte bien son nom : le Talent n'est pas inclus, mais ça tombe bien, le joueur n'en aura de toute façon pas besoin pour venir à bout des 45 niveaux qui composent le jeu. Grandiose par son concept et sa direction artistique, mais entaché d'une durée de vie rachitique et d'un challenge presque absent, ce jeu a surtout pour rôle de sortir des sentiers battus et d'apporter un vent rafraîchissant au genre. Il vous occupera par conséquent une poignée d'heures, mais il ne faudra pas en attendre trop – à moins que vous ne soyez un scorer pur et dur et que seul le haut du ladder vous intéresse. Dans ce cas, en scène, il va falloir effectuer de nombreuses répétitions avant de réussir la performance parfaite !
Test réalisé par Malison à partir d'une version Steam fournie par l'éditeur.
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Plateformes | Windows |
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Genres | Plateformes, médiéval |
Sortie |
30 août 2016 (France) (Windows) |
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