Interview de Benoît Clerc, directeur éditorial de Nacon

Auparavant surtout connu pour ses accessoires, Nacon a connu une évolution importante ces dernières années, avec pour apogée un événement digital qui a eu lieu le 07 juillet dernier, parfait exemple de la nouvelle envergure prise par l'entreprise française. Nous avons eu l'occasion d'interroger Benoît Clerc, directeur éditorial de Nacon.

Le contexte

Avant de lancer l'interview, je me permets un peu de contexte. Bigben Interactive a été fondée le 17 février 1981. C'est donc une entreprise très ancienne, mais qui a connu une croissance importante ces dernières années, sur lesquelles nous nous attardons aujourd'hui.

Le groupe français repose sur deux piliers essentiels, les périphériques de jeux et l'édition de jeux vidéo. Ces deux activités étaient réparties entre des divisions au nom différent (Nacon pour les périphériques, Bigben Interactive pour les jeux), mais cette année, il a été décidé de tout regrouper sous la marque Nacon.

Concernant les périphériques, les plus connues sont les manettes "Revolution", notamment disponibles sur PlayStation 4 et PC. Plusieurs ont été testées sur JOL ; vous trouvez un récapitulatif à cette adresse. Pour le software, Nacon a pour ambition de devenir un des leaders des jeux "AA", c'est-à-dire au budget modéré, entre les jeux indépendants et les AAA. Ils produisent notamment des jeux adaptant des sports trop peu populaires pour avoir droit à un jeu à gros budget (rugby, handball, etc.) et des jeux de course.

Entre 2018 et 2019, Nacon a racheté plusieurs studios de développement (Kylotonn, Cyanide, Eko Software, Spiders), augmentant ses capacités de production. Début 2020, l'entreprise est entrée en bourse. Passons maintenant à l'interview.

Bigben Interactive existe depuis de très nombreuses années. Pourtant, on sent depuis quelques années une accélération du développement de la société : rachat de studios, augmentation du nombre de projets, changement de nom, événement digital en juillet dernier… Pourquoi maintenant ?

Benoît Clerc : C’est une stratégie réfléchie sur le long terme. Depuis plusieurs années, nous avions la volonté de garantir l’accès à des produits de qualité à nos joueurs les plus exigeants. Nous avons donc réorienté, il y a de cela déjà trois ans, notre stratégie pour nous en donner les moyens. En s’entourant d’équipes de qualité par le rachat de certains studios, nous devenons experts des genres de jeux que l’on souhaite développer

 

Vous avez acheté plusieurs studios de développement ces deux dernières années. Cette politique d’acquisition est-elle terminée ou êtes-vous encore à la recherche de belles opportunités ?

Benoît Clerc : On ne se ferme aucune porte a ce niveau. S’il y a de belles opportunités, nous sauront les prendre.

La majorité des studios internes de Nacon sont basés en France. Est-ce une volonté délibérée ? Pourriez-vous envisager de racheter un studio situé dans un autre pays européen, voire sur un autre continent ?

Benoît Clerc : Si plusieurs des studios avec lesquels nous travaillons sont basés en France, nous travaillons aussi avec de nombreux studios à l’international : Canada, Belgique, Italie, Pologne, etc.

Outre ses studios, Nacon possède aussi plusieurs moteurs internes, notamment ceux de Kylotonn et de Cyanide. Pourquoi utiliser des moteurs internes plutôt que des moteurs tiers, comme Unity ou l’Unreal Engine ?

Benoît Clerc : Le développement d’un jeu vidéo est un travail à façon : à chaque projet, il est important de se demander quel sera le meilleur outil pour en proposer la meilleure copie. C’est pour cette raison que nous utilisons effectivement notre moteur interne dans les jeux de Racing (le KT Engine) qui permet d’offrir une simulation de Racing particulièrement convaincante (cela se vérifie notamment avec la sortie de WRC 9 il y a quelques jours qui atteint les 81 metacritic). Chaque projet bénéficie bien sûr de cette réflexion sur le moteur qui sera in fine utilisé.

Le KT Engine de Kylotonn a été utilisé par d’autres studios. Avez-vous pour objectif que ce moteur constitue la base de tous vos jeux de course, quel que soit le studio impliqué ? Si oui, pourquoi ?

Benoît Clerc : Oui, comme expliqué à l’instant, c’est un outil hyper spécialisé qui nous permet d’obtenir les résultats que l’on souhaite dans nos jeux de racing.

 

L’ambition de Nacon est d’être un leader dans le domaine des jeux « AA. » Pouvez-vous expliquer quelle est la différence de ces jeux par rapport aux jeux indépendants et aux AAA ? Quel est leur apport pour les joueurs ?

Benoît Clerc : C’est avant tout une histoire de segmentation des ventes. Si les jeux AAA sont apparentés aux blockbusters qui plaisent au plus grand nombre, les jeux dits AA parlent davantage aux joueurs expérimentés qui ont de fortes exigences. C’est pour cette raison que nous nous entourons de talents capables de satisfaire les demandes et développer des jeux de qualité.

Si l’un de vos studios avait un projet très ambitieux, nécessitant un budget plus important, pourriez-vous le lui accorder ? Est-ce que vous vous fixez des limites, en termes de budget et/ou de temps de développement, à ne pas dépasser ?

Benoît Clerc : Bien sûr, c’est d’ailleurs déjà le cas. La levée de fonds opérée il y a quelques mois à la création de la société NACON nous permet aujourd’hui de développer des projets sur des budgets plus importants qu’il y a quelques années.

 

Beaucoup de jeux édités par Nacon ont un nouvel opus chaque année. Ce temps de développement réduit ne limite-t-il pas les possibilités d’innovation entre les jeux ?

Benoît Clerc : C’est un sujet qui n’est pas intrinsèque à NACON. Nous disposons de plusieurs équipes capables de travailler en parallèle sur plusieurs projets, nous permettant ainsi de continuer à offrir de la fraicheur et de la nouveauté d’une année à l’autre.

Les nouvelles consoles de Sony et de Microsoft sortiront en fin d’année. Par le passé, le lancement d’une nouvelle génération rimait toujours avec augmentation des coûts de développement. Est-ce une crainte en tant qu’éditeur de jeux AA, au budget modéré ?

Benoît Clerc : Accompagner la sortie des consoles de nouvelles générations est une réelle opportunité. Cela demande un coût supplémentaire, mais nous nous en donnons les moyens.

Les offres de jeu par abonnement, comme le Xbox Game Pass, se multiplient et gagnent en importance. Comment vous positionnez-vous par rapport à ces nouveaux modèles de consommation ? Pensez-vous qu’ils représentent une opportunité – ou au contraire un risque – pour Nacon ?

Benoît Clerc : Nous sommes fournisseurs de contenu et « platform agnostic », nous défendons donc la valeur de notre contenu peu importe les circuits disponibles. Nous voyons l’arrivée de ces offres comme une opportunité : on souhaite parler à nos joueurs peu importe où ils se trouvent.

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