La difficulté dans les jeux vidéo - Plus c'est dur, plus c'est bon ?
La difficulté dans les jeux vidéos fait souvent couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux. Soit un jeu est trop difficile, soit le développeur propose un mode facile qui ne convient pas à une catégorie de joueurs. Mais finalement, à quoi sert vraiment la difficulté ?
Avant-propos
L'objectif de ce petit dossier est d'ouvrir le débat sur la difficulté des jeux vidéo au travers du temps jusqu'à notre époque. Nous essayons de nous remémorer notre enfance (ou de l'apprendre aux jeunes générations) tout en nous posant la question de l'importance ou non de la difficulté, de sa pertinence, de son absurdité... Il n'y aura aucune vérité absolue, car, finalement, tout le monde aura son avis sur la question et c'est justement ce qui alimentera le débat. Ce n'est aussi que mon avis sur la question donc "don't shoot the messenger" !
La difficulté, finalement, c'est quoi ?
Si on prend la définition du Larousse, on obtient le "caractère difficile de quelque chose, ensemble des points qui posent problème". On comprend rapidement que le sujet est vaste. En effet, la difficulté prend des aspects assez différents en fonction des styles de jeux et son objectif varier aussi. On ne peut donc pas potentiellement dire, dans l'univers du jeu vidéo en général, que la difficulté est ceci ou cela.
Souvent, quand on mentionne la difficulté, on pense rapidement à des styles de jeux comme les rogue-lite/like ou les Souls-like. Nous découvrirons, dans la suite de ce dossier, l'objectif réel de la difficulté et comment elle se compose dans ces jeux. Toutefois, n'importe quel genre/style de jeu offre un certain aspect, une certaine vision de sa difficulté.
Difficulté ne veut pas forcément dire frustration. En effet, celle-ci peut être aussi utilisée à des fins scénaristiques, un combat vous obligeant à affronter un ennemi trop puissant. Il vous fait donc mourir lamentablement pour mieux revenir prendre votre vengeance plus tard dans l'aventure. Cet élément a d'ailleurs été repris dans certains titres récents comme par exemple Sekiro dont le premier combat est quasiment impossible à gagner. Ces échecs obligatoires vous permettent de prendre conscience du chemin parcouru entre le début et la fin du jeu vis-à-vis du développement de votre personnage.
Il apparaît que la difficulté est pourtant un sujet qui peut fâcher à certains moments. Certains trouvent que les jeux sont trop difficiles et devraient être plus accessibles quand d'autres estiment qu'il ne faut pas s'arrêter à la moindre difficulté et toujours demander la facilité. Là encore, il y a plusieurs avis qui ne sont en rien des vérités, chacun y va de son ressenti, de son émotion et cela peut parfois être sanglant.
Ce qui est certain, c'est que le choix de la difficulté est parfois un des premiers éléments qui nous est donné dans un jeu vidéo et, bien souvent, ce n'est pas pour rien.
La difficulté, sa vie, son œuvre
Un de mes premiers souvenirs vis-à-vis de la difficulté est mon expérience avec une borne d'arcade et le jeu Street of Rage 2. Je me vois encore dans ma première partie, me faisant complètement botter le cul par un ordinateur plus nombreux et plus expérimenté que moi. Jusqu'à ce qu'un écran apparaisse avec marqué en grand : "Game Over" "Insert Coin to Continue". Le jeu m'offrait donc la possibilité de continuer mon aventure à condition de faire tomber dans la machine quelques monnaies sonnantes et trébuchantes... Ma vie dans le jeu avait un prix : une pièce de 20 francs belge.
Si la borne arcade avait bien un but, outre le fait de proposer de jouer à un jeu, c'était la rentabilité. En effet, il était peu probable qu'un jeune joueur découvrant un nouveau jeu soit capable d'arriver au bout de ce dernier en dépensant une unique pièce. De nombreux éléments dans le jeu étaient présents pour offrir au joueur ce magnifique Game Over haut en couleur. Pour reprendre l'exemple de Street of Rage 2, il y avait une notion de temps. Ce chrono, une fois arrivé à zéro, vous faisant automatiquement perdre la partie. Il fallait avancer rapidement, trouver du temps et surtout ne pas en perdre. Une frustration d'autant plus importante quand vous êtes face à de nombreux ennemis pouvant littéralement vous rouler dessus. On pouvait jouer à deux, mais, là aussi, c'était payant !
Dans la logique des choses, chaque pièce dépensée vous permet d'en apprendre plus sur les mécaniques du jeu, de comprendre comment fonctionnent vos ennemis, les mécaniques des boss, ... Toutefois, combien de pièces vous faudra-t-il avant d'arriver au bout du jeu ?
Ne blâmons pas trop les salles d'arcade pour autant, c'était clairement l'occasion de passer de chouettes moments avec ses potes et de découvrir des jeux sympas.
Quand on pense au début du jeu vidéo console, on imagine souvent des jeux assez courts, mais ce n'est pas pour autant qu'ils n'avaient pas un prix assez élevé pour l'époque. Un jeu NES pouvait coûter 50 euros dans les années 90 et clairement ce montant n'a pas du tout la même valeur dans les années 90 ou 30 ans plus tard. Ces deux éléments (la durée de vie et le coût du produit) avaient de fait un impact sur la difficulté des jeux. Il fallait que le joueur ait l'impression d'en avoir eu pour son argent et donc il fallait le tenir en haleine. Toutefois, la difficulté n'était pas forcément réfléchie et le Joueur du Grenier l'a prouvé à de nombreuses reprises dans ses vidéos. Que l'on parle de Tintin au Tibet ou encore de Teenage Mutant Hero Turtle, le joueur est confronté à des erreurs de gamedesign, de gameplay ou encore de frame. À cette époque aussi, en lien avec les jeux d'arcade, il n'y avait pas de sauvegarde possible. De ce fait, une fois les quelques vies offertes épuisées, c'était le game over et on repartait du début de l'aventure.
En lien avec cet exemple, voici un exemple que j'ai vu passer sur l'oiseau bleu récemment :
Games in the 90s really didn’t care about auto save or our feelings at ALL. pic.twitter.com/k23AGZFaFE
— Bri 🤎 (@storymodebae) March 19, 2021
On y voit une personne découvrir le fameux Game Over lié au système de vie du jeu.
Les consoles de jeux et leur évolution ont modifié les codes et de ce fait la gestion de la difficulté. Déjà, au lieu de se donner rendez-vous à la salle d'arcade, c'était chez l'un ou l'autre ami qui avait tel console ou tel nouveau jeu. Eh oui, à l'époque, obtenir un jeu qui venait de sortir pouvait faire de vous le roi du pétrole dans la cour de récré.
Cette époque marque aussi l'arrivée des guides de jeu, astuces, soluces et autres cheats code pour réussir à venir au bout d'un jeu. Un élément très intéressant que j'ai vu passer sur Twitter récemment via Jason Schreier, un livret de soluce pour Final Fantasy 9 qui renvoyait en fait directement sur internet.
Found it! My very own copy of the worst video game strategy guide ever made. Square desperately wanted people on their online portal, so every page of this guide left out half the information and directed you to the internet for more. It’s print clickbait. A true work of art pic.twitter.com/qhF5EmpLFU
— Jason Schreier (@jasonschreier) March 24, 2021
Finalement, avec le temps et la technologie, la difficulté des jeux vidéo a évolué. Une des pierres angulaires fut notamment l'arrivée des sauvegardes. Fini le temps où votre console devait rester allumée, car vous n'aviez pas atteint un checkpoint ou que tout simplement le jeu devait se faire d'une traite (les jeux étant alors relativement courts, rappelons-le). Vous aviez enfin l'occasion de sauvegarder votre progression. Cette technologie a notamment permis aux jeux d'offrir une durée de vie bien plus intéressante.
Pas facile d'être difficile
Où en sommes-nous aujourd'hui face à la difficulté des jeux vidéo ? Eh bien, c'est devenu un business et un univers à part entière maintenant. Qu'on parle de rogue-lite ou de rogue-like, la difficulté des jeux vidéo est maintenant un argument de vente et a créé toute une communauté de joueurs derrière elle. On pourra citer des jeux comme Dead Cell, Cuphead ou encore toute la branche Darksoulesque. La difficulté est tellement devenue un argument de vente que des jeux comme "Getting over it" connaissent un buzz incroyable dès leur sortie.
De plus en plus, les joueurs recherchent une difficulté de plus en plus importante pour justement favoriser le dépassement de soi, mais aussi l'autosatisfaction face à la tâche ardue qui se présente. Les développeurs l'ont bien compris et proposent généralement des éléments pour satisfaire ces joueurs. On peut d'abord penser aux succès à déverrouiller en finissant le jeu dans telle ou telle difficulté, mais aussi à des modes de jeux bien précis.
Face à ce dernier point, il est aisé de parler des Hack&Slash (comme Diablo ou Path of Exile) qui proposent un mode hardcore. L'objectif de ce mode est de proposer une difficulté accrue du titre via une mort permanente du personnage. Les enjeux ne sont alors plus les mêmes et le concept de mort prend une tout autre tournure. Chaque rencontre peut sonner le glas de l'aventure et plus on avance dans celle-ci plus le risque de reprendre tout à zéro est craint.
Ce qui est intéressant, c'est qu'on retrouve même des streamers/youtubeurs qui proposent ce même type de contenu sur des jeux qui n'ont pas été pensés de cette manière. Par exemple, la streameuse Quissy qui arpente les terres d'Azeroth (World of Warcraft Classic) propose de temps en temps des sessions Hardcore. Elle crée un personnage et le joue en essayant d'aller le plus loin possible dans le leveling. On retrouve même une chaîne YouTube mettant en avant différents moments comme les clips des morts !
Si la difficulté est devenue un domaine du jeu vidéo à part entière, elle a aussi évolué à d'autres niveaux. Aujourd'hui, la plupart des jeux vidéo proposent un choix dans la difficulté. Si, bien souvent, celui-ci s'est limité à Facile-Normal-Difficile, on a vu naître une nouvelle vague : le super méga giga difficile bien plus que la mort. En effet, la difficulté est devenue un challenge, un succès. Car c'est cool de faire un jeu en difficile, mais le joueur n'a-t-il pas envie de l'expérience ultime ? L'idée derrière ces différents niveaux de difficulté est d'être disponible à un ensemble de joueurs, allant des plus néophytes aux plus aguerris.
Souvent, ces éléments sont en lien avec des mécaniques de gameplay comme la vie des monstres, le nombre de sauvegarde ou encore les dégâts reçus/infligés. Toutefois, la difficulté ne se résume pas forcément à cela et a une tendance variée en fonction du type de jeu. L'expérience n'est pas la même quand on joue à un jeu de plateforme, à un puzzle game ou au dernier Doom. Parfois, la difficulté d'un jeu se résume au fait de laisser le joueur découvrir l'univers, résoudre des énigmes et avancer à chaque moment dans le jeu. On pourrait citer The Witness ou plus anciennement les Chevaliers de Baphomet.
Si la difficulté revêt alors des manteaux bien différents en fonction des types de jeux, des mécaniques et du gameplay, on constate que celle-ci a maintenant une place importante au sein de l'industrie du jeu vidéo et des joueurs.
Tous égaux face à la difficulté ?
Nous ne sommes pas tous égaux face à la difficulté des jeux vidéo. Voilà, c'est tout pour moi, merci d'avoir lu ce petit dossier. Plus sérieusement, il est compliqué d'être tous sur le même pied d'égalité face à la difficulté d'un jeu vidéo. Pourquoi ? Car une égalité supposerait que nous ayons tous la même expérience de vie face au jeu vidéo. Et en soi, c'est une réalité de vie. Quand vous débutez votre premier cours de sport, il est peu probable que vous arriviez en une séance à la hauteur de quelqu'un qui pratique depuis plusieurs années.
Un des éléments qui ne m'avaient jamais vraiment fait réfléchir, c'est aussi l'âge du joueur. J'avais conscience que plus on vieillit, moins on peut assurer une courbe de croissance similaire à un enfant ou à un jeune adulte. Cependant, je limitais cette idée à l'e-sport et aux carrières des joueurs. Un peu comme dans les autres sports, et notamment le football pour ne parler que de lui, un joueur arrive en fin de carrière à un âge relativement jeune, il se reconvertit dans l'entrainement ou encore les commentaires sportifs. J'avais fait un parallèle évident pour moi. Toutefois, je n'avais jamais envisagé les jeux proposant une aventure solo.
Petit thread sur une feature donc je me moquait encore un peu bêtement dans les jeux vidéos jusqu'à peu : le passage automatique de niveau/difficulté. Jusqu'a cette semaine je n'avais jamais vraiment compris à quoi servait cette possibilité offerte par quelques jeux récents
— Bestmarmotte (@Bestmarmotte) November 12, 2019
Je vous invite d'ailleurs à lire ce retour de Bestmarmotte (un streamer/caster français) qui avait d'ailleurs échangé son expérience personnelle à ce sujet. Difficile de ne pas être en empathie quand on se projette soi-même dans son parcours de joueur. Imaginez-vous voulant à tout prix faire un jeu pour découvrir son univers et son histoire, mais être limité, car le gameplay vous en empêche, car le corps et l'esprit ne suivent plus. De plus en plus, on voit justement apparaître des modes "Histoire" dans les jeux. Cela permet de mettre en avant le développement scénaristique du titre plutôt que son gameplay qui est alors rendu à son plus simple appareil de difficulté.
Un autre point dont on parle peu, mais qui a lui aussi de plus en plus sa place quand on parle de difficulté et d'égalité, ce sont les personnes en situation de handicap. Ce dernier prend des formes variées allant du daltonisme à des problématiques de mobilité. Si l'industrie est consciente du problème à certains niveaux, tous les jeux ne possèdent pas encore des options d'accessibilité permettant à chacun de profiter d'un jeu. Pour ma part, j'ai constaté que le studio français Ubisoft propose de plus en plus d'options (que ce soit dans Assassin's Creed ou The Division) pour favoriser l'accessibilité de ses jeux. Xbox, de son côté, a créé une manette adaptative pour répondre aux besoins des personnes en situation d'handicap.
Sega, c'est plus fort que toi
La difficulté continue de faire naître de nombreux débats mais pas toujours dans les meilleures conditions. En effet, comme dans tout thème, on retrouve rapidement des extrêmes dans les idées avancées. De ce fait, il n'est pas rare de voir que faire un jeu dans un mode de difficulté facile est un critère de faiblesse ou de moqueries. Il y a un peu plus d'un mois, la streameuse AshleyRoboto réalisait un court passage à ce sujet.
🤗Stop Shaming People For Playing On Easy 2021🤗 pic.twitter.com/fixtd4k7VW
— Ash 💛 (@AshleyRoboto) March 31, 2021
Je pense sincèrement que chacun a le droit de faire un jeu dans le mode de difficulté le plus adapté à son expérience. Personnellement, j'ai tendance à prendre le mode de difficulté difficile pour d'abord voir ce que le jeu me propose. Généralement, il est possible de changer celle-ci durant la partie et je modifie en fonction. Au final, l'important n'est-il pas de profiter pleinement de l'œuvre que l'on a dans les mains ?
Autre débat qui a eu droit à pas mal de remous sur la toile, celui autour du jeu Sekiro. En effet, certains joueurs auraient voulu un mode facile pour réussir à profiter du jeu. Sekiro est un jeu développé par From Software qui est connu pour sa saga Dark Souls et dont l'argument de ces jeux est notamment la difficulté, l'apprentissage, la répétition des expériences... Il n'a pas fallu longtemps avant que les communautés s'affrontent à coups d'arguments ou d'insultes.
Est-ce qu'un jeu se doit à tout prix d'être accessible à tout le monde ? Est-ce que From Software doit mettre de côté l'essence même de ses jeux pour élargir son public ? Est-ce que les joueurs n'ont pas d'idées préconçues concernant la difficulté de ce type de jeu ?
Chacun aura son avis sur la question et n'hésitez pas à nous faire part de la vôtre dans les commentaires. De mon côté, je pense qu'il n'y aurait pas de mal à offrir la possibilité aux gens d'accéder à un contenu qui leur est trop difficile. J'obligerais le joueur à débuter l'expérience de manière normale et en fonction des résultats que cela donne (trop de morts,...), un choix pourrait être offert aux joueurs pour faciliter le gameplay.
Je pense aussi que la communauté des joueurs estime que les Souls-like sont liés à une élite de joueurs qui se regroupent le soir dans leur cave pour déguster des fioles d'Estus. De ce fait, avant même d'essayer, les gens ont un avis préconçu sur leur expérience.
Dernier rebondissement qui est apparu dans le prolongement de ce dossier, l'affaire Returnal. Alors que beaucoup s'attendaient à un simple jeu à la troisième personne où on dégomme tout, le jeu propose une dimension rogue-lite. C'est surprenant parce que les rogue-lite/like sont souvent en 2D et assez minimalistes, tout le contraire de Returnal qui propose des environnements très vastes et des graphismes photoréalistes.
D'ailleurs, les articles de la presse spécialisées n'ont pas tarder à partir dans tous les sens :ici, là et même là.
Je trouve aussi intéressant la démarche du studio 10chambers plutôt intéressante par rapport au jeu GTFO. On retrouve sur leur page Steam la mention suivante :
“AVANT D'ACHETER
GTFO est un jeu très difficile, il vous faudra faire preuve d'une grande motivation et d'une véritable aptitude au travail d'équipe pour pouvoir survivre. Encore une fois, ce n'est pas un jeu où il suffit de tirer sur tout ce qui bouge, n'hésitez pas à regarder des streams ou des vidéos sur YouTube pour bien vous faire une idée.
GTFO n'est pas un jeu pour tout le monde ! Ne l'achetez que si ce qui suit ne vous dérange pas : Un jeu extrêmement difficile, probablement trop pour la plupart des joueurs, tous les niveaux seront mis à jour et remplacés au fil du temps et uniquement en anglais pour le moment.
Au moins, le joueur est clairement prévenu avant son achat, ce qui n'est pas toujours le cas. Maintenant, place au débat, pour vous, qu'est-ce que la difficulté et quelles sont vos expériences face à elle ?
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