Test de Gran Turismo 7 - Le retour du Roi

Petite révolution du jeu automobile sur console à l'époque de la PlayStation 1, Gran Turismo a conquis le cœur de nombreuses personnes au fil des épisodes, jusqu'à son apogée sur PlayStation 2 où la licence ne connaissait pas vraiment de concurrence. Et puis les années ont coûté cher à Gran Turismo, qui avait du mal à évoluer face à la pression d'un Forza chez Xbox ou de multiples jeux de course qui reprenaient la formule à mi-chemin entre arcade et simulation. À tel point que les épisodes PS3 et PS4 de la saga n'ont jamais trop su retrouver la gloire d'antan de la licence. Jusqu'à ce jour, car Gran Turismo 7 revient aux fondamentaux et montre que Polyphony Digital a appris de ses erreurs.

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Une modernité au profit de l'histoire

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Comme on le verra un peu plus tard dans ce test, Gran Turismo 7 assume à fond un côté "musée" de l'automobile, s'intéressant à l'histoire des bolides ainsi que des circuits que l'on parcourt au fil de la progression. Mais avant toute chose, le jeu est d'une modernité qui fait un bien fou à son approche de la course auto. Cette modernité se retrouve dans ses sensations, en s'éloignant du sentiment de piloter des caisses à savon qui glissent sur la piste, un élément que l'on pouvait reprocher aux précédents épisodes de la licence. Des jeux qui ont eu un mal fou à passer outre les limitations de l'époque PlayStation 2, y compris sur le plus récent GT Sport sur PlayStation 4, avec un modèle de conduite qui avait pris un sacré coup de vieux face à des Forza Motorsport ou Project Cars. Les sensations de pilotage gagnent ainsi en intensité, avec des voitures qui ont du grip, où l'on sent la route et chacun des reliefs des circuits. À l'image du circuit de Brands Hatch, technique, ou de Laguna Seca, sur lequel on prend un malin plaisir à dévaler quelques-uns de leurs virages les plus mythiques en ressentant véritablement le poids de la voiture et la force exercée par les roues pour passer les secteurs les plus compliqués. La même chose pour la Nordschleife avec son bitume imparfait et cabossé, que l'on ressent grâce à la gestion des suspensions des voitures, en souffrance sur le tracé, montrant à quel point GT7 a fait un bon en avant par rapport à GT Sport. Les sensations, d'autant plus, varient d'un véhicule à l'autre avec des comportements bien identifiables. Conduire une petite sportive japonaise n'a pas grand chose à voir avec le touring à l'européenne, pas plus que l'on pourrait comparer les GT aux monoplaces. Au-delà de la finesse des sensations manette en main, c'est un merveilleux sound design qui est la cerise sur le gâteau d'une immersion réussie.

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C'est aussi pour son contenu foisonnant que GT7 parvient à captiver sur la durée, pour un jeu qui tente de satisfaire la fibre du collectionneur sous la forme d'une sorte de pokédex de l'automobile, où l'objectif est de tout posséder et de pouvoir accéder à des fiches explicatives de chacune des voitures du jeu. Et c'est fait avec un amour certain de l'histoire de l'automobile, illustré dès le début du jeu avec une superbe introduction vidéo, puis avec de nombreux dialogues qui nous racontent l'histoire des différents modèles, ainsi que des contenus écrits et vidéos accessibles ici et là sur les différentes marques et circuits. Cela se matérialise par ailleurs au travers de la progression du mode principal, indispensable au déblocage des modes secondaires (multijoueur local, en ligne, permis, challenges divers...), dans lequel on fait la rencontre du patron d'un café qui nous donne des "menus" à remplir en accomplissant certains objectifs. Le but : débloquer des séries de voitures réunies autour d'un même thème afin de donner une bonne occasion au jeu de nous raconter un petit bout d'histoire. La force du jeu est de parvenir à ne jamais être lourdingue sur ce point-là, en restant le plus souvent didactique et en ayant bien conscience qu'il ne parle pas qu'à des passionnés. Qu'il s'agisse de célébrer l'automobile avec des amateurs ou de clamer son amour de la course à des gens qui n'y connaissent pas grand chose en dehors des jeux vidéo, Polyphony Digital trouve le bon équilibre et l'aspect musée de GT7 est particulièrement gratifiant. Tant pour la mine de connaissances que le jeu représente que pour une progression qui récompense sans cesse le joueur, sans jamais laisser l'impression de stagner.

Des batailles acharnées

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L'intelligence artificielle a longtemps été une tare pour Gran Turismo, avec un phénomène du "petit train" ultra présent : les concurrents avaient tendance à se suivre les uns et les autres sans se livrer de bataille. Si c'est loin d'être un phénomène exclusif à GT, et on en parle d'ailleurs souvent dans nos tests de jeux de course, certains titres tentent de faire en sorte de rendre les concurrents plus agressifs. Et Polyphony Digital a fait de vrais efforts en ce sens avec une IA certes imparfaite, mais qui se bat enfin pour gagner des places. Elle cherche l'ouverture et commet parfois des erreurs, fricotant parfois avec les rails de sécurité de Tokyo Expressway ou ralentissant en urgence dans le raidillon de Spa-Francorchamps pour ne pas prendre le mur après une prise de trajectoire ratée. Cela pimente indubitablement les courses, même si le mode solo est calibré pour que l'I.A. ne cherche pas vraiment la concurrence. En effet, plus que des pilotes cherchant la victoire, les I.A. dans les missions servant à débloquer du contenu ne sont là que pour constituer des obstacles à notre progression. Des obstacles qui cherchent à nous empêcher d'accéder à la première place, alors que l'on remonte la file une à une, plutôt qu'à gagner des places pour eux-mêmes.

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La faute à un système qui consiste toujours en départs lancés, dont l'on part systématiquement dernier et où il faut atteindre la première place avant de finir les 4 ou 5 tours qui nous séparent de l'arrivée. Ainsi, on est plus proche de l'épreuve de chrono que de la course, mais c'est aussi un moyen, dans ces courses à objectif (qui permettent de débloquer voitures et circuits), de nous faire essayer une multitude de voitures jusqu'à ce que l'on puisse, sur le endgame, se fixer sur des catégories plus précises. À côté, il y a la possibilité de créer nos propres courses, en départ arrêté, et c'est là que le jeu révèle tout son potentiel : dans les plus hauts niveaux de difficulté, l'I.A. bataille sec, elle cherche les dépassements et ne se laisse pas faire. Si c'est imparfait, ça reste sacrément bon pour une licence qui est à côté de la plaque sur le sujet depuis toujours. Attention toutefois, on reste dans un jeu où jouer des coups de portière reste efficace, car s'il est bien possible d'activer des dégâts mécaniques (à défaut du moindre dégât visuel), on n'a absolument jamais ressenti l'impact sur la conduite de ces fameux "dégâts". Et ce n'est peut-être pas plus mal pour les néophytes, car GT7 prend à contrepied toute la production actuelle de jeux de course en ne proposant pas de bouton pour "rembobiner" l'action et revenir sur une erreur. Il faut assumer ses sorties de route quand on est un peu trop agressif. 

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C'est dans nos propres courses, en départ arrêté, que le jeu brille. Parce qu'il offre suffisamment de profondeur et de subtilité dans le réglage des voitures, avec la possibilité de les améliorer à l'atelier (tant visuellement que côté pièces), pour permettre des batailles très variées. On voit, surtout avec les véhicules les plus puissants, que l'I.A. a fait un vrai bon qualitatif dans la bataille des premiers virages suite au départ, où chacun tente de prendre une trajectoire plus ou moins efficace pour échapper à la mêlée. On peut regretter cependant que ces courses n'existent quasiment pas dans le mode de progression solo, dans lequel on passe le plus clair de notre temps, et se limite à des courses créées par nos soins pour lesquelles on peut même ajouter un ravitaillement aux stands si nécessaire. L'essence même de la course automobile passe donc un peu à côté du mode principal, même si le jeu offre beaucoup de moyens de s'amuser et de masteriser les circuits, notamment avec son système de médaille d'or à récupérer sur chaque secteur en "expérience du circuit" où le jeu nous propose de travailler chaque secteur pour maîtriser les tracés. 

Permis de briller

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On l'attendait et le revoilà : le mode "permis" fait son retour. Indispensables à la progression du mode solo et donc, des voitures et circuits, ces permis nous font passer des épreuves allant du simple virage à l'enchaînement sinueux sur lequel il faut trouver le bon rythme pour décrocher la médaille d'or. Un système qui a fait la renommée de ses prédécesseurs et que l'on est bien contents de retrouver là, tant celui-ci n'a pas pris une ride et offre toujours un challenge relevé. Nul doute que de terminer une épreuve en argent à 27,808 secondes alors que la médaille d'or se décroche à 27,800 se révèle terriblement frustrant, mais c'est la répétition de ces épreuves pour décrocher l'or qui donne un vrai coup de fouet à notre maîtrise du jeu et qui nous pousse à toujours aller plus loin pour trouver les limites des circuits. Il faut toutefois bien veiller à désactiver les aides visuelles (points de freinage, trajectoires...) qui, si elles sont plus efficaces que les précédents GT (notamment GT Sport qui peinait sur ce point), restent trop souvent prudentes et nous incitent à freiner beaucoup trop tôt. Difficile d'avoir l'or avec ces trajectoires, même si elles aident beaucoup les néophytes en course à l'heure de découvrir les circuits et leurs trajectoires préférentielles.

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Des aides qui permettent au plus grand nombre de pouvoir s'essayer à GT7. Certes, le jeu parle essentiellement aux amateurs d'automobile en appelant au cœur des fans et en évoquant quelques voitures légendaires chaque fois qu'il présente l'histoire, mais le jeu le fait avec un tel amour qu'il en devient parfois touchant et pourrait même donner envie à des gens de s'intéresser de plus près à ce monde-là. Car GT7 a quelque chose de séduisant qui dépasse assez largement la passion pour la course automobile : très beau, le jeu séduit souvent grâce à sa gestion de la lumière, qu'elle soit naturelle ou qu'elle vienne des phares de nos poursuivants. À cela s'ajoute une météo dynamique, enfin présente, qui fait évoluer les conditions de course avec fluidité et réussite, rendant certains tracés plus longs particulièrement agréables lorsqu'après quelques tours en fin de journée on se retrouve sous une nuit noire. La modélisation des véhicules quant à elle est toujours efficace et les intérieurs sont fidèles à la réalité. On pourrait reprocher à la pluie d'être plus discrète et peu visible à l'écran, contrairement à d'autres jeux de course où poursuivre un concurrent sous la pluie détériore considérablement la visibilité à cause de l'eau projetée par les roues, mais on en ressent quand même ses effets sur les distances de freinage et les dérapages que la piste trempée occasionne. Sans parler des flaques d'eau bien visibles et que l'on cherche à éviter sur nos trajectoires. Pour en profiter, le jeu propose deux modes : performance et ray tracing. Dans les deux cas, le jeu est en 60fps sans ray tracing en course, le mode RT ne le proposant que dans les ralentis avec un framerate inférieur. On conseille donc de l'activer afin de faire de jolies captures, les 60fps n'ayant pas tant d'intérêt que cela lors des ralentis. 

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Ces sensations visuelles se mélangent aux sensations procurées par la manette, le jeu exploitant complètement la DualSense avec ses différents niveaux de vibration et ses gâchettes à résistance. On ressent véritablement la piste dans le creux de la main et cela apporte un vrai plus à des sensations déjà très travaillées en jeu, notamment sur l'accroche du véhicule sur le bitume. Il y a peut-être des ratés, notamment dans les courses tout-terrain (et l'infâme représentation du rallye) dans lesquelles le jeu n'en profite pas pour offrir des vibrations un poil différentes du bitume, mais dans l'ensemble GT7 a un côté très organique qui fonctionne à merveilles. Du sound design au ressenti manette en main en passant par son aspect visuel, c'est un titre très complet qui ne laisse que bien peu de choses au hasard. Très vivant, le titre parvient à nous accrocher pendant de très nombreuses heures, d'abord avec ses sensations, puis avec son contenu pléthorique qui récompense constamment en voitures et circuits (même si les tracés sont moins nombreux que l'on aurait pu l'espérer). De quoi lui pardonner, peut-être un peu, les microtransactions et l'achat de crédit avec du vrai argent pour faciliter le déblocage des bolides les plus chers, à plusieurs millions de crédits. 

La version PlayStation 4 de Gran Turismo 7 est assez similaire visuellement à son prédécesseur GT Sport. Plus terne visuellement, beaucoup moins détaillé que sa version PS5 et avec un système d'éclairage plus limité, le titre doit aussi se coltiner des temps de chargements d'une bonne trentaine de secondes à chaque lancement de course. On remarque également un aliasing assez présent, mais dans l'ensemble, le titre reste convenable, à l'image de GT Sport, et peut tout à faire s'apprécier de la sorte si vous n'avez pas encore trouvé de PlayStation 5. On salue notamment sa stabilité avec les 60fps qui sont maintenus sans aucun problème.

Conclusion

Retour inespéré d'une licence qui a eu du mal à trouver sa place ces dernières années, Gran Turismo 7 est à la hauteur des attentes et fait même un peu mieux. Généreux et souvent juste dans sa manière d'aborder la course automobile, qu'il s'agisse des sensations de conduite ou de l'histoire de l'industrie, le titre de Polyphony Digital s'extirpe de la masse de jeux similaires pour proposer sa propre vision. Une manière différente d'imaginer le jeu de course, à mi-chemin entre course pure et musée, avec tout ce que cela amène de moments de calme où l'on prend un malin plaisir à se (re)plonger dans l'histoire de quelques unes des voitures les plus mythiques. C'était certainement le meilleur moyen de fêter les vingt-cinq ans de la licence, avec un amour non dissimulé pour l'histoire de l'automobile, mais aussi pour celle de la licence, en revenant à quelques fondamentaux (les permis, notamment) et en retrouvant la flamme d'antan. 

Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 5 à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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