Test de 428: Shibuya Scramble - Méli-Mélo Nippon

Les visual novels grand public ne courent pas les rues, alors un bon visual novel grand public qui sort en Europe, cela vaut la peine d'être signalé. Plongée au coeur d'une petite pépite.

Bien que 428 soit techniquement un roman visuel, ce n'est en aucun cas un visual novel traditionnel tout simplement parce qu’il accorde une importance bien plus grande que bon nombre de ses congénères à la partie "visual" de son genre. Rien que le fait que le jeu soit illustré dans sa très grande majorité par des photos de la vie réelle et des clips vidéo le met tout à fait à part sur console.

L’histoire de 428, lancé il y a exactement 10 ans sur Wii au Japon et qui débarque chez nous pour la première fois sur PlayStation 4 et PC, tourne autour de cinq protagonistes. Chacun d'entre eux a ses propres histoires à raconter et à vivre avec vous, mais comme vous vous en doutez, leurs histoires individuelles sont toutes en fin de compte des éléments essentiels d’une histoire qui les dépasse tous et qui excède de très loin le cadre de l’histoire d’enlèvement qu’on vous présente au tout début du jeu.

La cocotte est dans la minute

Au début du jeu, vous incarnez Kano, un détective qui, pour une fois, ne semble pas être trop véreux, même si il se laisse parfois emporter par ses émotions et se retrouve dans des situations assez fâcheuses vis-à-vis de sa hiérarchie. Le jeu ne vous donne pas le temps de souffler dès le départ : on l’a dit, on débarque en plein dans la gestion de l’enlèvement de Maria Osawa et c’est Kano qui se retrouve en charge de gérer la livraison d’une rançon pour récupérer l’otage. Suite à la demande du kidnappeur, c’est Hitomi, la soeur de l’otage, qui devra déposer la rançon au pied de l’emblématique statue d’Hachiko.

Et c’est dans le cadre de ce scénario que les quatre autres protagonistes de notre histoire voient leurs destins s’entrecroiser. Minorikawa, un journaliste, reçoit un coup de fil d’un ami de longue date et tente de le tirer d’un mauvais pas. Achi, ancien gangster qui a fait régner la terreur sur Shibuya devenu balayeur de rues, sauve une jeune fille d’une agression au pistolet. Kenji, virologiste de renom, père d’Hitomi et de Maria Osawa, découvre que quelqu’un a utilisé ses recherches pour conduire des tests non autorisés. Tama, la plus originale, est une jeune fille dans un costume de chat qui promeut un produit amincissant pour se payer un objet bien précis dont elle rêve.

Et c’est la manière dont tous ces personnages interagissent ensemble qui constitue le coeur d’une des meilleures histoires qu’il nous ait été donné de lire dans le cadre d’un visual novel. Shibuya joue sans contexte dans la même gamme que les Steins;Gate et ne rougira pas de la comparaison. Les aspects loufoques sont contrebalancés en permanence par des moments sérieux et l’histoire joue sans cesse avec l'ascenseur émotionnel du joueur pour lui offrir une expérience rarement vue, qui le prend vraiment aux tripes et le laisse impatient de voir la suite. Il est vraiment difficile d’en dire beaucoup plus sur le scénario sans trop gâcher la découverte et ruiner votre expérience en jeu : chaque personnage principal a de multiples facettes et elles sont toutes révélées, l’une après l’autre, au moment le plus adéquat pour marquer le joueur, qui les trouvera tous sympathiques, chacun à leur façon et qui les mettra tous sur un pied d’égalité, ce qui est une prouesse colossale. Jamais on a eu l’impression qu’un personnage bénéficiait d’un traitement de faveur par rapport aux autres et, surtout, on a réalisé à la fin de notre première partie qu’on n’avait absolument aucun favori parmi les cinq protagonistes.

24 heures chrono... ou presque

Le jeu est divisé en tranches d’une heure : chaque heure, vous devrez faire en sorte que l’ensemble des personnages atteignent un écran “To Be Continued”. La première heure, vous découvrez les bases du jeu avec les seuls Kano et Achi, dans un espèce de tutoriel qui ne vous donne jamais l’impression d’en être un tant vous êtes rapidement amené à faire des choix importants. Une fois que tous les personnages ont vu l’écran “To Be Continued”, l’heure suivante commence par une petite séquence d’introduction des événements de la dernière heure (idéal pour les reprises après une pause) et parfois un petit aperçu des événements à venir.

Soyons clairs : le jeu propose de nombreux embranchements et bon nombre d’entre eux mèneront à des fins très négatives pour l’un, l’autre ou l’ensemble des personnages. À noter que le jeu propose des fins négatives qui ne sont pas toujours des tragédies : à l’échelle d’autres jeux du genre, on les jugerait même positives, puisqu’on parle de situations comiques qui mettent fin à la partie ou d’un game over qui montre un autre futur en fonction des décisions d’un personnage. Quoiqu’il en soit, vous ne serez pas déçu pour ce qui est des mauvaises fins : il y en a pas moins de 85 en tout et pour tout à collectionner. La plupart du temps, elles sont liées au fait que quelqu'un ou quelque chose se trouve au mauvais endroit au mauvais moment et les joueurs doivent dès lors essayer de faire en sorte que les autres personnages compensent cette “erreur” fatidique. Avantage à noter cependant : chaque fin vous dira concrètement ce qui a fait capoter les choses, vous donnant une opportunité de changer la donne dans une partie suivante.

La patte visuelle de 428 est assez unique pour être remarquable. Bon nombre de plans sont tout bonnement saisissants et, surtout, le fait que les images de fond ne se répètent que rarement tient tout bonnement du miracle voire de l’exception dans un genre où un lieu est généralement associé à un seul et unique fond. Ici, les angles se multiplient, tout comme les zooms sur les visages des personnages pour mieux partager leurs émotions ou les panoramiques pour vous donner une meilleure vue d’ensemble de l’action. À force de voir de nouvelles images ou de nouveaux filtres, on n'a jamais vraiment de sentiment de lassitude, puisque l’histoire comme son support d’illustration est toujours en mouvement : un vrai plaisir, qui permet notamment de mitiger l’amertume de tomber sur une mauvaise fin.

Un thriller à la sauce wasabi 

Petit point noir : le jeu n’est pas doublé. C’est vraiment dommage, parce que quand on voit la qualité du reste, on est en droit de se dire que cela en aurait fait un excellent jeu. Cependant, la bande-son en elle-même n’est pas à regarder de haut : elle supporte vraiment bien l’action et le générique est tout à fait à propos avec ses légers accents des années 90. Les personnages ont leur thème, même certains personnages assez secondaires, rendant reconnaissables juste à l’oreille qui est sur le devant de la scène à ce moment précis de l’action.

La localisation (en anglais, malheureusement) est de très bonne facture et parfaitement intelligible, avec de belles pointes d’humour et de sarcasme : n’ayant pas joué au jeu original et n’étant de toute manière absolument pas bilingue en japonais, on ne saurait dire si cela était présent à l’origine, mais cela marchait quoiqu’il en soit bien avec les personnages de cette version. Pour une fois, on ne s’est d’ailleurs pas arraché les cheveux sur les descriptions des objets : là où généralement les textes sont minimalistes et jamais utiles, cette fois-ci, 428 va droit au but et propose des descriptions qui vous rappelleront rapidement à quoi sert un objet, là où vous l’avez trouvé ou d’autres informations utiles.

On aurait aimé qu’il en soit de même dans la navigation et dans les transcriptions des parties de l’histoire ou des dialogues déjà lues : en effet, si d’aventure vous voulez vous rafraîchir la mémoire et vérifier quel choix vous avez fait à tel ou tel moment ou retrouver une information précise, vous n’aurez pas la possibilité de remonter les lignes une par une ; vous pourrez uniquement revenir à des espèces de marque-pages prédéfinis de manière assez arbitraire, de ce qu’on a pu voir. Bon, soit, il y en a beaucoup, ce qui réduit un peu l’importance du problème, mais on aurait préféré un peu plus de liberté.

Crache ton passage piéton, Myrhdin

Pas la peine de s’en cacher, on a énormément apprécié 428 : Shibuya Scramble. Soyons clair : le jeu ne s’adresse pas au grand public et il faut être un amateur de VN pour en profiter pleinement et en tirer autant de plaisir que celui qu’on a essayé de partager dans ce test. Cependant, si vous n’avez jamais essayé les VN parce que vous étiez rebuté par leur aspect un peu culcul, nian-nian ou trop japonisant, ce titre est vraiment une excellente opportunité pour vous de vous lancer dans un genre qui ne demande qu’à être plus connu et à vous faire découvrir ses nombreux petits bijoux (promis, on vous redira tout le bien qu’on pense de Steins;Gate bientôt). Pour la petite anecdote, qui vaut ce qu'elle vaut, les lecteurs nous ont aussi signalé que ce jeu était l'un des rares titres à avoir reçu un score parfait de la part de Famitsu. Ca vaut ce que cela vaut, mais c'est qu'il doit vraiment y avoir un peu de bon dans ce jeu !

Le titre a des défauts minimes et pour peu que vous parliez anglais couramment, vous proposera une expérience comme vous en avez rarement eue en jeu.

Test réalisé par Myrhdin à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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