Interview d'Abubakar Salm pour Dead Take

Alors que Dead Take devrait sortir dans le courant 2025, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec Abubakar Salm, acteur bien connu, mais surtout fondateur du studio de jeux vidéo Surgent !

Merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Avant de parler de Dead Take, pourriez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours, à la croisée des jeux vidéo, de la production et du métier d’acteur ?

Je suis Abubakar Salim, un acteur que vous connaissez peut-être pour mes rôles dans Raised by Wolves, Assassin’s Creed Origins et House of the Dragon. J’ai toujours été un passionné de jeux vidéo et lorsque j’ai commencé à décrocher des rôles plus importants, j’ai décidé de prendre un gros risque en créant un studio de développement de jeux vidéo, Surgent Studios. Notre premier jeu, Tales of Kenzera: ZAU, a remporté un BAFTA et nous travaillons maintenant sur notre second projet : Dead Take.

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Dead Take semble être un projet très personnel. Vous avez évoqué des expériences difficiles vécues avec Neil Newbon et Ben Starr dans l’industrie. En quoi ces souvenirs partagés ont-ils directement influencé la création de ce thriller psychologique ?

Être acteur est une épreuve très éprouvante — émotionnellement, physiquement, psychologiquement. C’est une profession presque taillée sur mesure pour vous briser. Dès le premier jour à l’école d’art dramatique, on vous dit que seule une personne dans la salle réussira vraiment. Dès le départ, on vous conditionne à toujours regarder par-dessus votre épaule. Et ensuite, ça ne fait qu’empirer : trahisons, manipulations, parfois même des abus flagrants. Alors, pourquoi continue-t-on malgré tout ? C’est précisément la question à laquelle j’ai voulu répondre avec ce jeu.

Le jeu nous plonge dans un manoir luxueux mais isolé, niché dans les collines d’Hollywood, mêlant glamour et malaise. Pourquoi avoir choisi ce décor pour servir l’histoire et ses thématiques ?

J’ai visité beaucoup de maisons de ce type lors de rendez-vous professionnels à Los Angeles et elles m’ont toujours semblé étrangement dérangeantes. Il y a cette combinaison bizarre entre une richesse extrême et des objets de cinéma posés là au hasard, complètement hors contexte, qui crée une ambiance troublante. Et bien sûr, toutes ces maisons sont conçues pour préserver l’intimité. Elles ne veulent pas être vues par le commun des mortels. Et ça, il y a quelque chose de profondément menaçant là-dedans.

Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour construire l’univers et l’atmosphère de Dead Take ? Cinéma, jeux vidéo, littérature… Y a-t-il des œuvres qui vous ont particulièrement influencé pour ce projet ?

Nous voulions clairement puiser dans l’énergie des jeux d’horreur classiques à la première personne, tout en y mêlant l’angoisse sourde du monde du spectacle tel qu’il est dépeint dans Sunset Boulevard.

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L’un des aspects uniques de Dead Take réside dans ses mécaniques de « splicing » utilisant des séquences filmées en prises de vues réelles. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne ce système et comment il s’intègre au cœur de l’enquête ?

En incarnant Chase, le personnage principal, vous explorerez le manoir à la recherche de votre ami Vinny, venu y faire la fête la veille et porté disparu depuis. En parcourant la maison — étrangement vide — vous trouverez des disques contenant des vidéos : essais d’audition, tests caméra, messages vidéo, etc. Certaines séquences semblent corrompues et c’est grâce à un équipement spécifique que vous pourrez « splicer » (assembler) les fichiers pour en révéler les véritables secrets. Mais c’est là que cela dépasse la simple mécanique : chaque extrait a été conçu pour fonctionner seul, mais une fois combiné avec d’autres (dans le bon ordre), des vérités cachées émergent. Les personnages se mettent à dialoguer entre les bandes, à répondre à des questions qu’on ne leur a jamais posées, à révéler des liens qui n’auraient jamais dû exister. Parfois, ils s’adressent directement à vous. Il ne s’agit pas seulement de restaurer des images, mais de reconstruire des intentions, de questionner les performances et de mettre au jour un récit que quelqu’un a tout fait pour enterrer. On voulait que ce système donne la sensation de chasser des fantômes à travers une pellicule, où l’énigme ne se limite pas à ce qui s’est passé, mais à pourquoi cela a été dissimulé de cette manière.

Vous décrivez des énigmes d’exploration inspirées des escape games. Comment avez-vous abordé l’équilibre entre la difficulté des puzzles et la fluidité de la narration ?

Est-ce un jeu pensé pour rester accessible même aux joueurs peu familiers du genre ? Nous avons conçu les énigmes pour qu’elles soient stimulantes, mais captivantes. Nous pensons qu’une bonne énigme doit vous faire dire « bien sûr ! » une fois résolue et c’est exactement ce que nous avons cherché à atteindre en dosant la difficulté. Les joueurs comprendront rapidement que chaque élément leur transmet une information et qu’il leur faudra prêter une grande attention à tout ce qui les entoure à mesure qu’ils s’enfoncent dans le manoir.

Peut-on s’attendre à des embranchements narratifs ou à des choix influençant le déroulement de l’enquête et la perception de la vérité ?

Nous avions une vision très précise pour Dead Take, c’est pourquoi l’histoire suit un chemin soigneusement construit plutôt que de se diviser en multiples directions. Plutôt que de proposer plusieurs fins, nous avons préféré jouer sur la perception du joueur — ce que vous découvrez, la manière dont vous l’interprétez — et ce que vous choisissez de croire. L’expérience ne consiste pas tant à influencer le dénouement qu’à remettre en question la réalité. Dans un monde fondé sur l’illusion, c’est la vérité elle-même qui devient l’énigme.

Vous avez réuni un casting impressionnant avec Neil Newbon et Ben Starr, qui ont déjà marqué l’univers du jeu vidéo ces dernières années. Comment s’est déroulé ce travail collaboratif, notamment pour les séquences en FMV qui exigent une intensité de jeu particulière ?

Je savais exactement qui je voulais pour chaque rôle pendant que j’écrivais l’histoire. Le milieu des acteurs dans le jeu vidéo est assez restreint. Je les ai simplement appelés en leur disant : « Je fais ce jeu d’horreur psychologique un peu étrange et je veux que tu joues le rôle principal. » On a tout tourné en deux jours, moi à la réalisation et d’autres amis dans la pièce jouant les rôles hors-champ. C’était vraiment du jeu vidéo en mode guérilla et c’était une expérience incroyable. Neil et Ben ont tous les deux apporté une énergie folle à leurs rôles et c’était génial de les voir jouer avec leurs vrais visages.

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Tourner des séquences en prises de vues réelles pour un jeu vidéo reste encore assez rare. Comment avez-vous abordé la direction d’acteurs dans ce format hybride, entre cinéma et jeu interactif ?

J’ai essayé d’être le réalisateur avec qui j’aimerais moi-même travailler. Pour moi, cela signifiait faire confiance aux acteurs incroyables que j’ai réunis, en sachant qu’ils comprendraient les particularités du médium. Je savais que de nombreuses séquences live-action seraient visionnées sur grand écran, alors j’ai accentué cette sensation de proximité en me plaçant très près d’eux, en me concentrant autant que possible sur les micro-expressions. Ils ont livré des performances absolument remarquables — je pense qu’on devrait les voir plus souvent dans ce genre de format.

L’industrie du divertissement est souvent idéalisée. Dead Take semble mettre en lumière ses aspects plus sombres : pouvoir, corruption, abus. Quelle réflexion espérez-vous susciter chez les joueurs ?

Je veux que les joueurs réfléchissent sérieusement à la notion de succès. Où tracent-ils la limite quand ils pensent à ce qu’ils seraient prêts à faire pour y parvenir ? Beaucoup d’entre nous — acteurs, artistes, créateurs — sommes tellement passionnés par ce que nous faisons que nous finissons par nous convaincre que tout en vaut la peine. Mais est-ce vraiment le cas ?

Ces dernières années, l’industrie semble marquée par des contrastes de plus en plus nets entre succès et échec. Comment vous assurez-vous que Dead Take sera un succès ?

On ne peut jamais garantir le succès — et c’est là que nous sommes tous égaux. Le mieux que nous puissions faire, c’est créer un jeu dont nous sommes fiers et le partager avec le monde quand il sera prêt.

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Pourquoi avoir choisi Pocketpair comme éditeur pour ce jeu ?

Nous nous sommes rencontrés à la fin de l’année dernière lors d’un événement autour du jeu vidéo, puis nous avons gardé le contact. Nous avons été frappés par l’honnêteté de Pocketpair vis-à-vis de l’industrie et une fois que nous avons commencé à échanger des idées, le partenariat s’est imposé naturellement.

Nous sommes déjà à la moitié de l’année 2025. En tant que créateur, mais aussi en tant que joueur, avez-vous eu un coup de cœur vidéoludique ces derniers mois ?

Clair Obscur. Franchement, wow. Quel jeu. Je suis un grand fan de RPG et en tant que joueur aujourd’hui, c’est incroyablement excitant de voir comment le genre a évolué.

Après Tales of Kenzera: ZAU et désormais Dead Take, deux projets très différents, quelle est aujourd’hui la ligne éditoriale de Surgent Studios ?

Cette prise de risque créative est-elle destinée à devenir votre signature ? Dès le départ, notre ambition était d’oser, et nous faisons tout pour rester fidèles à cette exigence. Pour notre prochain projet, attendez-vous à ce que nous allions encore plus loin.

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