Test de Mother Russia Bleeds

Lorsqu'on parle de beat 'em all, il est rare que quelqu'un se souvienne d'autre chose que les géniaux Street of Rage ou Double Dragon. Évidemment, d'autres jeux sont venus s'ajouter à ces références (à commencer par leurs suites), mais aucun n'a réussi à marquer son temps tel qu'ils l'ont fait. Hélas, arrivé dans la deuxième moitié des années 90, le genre a absolument voulu passer par la 3D, ce qui malgré bien des espoirs n'a eu d'autre effet que de le tuer net, jusqu'à l'apparition des jeux types Ninja Gaiden (les plus récents) ou autres Bayonetta, oubliant par là totalement leur héritage, si riche. 

Il était temps que l'on revienne aux sources.

Y'a un soucis dans la mère patrie

Le scénario de Mother Russia Bleeds tient en deux mots : succin et perturbé. Dans une espèce de Russie dystopique et/ou post-apocalyptique, un groupe de gitans bastonneurs se retrouve kidnappé par une organisation politico-secrète en mal d'expérimentations pour leur nouvelle drogue supposée défoncer les perturbateurs et renforcer leurs soldats. C'était sans compter sur le fait que nos amis saltimbanques mal lavés ont le goût de la patate de forain ; s'ensuit leur évasion et leur recherche de vengeance avec en toile de fond une révolution communiste en vue de renverser le gouvernement oppresseur dont nos héros deviendront un pilier bien malgré eux. 

On appréciera, à ce regard, que l'histoire soit quand même relativement bien mise en scène pour un jeu de ce type, avec de nombreux dialogues plus vulgaires les uns que les autres histoire de romancer un peu les gerbes de sang que le joueur ne se privera pas de provoquer tout au long de son aventure. On notera toutefois que les dialogues du mode histoire sont revisités régulièrement selon le personnage principal utilisé (seul le premier joueur est acteur de l'histoire, les autres ne sont que des portes-flingues). 

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Ivan et ses potes

Dans les faits, de un à quatre joueurs choisissent leur héros dans la plus pure tradition des Street of Rage de la bonne époque : du gros costaud un peu lent à la gonzesse un peu faiblarde, mais super rapide en passant par le type bien équilibré sous tout rapport, et c'est parti pour aller Rush B. Dans les faits, les personnages se distinguent au final assez peu si ce n'est par leurs statistiques - leurs mouvements sont très, voire entièrement, similaires et on distingue assez vite les combos les plus meurtriers. 

Tout n'est pas si facile et ne tient qu'à un fil en fait, puisque les ennemis (plutôt variés, eux) fonctionnent avec le traditionnel shi-fu-mi de l'équilibrage. Si par exemple le coup de pied sauté, encore une fois comme il y a 20 ans, est sans doute le coup le plus fumé de l'arsenal, il est absolument inutilisable en présence de certains ennemis qui l'intercepteront sans soucis. La présence d'un second joueur (ou plus) changera aussi beaucoup la donne, puisque certains ennemis portent une armure frontale et qu'il faudra donc jouer de l'aggro pour mieux les mettre au sol. 

En clair, aucune stratégie ne garantit la victoire ; seule une bonne exploitation des possibilités offertes permettra de se sortir de toutes les situations que le jeu offre. 

Et des situations, il y en a beaucoup : force est d'applaudir Le Cartel sur ce point. Le développeur parisien a su revisiter ses classiques avec de bonnes idées. Par exemple, il arrive très souvent que les joueurs ne soient qu'un des multiples partis pris dans une baston générale. Oui, les organisations criminelles et l'armée vous courent après, mais une fois dans la rue à distribuer des coups de genoux, ces deux entités ne se veulent pas que du bien, ce qui démarre des festivals de tatanes à trois protagonistes et assure un joyeux bordel dont un bon joueur saura se servir à ses fins. Il se peut aussi qu'un ennemi porte avec lui une radio qui, si elle tombe entre les mains d'un de ses alliés, lui permettra d'appeler des renforts et de compliquer très vite la mêlée : d'un seul coup, les mouvements des joueurs se retrouvent fortement limités puisqu'obligés de se focaliser sur un point unique du tableau en court. 

La drogue c'est mal, m'voyez

À toutes ces joies de game design s'ajoute la présence de la drogue, élément central de Mother Russia Bleed. Son utilisation est simple et limitée à 3 charges : gâchette gauche pour se redonner un peu de vie, gâchette droite pour passer en mode "berserk" et éclater des tronches d'un coup de poing. Une fois utilisée, la seringue peut-être rechargée sur certains ennemis qui, avant de passer l'arme à gauche, convulsent au sol dans une crise d'overdose. Évidemment, cela se fait en maintenant un bouton, ce qui vous laisse vulnérable le temps de récupérer le précieux liquide - et, encore une fois, la présence d'alliés s'avère cruciale pour vous couvrir le temps d'une sucette. 

D'autres drogues s'ajoutent à celle de base avec différents effets, qui se débloquent lors de combats en mode arène, un mode "survival" aléatoire. 

Ces moult bonus ne seront pas de trop : en effet, la difficulté du jeu se fait en dents de scie : certains passages peuvent paraître délirants et nécessiteront même aux joueurs les plus aguerris de multiples tentatives pour en venir à bout. C'est peut-être là son point fort, tant le joueur apprend aux dépends de ses défaites et retire pleine satisfaction de ses exploits, mais aussi son point faible, tant certains pourraient facilement craquer face à la résistance de certains ennemis. Dans ce registre, les boss ont toute leur place : la plupart sont invulnérables aux attaques les plus basiques et il est nécessaire de trouver le "pattern" le plus adapté pour en venir à bout. Hélas, certains d'entre eux sont particulièrement ubuesques et peuvent se vaincre en quelques secondes pour peu qu'on ait acquis le timing parfait à la longue de nombreuses défaites et tentatives.

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Hotline Moscou

Évidemment, le ton artistique du jeu se veut une référence directe et totalement assumée à un autre jeu Devolver, Hotline Miami. Si l'on aurait pu se dire qu'il est fatigant de voir des concepts ainsi repompés pour mieux surfer sur leur succès, Mother Russia Bleeds offre au joueur bien plus qu'une simple déclinaison d'un style sur un gameplay différent. Le jeu est riche, prenant, satisfaisant et son décorum de sexe, de violence, de drogue et de vulgarité n'est qu'une cerise sur le gâteau visant à renforcer ses sensations pad en main, en donnant à son joueur un retour sensoriel adapté et puissamment viscéral. Les explosions de sang, les couleurs criardes et baveuses, les sons punchy et visqueux, tout tend à donner au joueur satisfaction et immersion dans le sordide. La musique n'est pas en reste : sous-traitée à un artiste du nom de Vincent Cassar, celle-ci se veut électronique, rythmée, parfois glauque et parfois, même, plus posée pour des bandes synthétiques décalées de l'action. Mais tout comme dans Hotline Miami, ça marche à chaque fois. 

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Mother Russia Bleeds est un beat'em all qui sort des tripes, va droit au coeur et s'aligne sans complexe avec les meilleurs du genre de ces 30 dernières années. Violent, percutant, sans complexe et bourré de surprises, il ravira le fan du genre et l'esthète des cultures alternatives. Une suite, vite. 

Test réalisé par Kafka Datura à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes MacOS, Windows
Genres Action, contemporain

Sortie 6 septembre 2016 (Windows)

Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.