Test de Tokyo Mirage Sessions #FE : l'apologie du recyclage ? - MÀJ du 01.02.2020 - Test de la version Switch
Quand le jeu est annoncé début 2013, le concept fait saliver : rassembler les univers de Shin Megami Tensei et de Fire Emblem, le tout sur une console de salon HD (la Wii U), cela a tout de la bonne idée. Trois ans plus tard, le titre est-il à la hauteur de ces attentes ?
Mise à jour : test de la version Switch du jeu par Hachim0n
Il y a quatre ans sortait Tokyo Mirage Sessions #FE, un RPG japonais dans l’univers coloré, codifié et « innocent » des idoles. Ces artistes touche-à-tout qui passent aussi bien du chant à la danse, en faisant quelques détours par des rôles dans les séries télé. Mais surtout, il s’agissait d’un étrange crossover entre les licences Shin Megami Tensei et Fire Emblem. Cette année débarque un remaster intitulé Tokyo Mirage Sessions #FE Encore, une version légèrement corrigée proposée sur Nintendo Switch.
Jeu tout à fait charmant grâce à ses personnages souvent bien menés et leurs petits problèmes qui font sourire, le test publié à l’époque montrait également quelques limites : des monstres qui se répètent, des phases de combat où on n’est que spectateur et non pas acteur à cause d’animations interminables ou encore des aller-retour parfois pénibles à cause de quêtes qui se limitent à nous envoyer à droite et à gauche. Autant d’éléments que les développeurs ont tenté de corriger, ou au moins de rendre moins désagréables, en procédant à quelques rares ajustements dans ce remaster relativement fainéant. Pour ce qui est des combats, il est désormais possible d’écourter les animations de « Sessions » et autres coups spéciaux qui pouvaient être interminables sur la version Wii U, afin de dynamiser les combats et de raccourcir les affrontements contre les ennemis les plus basiques. Les aller-retour quant à eux ne disparaissent pas pour autant, mais les temps de chargement ont encore été réduits, de manière à faciliter les transitions d’un quartier à l’autre pour accomplir des quêtes secondaires qui apparaissent parfois très importantes tant elles développent l’histoire des personnages du jeu. Il est d’ailleurs indispensable de toutes les terminer (trois quêtes par personnage) pour débloquer la « vraie fin » du jeu.
Au-delà de quelques ajustements, Tokyo Mirage Sessions #FE Encore en profite pour offrir un contenu un peu plus généreux. On découvre une nouvelle quête, la « quête des rêves », qui permet de développer un peu plus la personnalité de certains personnages et d’obtenir une nouvelle compétence spéciale passive – accompagnée d’une chanson inédite - qui réunit deux des jeunes femmes du groupe en duo. À cela, on ajoute les trois DLC de la version Wii U qui sont intégrés dans le jeu de base et qui permettent pour les plus impatients de monter en niveau très rapidement, tout en bénéficiant de tenues qui accompagnaient ces DLC à l’époque.
En outre, le jeu apporte une poignée de tenues inédites venant des univers de Persona (avec la tenue de Joker de Persona 5 pour le héros), de Shin Megami Tensei, mais également de Fire Emblem : Three Houses.
Enfin, les trois personnages non-jouable qui accompagnent les héros, Maiko, Tiki et Barry peuvent désormais offrir leur aide pendant les combats (lors des Sessions), pour peu qu’on ait prêté attention à leurs quêtes. Cela a d’ailleurs pour conséquence de rendre ces Sessions encore plus puissantes, au mépris de tout équilibrage, mais on doit bien avouer que c’est toujours un plaisir de déclencher ces combos dévastateurs.
Et on arrête là pour les nouveautés. En effet, ce portage sur Switch est assez fainéant et n’apporte pas grand-chose, même si la quête des rêves, très bien intégrée, est un moment assez sympathique dans le jeu. Côté technique, rien de miraculeux puisque lorsqu’il est affiché sur la télévision, le jeu est à peu près aussi dépassé que lors de sa sortie sur Wii U. En mode portable, toutefois, il dévoile un potentiel assez sympathique qui, s’il ne change rien aux textures d’un autre âge, est plus agréable à l’œil. D’autant plus que les multiples aller-retour ou le manque d’inventivité côté bestiaire a un peu moins d’impact lors de courtes sessions de jeu.
Enfin, et c’est une belle surprise pour un jeu de niche : la version Switch est traduite en français. Les voix restent en japonais, néanmoins les sous-titres apparaissent dans la langue de Molière, à l’exception des menus où l’utilisation de l’anglais prime sur le reste pour une raison obscure (« items », « save », « load », « skills »…)
La traduction emploie cela dit quelques expressions et un ton décalé, tentant de donner l’impression d’avoir affaire à des jeunes, pour un résultat pas toujours idéal. On comprend tout de même l’idée, et ça participe d’ailleurs à installer une certaine familiarité avec les personnages, mais cela surprend dans un premier temps.
Portage sympathique aux ajouts assez peu nombreux, Tokyo Mirage Sessions #FE Encore aurait pu en profiter pour un léger ravalement de façade qui lui aurait fait le plus grand bien. Déjà daté à l’époque de sa sortie, il est visuellement très sommaire en 2020. Mais ce n’est pas ça qui nous sort du jeu pour autant, puisque les amateurs de RPG japonais et d’idoles devraient tout de même trouver leur compte dans un jeu aux personnages attachants et au système de combat passionnant, bien qu’imparfait.
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Alors là, ils chantent une chanson et le monde est sauvé. Tu en dis quoi ?
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Quelle idée géniale !
Un après-midi, Aoi Itsuki croise une de ses camarades alors que celle-ci participe à un petit concours d’idole. Il décide d’y assister… et voit son amie se faire enlever par le présentateur. Pour la sauver, il passe un étrange portail, mais est attaqué par une créature encapuchonnée. À ce moment, un orbe lumineux sort de son torse ; Itsuki le prend et le lance sur son adversaire, qui révèle sa véritable identité (Chrom, le Lord de Fire Emblem Awakening) et décide de l’aider. Après quelques péripéties, Itsuki et son amie sont recrutés par Fortuna Entertainment, une agence de divertissement servant de couverture pour lutter contre les Mirages, les monstres responsables de l’attaque. Entre deux sessions de lutte contre le mal, nos héros devront donc améliorer leurs compétences d’acteur, de chanteur et/ou de modèle parce que ces talents sont liés à leur force de combattant, c’est bien connu.
Encore là ? Bien. L’histoire de Tokyo Mirage Sessions #FE (qu’on abrégera TMS par la suite) semble ridicule, même en prenant en compte le fait que les JRPG brillent rarement sur ce plan. Néanmoins, en exploitant un peu de second degré, cette histoire peut faire sourire, à défaut de convaincre. Le concept est ridicule, c’est un fait, mais il peut se révéler ridiculement drôle. C’est cependant l’occasion de glisser un premier avertissement : si vous attendez une qualité d’écriture comparable à certains RPG de renoms (tels The Witcher 3 ou Pillars of Eternity) ou que vous êtes incapable de faire preuve de second degré, passez votre chemin.
Précisons par ailleurs que le jeu n'est disponible qu'avec des voix japonaises et des sous-titres anglais. On regrettera évidemment l'absence d'une version française et d'un doublage en anglais, mais cela peut se comprendre tant la dimension musicale du titre est importante (rendant plus compliqué un doublage dans une autre langue) et tant le titre possède de texte. Heureusement, les sous-titres sont présents partout - y compris durant les chansons - et l'anglais n'est pas très compliqué, donc une compréhension minimale de cette langue suffit amplement pour apprécier le titre.
Sessions Sessions Sessions Sessions Sessions Sessions Sessions
La force de TMS ne se trouve pas dans son histoire, mais dans son gameplay. Ce dernier est très prenant, du début au terme du jeu. Les combats se déroulent au tour par tour, mettant aux prises 3 joueurs face à un groupe de 1 à 5 ennemis. L’équipe pouvant compter jusqu’à sept combattants, disposant tous d’habilités spécifiques, des choix sont nécessaires. Cependant, et c’est là l’une des forces du titre, les alliés négligés ne sont pas abandonnés, contrairement à Fire Emblem : en tout temps, il est possible de remplacer un personnage en combat par un autre, sans perdre de tour pour cela.
Cela donne un large potentiel stratégique puisqu’il est toujours possible de choisir le personnage disposant de la compétence adaptée à la situation rencontrée. Enfin, presque : Itsuki, le leader du groupe, ne peut quitter le combat. Conséquence de cela, 6 personnages se partagent deux places tandis que notre héros doit toujours être présent ; cette décision est peu convaincante.
Changer de personnage est souvent nécessaire afin de frapper un ennemi dans sa faiblesse. Cet élément est déterminant, car toucher la faiblesse d’un adversaire ne se limite pas à lui faire un peu plus de dégâts : cela déclenche une Session, pendant laquelle les autres membres de l’équipe peuvent attaquer gratuitement avant que le combat ne reprenne. Au début du jeu, seuls les trois personnages impliqués peuvent participer aux Sessions, mais il est ensuite possible d’inclure également ceux restés en retrait, voire de déclencher plusieurs Sessions consécutives. En bref, toucher la faiblesse de l’ennemi, c’est lui faire subir sept attaques au lieu d’une seule, ce qui fait une grande différence.
Sur le plan de l’équilibrage, le concept peut paraître étrange. Pourquoi donner un bonus encore plus important – surtout de cette taille – alors que l’attaque est déjà efficace ? Les ennemis survivent rarement à une Session, ce qui est rappelé au joueur les rares fois où ceux-ci parviennent à en déclencher une contre lui. Néanmoins, ce système est très plaisant. En effet, en début de combat face à un ennemi inconnu, tout l’enjeu est de découvrir au plus vite sa faiblesse, afin de ne pas taper dans le vide. Puis, il est nécessaire de trouver le personnage profitant au mieux de cette faiblesse afin d’éliminer au plus vite les ennemis, car si ceux-ci ne sont pas très résistants, ils compensent en pouvant tuer très rapidement un allié. Tout repose donc sur un équilibre assez précaire, dans lequel la défaite semble toujours proche, bien que l’on enchaîne les succès. En effet, les morts ne sont pas automatiquement remplacés : il est nécessaire de les réanimer, après quoi ils joueront seulement au tour suivant ; en attendant, il faut combattre avec uniquement deux personnages valides. Comme les personnages ne sont pas très résistants, même les situations les mieux maîtrisées peuvent paraître risquées : il suffit souvent d’un rien pour que deux personnages soient KO, signifiant souvent que le combat est perdu.
Le terrible pouvoir des Sessions ne s’arrête cependant pas là : elles ont également pour effet de remplir une jauge permettant de lancer des attaques particulièrement puissantes, Conséquence de ces aspects, elles constituent la clef de voûte du système de combat de TMS, ce qui permet de donner un deuxième avertissement : les Sessions consistant à voir six personnages taper l’ennemi sans faire que cela, le jeu n’est pas fait pour vous si vous ne supportez pas d’être inactif. Tokyo Mirage Sessions #FE pourrait porter comme surnom « l’apologie des temps morts. »
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Si les combats sont agréables, ils souffrent d’un problème de taille : ils sont engendrés par une apparition aléatoire – et fréquente – des ennemis dans les donjons du jeu. Heureusement, le combat ne se déclenche pas automatiquement : les monstres apparaissent en général à quelques mètres du joueur, permettant dans la majorité des cas à ce dernier de les éviter. Le problème, c’est que le jeu est non seulement basé sur ces affrontements, mais aussi sur le farm. Si vous évitez les combats, vous n’aurez pas le niveau requis pour vaincre les boss. Pis : les ennemis lâchent des ressources indispensables à la progression des personnages. En effet, celles-ci permettent de créer deux choses : les armes et des Radiant Skills. Les premières sont la clef de voûte du jeu, puisqu’elles permettent de débloquer les compétences, qu’il s’agisse des attaques possibles durant une Session, des capacités utilisables en combat ou de bonus passif. Néanmoins, ces capacités doivent être placées dans des emplacements au nombre limité. C’est pour compenser cela que les Radiant Skills existent : ils offrent des bonus hors et en combat et ne doivent pas être placés dans un emplacement, ce qui fait que les personnages peuvent en accumuler plusieurs sans problème. En résumé : sans craft, le joueur ne dispose d’aucune capacité, ce qui donne une dimension cruciale à cet aspect. Problème : le craft demande énormément de ressources, obligeant à tuer chaque monstre de très nombreuses fois pour s’assurer d’en avoir assez.
Or, s’il est très agréable de chercher la faiblesse d’un nouvel ennemi rencontré, le combat peut sembler pénible quand on affronte un même monstre pour le dixième, la vingtième ou la cinquantième fois. Cela est renforcé par le fait que les développeurs abusent du color swap jusqu’à la nausée : le nombre de modèle est très limité, mais chacun est décliné près d’une dizaine de fois pour obtenir un bestiaire important, mais dont il est difficile de différencier un monstre d’un autre. Il est assez courant de penser avoir déjà rencontré un ennemi, avant de réaliser que c’en est un différent, car il a une couleur légèrement différente des huit espèces précédentes. À cause de cette politique, le joueur finit par renoncer à retenir les noms et les particularités de ses opposants : si un point d’exclamation s’affiche sur la créature, c’est que l’attaque choisie est du bon élément. L’interface vient au secours d’une réutilisation honteuse des modèles des monstres.
Le recyclage est malheureusement loin de s’arrêter là. Le jeu se limite à six chapitres, auxquels il faut ajouter un prologue (consistant) et un épilogue (très court). En ligne droite et sans le prérequis de niveau, qui force à farmer pour pouvoir avancer, le titre pourrait se terminer en une petite quinzaine d’heures. Pour étendre cette durée de vie, les développeurs ont trouvé deux solutions. Premièrement, les allers-retours : ils sont obligatoires et très réguliers. Pour prendre un exemple concret, les armes ne peuvent être créées qu’en un lieu précis. Or, les compétences d’une arme se débloquent assez vite. Il est donc souvent nécessaire pendant un chapitre de quitter le donjon en cours pour aller fabriquer une nouvelle arme. Les temps de chargement ne sont pas très longs, mais ils sont si nombreux qu’ils représentent un temps important au cumulé, en plus de casser le rythme.
Les quêtes annexes renforcent ce problème. Ne disposant pas des ressources pour créer des donjons supplémentaires, les développeurs ont décidé d’exploiter les ressources à leur disposition. Ainsi, une quête annexe se résume souvent en : se rendre à un point A, tuer 10 ennemis d’un certain type dans un donjon déjà parcouru, se rendre au lieu de craft pour créer un Radiant Skill unique. Notons toutefois que certaines quêtes n’imposent aucun combat, les remplaçant par un nombre plus important de déplacements – et donc de temps de chargements. Au total, le jeu compte une trentaine de quêtes annexes, mais aucune n’est réellement passionnante.
Les donjons souffrent d’un problème similaire. Ils sont généralement intéressants. Ainsi, chacun propose un design et des difficultés spécifiques, les rendant agréables à explorer. Néanmoins, leur nombre est très réduit : le jeu n’en compte que sept au total, en incluant celui du prologue. De plus, en raison de la réapparition aléatoire d’ennemis, ils ne sont pas aussi complexes qu’ils auraient pu l’être. Conséquence de cela, s’ils laissent une bonne impression, il est difficile de ne pas se dire qu’il aurait été possible de faire mieux, ce d’autant plus que la structure du jeu force à les parcourir de nombreuses fois, remplaçant l’attrait de la découverte par de la lassitude.
C’est mieux quand ça s’arrête
Enfin, le titre pêche aussi par son dernier acte. Tout y passe : donjon insipide, nouvel affrontement d’anciens boss et boss de fin interminable. Ce qui aurait dû être l’apogée de l’aventure finit par être perçu comme un calvaire. Le pire est atteint lors du boss final, qui est particulièrement long en raison de son nombre aberrant de points de vie et de ses deux phases. Au total, entre les cinématiques et le combat, il faut compter plus d’une heure ; échouer signifie devoir se refaire ce long et ennuyeux passage. Une fois le boss tombé, un message nous indique qu’à ce stade, il ne sera plus possible de compléter les tâches et les quêtes annexes. Si vous en aviez laissé en plan, vous devez donc charger votre ancienne sauvegarde, les faire et ensuite affronter à nouveau le boss de fin. Ha. Ha. Ha.
De prime abord, Tokyo Mirage Sessions #FE a tout du jeu de niche, se destinant à un public restreint. En parcourant le titre, on découvre cependant un gameplay particulièrement réussi, des donjons au fort potentiel et une histoire amusante. Ce qui limitera le public du jeu, ce n’est donc probablement pas son orientation, mais son manque d’ambition : avec davantage de moyens, TMS aurait pu constituer un titre incontournable de la console, voire un très grand nom du JRPG. Dommage.
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Plateformes | Nintendo Switch, Wii U |
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Genres | Jeu de rôle (RPG), asie, fantasy |
Sortie |
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