Test de Star Wars Battlefront 2 : un beau produit gâché par le service marketing ?
Suite de l'opus sorti en 2015, Battlefront 2 est disponible sur PC, PlayStation 4 et Xbox One depuis le 17 novembre 2017. Il s'est attiré de nombreuses critiques de joueurs. Avec raison ?
A Star Wars Story
Commençons par ce que j'attendais le plus, à titre personnel : la campagne solo. En effet, celle-ci avait, sur le papier, tout pour réussir. Iden Versio semblait être l'héroïne parfaite : ce n'est pas une Jedi, ni un individu emblématique de la saga, ni un personnage se distinguant par sa beauté, son humour lourdingue ou un excès d'héroïsme. Une forme d'anti-héros, en somme, mais sans le côté "beau ténébreux" généralement associé à cette figure. De même, il était très appréciable que la campagne n'ait pas été confiée à DICE, notoirement incompétent dans ce domaine. Enfin et surtout, la perspective de jouer les gentils pour la première fois de l'histoire de la franchise avait clairement de quoi faire rêver.
Le prologue répondait parfaitement à ces attentes. Tout ce que doit contenir un FPS moderne semblait présent dans ce chapitre introductif : de l'infiltration, de l'action épique et de l'exploration. Les deux chapitres suivants maintinrent le niveau, avec seulement un bémol : le troisième introduit le combat spatial, pratiquement injouable sans une manette. Or, la manette PlayStation 4 n'est pas nativement reconnue - une honte en 2017. Le problème est néanmoins réglé en quelques secondes grâce à DS4Windows, permettant de pleinement profiter du jeu.
C'est cependant au terme de ces trois chapitres, proposés gratuitement aux abonnés EA access depuis le 10 novembre, que la campagne évolue de manière dramatique. Les trois premiers chapitres étaient un parfait condensé de ce que doit proposer un FPS moderne, un modèle dont devraient s'inspirer de nombreux studios. La suite n'est cependant qu'une longue descente aux enfers.
Peut-être que dans quelques mois ou années, le voile sera levé sur la création de cette campagne solo. L'histoire donne l'impression qu'un responsable marketing a pris en main le scénario, s'est exclamé "Où sont les Jedi ? Où est Han Solo ? Combattre pour l'Empire, sérieusement ?" et a méthodiquement demandé à Motive de détruire une à une toutes les promesses nées durant les premiers chapitres. Difficile d'en dire plus sur l'histoire sans spoiler, mais Iden Versio passe de personnage principal charismatique à potiche sans envergure.
Le pire est que c'est fait sans une once de précision. L'écriture des dialogues est un carnage : les méchants sont méchants, les gentils sont gentils, les héros s'aiment et auront de nombreux enfants. La mesure, outil indispensable de l'écriture de dialogues, semble avoir été complètement oubliée ici.
De plus, le gameplay ne sauve pas une histoire catastrophique. Il est bon - c'est une force de ce Star Wars. Cependant, il est très mal intégré. Premièrement, la campagne se déroulant sur les cartes du multi-joueur, un petit indicateur rappelle souvent au joueur qu'il est prié de regagner les limites de l'aventure. Pire qu'un mur invisible, ce rappel régulier casse toute volonté d'exploration. Deuxièmement, les phases d'infiltration semblent avoir souffert du moteur de DICE : si cette option paraît souvent possible, la mise en pratique s'annonce souvent excessivement compliquée, les possibilités offertes au joueur et le level design ne s'y prêtant absolument pas. Enfin, Motive donne l'impression d'avoir reçu comme consigne de forcer le joueur à tout essayer - armes, compétences, véhicules -, faisant ressembler la campagne à un grand tutoriel et renforçant l'aspect linéaire du titre. Le joueur n'est jamais maître de son destin : il enchaîne ce que les développeurs lui imposent, sans pouvoir choisir entre plusieurs voies.
La campagne de Battlefront 2 aurait pu être un argument fort pour le jeu, un moyen de faire taire tous ceux critiquant le multi-joueur. Elle n'est au final qu'un moyen rapide (5 à 6 heures de jeu), mais douloureux, d'accumuler des crédits. En regardant la qualité des premiers chapitres, il semble difficile d'incriminer entièrement Motive de cet échec. Alors, qui est responsable ? Le moteur, peu adapté pour des variations de gameplay ? Le manque de temps et de moyens ? Un mauvais choix marketing ? Tout cela ? Difficile à dire, mais le résultat est un triste gâchis.
Star Wars Galaxy of Heroes
Deuxième mode de jeu, le mode arcade ne vous occupera probablement pas beaucoup plus de temps que la campagne solo. Il propose une série de scénarios (8 côté obscur, 8 de l'autre), à réussir dans trois degrés de difficultés. Les scénarios ne sont pas d'une originalité incroyable, mais la réalisation est assez appréciable. De plus, le mode arcade propose aussi des parties personnalisées, seul contre l'IA ou avec des amis (en local ou en ligne). Les options sont nombreuses et la proposition est très intéressante, car elle permet de compenser l'absence de personnalisation du multi-joueur.
Cependant, l'économie du mode est étrange. Chaque partie en mode arcade rapporte 100 crédits, que le joueur gagne ou perde. Pour empêcher un farm excessif, le nombre de parties qu'il est possible de lancer tout en obtenant des crédits est limité à cinq toutes les 24 heures. La mécanique rappelle davantage les jeux mobiles gratuits que les AAA console et PC, la rendant très étonnante. Elle incite à lancer cinq parties chaque jour pour obtenir les crédits promis, quitte à faire en sorte de mourir immédiatement. Il serait problématique que le joueur puisse accumuler de l'argent sans difficulté (quoique...), mais la solution d'Electronic Arts semble peu convaincante.
Amis contre ennemis
Il nous reste à aborder le troisième mode de jeu, qui retiendra probablement les joueurs le plus longtemps : le multi-joueurs. Celui-ci se décompose en cinq modes de jeux, que nous aborderons l'un après l'autre.
Commençons par le mode escarmouche. Il propose des affrontements en 10 contre 10, avec un seul objectif : tuer le plus d'ennemis. S'il semble séduisant au premier abord pour les amateurs de frags, deux défauts empêchent cependant ce mode de jeu d'être pleinement convaincant. Premièrement, les cartes sont très petites ; cela aurait pu passer dans un jeu comme Chivalry, basé sur le combat en mêlée, mais cela rend les combats très désagréables dans Battlefront 2, dans lequel les armes ont toutes une portée importante. De plus, les lieux de réapparition des joueurs semblent aléatoires... et la réapparition se fait par escouade, pouvant inclure jusqu'à 5 joueurs. Il n'est ainsi pas rare de tomber soudain sur plusieurs joueurs venant de débarquer, offrant une mort certaine.
Continuons avec le mode frappe, pensé pour le 8 contre 8. Ces affrontements en petits comités tournent autour d'objectifs. Ainsi, une carte demande par exemple à une équipe d'aller attraper un artefact et de l'amener sur un autre point de la carte, tandis que l'autre doit l'en empêcher. Le résultat est assez convaincant et met en avant la coopération, mais il est dommage que ce mode se résume à de l'attaque/défense : une plus grande variété d'objectifs aurait été appréciable.
Autre mode en 8 contre 8 : le combat spatial. Développé par ce qu'il reste de Criterion, ce mode de jeu demande aux joueurs d'accomplir une série d'objectifs : détruire des tourelles ou des boucliers, vaincre un certain nombre d'ennemis, etc. Le résultat est convaincant et ce mode de jeu dispose d'un énorme point fort : il offre une expérience totalement différente des autres. L'ensemble est aussi soigné que varié ; ce mode aurait pu constituer un jeu à part entière (à un prix plus réduit, cela va de soi) sans que cela ne soit choquant.
Avant-dernier mode de jeu que nous présenterons, l'affrontement héroïque. Deux équipes de 4 héros s'affrontent, chacun défendant sa vision du bien. Pour l'emporter, une équipe doit tuer l'un des héros ennemis, la cible, avant que l'équipe adverse n'élimine sa propre cible. Une fois cela fait par un des deux camps, deux autres joueurs sont désignés et la partie continue, jusqu'à ce qu'une équipe marque 10 points. Trois raisons font de ce mode l'un des meilleurs, sinon le meilleur, du jeu. Premièrement, la mécanique est intéressante : la cible doit rester en retrait, car si elle meurt son équipe perd le point, mais si elle ne participe pas au combat, son équipe sera en infériorité numérique et risque de le payer cher. Deuxièmement, les héros ont tous un gameplay qui leur est propre, qui ne révèle son plein potentiel que lorsqu'il est utilisé en collaboration. Ainsi, Boba Fett et Kylo REN forment un duo idéal, puisque le second peut immobiliser les ennemis pendant que le premier leur fait très mal. Les exemples sont nombreux et si le nombre de héros semble pour l'heure trop réduit (14 au total, 7 par camp), leurs compétences sont bien pensées et complémentaires. Enfin, ce mode de jeu favorise beaucoup la collaboration, en faisant le mode de jeu rêvé pour les groupes de 4.
Enfin, le mot assaut galactique, en 20 contre 20, combine tout cela : les objectifs, les véhicules, les héros et les mécaniques de base. Sur de grandes cartes, une équipe doit accomplir une série d'objectifs, ce que l'autre essaie évidemment de l'empêcher de faire. La progression durant les parties est intéressante : en accomplissant des objectifs ou en tuant des ennemis, le joueur récupère des points de bataille, utilisables de multiples façons : débloquer une classe avancée, prendre possession d'un véhicule ou incarner un héros. Jouer autre chose qu'une des classes de base ne relève donc pas du hasard, mais d'un choix : pour pouvoir incarner un héros, il est nécessaire d'économiser précieusement les points de bataille gagnés.
Ces modes de jeux sont un grand point fort de Battlefront 2. En effet, ils sont véritablement variés et hormis le mode escarmouche, chacun a ses qualités propres, offrant une expérience se renouvelant régulièrement.
Il n'y a qu'un seul moyen d'apprendre : c'est par l'action
Nous n'avons cependant pas évoqué le principal concernant le jeu : son gameplay. Battlefront 2 est un TPS ou FPS (les deux modes sont proposés) assez classique. Chaque joueur dispose d'une barre de vie, qui remonte progressivement après un certain temps sans subir de dégâts. Science-fiction oblige, les armes ne disposent pas d'un nombre limité de munitions, mais surchauffent : si elles atteignent un certain stade, le joueur doit réussir un petit QTE assez facile pour relancer l'arme. Il peut aussi appuyer sur R à tout moment pour réduire la température de l'arme. Le jeu est assez classique en termes de mobilité, presque trop : un saut, une roulade et une course, point barre.
Le titre propose quatre classes de base : commando, assaut, officier et spécialiste. Chaque classe dispose de ses propres armes, parmi lesquelles une seule peut être sélectionnée. Néanmoins, ce sont les compétences qui modifient le plus l'expérience de jeu. Ainsi, l'officier peut par exemple déployer une tourelle, tandis que le spécialiste a la capacité de repérer les ennemis à proximité. Chaque classe peut équiper trois compétences différentes... mais ne peut pas réellement les choisir.
En effet, les classes commencent avec trois compétences de base. Pour les modifier, il est nécessaire d'utiliser des cartes, base du système de progression du jeu. Ainsi, certaines cartes renforcent les statistiques de base du personnage, d'autres améliorent les compétences de base tandis que d'autres encore les modifient, par exemple en permettant d'échanger un type de grenade contre un autre. Ces cartes existent en quatre niveau de rareté, avec des bonus croissants. Seulement voilà : au début, le joueur ne possède aucune carte.
Plusieurs manières d'en obtenir existent. Premièrement, les acheteurs de l'édition deluxe ont quelques boîtes de cartes inclues. De plus, une caisse journalière est également offerte, mais celle-ci contient rarement des cartes d'amélioration. De même, le mode histoire et certains défis offrent quelques boîtes en récompenses.
Seulement voilà : même si elles sont variées, ces méthodes ne sont pas pensées pour finaliser la progression du joueur. En les combinant, il est possible d'avoir des cartes pour les classes de base et pour quelques héros, mais ces cartes devront être ensuite améliorées. Pour cela, il faut dépenser des pièces d'amélioration, qui peuvent être gagnées via des défis ou obtenues dans des caisses de butin. C'est là que les choses commencent à se corser.
Tout le fonctionnement du jeu est basé sur ces caisses. Même en optimisant au maximum sa façon de jouer, notamment en privilégiant les défis, il n'est pas possible de s'en passer. En effet, les classes ne sont pas les seules à avoir besoin de cartes : des véhicules aux héros, tout ce qui est jouable fonctionne sur ce système. Or, seules les classes principales reçoivent des caisses en récompense : pour monter un véhicule, il faut acheter des caisses de cartes de véhicules. De même, les quelques caisses offertes ressemblent plus au "mois offert" par tant de commerciaux : c'est un moyen de lancer le joueur, en sachant bien qu'il devra ensuite passer à la caisse pour continuer à profiter.
Pour acheter les caisses, un seul moyen possible : avec des crédits obtenus en jeu. Des micro-transactions étaient prévues, mais elles ont été retirées... pour le moment. Cependant, cette absence de micro-transactions ne suffit pas à corriger tous les problèmes. En effet, les crédits servent à débloquer les héros, mais aussi à ouvrir des caisses de cartes. Ils s'obtiennent assez facilement, mais sont bien trop indispensables à la progression. C'est là que la diversité de Star Wars Battlefront 2 se retourne contre lui : il est possible de passer 20 à 25 heures pour débloquer tous les héros, mais ces héros n'auront aucune carte. Il faudra donc ensuite investir dans des caisses, puis améliorer les cartes. Seulement voilà : outre les héros, le jeu contient aussi des véhicules, des classes standards et avancées...
Ce n'est pas que la progression est lente. Progresser dans une classe est assez rapide, surtout en ciblant certains objectifs. En revanche, le jeu contient tellement d'axes de progression différents que le nombre de crédit vient rapidement à manquer : privilégier un aspect, c'est négliger tous les autres.
Techniquement à venir
Finissons par un petit mot sur la technique. Graphiquement, le jeu est très beau. La bande son est à la hauteur et aucun souci de fluidité ni bug majeur n'a été constaté. L'infrastructure réseau peut poser davantage de problèmes : hier après-midi, par exemple, il était presque impossible de faire une partie en ligne complète sans se faire éjecter. Le jeu est donc très perfectible, mais le résultat semble bon en comparaison d'autres lancements de jeux, beaucoup plus problématiques. Les quelques soucis seront probablement réglés sous peu.
En revanche, la faible prise en compte des groupes est nettement plus dérangeante. Ceux-ci ne peuvent compter que cinq joueurs au maximum et servent seulement à garantir d'appartenir à la même partie. Il n'est pas possible de contrôler un véhicule à plusieurs, ni d'apparaître à côté d'un partenaire : les escouades sont réinitialisées à chaque mort et ne contiennent que les joueurs morts au même moment que soi, qu'ils appartiennent au même groupe ou non. La coopération entre amis est donc presque inexistante en-dehors des modes dédiés (frappe et affrontement héroïque), mais DICE a promis de corriger cela.
C'est d'ailleurs sur ce point que nous conclurons notre test : le premier Star Wars Battlefront a connu beaucoup d'évolutions durant sa vie, généralement pour le meilleur. De nombreuses mises à jour devraient régler les quelques soucis actuels, tout en ajoutant du nouveau contenu : héros, cartes et armes sont ainsi au programme et cela débute tout bientôt, gratuitement. Il n'est évidemment pas possible de tester les promesses que tient un jeu, mais il faut admettre qu'acheter Battlefront constitue un investissement pour l'avenir.
En un mot
Difficile de conclure aisément sur Star Wars Battlefront 2, tant le jeu est contradictoire dans ce qu'il propose. La campagne solo est une honte et le système de progression doit être entièrement repensé, mais le multi-joueurs est riche en contenu, agréable et varié. L'avarice d'Electronic Arts inquiète avec raison, mais les promesses sont également alléchantes. Faut-il acheter ? Attendre de savoir à quelle sauce le joueur sera mangé ? Difficile à dire. À titre personnel, je n'aurais jamais acheté le jeu en connaissant les défauts de sa campagne solo, qui était ce qui m'attirait le plus dans le titre. Cependant, j'avoue prendre beaucoup de plaisir à jouer avec mes amis au multi-joueurs, bien plus que sur Battlefield 1 l'an dernier.
Test réalisé par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Tir, tir à la première personne (fps), science-fiction |
Sortie |
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