Test de Secret of Mana: l’usine-âge des souvenirs
Square Enix n’en finit plus de ressortir ses plus grands succès à toutes les sauces. Alors, quand le jeu qui a rendu le JRPG disponible dans nos crèmeries françaises revient dans une nouvelle mouture modernisée façon jeu mobile, il y a de quoi s’inquiéter. Les premières images n’ont pas su convaincre les fans et il était difficile de se passionner pour un jeu qui semblait manquer sa cible. Pourtant, quitter l’échoppe avec une boite dans le sac fait déjà remonter les souvenirs…
Secret of Mana, c’est l’épopée d’un garçon orphelin et paria à qui incombe la lourde tâche de sauver le monde en restaurant l’épée Mana, tombée dans ses mains par le plus grand des hasards. Qu’à cela ne tienne, une fois la route prise, il rencontrera au détour d’un chemin une fille et un elfe qui décideront de prendre part à l’aventure à ses côtés. Ensemble, ils devront parcourir la planète pour récupérer le pouvoir de mana, rencontrer des sages, des dieux, résoudre les mystères de l’origine et affronter un mystérieux empire aux ambitions diaboliques. Le pitch est simple, pour ne pas dire naïf, mais l’histoire nous fait voyager dans tous les environnements classiques auxquels on s’attend, avec une petite touche kawaï des plus appréciables… bref au royaume des poncifs, l’original vaut-il la copie ?
Que les choses soient claires : il s'agit ici de massacrer dans la joie et la bonne humeur des hordes de lapinous, de gobelins ronfleurs, de loups-zombies roses et autres hiboux aux grands yeux, le massacre étant ponctué de boss monstrueux, tout aussi abordables. Prenant la forme d’un Action-RPG, le jeu nous place à la tête d’un trio combattant en temps réel et se distingue par un temps de (re)chargement des attaques de base ainsi que par la possibilité de jouer jusqu’à trois en coop local. Force est de constater que c'est un réel plaisir de voir ces petites bêtes lâcher un dernier râle avant de se transformer en nuages, squelettes, esprits ou de disparaître dans l’infini.
N'est pas Mana Lisa qui veut...
Le premier contact avec ce nouveau Secret of Mana est loin de faire l'unanimité et pour cause : l'héritage à porter est lourd tandis que la refonte n’est pas au goût de tous. Si certains voient le jeu original comme un véritable chef d'œuvre, d’autres prennent cette nouvelle mouture pour un christ retapé à la va-vite. Le nouveau style graphique divise et si vous voulez profiter pleinement de Secret of Mana, il faudra savoir l'accepter.
Dès les premiers instants, la rigidité des cinématiques et l'absence totale d'animations faciales surprend. Les unes comme les autres se comptent sur les doigts de la main, ce qui est d'ailleurs logique : à l'origine, tout se racontait dans les boites de dialogues. Si le remake anime quelques moments clefs ou nous affiche des personnages en premier plan pour dynamiser notre lecture, il évite l'écueil de la profusion de cinématiques lourdingues, voire niaises, cassant le rythme. L'histoire, légère, alerte et efficace, conserve ainsi son dynamisme ; il ne faut pas plus de 10 minutes (d'action) pour être plongé au cœur de l'intrigue et partir à l’aventure. Il y a bien de petits dialogues ajoutés dans les auberges qui donnent de la cohérence au groupe, mais nous sommes loin des écueils narratifs où se brisent les J-RPGs les plus récents, et c'est tant mieux.
Si la traduction d’origine était assez loufoque, un bon travail a été fait. Le scénario a du sens et si l’on regrette (un peu) Sorcia et Vulk, il est appréciable de se retrouver dans un univers d’inspiration Japonaise, raccord avec les standards auxquels nous sommes maintenant habitués.
Quel bonheur de traverser Secret of Mana. Passé l’acceptation de son nouveau look, les décors 3D sont un modèle de simplicité et de lisibilité. Le jeu est fluide et les environnements sont beaucoup plus charmeurs manette en main que sur les captures d'écran, notamment toute cette nature qui fourmille de petits détails sympas, comme le tapis de mousse que l'on foule, l'eau qui coule, la boue craquelée, les papillons qui volent et les petits arbres qui dansent au gré des vents dans des tons pastel et chatoyants. Ce monde appelle au voyage, à la découverte, et les environnements se renouvellent assez rapidement pour attiser notre curiosité et notre soif de vagabondage. Il faut dire que l'opus initial cultivait déjà le concept de l'aventure mignonne avec succès : on se soigne en s’empiffrant de bonbons ou de chocolats et on voyage à dos de bébé dragon. Une candeur et une naïveté, dans le récit comme dans le trait, qui ne sont pas passées à la trappe, bien au contraire : quelle joie enfantine d’appeler Flammy avec son petit tambourin pour s’envoler dans les cieux !
Reprises dans les chaussettes
D'un point de vue sonore, le jeu souffle le chaud et le froid. Si les thèmes d'origine sont respectés, les arrangements oscillent entre le très bon et l'insupportable. Il est possible de revenir sur les musiques d'origine, ce qui nous permettra de constater que certaines mélodies étaient déjà fort désagréables à l’époque. Ce qui laisse pantois, c'est l'idée saugrenue de rajouter des instruments criards tels que la cornemuse ou le biniou pour renforcer l’identité terroir des villages paumés. Heureusement, les interprétations des morceaux accompagnant l'exploration, beaucoup plus joués, sont globalement réussis et on se surprend à constater qu’on écoute les versions remixées sans le faire exprès.
Le jeu a été intégralement doublé, en anglais comme en japonais. Le moindre PNJ qui a soif a donc une voix. Oui, madame. La majorité des dialogues étant plus vite lus qu'entendus, les doubleurs se font assez rapidement couper la chique et on peut aller jusqu’à baisser totalement le volume des voix, d’autant qu’un autre ajout, plus inutile encore, a été fait : les cris de guerre de nos personnages, qui résonnent à chaque fois qu'ils portent un coup d'épée en combat... fatiguant.
Il était une fois au coin du feu
Manette en main les plus anciens auront l'impression d'être à nouveau assis par terre devant le poste du salon et de retrouver les sensations d'antan. C’est normal, Secret of Mana joue avec notre nostalgie et le fait plutôt bien. Les cartes et le déroulement du jeu sont d'ailleurs rigoureusement identiques.
La principale amélioration vient du rendu 3D. Le moteur du jeu libère nos personnages de leur trame, ils deviennent donc libres de tourner, de frapper et de virevolter à notre guise. La résolution HD nous permet d’apprécier les animations de tout l’arsenal à notre disposition. Les ennemis sont eux aussi plus vifs. Ne vous y trompez pas : les escarmouches d’exploration restent mollassonnes et il est toujours conseillé d’abuser des magies face aux boss. Il est donc possible et même recommandé de trucider toutes les bestioles de la création en jouant d’une seule main, ce qui est, il faut bien l’avouer, un véritable plaisir.
La caméra a également évolué. Fixée sur notre personnage, lui-même centré sur l’écran, c’est la fin du scrolling mal fichu qui nous jetait tête la première dans tous les pièges. Volonté des développeurs ou dommage collatéral, il est désormais possible d'abandonner ses équipiers en plein milieu d'un tableau pour foncer vers la sortie la plus proche... sensation grisante de la lâcheté, qui a le mérite d’alléger les aller-retours, notamment quand nos camarades se coincent sur le premier mur ou escalier venu.
Malgré des micro temps de chargement pour chaque zone, la refonte 3D apporte de la liberté, de la fluidité et de la précision, qui tranchent avec le gameplay très rigide des années 90. Le jeu est d'ailleurs moins vache. L'équilibrage du début a été revu : le poison disparaît des premiers niveaux et les coffres piégés se font moins nombreux. Même la limite de 4 unités par objets a été levée ; on peut donc se soigner plus facilement et, surtout, pour moins cher. Conséquence directe de ces changements : les quelques combats de boss qui brisaient la progression pour nous renvoyer leveler sont plus doux. Tant mieux pour le rythme de l'aventure et tant pis pour l’élite.
Faire du vieux avec du neuf
À l'inverse, la refonte de l’interface fait le strict minimum. Le menu en anneau, symbole du jeu et probablement inspirateur du menu radial largement répandu de nos jours, est resté dans son jus. Quel dommage, d'autant plus que cet anneau ne se place plus sur le personnage acteur, complexifiant un peu plus sa lecture. Heureusement, un bouton "annuler" a été ajouté, ce qui adapte l'usage aux standards de 2018.
Le comportement de nos acolytes est simplifié et leurs jauges de charge ont disparu, permettant la lecture des points de vie et de magie. Les écrans de progression des armes et magies sont aussi clarifiés, mais le passage d’un personnage à l’autre n’est pas toujours logique et les commandes varient selon qu’on soit sur la carte ou dans les options.
Les deux nouveaux accès rapides ne sont pas non plus à la hauteur d'un pad avec trop d’inputs inutilisés. L’affichage des infos est daté : aucun détail sur les effets des sorts ou des objets, redondance de certains tableaux et même micro freezes occasionnels. Quel dommage de ne pas être reparti de zéro. La nostalgie dans l’UI, c'est une mauvaise idée. Le seul point qu'on espérait vraiment retrouver, c'est la forêt verte qui, elle, a disparu.
Alors, on compare ?
Si on prend le temps de rebrancher une SNES (mini) sur le grand écran du salon, le jeu originel, malgré notre nostalgie, montre vite ses limites : lenteur, lourdeur, flou, inertie... ce qui avait du charme il y a 25 ans a vieilli au moins autant que nous. Cette nouvelle mouture, avec son look moins rétro et moins geek, coche, comme son aîné, toutes les cases du divertissement familial sympa et on aurait sans doute tort de le bouder parce que sous l’emballage, c’est toujours le même cœur qui bat ; celui qui rapproche les potes, les parents et les enfants sur un écran de télé.
Secret of Mana, c’est comme une voiture de collection : on aime le design racé des années 60, mais on apprécie aussi les airbags et le régulateur de vitesse pour faire la route. Si vous êtes un fan du jeu, il sera peut-être difficile d’accepter son nouveau look. À l’inverse, si Secret of Mana fait partie des jeux qui n’étaient jamais revenus dans votre console depuis les années 90, cette version pourrait bien accomplir ce petit miracle et vous faire passer un agréable moment dans de bonnes conditions. Difficile de recommander ce jeu, surtout à ceux qui en attendaient beaucoup, mais les faits sont l :, malgré tous ses défauts, malgré tous ses manquements et ses insuffisances, le plongeon dans ce monde de Secret of Mana HD a été un plaisir et une bouffée de fraicheur. Serait-ce une preuve supplémentaire que les derniers RPGs de Square Enix ne sont même plus à la hauteur d’un remake qui est loin de faire l’unanimité ?
Test réalisé par Oulanbator à partir d'une version commerciale.
Plateformes | PlayStation 4, PlayStation Vita, Windows |
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Genres | Jeu de rôle (RPG), fantasy |
Sortie |
15 février 2018 (Windows) 15 février 2018 (PlayStation Vita) 15 février 2018 (PlayStation 4) |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (45)
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