Do Re Mi Fe Sol ou le test d'une aventure musicale et bestiale
Jeu qui a vu le jour principalement grâce au programme EA Originals de l'éditeur Electronic Arts, Fe est une aventure forestière qui vous rappellera de bons souvenirs.
Fe, c’est un drôle de nom, au moins aussi drôle que le nom de son développeur, Zoink. Fe, c’est avant tout une drôle de petite bébête qui évolue dans une forêt enchanteresse qui brille de mille feux. Fe, c’est un jeu qui puise son inspiration dans bon nombre de jeux qui ont marqué leur époque, mais aussi dans la culture générale de la sphère geek.
Personne ne pourrait nier l’influence évidente d’un Ori and the blind forest, dont il reprend le postulat de départ d’une créature bizarre dans une forêt menacée. On y voit aussi des traces bien évidentes de Journey, puisque cette aventure alterne entre plateforme et contemplation et reste totalement non-violente, notre héros étant incapable d’attaquer. Les principes de base du gameplay ne sont pas sans rappeler un petit jeu que certains d’entre vous auront sans doute suivi grâce à JeuxOnLine, Seasons after Fall, un jeu qui vous demandait d’interagir avec votre environnement avec le cri de votre petit renard. Les plus érudits y verront aussi une influence certaine des oeuvres de Miyasaki, notamment Princesse Mononoke, cette fable où l’union des forces de la forêt fait face aux forces du progrès, plus ou moins symbolisées ici par les seuls vrais méchants du jeu, les Silencieux.
Et tu chantes chantes chantes...
Dans un univers totalement onirique et fantasmagorique, vous incarnez donc une bestiole qui se balade dans une forêt magnifique et rutilante, mais sous la menace des Silencieux, donc, des espèces de machines débarquées d’on ne sait où qui se caractérisent par leur cruauté envers les autres habitants de la forêt qu’ils enlèvent sans trop qu’on sache pourquoi au début de l’aventure, mais aussi par leur relative bêtise. Le jeu est totalement muet, même s’il repose sur l’utilisation du son : pas de dialogue, pas de doublage, pas trop de cinématiques, mais des interactions sonores qui permettront à Fe de progresser. Pour surmonter les différents obstacles sur son chemin (certains animaux carnivores venant s’ajouter aux Silencieux), la petite créature devra interagir avec les autres créatures de l’environnement pour qu’elles l’aident grâce à leur cri, avant qu’elle ne puisse l’apprendre pour progresser indépendamment en communiquant avec la nature qui l’entoure.
On aime prendre le temps de se perdre dans cette forêt tant elle cache de petits détails et de secrets à découvrir. Le gameplay qui guide votre découverte repose sur une grosse dose d’exploration (plus ou moins profonde en fonction du temps que vous voulez dédier au jeu) assortie de plateforme, une bonne dose de réflexion pour résoudre les différents puzzles et quelques notions d’infiltration. Ne vous attendez à rien de grandiloquent de ce côté, c’est du niveau d’un Assassin’s Creed : le jeu est très permissif et vous donne quelques secondes (à peu près trois) pour quitter le champ de vision d’un adversaire qui vous aurait détecté avant qu’il ne vous capture et que vous ne réapparaissiez au point de contrôle précédent, qui se situe généralement à deux pas. On l’a dit plus haut, le jeu est résolument pacifiste et votre personnage ne peut absolument pas attaquer. Il peut utiliser des armes, des graines-bombe qu’il peut lancer à la tête des méchants, mais c’est bien là la seule once de violence du jeu. La plupart du temps, si vous devez vous débarrasser d’un animal obstruant votre chemin, vous vous arrangerez pour ramener à proximité une bestiole qu’il ne peut pas voir en peinture.
Chanteur sans frontière
Le monde que vous devez explorer est bâti autour d’un hub duquel vous pouvez accéder à d’autres zones dans lesquelles vous rencontrerez principalement une espèce d’animaux et des Silencieux qui cherchent à les capturer, terrorisant les quelques spécimens encore en liberté. Votre mission, si vous l’acceptez, est donc de libérer tout ce beau monde de l’oppression mécanique, en utilisant le pouvoir du cri de l’animal de la zone. Ces cris sont au coeur du gameplay de Fe, puisque le seul réel pouvoir natif de votre héros est de chanter : au début, vous ne connaissez qu’un chant, celui de votre espèce, mais au fil des rencontres avec les autres espèces, vous finirez par apprendre leur chant via un mini-jeu d’adresse qui vous demandera de trouver une forme d’unisson grâce à vos gâchettes, ce qui vous permettra de progresser un peu plus avant dans le jeu et d’accéder à de nouvelles zones dans les recoins de la forêt que vous aurez déjà explorés. Au total, ce sont pas moins de six chants que vous maîtriserez pour interagir avec votre environnement afin de faire apparaître des trampolines ou tomber les graines que votre héros lancera à la face des Silencieux. Il pourra aussi utiliser ses cris pour demander son chemin aux oiseaux du coin ou demander leur aide aux animaux pour bouter les Silencieux hors de ce jardin d’Eden.
C’est en cela que le jeu se différencie principalement de Journey pour revenir plus du côté des plateformeurs à la Metroidvania. Vous ne pourrez pas accéder à telle ou telle zone de l’aventure avant d’avoir récupéré tel ou tel chant, tout simplement parce que le niveau a été principalement pensé pour exploiter ce chant précis dans son design. Bien sûr, vous pourrez interagir avec des éléments du décor grâce à d’autres chants dans ces niveaux, mais vous sentirez très rapidement que le chant dont vous aviez besoin pour y accéder initialement prédomine clairement. On ne peut que saluer ce travail sur la bande-son du jeu et l’intégration du cri à la mélodie ambiante. Les musiques accompagnent notre petite bête quand elle se décide à chanter et collent parfaitement à la tonalité des mises en scène, notamment dans les quelques cinématiques du jeu.
Une voix de miel et un oeil de lynx
L’observation est vraiment au coeur du jeu. Quand vous pouvez interagir avec un objet, il est entouré d’une légère aura qui le fait apparaître en surbrillance. De même, les éléments importants pour l’aventure brillent et clignotent de manière à les rendre visible même dans le fin brouillard qui recouvre la forêt. Autre point intéressant : l’environnement vous dirige vers les différents objets avec lesquels vous pouvez interagir via les cris des différentes espèces. Par exemple, des bourgeons verts vous amèneront aux graines bombes à lancer, des boutons roses vous ouvriront la voie vers un trampoline, etc.
En dehors de ces éléments du décor avec lesquels vous pouvez interagir, vous trouverez aussi des cristaux plus ou moins cachés dans l’univers du jeu, que vous pourrez échanger auprès d’un arbre magique géant qui vous fera gagner des compétences pour faciliter votre navigation ou vos déplacements. Vous pourrez courir plus vite, sauter plus loin, planer, grimper dans les décors… Autres objets à collectionner tout au long de votre parcours, les pierres magiques qui sont totalement optionnelles, mais qui sont fort intéressantes si vous vous prenez au jeu et que vous voulez en apprendre un peu plus sur l’histoire du jeu, puisqu’elles réagiront à votre chant pour révéler des fresques qui vous en diront un peu plus sur l’histoire du monde ou sur comment utiliser vos pouvoirs et l’environnement. Autant vous prévenir, en tant que chasseur de trophées : cette chasse aux objets cachés vous occupera bien au delà des 7 à 8 heures qu’il vous faudra pour finir l’aventure de base et on ne saurait trop vous recommander de les trouver au fur et à mesure pour prolonger le plaisir tout en dynamisant et en variant le gameplay !
Couacs, canards et fausses notes
On ne s’est jamais ennuyé au cours de notre exploration et on doute fort que ce soit le cas de qui que ce soit face à ce jeu : contrairement à ce que l’on pouvait penser a priori, on est bien loin d’être dans la simple contemplation sereine à la Journey et la multiplication (relative) des mécanismes de jeu comme l’alternance entre phases de plateforme tendues et des moments de balade sereine fait qu’il y en aura vraiment pour tous les goûts. On est tombé sous le charme de la bande-son qui soutient à merveille les moments de calme comme les passages les plus épiques.
Néanmoins, tout n’est pas rose non plus ; le jeu a quelques défauts. Le principal à nos yeux est clairement les animations des personnages du jeu. En effet, une des forces du jeu est de proposer un environnement cohérent et organique, pour donner cette impression d’évoluer dans un univers dont on fait partie intégrante et les animations de notre personnage, notamment, viennent casser cette impression de symbiose qu’arrivent à créer les différents éléments du jeu. De plus, nous l’avons testé sur une Xbox One de première génération, aussi ne le pointerons-nous pas trop du doigt, mais nous avons souffert par moments de quelques ralentissements et de chutes de framerate, auxquelles nous ne sommes pourtant normalement pas extrêmement sensibles en temps normal, mais c’est très sporadique. On a eu aussi affaire à quelques soucis de clipping qui nous ont fait par moments nous demander si on était sur le bon chemin tant l’appréciation des distances pour les sauts était délicate, la faute aussi, par moments, à une caméra trop proche de la scène qui rend les plateformes difficilement visibles. Cependant, dans l’ensemble, rien de réellement dramatique : c’est juste un peu dommage pour ce jeu qui aurait pu gagner à être un peu plus poli. Il est peut-être tout simplement sorti trop vite ?
Crache ta pelote de poils, Myrhdin
Fe est un très bon jeu de plateforme qui offrira aux joueurs de tout âge une expérience agréable, loin de toute frustration grâce à son approche simple et ses sauvegardes extrêmement régulières. Sa direction artistique, particulièrement travaillée, ne laissera personne indifférent, même si l’on eut peut-être aimé que son univers fantasmagorique soit un peu plus unique, le jeu nous ramenant souvent spontanément à le comparer avec Ori.
On l’a dit, il y a beaucoup d’autres jeux dans ce Fe, mais le pot-pourri qu’il compose exacerbe les fragrances plutôt que de les faire pourrir dans un mélange des plus insipides. Il ne fait pas mieux que ses inspirations dans chacun de leurs points forts, c’est une certitude, mais malgré tout, il arrive à proposer un mix des plus intéressants pour ceux qui les ont aimés.Vous aimez les plateformes, vous aimez la contemplation, vous aimez l’infiltration à petite dose ? Vous en aurez pour votre argent.
Le jeu souffre de quelques faiblesses, si on met de côté ce regret du manque de personnalité vraiment propre, comme sa durée de vie assez courte si vous n’êtes pas un complétiste ou le manque de variété dans les mécaniques de jeu proposées plus, on l’a dit, quelques soucis de ralentissement sur notre vieille Xbox One. Le plus handicapant reste ce souci de ligne de vue et de caméra que nous évoquions plus haut : pour un jeu qui repose principalement sur le saut de plateforme à plateforme, c’est assez handicapant de ne pas pouvoir jauger correctement les distances à parcourir de l’une à l’autre. Fe n’est pas un petit ange sorti trop vite, mais il aurait clairement gagné à rester un peu plus longuement au département de test.
Cependant, en aucun cas ces différents points ne sont rédhibitoires et ne devraient vous faire passer à côté ou ignorer cette excellente fable forestière. Ce n’est très certainement pas le jeu de l’année et il y a fort à parier que ce ne soit pas l’objectif de Zoink, mais c’est clairement un jeu qui propose une expérience assez intéressante pour que vous puissiez considérer y passer quelques heures pour profiter des jolies découvertes qu’il a à offrir.
Ce test a été réalisé de manière indépendante sur une version Xbox One mise à disposition gratuitement par l'éditeur du jeu et n'est aucunement associé à une quelconque opération promotionnelle sur JeuxOnLine.
Plateformes | PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Plateformes, fantasy |
Sortie |
16 février 2018 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
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