Test de Vampyr
Après un premier titre, Remember Me, qui n'avait pas su trouver son public, puis un Life is Strange mondialement acclamé, les Français de Dontnod reviennent avec un nouveau titre : Vampyr. Est-ce que l'expérience et la renommée acquises avec Life is Strange lui donnera un autre destin que celui de Remember Me ?
Les Français de Dontnod s'étaient fait connaître en sortant en 2013 le jeu Remember Me. On y incarnait une héroïne dans les rues du Paris de 2084, qui avait la capacité de hacker les souvenirs pour y obtenir des informations ou les réécrire pour influencer leur propriétaire. Malgré un bon accueil critique, le titre fut un échec commercial.
La consécration du studio vint en 2015 avec la sortie de Life is Strange. On y incarnait encore une héroïne, mais dans les États-Unis actuels et qui avait cette fois la capacité de remonter le temps pour utiliser des informations qu'elle aura eues dans un futur alternatif ou pour changer le déroulement de certains événements.
Dans ce nouveau titre, les développeurs nous prennent à contre-pied en nous faisant incarner un héros, dans le Londres de 1918 et, cette fois, pas question de jouer avec ce qui s'est passé avant. Au contraire, le jeu propose des choix et impose un système de sauvegarde automatique. Il faudra donc assumer les conséquences de ses choix (ou de ses non-choix si on clique trop vite ou qu'on n'a pas suivi la discussion qu'il y a eu avant) ou recommencer une nouvelle partie pour effectuer une autre décision.
Si on peut s'attendre à ce que beaucoup n'apprécient pas cette décision de game design, car ils aiment pouvoir explorer différentes choses ou simplement choisir en fonction de la conséquence, il faut reconnaître que, finalement, cette façon de procéder rend le moment du choix encore plus intense. On reste bloqué devant son écran et les options proposées, repensant à tout ce qui s'est passé jusque-là, imaginant ce qui peut découler des choix et, en fin de compte, comment on souhaite jouer le personnage...
Dr Reid, vampire médecin
Le jeu débute alors que le Docteur Jonathan Reid (aucun lien de parenté avec Elliot) rentre depuis le front à Londres, où sévit depuis quelques temps une épidémie de grippe espagnole. Il n'a pas cependant pas le temps de retrouver ses proches qu'il est attaqué par un inconnu, un vampire, qui le laisse pour mort. C'est dans la fosse commune qu'on se réveille, pour enfin prendre le contrôle du personnage et nous extirper de ce lieu où sont entassés tous les cadavres anonymes victimes de la maladie.
Hagard, assoiffé de sang, c'est la première personne rencontrée qui nous sert de repas. Si on est encore dans les premières secondes du jeu, on arrêtera là le spoil. Mais disons que le réveil est brutal.
S'en suit une aventure à travers quatre quartiers de Londres, où les motivations du héros sont, en tant que médecin, de lutter contre la maladie et, en tant que vampire, de comprendre pourquoi on l'a transformé. Cette aventure sera l'occasion de nombreuses rencontres.
Les rencontres se divisent essentiellement en deux catégories : les PNJ amicaux et les PNJ hostiles.
Secret Story
Il y a dans chaque quartier une quinzaine de PNJ amicaux qui sont tout simplement les résidents de ce quartier. Parmi ces résidents, un PNJ, le "pilier", se démarque par son statut au sein du quartier, d'une première part, mais aussi par rapport à son implication dans l'histoire principale.
Au delà des rôles assez classiques pour les PNJ de servir à transmettre une ambiance - par leur présence et leurs informations sur le quartier et la ville en générale, ceux-ci sont également au centre de la mécanique centrale dans la communication autour du jeu : interagir avec eux peut influencer le cours de l'aventure. Interagir consiste à discuter avec eux, les soigner s'ils sont malades ou les tuer.
Les tuer ne se fait cependant pas n'importe comment. Chaque PNJ nécessite un niveau d'hypnose suffisant (celui-ci progresse automatiquement au fil de l'histoire). Une fois ce prérequis atteint, on pourra hypnotiser notre cible, la mener dans un recoin et en faire notre repas. Toutefois, la motivation n'est pas le sang (on a tout ce qu'il faut de ce côté là grâce aux PNJ hostiles), mais tout simplement l'expérience.
Chaque PNJ rapporte de quelques centaines à quelques milliers de points d'expérience, ce qui fait d'eux la plus grosse source d'expérience du jeu : les autres actions rapportent entre cinq et quelques centaines de points d'expérience seulement.
Toutefois, il ne faut pas non plus se jeter à la gorge d'un PNJ dès que possible. Lorsqu'on rencontre un PNJ, tout son potentiel n'est pas débloqué. Il faudra discuter avec lui et ses proches pour obtenir des informations (souvent des secrets) sur celui-ci. Chaque information débloquée augmentera l'expérience que représente ce PNJ. Par contre, si on ne parvient pas à atteindre le dialogue permettant d'obtenir une information ou si on échoue au moment de la débloquer, le PNJ ne pourra jamais obtenir son plein potentiel.
De plus, lorsqu'un PNJ est malade, une partie de l'expérience qu'il représente ne peut pas être absorbée, forçant donc à le soigner au préalable.
Si tuer un PNJ peut rapporter une grosse quantité d'expérience et donc donner un boost sensible à la progression, ce n'est pas une action obligatoire pour terminer le jeu. Heureusement, car supprimer une vie n'est pas non plus sans conséquence.
Malheureusement, si certaines réactions et conséquences sont visibles, l'impact réel n'est pas vraiment clair. Il faudrait refaire le jeu plusieurs fois (d'autant plus qu'on ne peut pas s'aider de multiples sauvegardes pour expérimenter) pour voir plus précisément tout ce qui peut découler de cette suppression.
Parmi les conséquences visibles, on peut citer certains dialogues qui font référence à la mort et on peut constater la dégradation de la santé du quartier. La santé du quartier est un indicateur reflétant l'état de santé de ses habitants : si tout le monde est en parfaite santé, l'indicateur est au maximum, réduisant le risque pour ses habitants de tomber malade (mais soigner rapporte de l'expérience) et améliorant les tarifs d'achat et de vente chez les marchands du quartier (mais le commerce n'est clairement pas essentiel dans le jeu et la variation est faible) ; si un habitant est malade ou mort (impact identique dans les deux cas), la santé du quartier faiblit.
Un PNJ sauvage apparaît
Si on s'écarte des rues où résident les PNJ amicaux, on pourra tomber sur des PNJ hostiles. Ceux-ci font partie de deux camps : la Garde de Priwen et les créatures surnaturelles.
La Garde est une organisation vouée à lutter contre les vampires et autres créatures surnaturelles. En même temps que l'épidémie, Londres a vu s'accroître le nombre et l'activité des skals. Les skals sont une sous-race de vampires, moins puissante que les ekons (dont on fait partie) et disposant surtout de l'intellect d'une bête sauvage.
Avec eux, les interactions se limitent au combat. Pas de négociation possible, la seule alternative pacifiste est de courir le plus vite possible pour rejoindre la zone habitée la plus proche. De même, l'infiltration n'est pas une option : on peut éventuellement se glisser dans le dos d'un ennemi pour prendre l'initiative en l'assommant directement, mais les ennemis ne sont jamais seuls et il faudra combattre pour finir l'ennemi et ses copains.
La seule assistance qu'on a en dehors des combats est la vue de vampire. Assez classique dans les jeux vidéo, on passe la vue en noir et blanc et on met en couleur vive les éléments d'intérêts des alentours. Dans Vampyr, cette vue ne met en avant que le sang, perçu par l'odorat, permettant de le repérer à travers les murs. Cela servira donc à suivre une trace au sol pour remonter à l'auteur d'un massacre ou simplement à repérer les amis et surtout les ennemis. Enfin, quand ceux-ci ont du sang en eux...
Le jeu est plutôt généreux sur les informations données sur l'ennemi ciblé : on connaît ainsi son niveau, ses résistances aux différents types de dégâts (mêlée, distance, sang, ombre, ...), sa santé et sa barre d'assommement. Lorsque la barre d'assommement tombe à 0, il est possible de mordre l'ennemi pour lui prendre du sang et lui faire des dégâts (au passage, lors de la morsure, on est invulnérable aux autres attaques - même si la plupart des ennemis s'arrêtent pour regarder - et la régénération de l'endurance ne s'interrompt pas) ; la barre se recharge entièrement une fois mordu ou la durée de l'étourdissement terminée.
Malheureusement, ça demande de pouvoir cibler l'ennemi qu'on souhaite. Si cibler l'ennemi le plus proche ne pose aucune difficulté, les actions plus compliquées comme étourdir ou immobiliser A et changer de cible pour s'occuper de B pendant ce répit est tout bonnement impossible.
Pour affronter tout ce beau monde, on disposera d'armes et de pouvoirs.
Arsenal
Pour les armes, on pourra utiliser soit une arme à une main (épée, hache, scie, ...) accompagnée d'une arme à feu (revolver ou fusil à pompe) ou d'une arme secondaire (pieu ou couteau), soit d'une arme à deux mains. Selon le choix effectué, le gameplay ne sera pas le même. Heureusement, on pourra alterner rapidement entre deux présélections.
Armes à une main et armes à feu servent essentiellement à faire des dégâts, avec une différence d'efficacité et de portée. Les armes secondaires ne font pas de dégâts, mais apportent de l'utilitaire : le pieu permett d'assommer l'adversaire tandis que le couteau permet de récupérer du sang. On a donc l'arme à une main pour les dégâts corps à corps et une arme secondaire pour un complément utilitaire.
Face à cette solution assez équilibrée, on peut se demander comment les armes à deux mains peuvent rivaliser. Plus lentes et consommant plus d'endurance à chaque attaque, elles font logiquement plus de dégâts à chaque coup. À cela s'ajoute le fait que ces armes à deux mains proposent une attaque secondaire permettant d'assommer, d'absorber du sang ou encore de faire une parade. Il n'y a que l'attaque à distance qui n'est pas couverte. Cependant, ça permet déjà de proposer une alternative très intéressante.
En passant, il est à noter qu'avec les matériaux qu'on peut collecter, il est possible d'améliorer ses armes et de leur ajouter des modificateurs. À défaut des premières armes, qui ne sont améliorables que jusqu'au niveau 2, toutes les autres sont améliorables jusqu'au niveau 5, gagnant en puissance à chaque niveau. Ensuite, à chaque niveau amélioré, il est possible de débloquer un modificateur parmi les 1 à 3 proposés pour ce niveau. Ceux-ci ont divers effets comme augmenter les dégâts de l'arme, réduire l'endurance consommée, ajouter un drain de sang, augmenter la capacité à assommer, réduire le temps de recharge ou encore changer le type de dégâts (sur les armes à feu).
À noter que deux armes d'apparence identique n'auront pas les mêmes statistiques et/ou ne proposeront pas les mêmes modificateurs.
Unlimited powa
Londres regorge d'abris où on pourra démonter des objets, améliorer ses armes ou concocter des médicaments et autres potions pour le combat. Néanmoins, on y trouve également des lits pour y passer la journée (le veinard). Dormir aura plusieurs effets. Le premier est l'application des conséquences de notre nuit (donner un médicament, tuer quelqu'un), l'apparition de nouveaux malades et le calcul du nouvel état de santé de chaque quartier. Le second est l'application de l'expérience acquise au cours de la dernière nuit.
Le système est assez intéressant puisque la progression ne passe pas par la montée en niveau, mais la montée en niveau passe par la progression : on ne passe pas de niveau simplement en gagnant de l'expérience, mais uniquement après avoir investi celle-ci dans les différents pouvoirs proposés.
Pour investir, il y a du choix avec onze pouvoirs actifs (un de soin, trois offensifs, deux défensifs, deux tactiques et trois ultimes) et huit pouvoirs passifs (renforçant la morsure ou augmentant santé, endurance, sang, munitions, ...).
Il est possible d'investir dans tout, mais il existe quelques restrictions : on ne peut équiper qu'un actif ultime et que quatre actifs autres (sans contrainte de catégories) à la fois. Ce qui laisse malgré tout la possibilité de changer librement à tout moment.
Une autre restriction est qu'il existe un prérequis de niveau sur chaque pouvoir et sur chaque amélioration de pouvoir. Il n'est donc pas possible d'investir uniquement dans un seul pouvoir afin de le maxer au plus tôt ; il faudra se diversifier un minimum pour progresser en niveau et ensuite continuer à améliorer le pouvoir qu'on veut absolument.
Actifs et passifs sont tous améliorables. Les actifs jusqu'au niveau 5 et les passifs jusqu'au niveau 10. Et si les passifs et actifs ultimes ont une progression linéaire, les autres actifs demanderont après le second niveau de faire un choix entre deux branches. Par exemple, pour le pouvoir de la lance de sang, on pourra choisir entre s'orienter vers une lance plus grosse qui fait plus de dégâts ou plutôt de projeter trois lances plus petites à la fois.
À noter que le héros dispose dès le début du jeu d'une dernière capacité, qui n'est pas considérée comme un pouvoir et ne peut donc pas s'améliorer : le déplacement instantané. Celui-ci sert avant tout en combat afin d'esquiver les attaques ennemies, mais il peut également servir dans les déplacements dans Londres, permettant de franchir certains obstacles (trous, canaux) ou atteindre certains points en hauteur. Malheureusement, cette utilisation est limitée à certains points prédéterminés.
À la carte
Alors que la mode est au monde ouvert, Vampyr fait le choix de proposer une carte dans l'esprit d'un jeu d'aventure, qui se débloque au fur et à mesure de la progression dans l'histoire. Bien entendu, passer à un nouveau quartier ne signifie pas faire une croix sur le précédent. On pourra y retourner pour l'histoire, une quête secondaire ou simplement afin de s'occuper des résidents.
Pour cela, pas de voyage rapide. Ce qui est assez surprenant au début, car, à la vue du nombre de cachettes dans chaque quartier, on s'imagine assez facilement profiter d'un système de téléportation de l'une à l'autre. Par la suite, une fois les lieux maîtrisés, à part pour quelques trajets faisant aller d'un bout à l'autre, on s'habitue au fait de devoir tout parcourir.
La première chose qui aide pour ce relativisme est la taille de la carte : suffisamment grande pour s'y perdre avant d'avoir acquis les repères, mais assez petite pour que voyager d'un quartier à l'autre ne soit pas trop long.
La seconde est l'utilisation de raccourcis. Que ce soit l'utilisation de chemins alternatifs aux rues, le fait de pouvoir se téléporter pour rejoindre certains points (à portée de vue exclusivement) ou encore l'utilisation de portails à déverrouiller aux préalables.
Si ce choix de construction de monde permet de contrôler la narration et d'offrir aux joueurs l'expérience souhaitée, ce n'est malheureusement pas sans défaut. Avoir un portail dont l'espacement des barreaux laisse passer deux fois le bras qu'on ne peut déverrouiller que depuis l'autre côté (sans opération particulière) laisse dubitatif. Et si on comprend que laisser le joueur se téléporter librement aurait été un tout autre jeu, on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi à certains endroits on peut, mais à d'autres, parfaitement similaires, on ne peut pas. Est-ce qu'il n'aurait pas été possible de limiter la téléportation à l'esquive et trouver un autre moyen (moins spectaculaire, je l'entends bien) pour régler les problèmes de franchissements ?
Révélation
L'histoire se conclut après 25h, mais offre beaucoup de rejouabilité grâce à / à cause de la sauvegarde automatique exclusive, permettant de rallonger l'expérience pour qui veut s'essayer à une autre approche ou découvrir si le système de gestion des PNJ est aussi bien que ce qui a été vendu (j'en doute.)
Malheureusement, du fait de l'univers, on aura tendance à le comparer avec Dishonored et Vampire: The Masquerade - Bloodlines, chacun pour des raisons différentes. Ce qui ne crée pas forcément des comparaisons à l'avantage de Vampyr. Cependant, si on le considère dans son ensemble, Vampyr s'en tire plus qu'honorablement.
L'histoire est intéressante, se développe petit à petit avec son lot de découvertes et autres rebondissements. L'élément scénaristique le plus faible est probablement la romance, qui semble faite pour de candides adolescents dont c'est le premier amour.
L'ambiance est également réussie. La présence d'ennemis qu'on ne peut pas anticiper avec la vue de vampire crée une bonne tension lors de certains passages. Particulièrement au début, lorsqu'on est encore faible.
La gestion de la difficulté est d'ailleurs assez étrange : le début est bien dosé, puis on roule sur tout (même des ennemis, dont boss, qui ont dix niveaux de plus) et finalement on découvre les derniers ennemis qui redonnent une grosse difficulté par leurs capacités. En dehors de ces ennemis, le gros de la difficulté vient du ciblage et de la caméra (trop proche du héros, empêchant de voir que des ennemis sont arrivés par derrière pendant le combat ou qu'on est en train de reculer dans une explosion).
Si je me résigne au fait qu'il n'y a pas de possibilité d'approche plus furtive ou de plus de verticalité dans la construction du gameplay, j'espère que le premier mois apportera une révision de la difficulté et quelques améliorations comme le contrôle du personnage hors des combats (un vampire, on imagine ça agile comme un chat, pas comme une péniche) ou encore de la qualité de vie avec notamment l'affichage des composants dont on dispose lorsqu'on veut en acheter chez un marchand.
Au final, même si le titre n'est pas exempt de défaut (d'autant plus que j'ai tendance à relever des défauts pour lesquels les autres jeux ne font pas vraiment mieux en général), l'expérience fut plutôt bonne. Je ne dirais pas non à un Vampyr 2, mais je ne cracherais pas non plus sur un autre titre de Dontnod.
Test réalisé par Peredur à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Action-RPG, vampirique |
Sortie |
5 juin 2018 (Windows) 5 juin 2018 (Xbox One) 5 juin 2018 (PlayStation 4) |
1 jolien y joue, 3 y ont joué.
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