Test de Jagged Alliance: Rage! - Tout est dans le titre
Dans la charrette des vieilles licences que THQ Nordic ramène à la vie ces derniers mois, on trouve des noms qui ont acquis une estime méritée auprès du public. C’est le cas de la série Jagged Alliance qui tente un retour, 6 ans après le dernier épisode. Développé par Cliffhanger Productions sous le nom de Jagged Alliance: Rage!, un titre prédestiné. Pas toujours pour le meilleur, comme nous allons le voir ensemble.
C’était mieux avant
Pour les plus jeunes d’entre vous ou pour les joueurs console qui découvriront la licence avec cet épisode, un petit cours d’histoire s’impose. La série Jagged Alliance a vu le jour au milieu des années 1990 et fonctionnait sous MS-DOS. Le joueur y dirigeait une équipe de mercenaires sélectionnés parmi une soixantaine de personnages, chacun ayant ses propres attributs qui déterminaient des choses diverses comme les points de vie, les points d’action ou la précision avec les armes. On trouvait également des compétences qui pouvaient évoluer sur le terrain et les mercenaires gagnaient de l’expérience et des niveaux qui déterminaient les salaires que le joueur devait leurs verser pour profiter de leurs services. Bref, le jeu était un mélange réussi entre jeu de stratégie en tour par tour, jeu de gestion d’équipe et jeu de rôle.
20 ans plus tard
Si je vous parle de ça, c’est parce que J.A.Rage marque un énorme pas en arrière concernant ses ambitions, même si les développeurs insistent bien sur l’aspect « petit spin-off et pas Jagged Alliance 3 » de cet épisode. Ce spin-off prend place 20 ans après les événements de Jagged Alliance 2 et nous propose de combattre un baron de la drogue opprimant la population locale d’une petite île. Notre tyran en herbe s’est constitué une petite armée de mercenaires étrangers et a conscrit une partie des hommes de l’île pour en faire des soldats à base de manipulation mentale et d'usage d’une drogue les rendant obéissant aux ordres, dans le meilleur des cas. Nos deux personnages étaient destinés à subir ce même sort avant de s’évader et d’être contraints de s’allier à la résistance pour trouver un moyen de quitter l’île. Bon point, la campagne est jouable en coop même si le matchmaking est un peu désert à l’heure où ce test est écrit.
Les six mercenaires
On débute donc une nouvelle campagne en choisissant deux mercenaires parmi les six qui vous sont proposés. C’est peu : on est clairement devant une version très simplifiée du jeu original. Chaque personnage a ses avantages ainsi que ses malus. Le Docteur, par exemple, peut soigner n’importe quoi, mais bénéficie de moins de place dans son inventaire. Certains de ces malus sont assez funs tout en restant gérables (comme le besoin continuel d’alcool d’Ivan), mais d’autres peuvent être franchement pénibles (le risque de crise cardiaque en pleine mission de Grunty). Chaque personnage a également accès à une compétence spéciale de rage, une ressource dont la jauge se remplit au combat et se vide en cas d’inactivité. On essaie donc de composer le meilleur duo possible avant de plonger dans l’enfer du combat.
Le tour par tour, ce qui fonctionne le mieux
Le jeu reprend le principe du tour par tour de ses glorieux aînés. Que ce soient les déplacements sur la carte de l’île ou ceux sur la carte d’une mission, vous jouerez votre tour, l’I.A. joue le sien et on recommence. Sur la carte générale de l’île, on déplace ses pions d’une case à la fois. C’est là qu’on peut choisir de s’arrêter pour se reposer, soigner une blessure, réparer une arme ou une armure ou crafter une amélioration aléatoire pour votre équipement. Très vite, c’est également là qu’on croise des patrouilles ennemies qui, si elles se retrouvent sur la même case que votre équipe, tendront une embuscade. Une menace qu’on cherche vite à limiter le plus possible en attaquant le camp qui sert de point de départ aux patrouilles, car celles-ci deviennent de plus en plus dangereuses au fur et à mesure de votre progression sur l’île.
L’île est divisée en plusieurs régions qui sont autant d’actes pour le jeu et qui se débloquent en effectuant les missions obligatoires du scénario. Ces missions ont le bon goût d’être variées en matière d’environnements, proposant des cartes de plus en plus grandes et des défis de plus en plus complexes. On trouve ainsi des missions de nettoyage de camps ennemis, de capture d’un pont légèrement gardé ou encore de libération d’une prison. On note d’ailleurs que le jeu encourage vraiment le joueur à retarder au maximum les premiers coups de feu et à chercher à s’infiltrer d’abord. Pour cela, trois possibilités de déplacement s’offrent à nos personnages. La course, d’abord, permet de couvrir la plus grande distance, mais fait assez de bruit pour attirer l’attention d’un garde proche. La furtivité, ensuite, permet de se déplacer sans bruit, mais sur une distance plus réduite. Et comme tous bons soldats, vos mercenaires peuvent toujours ramper, sur une distance encore plus courte, mais avec moins de risques de détection.
C’est une histoire de pourcentages
Du côté purement mécanique de jeu, on est devant du classique. Chaque personnage possède un nombre de points d’action défini et chaque action, que ce soit un déplacement ou une attaque, coûte un certain nombre de points. Une fois les points d’action de vos personnages à zéro, vous passez automatiquement votre tour pour laisser l’IA jouer le sien. Ce qui est d’ailleurs un problème. On l’a dit plus haut : chaque mercenaire a accès à une compétence de rage qui est indépendante des points d’action. Ou, si vous préférez, vous pouvez utiliser votre compétence de rage même avec 0 point d’action disponible. Il n'est donc pas malin de passer automatiquement son tour, d’autant que certaines de ces compétences de rage rendent des points d’action lorsqu’elles sont utilisées.
Lorsqu’on sélectionne une attaque à distance sur une cible unique, on peut tenter de toucher différentes parties du corps de notre cible : tête, torse et jambes. Chacune a ses propres chances de toucher et son propre niveau de protection. On doit ici saluer le jeu qui offre des pourcentages réalistes : une probabilité de 95% touchera bien sa cible. Ce n’est pas toujours le cas dans ce genre de jeu. Plus étrange, par contre, ce pourcentage n’est influencé que par le type d’arme et la distance, mais pas par la position du mercenaire. Seules les attaques de corps à corps sont, fort logiquement, impossibles lorsqu’on est allongé. On note en outre qu’il est également possible d’améliorer les chances de toucher en sacrifiant jusqu’à trois points d’action supplémentaires. On peut donc dire que sur ses mécaniques de base, le jeu fait le job.
Histoire d’inventaire
Évidemment, vos mercenaires étant paumés en pleine jungle, pas question de se trimballer trois tonnes de matériel. Chaque personnage a ainsi un inventaire plus ou moins grand et il faudra souvent faire des choix. Il faut dire qu’entre les différents types d’armes, les munitions, les soins divers (allant du bandage au kit médical complet), les différentes armures, les améliorations d’armes, les trousses de réparation, l’eau et j’en oublie, vous serez vite débordé. Et n’allez pas croire que vous pouvez laisser de côté une composante de votre survie trop longtemps. Vos mercenaires ont besoin de boire régulièrement, les blessures s’infectent et peuvent rendre malade, une arme négligée finit par s’enrayer, etc.
On est vite confronté à des choix draconiens sur le terrain, entre ce gilet offrant une meilleure protection, mais aucun emplacement d’inventaire ou cet autre proposant le choix inverse, entre cette arme puissante, mais aux munitions rares et cette autre moins puissante, mais plus commune. Il est bien sûr possible de trouver de l’équipement pendant les missions et on applaudit l’idée de permettre une fouille des corps et contenants à distance lorsqu’une zone est nettoyée de tous les ennemis. Par contre, on rage contre sa réalisation lorsque les zones de combats s’agrandissent et qu’on doit tenter de retrouver un peu à l’aveuglette les endroits où se trouvent les cadavres. Surtout lors des missions de nuit, où la visibilité est encore plus réduite.
Trouble technique
Côté graphismes, Jagged Alliance : Rage fait le choix d’un style assez cartoonesque qui risque de ne pas plaire à tout le monde. Le monde est en 3D, il est possible de faire tourner la caméra et même de dézoomer au maximum jusqu’à obtenir une vue aérienne de la zone. Malheureusement, la sauce ne prend pas, la faute en revenant principalement à l’interface qui vient régulièrement se mettre sur votre chemin. Celle-ci se présente sous la forme de simples rectangles blancs. Un style assez minimaliste lors des déplacements, mais franchement envahissant lors des combats, au point qu’il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir l’interface de base masquant celle de tir.
Néanmoins, là où le jeu pèche vraiment, c’est dans les indications qu’il donne au joueur. Oublions un instant le tutoriel, bien trop minimaliste et qui ne vous explique pas la moitié de ce que vous devez savoir. Je découvrais encore des éléments de gameplay après plus de 10 heures de jeu. Non, ce qui nuit vraiment au jeu, ce sont tous les petits détails qui, mis bout à bout, finissent par rendre l’expérience pénible. On vise ici le pathfinding, qui vous fait passer dans le cône de vision d’un ennemi pour le poignarder alors que vous étiez derrière lui à l’origine. Sur le banc des accusés, on trouve également les cônes de visions des ennemis. On regrette que sa représentation visuelle ne tienne pas compte des éléments bloquants du décor et on se tape quelques fois la tête contre le mur parce qu'un garde détecte un corps en dehors de son champ de vision alors qu’un autre est passé à côté sans rien voir. Pour un jeu qui encourage à débuter ses missions discrètement, ça fait tache.
Des bugs et des hommes
Les points frustrants ne s’arrêtent malheureusement pas là. Il est ainsi fréquent de tomber sur des éléments scriptés durant les missions, comme l’arrivée d’une patrouille par exemple. On s’amuse tout de même de voir un commandant d’une base mort depuis 5 minutes ressusciter le temps d’un appel à l’aide dans une mission. Ou d’entendre régulièrement des gardes morts nous demander d’arrêter de nous cacher. Moins fun, on voit parfois notre mercenaire donner un simple coup de poing à un garde plutôt que de pratiquer une élimination furtive, sans que rien ne vous prévienne à l’avance.
C’est finalement ce qui résume le mieux mon expérience avec le jeu : pour chaque bonne idée qu’il aurait pu avoir, un grain de sable est venu rendre ça pénible, à l’image de cette scène surréaliste dans la prison où un garde déclenche l’alarme après avoir trouvé un corps… qu’il a lui-même abattu. On pourrait ajouter un quickload parfois très aléatoire sur la sauvegarde qu’il charge ou encore l’option pour recommencer une mission qui semble être désactivée lors de certaines missions. Signalons enfin avant de conclure que s’il est impossible de remapper les touches sur PC, la maniabilité au pad est étonnement correcte. À vous de voir si ça justifie les 10 €/$ de différence entre les versions PC et consoles.
Conclusion
Contrairement à une série comme XCOM dont le retour a été plutôt bien accueilli tant par les anciens que par les nouveaux joueurs, ce nouveau Jagged Alliance risque d’être une soupe à la grimace pour les joueurs. Le jeu a beau se défendre d'être un véritable Jagged Alliance 3, c’est tout de même à ce standard qu’il sera comparé par les fans. Pour eux comme pour ceux qui ne connaissent pas la série, et même si tout n’est pas à jeter dans le jeu, on trouve plus réussi parmi les sorties récentes dans le domaine du tactical au tour par tour.
Test réalisé par Grim à partir d'une version fournie par le développeur.
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Plateformes | PlayStation 4, Windows, Xbox One |
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Genres | Stratégie, contemporain |
Sortie |
6 décembre 2018 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
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