Test de Wuchang: Fallen Feathers - La fine limite entre exigence et injustice
Une chose est sûre, c’est que le genre du « souls-like » ne manque pas de prétendants cette dernière décennie. Tous avides de capter un public exigeant, mais qui se laisse séduire par des propositions diverses, avec toujours la même promesse de systèmes à apprendre et de réflexes à trouver dans des combats sans pitié. Parmi ces prétendants, certains ont connu le succès, comme Lies of P et Black Myth: Wukong ces deux dernières années. Et c’est encore une fois du côté de l’Asie que l’on regarde avec le dernier challenger en date, Wuchang: Fallen Feathers, premier grand projet du studio chinois Leenzee, qui vient avec la prétention de dynamiser les codes du genre.
Les commandements du souls-like
Comme bien souvent avec les titres inspirés de la saga de From Software, il ne faut pas compter sur une narration très étoffée, ou du moins, qui prend le temps de se raconter. Sans être cryptique, ni même très généreux dans sa narration environnementale (contrairement à la saga de From Soft, donc), le jeu de Leenzee nous met dans la peau de Wuchang, une pirate atteinte de l'Ornithropie, une curieuse maladie qui provoque perte de mémoire et pousse de plumes finissant irrémédiablement par transformer son porteur en monstre. Souffrant de ce mal, Wuchang est donc amnésique, plutôt pratique pour une structure narrative qui cherche essentiellement à nous faire rencontrer une ribambelle d'inconnus dans des lieux désolés, empreints de peur et de souffrance. Cette dark fantasy à la sauce Chine antique n'a finalement pas grand-chose de bien originale dans son approche, rendant l'histoire assez secondaire, d'autant qu'elle n'est pas plus aidée par une héroïne très lisse et sans personnalité qui n'existe que pour valoriser physiquement des costumes et armures affriolantes. C'est l'esprit Stellar Blade, mais appliqué aux Souls. Ce qui est un peu dommage, car l'époque dans laquelle s'inscrit le jeu, celle de la fin de la dynastie Ming, présente suffisamment d'intérêt historique, architectural et politique pour que le jeu puisse en tirer quelque chose d'un peu moins convenu. Au lieu de ça, on a un jeu qui ne trouve jamais vraiment de grand moment narratif, se contentant d'utiliser ses nombreux personnages comme de simples outils destinés à avancer dans l'aventure, ou à proposer des quêtes secondaires qui sont, elles, plus cryptiques, et qui donnent quelques légers éléments de lore supplémentaire.En ce sens, on sent une vraie envie de Leenzee de rester autant que possible dans l'esprit et les codes propres aux souls-like, avec une emphase mise sur l'aventure, incarnée par le joueur, plutôt qu'en imposant une narration trop importante. C'est un choix qui se justifie et qui peut plaire à beaucoup de monde, mais on a quand même un goût d'inachevé sur ce point, surtout en passant après l'excellent Black Myth Wukong, auquel Wuchang est inévitablement comparé, qui avait su mêler à la fois les codes d'une narration cryptique laissant libre interprétation au joueur, à des séquences narratives très réussies qui maintenaient un fil rouge exploitant pleinement les légendes chinoises.
Fort heureusement, Wuchang peut compter sur un univers accrocheur grâce à son univers intriguant, d'une Chine antique aux prises d'un mystérieux mal, où les villages, temples et lieux de recueillement deviennent à la fois pièges et refuges, avec des populations décimées devenues des monstres, tandis que d'autres peinent à essayer de survivre au moyen de divers médicaments et potions qui ne fonctionnent pas vraiment. Au milieu de tout ça, Wuchang avec sa capacité à maîtriser la progression de la maladie sur son corps, apparaît comme motif d'espoir comme de désastre, et parcourt cinq grandes zones plutôt linéaires aux ambiances très différentes. Si le jeu n'est pas un monde ouvert comme Elden Ring ni pleinement interconnecté comme un Souls plus classique, il cache très bien ses transitions et permet de passer d'une zone à l'autre sans écran de chargement. Ensuite, chacune des zones se délimite en plusieurs sous-sections représentées par les autels qui permettent de monter en niveaux, de récupérer sa vie et ses fioles de soin et autres joyeusetés, comme toujours avec ce type de jeu. Ces sous-sections sont parfois labyrinthiques, mais l'ensemble reste assez linéaire. Toujours très joli, exploitant un Unreal Engine 5 efficace, avec une direction artistique qui rend honneur à son univers et à sa représentation de la Chine de la Dynastie Ming. Joué sur PlayStation 5, le jeu tient sans mal les 60 images par seconde en mode performance, tandis que le mode qualité est moins recommandable.Risque, récompense et magie
Au-delà de la première impression visuelle et de ses choix narratifs, le coeur du jeu, assumé par le studio, c'est son système. On ne va pas jouer à Wuchang pour le plaisir d'explorer ses charmants décors ou de débloquer tous les costumes de l'héroïne, on est là surtout pour taper des monstres et vivre de grands combats de boss. Alors, le studio chinois a bien potassé son sujet et proposé sa vision du genre. Si on s'en tient à la base, Wuchang ressemble à s'y méprendre à certains Souls, notamment au rythme d'un Bloodborne. Coup fort, coup faible, esquive, parade (selon l'arme équipée), possibilité d'étourdir les ennemis et de mettre un coup critique dans certains cas, le tout face à des ennemis assez vifs, rien de bien révolutionnaire là-dedans. Mais là où Wuchang se distingue, c'est par son approche de la magie. C'est un sujet tabou du côté des Souls, parfois vue comme un moyen de faciliter (à l'excès) l'aventure de certains Souls, la magie est souvent opposée aux builds à base de combat au corps à corps. Alors le titre de Leenzee fait le choix de mélanger les deux. Indispensable pour gagner en puissance et provoquer de gros dégâts sur les ennemis en fonction de leur résistance élémentaire, la magie ne peut s'activer qu'en gagnant des points de magie (un seul au départ, puis beaucoup plus par la suite) qui s'obtiennent, essentiellement, en attaquant et en réalisant des esquives parfaites. Impossible donc de camper sur ses positions en lançant des sorts de loin, mais difficile également d'ignorer cet aspect du gameplay en n'utilisant que les armes blanches, puisque celles-ci ne font pas autant de dégâts qu'un sort bien choisi et bien placé.À côté, le jeu rajoute quelques éléments de gameplay en combat qui sont également assez bien sentis, comme le dégainement rapide qui permet de déclencher la compétence spécifique de la deuxième arme portée par l'héroïne en passant rapidement à celle-ci, parfait pour varier les approches au sein d'un affrontement. D'autant plus qu'au-delà des deux armes portées que l'on peut changer à la volée et en plein combat, le titre offre une grande variété d'armes parmi lesquelles choisir, de la double épée au sabre, en passant par les lances, les haches ou les épées longues. Autant d'opportunités de varier le gameplay, avec des coups spécifiques à chaque type d'arme, comme la parade qui peut être réalisée avec certaines armes mais pas d'autres. Le jeu pousse sans cesse à l'expérimentation pour trouver le bon équilibre entre vivacité, car les ennemis sont rapides, gain de points de magie et exploitation des sorts. Malheureusement, tous ces systèmes sont assez mal expliqués, et il faut faire preuve de beaucoup de patience, et d'essais infructueux, pour comprendre leur véritable intérêt.
Une expérimentation qui est aussi motivée par le gigantesque arbre de compétences, alimenté au moyen du mercure rouge, une sorte d'âmes que l'on obtient en tuant des ennemis. Découpé en plusieurs parties, cet arbre permet de débloquer des compétences et des points de statistiques (force, agilité, vitalité...) spécifiques à chaque type ou groupement d'armes, ainsi qu'augmenter le nombre de fioles de soin que l'on peut recharger à chaque autel, ou leur efficacité. Imposant au premier abord, cet arbre de compétences a toutefois le mérite de pouvoir être réinitialisé à tout instant, sans impact ni perte de mercure rouge, afin de pouvoir rediriger les points là où cela nous semble pertinent. Une expérimentation absolument nécessaire en passant d'une zone à l'autre, rien que pour pouvoir mieux se préparer à des ennemis plus sensibles à certains types d'attaques, ou des boss qui font exploiter des faiblesses différentes. Il en est de même pour l'équipement qui sert essentiellement à renforcer la résistance à certains types d'éléments, qu'il s'agisse d'armures ou de bénédictions à appliquer aux armes, et des aiguilles d'acupuncture que l'on peut appliquer au bras de notre héroïne pour bénéficier de capacités passives supplémentaires. Les builds possibles sont très nombreux, et il faudra garder un oeil sur la communauté qui en proposera peut-être certains pour se faciliter la vie, ou au contraire, galérer encore plus.Pièges et frustrations
À trop vouloir réciter la formule du Souls-like la plus impitoyable possible, WUCHANG: Fallen Feathers s'enferme toutefois dans un modèle qui tend vers la frustration. Malgré son gameplay franchement attirant et les possibilités qu'il offre, il faut composer avec un monde fait de nombreux pièges, d'une exploration limitée par des ennemis souvent féroces et qui aiment attaquer en groupe une fois passé le premier monde. Cela ne serait pas un problème si la caméra ne venait pas rendre ces évènements plus difficiles qu'ils ne le sont vraiment. Une caméra absolument insupportable qui ne parvient pas à se situer dans les (nombreuses) zones exiguës où elle finit irrémédiablement par se bloquer de la pire manière possible alors que notre Wuchang tente péniblement de survivre à un petit groupe. Pire encore, l'esquive ne permet pas, contrairement à la plupart des jeux du genre, de "traverser" l'ennemi en allant derrière lui. On se retrouve ainsi plusieurs fois à être bloqué contre un mur, face à un ennemi, en tentant d'esquiver tous les coups jusqu'à ce qu'il finisse par mourir, ou qu'il bouge suffisamment pour pouvoir passer à côté. Difficile de dire si cette esquive sans frame d'invincibilité est un choix de game design ou juste un oubli, tant c'est une mécanique ultra-présente dans ce genre de jeu, mais ça a un véritable impact sur certaines zones qui deviennent assez pénibles à parcourir. D'autant plus que certains ennemis cachés au sol, derrière des jarres ou qui ont même l'outrecuidance d'imiter des autels de repos pour nous y attaquer. Tant de petits moments où l'on aimerait bien avoir une caméra fonctionnelle pour, a minima, anticiper ou réagir au danger sans avoir l'impression que le jeu joue contre nous.Il en est de même pour les frames d'invincibilité consécutives à un coup fort qui nous projette au sol. Particulièrement fréquent contre les boss, ce type de coup empêche Wuchang de se relever rapidement, celle-ci mettant un temps fou à se remettre sur ses deux pattes. Un temps pendant lequel il est impossible de lancer une esquive, alors même que l'invincibilité a pris fin, et donnant l'impression parfois que le boss a droit à un coup supplémentaire gratuit. C'est d'autant plus dommageable que les boss frappent suffisamment fort pour nous renvoyer à l'autel précédent avec le goût amer d'une énième défaite. On n'attendait évidemment pas une promenade de santé, le studio Leenzee ayant largement communiqué sur l'aspect impitoyable de son jeu. Mais l'ensemble laisse un sentiment d'être un peu à côté de ses pompes, comme s'il manquait ce petit quelque chose d'équilibre entre exigence et vraie frustration face à des situations vécues comme une injustice.
Le titre tente de tempérer cet élément avec un système de "folie" (ou madness) qui consiste à renforcer automatiquement les capacités et la puissance de l'héroïne à chaque mort, ou en utilisant des objets spécifiques. Mais cela se fait au détriment de sa propre résistance, puisque le jeu à chaque mort indique bien que la folie augmente mais que la résistance aux dommages baisse. Jouant sur la santé mentale de son héroïne, cette mécanique a aussi un impact sur la progression : non seulement une folie élevée provoque une perte plus élevée de mercure rouge (qui n'a pas encore été dépensé en améliorations) en cas de mort, mais en plus une fois atteint le niveau maximum, on trouve sur notre route notre double maléfique qu'il va falloir tuer d'une manière ou d'une autre. Une bonne idée en apparence qui se révèle finalement assez anecdotique et même punitive. En effet, si l'impact sur les statistiques et les dommages paraît franchement anecdotique à l'échelle des combats de boss notamment, il est assez frustrant de devoir se fader un double maléfique de temps en temps alors que l'on tente déjà de survivre à des environnements hostiles. Une bonne idée donc, mais une exécution frustrante, un peu à l'image du reste du jeu.Conclusion
On reconnaît bien à Wuchang: Fallen Feathers d'être un titre assez bien fini, très joli, et qui a de bonnes idées en matière de combat pour mêler les armes à la magie en poussant sans cesse à l'expérimentation et à l'attaque. Mais à trop vouloir être exigeant et impitoyable, il en devient souvent injuste, avec des petits éléments frustrants qui entachent l'expérience. Et avec son aventure monotone, jamais surprenante ni épique, il y a une lassitude qui s'installe très vite et qui ne donne pas envie de surmonter les frustrations pour voir ce qui arrivera ensuite. La faute aussi à des combats de boss rarement engageants, et qui ont tendance à décevoir après quelques excellents titres de ces dernières années dans le même genre. Wuchang est un Souls-like qui sait parfois être correct, qui a de bonnes idées, mais qui n'est jamais suffisamment bon pour donner ce fameux sentiment d'accomplissement que l'on recherche tous en tuant enfin un boss qui nous bloquait. Au contraire, c'est un goût d'injustice qui prédomine la plupart du temps et qui rajoute le titre de Leenzee à la longue liste des Souls-like qui manquent d'âme.
Test réalisé par Hachim0n à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 5, Windows, Xbox Series X|S |
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Genres | Action-RPG, jeu de rôle (rpg), asie |
Sortie |
2025 (Windows) 2025 (PlayStation 5) 2025 (Xbox Series X|S) |
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