Test de Ghost of Yotei - La vengeance a un nom
Cinq ans après Ghost of Tsushima, Sucker Punch revient à la charge avec Ghost of Yotei, une nouvelle histoire de vengeance qui prend cette fois-ci place au 17è siècle à Ezo, l'ancien Hokkaido, quelques 329 ans après les évènements de Tsushima. Sans lien direct, ce deuxième titre esquive l'histoire de samouraï cette fois-ci pour plutôt raconter celle d'une jeune femme, sans foi ni loi, qui veut se venger de ceux qui ont assassiné sa famille. Un titre en monde ouvert qui reprend l'essentiel des mécaniques du premier jeu.
Le fantôme d'Ezo
Véritable héroïne d'une tragédie à l'ancienne, Atsu a vu sa famille être assassinée devant elle. Ses terres brûlées, son héritage désintégré, alors qu'elle n'était qu'une enfant. Désormais adulte, elle s'est fait une réputation en tant que mercenaire, décrite par certains comme "onryo", un fantôme qui cherche à se venger des "Yotei Six", ceux qui composent l'alliance autour du seigneur Saito, le responsable de la mort de sa famille. Très loin des considérations de Ghost of Tsushima où le héros s'interrogeait toujours sur son code d'honneur et le fait d'assassiner quelqu'un plutôt que de l'affronter en duel, Ghost of Yotei abordant même le sujet autour d'un dialogue plutôt malin, Atsu pense que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. De fait, le jeu est plus brutal, plus violent aussi, avec une héroïne qui a assez peu de considérations pour l'honneur des samouraïs et autres joyeusetés qui viennent habituellement romancer un monde fait de guerres et de meurtres. Déterminée dans sa quête, Atsu est une héroïne bien écrite, solide, dont la douleur transparaît dans chaque acte, et qui est régulièrement confrontée à des décisions difficiles que le jeu pose plutôt intelligemment. Comme sa relation avec certains personnages, les idéaux qui se confrontent, et les horreurs nécessaires à sa vengeance. Néanmoins, on voit vite des similarités avec le premier jeu au sens où Yotei aborde également son sujet sous l'angle de la violence comme une longue descente aux enfers. Le meurtre appelle le meurtre, le sang devient le quotidien, et il ne semble vite plus y avoir d'échappatoire à une violence toujours plus grande. On peut aussi avoir une sensation de déjà vu, cependant l'excellente caractérisation de Atsu et quelques moments forts émotionnellement donnent une saveur particulière à cette suite, mieux maîtrisée narrativement que Ghost of Tsushima. Toutefois, comme le premier, la mise en scène se rate un peu, avec beaucoup de champs-contrechamps assez basiques qui manquent d'idées, malgré quelques cinématiques plus inspirées à des moments clés du jeu. Et c'est dommage car malgré les similitudes avec le premier épisode, l'histoire d'Atsu est franchement réussie. Cela ne l'empêche pas toutefois de nous emporter à nouveau dans un univers terriblement séduisant. Avec une zone de jeu fixée autour du Mont Yotei, le titre se paie tout le temps des panoramas somptueux grâce non seulement à l'imposante montagne, mais aussi des couleurs accentuées que le jeu met en valeur soit pour l'ambiance, soit pour indiquer le chemin à suivre. C'est d'ailleurs toute l'intelligence de cette série qui, encore une fois, repose sur un monde très organique plutôt que sur des points d'intérêt à suivre. Il suffit en effet de se balader au hasard pour être attiré soit par un son, soit par ce qui ressemble à une zone d'intérêt vu de loin (grâce à des fumées, des arbres aux couleurs plus chatoyantes, la présence de corbeaux, de renards, etc, etc). On en vient même à complètement s'y perdre et à se dérouter sans cesse de l'objectif principal, tant le monde ouvert incite à l'exploration et le fait de manière naturelle. Idem pour les quêtes secondaires que l'on rencontre sur nos chemins ou autour de zones d'intérêt, un peu à la manière d'un Red Dead Redemption 2, de manière à limiter autant que possible l'utilisation d'artifices propres au jeu vidéo qui risqueraient de casser l'immersion, comme les objectifs affichés à l'écran. Pour se diriger sans se perdre dans du contenu secondaire, on retrouve aussi évidemment le vent que l'on active avec le bouton tactile central de la manette et qui indique où se trouve la suite de l'histoire, ainsi qu'une carte accessible à tout moment pour définir la prochaine zone à atteindre. Ça fonctionne toujours bien et on prend beaucoup plus de plaisir à se laisser porter par la carte et à explorer les zones à la simple observation, soit en utilisant la lunette qui permet à Atsu d'observer les environs, soit en utilisant son Shamisen, l'instrument traditionnel japonais à trois cordes qui lui permet de jouer des mélodies qui révèlent les zones d'objectifs secondaires. D'autant que le monde est très dense, bourré de petites choses à faire, même si toutes ces activités sont directement tirées de Ghost of Tsushima avec très peu de nouveauté.Atsu la guerrière
Les combats occupent évidemment une grosse partie du jeu. L'exploration et la découverte de zones secrètes est souvent un plaisir, mais on est aussi là pour trancher tout ce qui bouge. Paradoxalement, le premier jeu insistait énormément sur l'infiltration et les assassinats discrets quitte à briser le code d'honneur de son héros. Pour Ghost of Yotei, bien que l'on retrouve les mêmes mécaniques qui permettent d'assassiner discrètement, d'infiltrer les camps ennemis et de raser la zone sans être vu, le jeu est beaucoup moins insistant là-dessus. En réalité, Atsu se révèle plus brutale et plus orientée vers les affrontements directs, d'abord parce qu'elle obtient au fil du jeu une panoplie d'armes qu'il serait dommage de ne pas utiliser, comme le combat à deux sabres (principale nouveauté par rapport au premier), mais aussi parce que le jeu lui-même, quand bien même on tenterait d'effectuer une mission principale discrètement, finit souvent par nous obliger à un affrontement direct contre un boss ou des vagues d'ennemis. Ou les deux en même temps. Un choix curieux auquel on adhère partiellement : d'un côté, ça marche assez bien, car il y a quelque chose de grisant et de cathartique dans la quête de Atsu qui apparaît assoiffée de vengeance et qui est prête à tout pour ça. L'affrontement direct incarne aussi l'impatience d'une héroïne qui n'a rien d'autre dans sa vie que l'idée de tuer ceux qui ont décimé sa famille. Mais d'un autre côté, ça restreint aussi souvent les possibilités d'approche des missions et limite les possibilités offertes sur le gameplay. Certains sont plus à l'aise au combat direct, d'autres à la discrétion, mais Yotei oblige à gérer les deux. Les combats reposent toujours sur un système de parade parfaite nécessitant, avec L1, de dévier les lames des ennemis pour les faire perdre leur équilibre et en profiter pour les tuer. Comme le premier, les différentes armes sont plus ou moins efficaces selon les ennemis et il faut régulièrement en changer au sein d'un même combat, notamment dans la deuxième partie du jeu pour se faciliter la vie. Et ça fonctionne toujours très bien puisque les combats sont dynamiques, le sound design apporte beaucoup d'intensité et on ressent bien la létalité de chaque technique employée par Atsu. Grisant à plusieurs reprises, les combats peuvent toutefois devenir un peu pénibles lors de certaines séquences dans lesquelles le jeu abuse sur le nombre d'ennemis, comme pour insister avec des gros sabots sur la quête "seule contre tous" de son héroïne, quitte à transformer les combats en chorégraphie d'esquives sans trop avoir le temps de placer un coup. Heureusement, ces moments sont assez rares et le jeu rajoute cette fois-ci un loup qui vient nous filer un coup de main à sa guise, selon les situations, et il faut avouer que pour l'essentiel il y a un bon équilibre entre challenge et plaisir de jeu. Sur la progression, on reste là aussi sur quelque chose de similaire à Tsushima puisque les compétences et les "charmes" qui s'équipent pour offrir des bonus passifs se débloquent en trouvant des points d'intérêt spécifiques (comme des autels sur lesquels il faut prier, des sources chaudes ou en suivant des renards). La progression se fait naturellement, de telle manière que l'on n'est jamais trop puissant pour les missions principales, ni trop faible, pour peu que l'on se laisse aller à l'exploration. Et c'est franchement nécessaire pour survivre aux duels contre les boss, toujours en caméra resserrée comme son prédécesseur, avec des patterns qui peuvent parfois être destructeurs, notamment les coups qui projettent notre arme à quelques mètres et qui obligent à esquiver toutes les attaques jusqu'à ce que l'on parvienne à la récupérer.Mille et une couleurs
Comme dit plus tôt dans ce test, c'est par ses couleurs que la direction artistique de Ghost of Yotei brille particulièrement. Le moteur de jeu n'a pas grand chose d'impressionnant, d'ailleurs la modélisation des visages n'a pas beaucoup avancé par rapport au premier jeu sorti en 2020 et reste en deça des nouveaux standards posés par les principaux AAA. Mais ce sont la fluidité générale du titre et la cohérence de son amas de couleurs qui le rendent aussi charmant. Chacune des grandes zones qui composent la carte se distinguent par un ton de couleurs différentes, avec une nature omniprésente que le jeu exploite autant pour indiquer la marche à suivre et les objectifs secondaires, que pour traduire les évènements qui se déroulent dans l'histoire principale. Parfois plein d'espoirs avec des zones plus colorées, d'autres fois désolée avec une zone où la terre brûle. À cela s'ajoute une nature très vivante, la faune et la flore semblant bien vivre sa vie sans se soucier de Atsu et de ses histoires. Traverser des forêts où les feuilles bougent dans le sens des pas de l'héroïne, croiser des chevaux sauvages, des loups ou des renards a toujours quelque chose d'exaltant. C'est la force principale d'un univers qui pourtant pourrait être critiqué aussi pour son aspect très carte postale, très caricatural d'un Japon fantasmé où tout semble parfait. Des caricatures exacerbées par les options graphiques qui permettent de jouer comme le premier en mode "Kurosawa" (noir et blanc, dans le style du cinéaste), auquel s'ajoutent de nouveaux filtres visuels Takashi Miike et Shinichiro Watanabe qui relèvent plus du gimmick que du moindre intérêt ludique. Mais c'est cette carte postale d'un Japon séduisant qui donne à Ghost of Yotei, comme Tsushima en son époque, pour peu que l'on accepte la proposition d'un Japon qui fleure bon la visite touristique à dos de cheval, en campant de temps en temps et en préparant le dîner (pour des bonus passifs) et des feux de camp au moyen de QTE pas bien intéressants. C'est d'ailleurs techniquement très solide, pour un jeu jamais pris à défaut avec un framerate impeccable à 60 images par secondes qui ne sursaute même pas lors des scènes les plus chargées. Mais c'est assez attendu pour un titre qui ne propose pas grand chose de plus, visuellement, que son aîné. Quitte à paraître un peu daté, et renforcer cette impression d'un "Ghost of Tsushima 1.5" que l'on a tout au long de l'aventure. C'est son principal point faible, tant les nouveautés sont rares par rapport au premier. Autant visuellement, malgré le saut de 300 ans dans le temps, que sur ses combats (sauf pour le loup). On part à la quête aux mêmes autels de prière, aux mêmes sources chaudes, en suivant les mêmes renards et les mêmes oiseaux dorés qui nous indiquent des zones secrètes. Le contenu secondaire est toutefois plus solide qu'à l'époque, notamment l'arrivée des cibles à éliminer dont on récupère le portrait peint dans les villages et qu'il faut donc assassiner pour obtenir des récompenses. Ces mini-quêtes d'assassinat donnent souvent lieu à la découverte de nouvelles zones secrètes et se parent souvent d'affrontements franchement sympathiques à la mise en scène réussie, en duel, comme tous les boss du jeu.Conclusion
Ghost of Yotei est un excellent jeu, ça ne fait aucun doute, Sucker Punch ayant réussi à s'affirmer sur le plan narratif pour mettre entre nos mains quelque chose de plus maîtrisé que leur précédent titre. L'aventure est agréable, tirant partie des réussites du premier épisode sur le gameplay des combats, tout en proposant un très joli monde ouvert dans lequel on prend beaucoup de plaisir à se laisser aller à une exploration organique et rémunératrice, préférant les indices visuels, les sons et l'utilisation de la faune pour attirer notre œil sur le contenu secondaire. Maintenant, il y a quand même un arrière goût important de "Ghost of Tsushima 1.5" à cause de ses objectifs et activités secondaires, calquées sur le premier, et des combats qui ont très peu évolué par rapport au premier épisode. Il y a, il faut l'avouer, une lassitude qui s'installe par moments, alors qu'il est difficile de s'émerveiller face à un énième onsen et un énième renard qui nous emmène joyeusement vers un secret. Le jeu aurait gagné à s'émanciper de son prédécesseur et à revoir une partie de ses systèmes pour mieux coller à la quête vengeresse de son héroïne.
Test réalisé par Hachim0n sur PlayStation 5 à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 5 |
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Genres | Action, action-aventure, infiltration, monde ouvert, asie, japon médiéval |
Sortie |
2 octobre 2025 |
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