Test de Narcos : Rise of the Cartels - die & retry & retry & retry & retry & retry
On le sait : Netflix désire conquérir le milieu du jeu vidéo avec des adaptations de ses séries phares. Ce n'est donc probablement pas un hasard si Narcos : Rise of the Cartels a débarqué le 19 novembre dernier. Avec succès ?
"Tiens, tu joues au jeu vidéo Narcos ?"
Indéniablement, Narcos : Rise of the Cartels n'est pas un jeu lambda sur lequel un skin a été rajouté afin de toucher un plus large public. Tout dans le titre rappelle la meilleure série de Netflix. Ainsi, le jeu reprend les personnages et les événements de la première saison de la série, l'occasion donc de retrouver Javier Peña, Steve Murphy, Horacio Carrillo ou, surtout, Pablo Escobar. Sans atteindre le photo-réalisme du dernier jeu de Quantic Dream, les représentations de ces personnages sont suffisamment bien faites pour que l'identification soit instantanée.
De plus, Kuju Entertainment n'hésite pas à mettre le paquet sur la narration. Ainsi, le jeu intègre plusieurs cinématiques, qui renforcent encore l'immersion du joueur. Pour parachever le tout, le titre intègre les musiques officielles de la série ainsi que quelques extraits de celle-ci. Il laisse également le choix au joueur d'incarner la DEA ou les narcotrafiquants, afin de ne pas se limiter à un seul angle de vue.
Le résultat est donc à la hauteur des attentes. Toute personne connaissant la série identifie en un instant de quelle licence est issu ce jeu vidéo. De même, en tant que joueur, l'immersion est extrêmement agréable. Cependant, ce n'est pas pour autant que le titre est sans défaut de ce point de vue.
Tout d'abord, comme chacun le sait, les produits culturels ne peuvent pleinement s'apprécier qu'en VF. Tout fan de la série Narcos ayant un minimum de goût est donc habitué aux voix françaises. Or, si tous les textes sont traduits en français, les voix ne sont doublées qu'en anglais. Cela se justifie par une logique de limitation des coûts, mais cette décision affecte logiquement l'immersion. C'est d'autant plus dérangeant que les narcotrafiquant parlent en anglais lors de leur campagne et non en espagnol, choix un peu étrange pour le coup. De plus, avant chaque mission principale, l'agent Murphy effectue une petite présentation en audio non sous-titrée en français, de manière assez surprenante puisque les cinématiques le sont, elles.
Enfin, il y a un autre point plus dérangeant concernant l'immersion. Le joueur passe son temps à tuer ses ennemis ; il ne dispose d'aucune autre option. Certes, les membres des cartels sont de grands méchants, mais il aurait pu être pertinent dans un jeu mettant en scène des policiers de leur donner l'option d'arrêter leurs adversaires, non ?
Meurs un autre jour
Néanmoins, qu'on ne s'y trompe pas : l'immersion constitue un point très positif du jeu en dépit de ces quelques défauts. Elle constitue la raison pour laquelle le joueur revient régulièrement sur le titre. En effet, il le quitte aussi régulièrement, en raison de l'autre pan du jeu : son gameplay.
Narcos : Rise of the Cartels est un jeu de tactique dans lequel le joueur incarne une équipe de cinq personnages (en général) et se déplace au tour par tour sur une grille en vue de dessus. La notion de tour par tour est ici prise en son sens le plus strict : le joueur ne joue qu'un unique personnage lors de chaque tour, puis passe à l'adversaire, qui effectue la même chose.
À dire vrai, ce choix est assez étrange. Certes, il impose une forte dimension tactique : le joueur doit en permanence choisir qui il souhaite incarner. Il peut - en théorie - n'utiliser qu'un seul personnage du début à la fin, mais il a en réalité meilleur temps d'alterner, afin de s'assurer que ses troupes demeurent compactes, quitte à sacrifier plusieurs tours pour cela. De plus, cela donne d'autant plus d'importance aux compétences offrant une action ou un déplacement gratuits aux alliés proches. Néanmoins, cela a aussi pour effet de terriblement ralentir le jeu.
Narcos est déjà en soi un jeu lent puisqu'il ne permet qu'une action et un déplacement par tour, à effectuer dans l'ordre de son choix. Plus encore, le déplacement peut être sacrifié afin de gagner un point de santé et l'action inclut parmi la liste des possibilités attaquer, utiliser une compétence spéciale ou recharger. Tous ces aspects sont en soi positifs : il est agréable de devoir veiller sur ses munitions et le choix entre un déplacement ou un soin est pertinent, surtout qu'il renforce la tension dans les moments critiques : faut-il fuir en espérant que l'ennemi ne parviendra pas à nous rattraper ou regagner un point de vie en priant pour que ce soit suffisant ?
Cependant, ces deux mécaniques sont très peu complémentaires : il est terriblement frustrant de perdre un tour - voire plusieurs - à régénérer les points de vie d'un personnage ou à recharger. Les missions sont en soi très courtes, en raison de la faible taille des cartes et du faible nombre d'objectif(s) sur celles-ci, mais elles peuvent durer longtemps (surtout les missions principales) en raison de toutes ces petites pertes de temps.
Le jeu propose plusieurs classes différentes, disposant toutes de leurs spécificités. Prenons en exemple le policier. Celui-ci dispose de peu de points de vie et d'un pistolet faisant très peu de dégâts. En revanche, c'est un excellent support : il a une excellente mobilité, peut soigner ses alliés et leur donner des points de déplacement. Chacune des classes dispose de particularités analogues, qui se renforcent quand elles gagnent des niveaux. Le nombre de niveaux est limité, mais chacun permet de choisir deux compétences parmi quatre, ce qui offre un tout petit peu de personnalisation au joueur. Un "tout petit peu", car les choix sont souvent évidents, tant les compétences ne se valent pas entre elles. Chaque faction dispose de ses propres classes, mais en réalité celles-ci sont des miroirs : le guetteur des narcotrafiquants constitue une copie presque complète du policier de la DEA.
Les idées sont donc sympathiques, mais la réalisation est imparfaite : le jeu force à des choix, mais cela a surtout pour conséquence de le ralentir. Le titre dispose de classes, mais celles-ci sont les mêmes pour les deux factions et leur personnalisation est limitée, en raison d'un déséquilibre flagrant entre les compétences qu'il est possible d'apprendre. Toutefois, le plus grand problème est ailleurs : toute mort d'un personnage est définitive.
Cela ne semble pas constituer un grand défaut en soi. En effet, Valkyria Chronicles 4 a aussi cette particularité, pourtant il s'agit d'un excellent jeu de stratégie. Le problème de Narcos : Rise of the Cartels, c'est que le jeu ne permet aucune sauvegarde manuelle, qu'il est très punitif et qu'il accorde une place bien trop importante à l'aléatoire. Reprenons ce que je disais plus tôt : le policier dispose de cinq points de vie. Or, certains ennemis sont capables de faire jusqu'à cinq dégâts en un seul coup. Vous voyez où je veux en venir ? Narcos n'est pas le genre de jeux dans lequel une série d'erreurs engendre des conséquences fâcheuses, mais un jeu dans lequel UNE erreur peut être fatale. Cela incite à être d'autant plus prudent, allongeant encore plus le temps des missions, à abuser des failles du système et des limites de l'intelligence artificielle, mais même ainsi, il est courant de perdre un personnage.
Dans ce cas-là, deux solutions. Finir la mission malgré tout et remplacer le personnage tombé au combat, soit avec un novice, soit avec un personnage déjà expérimenté. Le premier a l'avantage de pouvoir être personnalisé, mais le défaut de devoir être monté jusqu'à un niveau convenable, ce qui prend du temps. Le deuxième est immédiatement prêt au combat, mais a du coup des compétences que l'on n'a pas pu choisir. Aucune de ces options n'est agréable, ce qui fait choisir la deuxième solution : abandonner la mission à chaque fois qu'un personnage meurt. Ainsi, la mort n'est pas comptabilisée, mais la conséquence est qu'il faut recommencer la mission depuis le début.
L'immersion, énorme force du titre, devient alors un défaut : quand vous voyez la même cinématique pour la sixième fois, elle commence légèrement à vous agacer. Plus le joueur progresse dans l'histoire, plus Narcos : Rise of the Cartels se transforme en un terrible die & retry, qui n'a rien de juste : tous les tirs sont basés sur une réussite aléatoire, ce qui signifie qu'une situation sous contrôle peut rapidement dégénérer si le joueur n'a pas de chance.
C'est d'autant plus paradoxal que, globalement, le titre semble plutôt simple. Il est courant de finir certaines missions annexes du premier coup. Néanmoins, la tension permanente issue de la crainte de perdre une longue séquence de jeu si l'on commet une erreur est affreusement désagréable et empêche de profiter de l'expérience.
L'argent ou le plomb ?
Il est difficile d'avoir un avis clair sur le jeu. En effet, Narcos : Rise of the Cartels constitue une excellente adaptation de la série télé : on se sent pleinement immergé dans la licence. Cependant, les créateurs du jeu semblent avoir lu la liste des éléments à ne surtout pas inclure à un jeu de tactique et avoir décidé de tous les intégrer un à un. Le game design est aussi raté que le narration est réussie, ce qui donne un titre auquel on retourne toujours avec plaisir, avant de le quitter avec colère - ou l'inverse.
Test réalisé sur PC par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | Nintendo Switch, PlayStation 4, Windows, Xbox One, Xbox One X |
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Genres | Stratégie, historique |
Sortie |
19 novembre 2019 |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (22)
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