Test de Tour de France 2020 – La tête dans le guidon

La Covid-19 repousse le Tour de France au mois de septembre. Pire, elle proclame Zwift, les home-trainer et les tricheurs qui remplacent l’EPO par des essoreuses à salade. Heureusement, Tour de France 2020 est là pour celles et ceux qui respectent réellement ce sport.

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Il y a dix-neuf ans, des anciens d’Ubisoft pensaient que le vélo pouvait avoir un potentiel ludique. C’est grâce à cette idée folle que nous pouvons jouer chaque année, depuis 2001, à Pro Cycling Manager. L’Histoire de la franchise Tour de France est beaucoup plus récente, mais nous trouvons également derrière ce projet les développeurs de Cyanide, en collaboration avec Nacon depuis peu.

Autant le dire tout de suite : Pro Cycling Manager et Tour de France ne jouent absolument pas dans la même cour et ne visent pas le même public (et c’est heureux). Les adeptes du micro-management risqueraient de s’ennuyer ferme en jouant à TdF, même s’il y a néanmoins largement de quoi s’amuser. Oubliez la gestion fine ainsi que les bases de données riches : TdF est une affaire de sensation, d’immersion. Le jeu doit avant tout combler le fan absolu du Tour, trois semaines par an donc. Jeu pour cyclix ? Peut-être, et alors ?

Cette année, pour la première fois, TdF sera jouable sur PC, et plus seulement sur consoles. Il faudra attendre le mois d’août pour cela.

C’est quoi un jeu de vélo ?

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Sur TdF, il faut pédaler. Vous pédalez, manette à la main. Difficile d’expliquer le principe du jeu à quelqu’un qui souhaiterait s’enquérir à son sujet. Pire, à quelqu’un qui trouve que ce sport de dopés est chiant. Ce qui est faux, bien entendu. Néanmoins, il y a pourtant une proposition ludique derrière le pédalage :

  • Vous maîtrisez l’intensité du pédalage de votre coureur en direct, matérialisée par une jauge jaune. Un régulateur d’effort vous permet de bloquer la vitesse pour vous éviter de jouer de la gâchette pendant deux heures. Régulateur que vous pouvez ajuster, à la hausse ou à la baisse. Si vous souhaitez attaquer, ou jouer de vos grosses cuisses pour un sprint, vous devez marteler la touche de sprint façon Track & Field, en usant de votre science de l’aspiration et en veillant à ce que votre jauge rouge d’attaque ne se vide pas avant la ligne d’arrivée. La jauge bleue, elle, est celle qui représente votre énergie (ou endurance) et qui, en se vidant, transforme votre vaillant sportif en un homme victime d’une crise hypoglycémie. Heureusement, deux gourdes (une bleue et une rouge) vous permettent de remonter vos jauges et vous devez planifier vos efforts en fonction des zones de ravitaillement qui jalonnent votre étape. Sans oublier la gestion très particulière des pics de forme.
  • Le vélo étant un sport collectif, le jeu vous donne la possibilité de contrôler votre équipe, et pas seulement un coureur. Un système de pause (l’oreillette) vous permet d’assigner des consignes et d'esquisser des stratégies de course. Assurer des relais, contrôler le tempo, protéger un leader d’équipe, attaquer de loin : les actions sont nombreuses et donnent une dimension stratégique à la course. Ne faites pas comme moi : lisez les tutoriels, car ils vous permettront de comprendre de suite l’essence du jeu. Je me souviens encore de mes dix premières heures sur TdF 2017 : sans l’aide du tutoriel, je jouais sans système de pause, sans avance rapide et sans consignes. La moindre étape me prenait plusieurs heures. C’était marrant, mais un peu long.
  • Les coureurs répondent tous à un profil type, avec leurs qualités et leurs défauts (via des statistiques). Le sprinteur et ses grosses cuisses, le puncheur pour les étapes vallonées, le grimpeur sous-alimenté et le polyvalent qui excelle avant tout sur les pavés ou en baroudeur. Inutile de demander à un sprinteur d’attaquer en col, par exemple. Le principe est plutôt bien équilibré même s’il y a inévitablement quelques bizarreries (Roglic et Fulgsang survolent l’édition, sachez-le). Pour les adeptes de la retouche, vous pouvez modifier finement les statistiques de chaque coureur si le cœur vous en dit. Néanmoins, dans l’ensemble, la base est déjà très bonne. Sur le point des licences, c’est de mieux en mieux, même si la Covid n’a certainement pas facilité la gestion des droits. Notez tout de même que le Berniche de l’année dernière est maintenant un Bernacle (mais Ineos sera bien présent d’ici quelques patchs, donc il deviendra enfin Bernal). Et voir un Carapuce vous doubler en plein col vous décrochera très certainement un sourire.

Le beaujolais nouveau

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Le temps de développement d’un jeu de sport, et d’une franchise de niche, est certainement très court. On imagine sans mal la frustration, et la difficulté, pour les développeurs. Pas besoin non plus de signaler que Cyanide n’a pas les moyens d’un EA Sports. Il y a donc des nouveautés qui pourraient faire sourire et quelques crispations inévitables, car elles durent depuis des années. J’ai le sentiment que les ajouts de la cuvée 2020 visent à peaufiner l’immersion, l’expérience de course.

Aucune nouveauté concernant les modes de jeu, les menus sont ceux de l’année dernière et n’attendez pas de révolution graphique : le moteur arrive à bout de course et on imagine que des changements de ce type se feront sur les nouvelles consoles. Donc ce n’est pas beau, très clairement, mais pas dénué de charme : les cartes ne sont pas génériques, on peut réellement reconnaître certains endroits et il y a un je-ne-sais-quoi qui vous pousse parfois à pédaler sur des kilomètres alors qu’on pourrait très bien passer tout cela en mode rapide. Toujours pas non plus de météo, en dehors de la gestion particulière du vent, malgré les demandes incessantes des joueurs d’année en année. Idem, toujours les commentaires de Patrick Chassé (l’Équipe), avec quelques variantes.

Est-ce que TdF 2020 n’est donc qu’un copier-coller du 2019 ? Non.

Une nouvelle caméra en vue subjective fait son apparition dans cette édition. Ce n'est absolument pas une révolution ludique, entendons-nous bien, mais le travail est vraiment propre. Cette caméra aura ses aficionados et elle a surtout un intérêt pour les sprints et les descentes à tombeau ouvert. Pour accompagner cette nouvelle caméra, le jeu vous offre ainsi la possibilité d’avoir une visibilité plus précise sur le tracé des parcours. Et dans TdF, plus que jamais, il n’est pas rare que les courses se gagnent exclusivement sur votre gestion des descentes (IA très faiblarde sur l’exercice). Toujours dans le même esprit, il est désormais possible de consulter en pleine course, sans activer le mode pause de l’oreillette, les indicateurs des coureurs (jauges et consignes). La fiabilité de ce qui est montré via ce système laisse un peu à désirer parfois, mais cela améliore globalement l’expérience de jeu.

L’IA est beaucoup plus agressive. L’édition 2019 vous forçait à activer l’avance rapide jusqu’aux derniers kilomètres, car il ne se passait rien avant cela (un peu comme le TdF du temps de la Sky, finalement). C’est terminé. Les attaques sont nombreuses et il n’est plus aussi simple de rattraper des échappées qui risquent donc de vous damer le pion beaucoup plus souvent. Toutefois, il y a des inconvénients : les courses de montagne, avec cette IA, sont particulières. Les collisions entre coureurs qui attaquent dans les cols sont frustrantes au possible. Si Bernacle vous frôle, votre Bardet est immobilisé et vous devez vous mettre en danseuse pour combler le trou. C’est réaliste, mais chiant.

Pas de Giro, pas de Vuelta, mais Liège-Bastogne-Liège. Il est évident que TdF se concentrera toujours, avant tout, sur le TdF. Le jeu n’aura jamais la profondeur de PCM concernant le calendrier, mais il y a quand même de quoi s’occuper : la Route Corse, Paris-Nice, Vlaanderen Classic, Paris-Roubaix, Breizh Cup, le Critérium du Dauphiné, le Tour de France, l'Euro Tour, l'Open Tour, le Championnat du monde. 88 étapes en tout. Des ersatz de courses et d’autres, bien réelles, que vous pouvez arpenter dans différents modes de jeu. Le jeu compte un mode course (pour attaquer directement le vif du sujet), un mode défi (pour les complétionnistes), un mode Pro Team (gestion d’une équipe pendant une ou plusieurs saisons) et un mode Pro Leader (même principe, mais en se concentrant sur la carrière d’un seul coureur). Pas de mode multi en ligne pour le moment, mais il ne devrait pas tarder et il sera attendu de pied ferme tant les critiques des joueurs étaient sévères l’année dernière sur ce point. La jouabilité des étapes n’est pas uniforme ; les stratégies à adopter sont clairement différentes lorsqu’il s’agit de gérer l’effort dans un col, une échappée en plaine, pareil pour la gestion des attaques sur les pavés.

Enfin, une refonte des courses contre-la-montre est présente sur cette édition 2020. Auparavant, la gestion des coureurs sur ces épreuves était plus qu’hasardeuse. C’était avant tout une histoire de coup de main à prendre. Dorénavant, le mode inclut une nouvelle position (position CLM, associée au régulateur d’effort classique) que vous pouvez activer afin de gagner de précieuses secondes, mais il convient de revenir en mode « manuel » dans les virages pour récupérer une maniabilité adéquate avec le vélo de chrono. Un indicateur visuel (un de plus) vous permet d’estimer le niveau d’effort à produire en fonction de la portion d’étape. C’est donc bien plus réaliste, un poil tendu à comprendre, mais plus satisfaisant.

On serre les dents

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Mais, inévitablement, le jeu a toujours son lot de bugs qui ne surprendront pas les adeptes de la licence, comme la bande-son qui déraille en mode rapide (moins qu’avant, certes) ou les textures qui tardent à s’afficher. Le jeu accueille même quelques ralentissements par rapport aux autres années et des plantages dont on n’avait pas l’habitude auparavant. Et que dire du temps excessivement long des simulations de courses qui causera une augmentation significative de votre consommation de café ? Le jeu est indéniablement meilleur que celui de l’année dernière, par ses ajouts, mais on aimerait avoir un rendu plus propre pour ne pas gâcher l’expérience.

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TdF 2020 mise sur l’immersion, l’intensité des courses. Je le concède : j’ai abîmé ma manette pendant des sprints, j’ai crié de joie en gagnant le Tour pour une seconde, j’ai ragé en le perdant dans une descente, j’ai soupiré face aux chutes imprévisibles. La proposition ludique tient debout et le public visé y sera certainement sensible. On ne peut néanmoins que vous conseiller de tester une démo d’une ancienne version avant d’ouvrir votre porte-monnaie. Le principe du jeu est particulier et ne conviendra pas à tout le monde.

Test réalisé sur PlayStation 4 Pro par Mr-CDL à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes PlayStation 4, Windows, Xbox One
Genres Sport, contemporain

Sortie 5 juin 2020 (Xbox One)
5 juin 2020 (PlayStation 4)
Août 2020 (Windows)

Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.