Test de Catherine Full Body - Ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants
Un an et demi après sa sortie sur PlayStation 4, Catherine Full Body arrive enfin sur Nintendo Switch. L'occasion de plonger ou de replonger dans ce grand jeu.
Engagez-vous, qu'ils disaient...
Dans Catherine Full Body, le joueur incarne Vincent Brooks, un homme de 32 ans en couple depuis cinq ans avec une femme qu'il connaît depuis le lycée, Katherine. Cette dernière le pousse à s'engager davantage, désirant qu'ils se marient, mais Vincent hésite, il ne se sent pas prêt à franchir cette étape. Sa réflexion est encore compliquée par le fait qu'il rencontre à cette période deux autres jeunes femmes, Catherine et Rin. Chacune incarne un archétype différent.
Katherine représente la stabilité, une relation longue durée, dont la passion a disparu depuis un certain temps, mais qui demeure stable. Elle incarne aussi une forme de contrôle : elle désire gérer les finances de Vincent, souhaite qu'il cesse de fumer ainsi que de sortir boire des verres avec ses amis et espère un avenir dans lequel elle concilie enfants et travail, en mettant à profit Vincent pour cela. Elle symbolise le passage à l'âge adulte, le sacrifice de libertés au profit d'une vie plus stable.
Catherine est l'opposé. Séductrice portant des décolletés plongeant et envoyant à Vincent des nudes, elle représente la passion dans tout ce qu'elle a de positif comme de négatif. Elle ne cherche pas l'engagement et se fiche que Vincent ait une autre copine, tant qu'elle sait qu'elle est sa préférée.
Enfin, Rin représente une troisième voie. Amnésique (oui, les clichés ont la vie dure) et très enfantine, elle incarne la naïveté et l'insouciance. Pourquoi se prendre la tête avec ces histoires compliquées alors qu'il suffit d'agir comme on le souhaite au fond de soi ? Profondément gentille et attentionnée, elle constitue une aura lumineuse dans un jeu en soi très sombre.
Tetris
En effet, chaque nuit, Vincent est victime de cauchemars. Il doit gravir des blocs sans tomber, sous peine de mourir dans le monde réel, ce qui arrive à plusieurs autres personnes. Cela constitue le gameplay du titre : plusieurs phases de puzzle game dans lesquelles il est nécessaire de tirer et de déplacer des blocs afin de se créer un chemin vers la sortie. Si le principe paraît basique, il s'enrichit constamment avec de nouveaux blocs spéciaux et des techniques spécifiques, offrant une expérience intéressante.
Cela ne m'aurait pas dérangé que le gameplay soit entièrement absent du jeu, qui n'aurait été qu'un titre purement narratif. Ce gameplay n'apporte pas grand-chose, mais il est néanmoins agréable ; j'ai pris du plaisir à effectuer ces différents niveaux en quête de la médaille d'or. Aussi, même si ce gameplay n'apporte rien au titre, au moins il ne lui retire rien.
Bla, bla, bla
En revanche, je suis un peu moins convaincu par la dimension narrative du titre, ou plus précisément par sa mise en place. Le jeu dispose d'une barre de karma, évoluant en fonction des - petites - décisions que prend le joueur. Cette barre influence le comportement de Vincent lors des phases cinématiques et détermine donc ses décisions.
Ainsi, le joueur ne décide pas lui-même si Vincent privilégie une fille ou une autre : il prend plein de petites décisions qui affectent l'état mental de Vincent et orientent l'histoire dans une certaine direction. Par exemple, si le joueur privilégie la stabilité lors des choix, Vincent s'engage finalement avec Katherine.
Ces choix prennent plusieurs formes, présents dans les deux temporalités du titre. Pendant la journée, Vincent boit des verres chaque soir avec ses amis dans un bar. Dans ce dernier, il peut discuter avec les autres clients. Il reçoit également des appels et des SMS de la part de ses amantes. Le joueur choisit comment répondre (ou de ne pas répondre) lors de ces discussions au bar ainsi qu'aux appels et aux SMS des jeunes femmes. Lorsque Catherine envoie une photo dénudée, lui reprocherez-vous de l'avoir fait ou direz-vous au contraire que vous appréciez ce que vous voyez et que vous avez hâte de la retrouver dans un lieu intime ?
Durant la nuit, le joueur doit répondre à plusieurs questions morales, du style "voulez-vous connaître tous les secrets de votre partenaire ?" À nouveau, les réponses données affectent la barre de karma du personnage. De plus, dans ses cauchemars, Vincent rencontre aussi d'autres hommes, représentés sous la forme de moutons. Ces derniers sont aussi des habitués du bar que fréquente Vincent et sont soumis aux mêmes épreuves que lui, avec la même menace finale : la mort.
Catherine Full Body donne donc deux responsabilités au joueur. Par ses choix, il influence la barre de karma de Vincent, qui détermine comment se prolonge sa vie amoureuse. En outre, lors de ses discussions avec les autres personnages - au bar et dans les cauchemars -, il influence également le destin de ces derniers. S'il parvient à leur remonter le moral, ceux-ci survivent nuit après nuit. S'il n'y parvient pas, ou s'il les ignore, il apprend au matin que leurs cadavres ont été découverts chez eux.
Le concept est intéressant, mais la réalisation est assez désagréable. En effet, malgré les bonnes intentions des développeurs, le jeu se transforme rapidement en corvée : chaque soir au bar et lors de chaque pallier du cauchemar, il est indispensable de parler à chacun des personnages présents. Or, cela se fait par le biais de micro-discussions (quelques phrases) peu intéressantes et à refaire de nombreuses fois. Il aurait été préférable d'avoir moins d'échanges, mais des échanges plus longs et significatifs ; parler avec un personnage un soir pour lui remonter le moral, c'est cool, mais devoir le faire 20 fois au cours du jeu - et pour plein de personnages différents -, c'est relou.
Rester sur sa fin
Le jeu compte 13 fins différentes, auxquelles il faut ajouter la survie ou non de plusieurs personnages secondaires. S'il y a les classiques bonne/mauvaise fin (ainsi que la "true ending") pour chaque protagoniste féminine, ce qui n'est pas ultra intéressant comme procédé, les différents fins sont malgré tout de qualité. Que vous désiriez les explorer par vous-mêmes ou les regarder sur YouTube, je vous recommande vraiment de découvrir toutes ces fins, profondément complémentaires.
Plus globalement, Catherine Full Body est un jeu vraiment bien écrit. Ses personnages sont tous attachants et beaucoup plus profonds que leur nature archétypique ne le laisse supposer de prime abord. De plus, l'intrigue principale est elle aussi passionnante, parvenant à capter l'attention du joueur jusqu'au terme de la partie, qui prend environ une dizaine d'heures (comptez environ deux fois plus, en vous dépêchant, en optimisant et en suivant un guide, pour atteindre toutes les fins).
REmake
Catherine Full Body constitue un remake du jeu originel, sorti en 2011 sur PlayStation 3 et Xbox 360. Plusieurs changements ont été effectués. Le plus visible est l'inclusion de Rin, qui était absente du jeu initial. Cet ajout est impressionnant, car une personne ignorant que le jeu compte un personnage de plus qu'en 2011 ne le remarquerait probablement pas, tant Rin est bien intégrée à l'histoire principale. À dire vrai, sans avoir joué au jeu de base, il est même difficile d'imaginer comment il pouvait fonctionner sans elle, tant son intégration paraît naturelle et fluide.
Ce remake contient également de nouvelles fins. Celles impliquant Rin, bien sûr, mais aussi une nouvelle fin pour Katherine et une autre pour Catherine. Ces fins sont tout aussi qualitatives que celles du jeu de base et augmentent donc la richesse du titre, ce qui est très appréciable.
Cependant, l'ajout le plus intéressant se trouve ailleurs : les développeurs ont ajouté un nouveau mode de difficulté, intitulé "sans soucis", pour les phases de puzzle. Ce mode de difficulté change complètement l'expérience, transformant ce qui aurait été très désagréable en un bon moment. En effet, dans les autres difficultés, la tour s'effondre progressivement. Il est donc nécessaire de se dépêcher d'atteindre le sommet pour ne pas mourir. En sans soucis, le temps est illimité, ce qui permet de vraiment se concentrer sur les puzzles et, en particulier, sur l'obtention de tous les lingots d'or présents sur le parcours. En supprimant le compte à rebours, Atlus renforce grandement la dimension stratégique ; il n'est plus question de monter le plus vite possible au sommet, mais de prendre le temps de récupérer tout ce qui peut l'être en chemin.
Malheureusement, ce gain stratégique se fait au détriment d'une perte. En effet, dans ce mode de difficulté, plusieurs blocs spéciaux (la glace, les bombes, les trous noirs, etc.) sont désactivés. Il est regrettable de ne pas avoir permis davantage de personnalisation, en autorisant par exemple de supprimer le timer pour chaque mode de difficulté, mais c'est quand même un ajout appréciable. De plus, il est désormais possible de complètement sauter ces phases de gameplay. Si je ne l'ai pas fait durant ma première partie, c'est extrêmement agréable lors des expériences suivantes, visant uniquement à découvrir les autres fins du jeu.
Ces changements justifient-ils de racheter le jeu et d'y jouer pour ceux qui l'ont déjà fini sur PlayStation 3 ou Xbox 360 ? C'est difficile à dire et cela dépendra probablement des goûts de chacun. Le titre a moins de saveur une fois l'histoire connue, donc repasser à la caisse peut sembler excessif. Cependant, les ajouts sont nombreux ; ils incluent également une nouvelle disposition des blocs lors des puzzles, afin d'offrir une nouvelle expérience aux joueurs connaissant déjà par coeur le jeu de base.
En revanche, il n'y a aucune raison valable, en 2020, de jouer au jeu de base plutôt qu'au remake. Je pense ainsi tout particulièrement à la communauté PC, qui pourrait s'intéresser à la version classique sortie sur Steam l'année dernière : n'y jouez pas. En effet, ce serait vous infliger volontairement une expérience sensiblement inférieure, vous privant au passage de la possibilité d'expérimenter le titre dans les meilleures conditions possibles. Si le jeu vous intéresse, jouez-y sur PlayStation 4 ou sur Switch. Si vous ne possédez aucune de ces consoles, attendez un éventuel portage PC de la version Full Body, mais ne jouez pas au jeu de base ; ce serait du gâchis.
Et sur Switch ?
C'est la question qui revient pour tout portage Switch : le résultat est-il de qualité ? Sur le plan technique, le résultat est irréprochable. Pas de chute de framerate, pas de résolution tout droit tirée des années 2000 : le jeu fonctionne parfaitement sur cette console et ne semble nullement limité par ses capacités techniques.
Certes, il est moche. Cependant, ce n'est ni lié à la console, ni au fait que le jeu soit sorti à l'origine en 2011. À nouveau, sur le plan technique, Catherine Full Body offre tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un jeu sortant en 2020, quelle que soit la plateforme concernée. Ses défauts sont avant tout liés à sa direction artistique, qui est sans conteste le plus gros point faible du jeu. Le titre dispose d'une histoire et d'une écriture de qualité, d'un gameplay correct, de très bons doublages (en anglais uniquement ; seuls les sous-titres sont en français) et d'une bande-son agréable, mais la direction artistique en général et le design de certains personnages en particulier laisse vraiment à désirer. Quelques cinématiques, sous forme de dessins animés, sont ainsi particulièrement pauvres. À nouveau, ce n'est pas une question technique ; c'est uniquement lié aux dessins utilisés pour ces phases.
Catherine Full Body n'est donc en rien inférieur sur Switch à ce que le jeu est sur PlayStation 4. Cela en fait donc, par défaut, la meilleure version du titre, surtout en cette période estivale. En effet, même si le titre est prenant, il est découpé en de nombreuses courtes phases, ce qui en fait le jeu parfait pour y jouer en mobilité ou tout simplement posé au soleil sur une chaise longue.
New Game+
Vu de l'extérieur, Catherine Full Body donne peut-être l'impression d'être un jeu cliché, misogyne et très étrange. Il est en réalité tout le contraire : il constitue un jeu ingénieux et touchant, subtile et captivant. Je le recommande donc chaudement à ceux qui n'y ont jamais joué, en particulier sur Switch, qui semble être la console idéale pour accueillir le titre.
Test réalisé sur Switch par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | Nintendo Switch, PlayStation 4 |
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Genres | Jeu de rôle (RPG), contemporain, fantasy |
Sortie |
14 février 2019 (PlayStation 4) 7 juillet 2020 (Nintendo Switch) |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
Réactions (3)
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