Test de Return to Monkey Island – Voguez sur un océan de nostalgie

À peu de choses près, 31 ans. C’est le temps qui sépare la sortie de Monkey Island 2 : LeChuck’s Revenge et sa suite officielle Return to Monkey Island sur Switch et PC le 19 septembre dernier. Annoncé le 1er avril dernier, tel une nouvelle blague absurde, personne n’aurait parié sur le retour de la saga culte du point & click et probablement pas même ses créateurs Ron Gilbert et Dave Grossman. Après avoir laissé les joueurs face à un plot twist laissant perplexe bon nombre de joueurs à la fin du second titre, est-ce que la conclusion de la trilogie originale est à la hauteur du légendaire Guybrush Threepwood ?

 

Quel le ciel me protège, tu ressembles à un revenant !

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Votre aventure démarre sur les hauteurs de l’ile de Mêlée, le feu crépite et inonde la nuit de son apaisante chaleur. La vigie vous invite à vous rendre au Scumm Bar pour rencontrer le nouveau conseil pirate. Vous vous mettez en route en sachant pertinemment que tout ne va pas se passer comme prévu…

Si vous avez déjà joué aux jeux originaux (ou les versions remakes de début 2010), vous serez clairement en terrain connu puisque le titre démarre exactement comme l’original de 1990, alors que vous aspiriez à devenir pirate émérite. Et bon nombre des personnages que vous avez eu l’occasion de rencontrer sont toujours présents : LeChuck votre ennemi juré, l’intrépide Elaine Marley, Stan le vendeur tchatcheur, Carla la reine du sabre, la sorcière vaudou au nom mystérieux ou encore Otis pour ne citer qu’eux. Pour autant, le scénario n’est pas là que pour servir du fan service : votre aventure vous mènera à la rencontre de nombreux nouveaux personnages, plus haut en couleur les uns que les autres et mis en valeur par un humour et une écriture toujours aussi décapante et sachant faire habilement mouche.

Si l’histoire fait donc la part belle au passé et va de clin d’œil en références à tire-larigot pour satisfaire les afficionados, elle peut aisément laisser dubitatif celui qui découvrirait l’univers pour la première fois. Si j’aurais tendance à recommander de jouer aux version remastered des deux premiers titres (disponibles sur Xbox et PC pour une bouchée de pain), les développeurs ont tout de même eu la sympathie de mettre en place un album souvenir, disponible dans les menus du jeu, racontant sous forme de photos commentées les aventures passées du pirate blondinet.

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Du côté de sa direction artistique, comme vous l’avez probablement déjà constaté si vous avez regardé la bande annonce en début de test, le jeu s’éloigne du rendu pixelisé des jeux originaux pour proposer une patte graphique singulière. Si ce choix peut s’avérer surprenant au vu du passif de l’entreprise (Terrible Toybox A réalisé Thimbleweed Park auparavant, un jeu d’aventure en pixel art) et qu’il ne fera probablement pas l’unanimité, force est de reconnaître que cela marche une fois en jeu. Le rendu est plus moderne, tout en respectant l’héritage coloré de la licence. Vous aurez donc l’occasion d’arpenter une myriade de plans chatoyants, allant de la jungle sauvage à la montagne enneigée, en passant par un champ de lave ou un fond marin.

Cette DA est d’autant plus réussie qu’elle est magnifiée par une bande son composées par les trois compositeurs d’origine Peter McConnel, Clint Bajakian et Michael Land. Les mélodies sentent bon la piraterie et évoquent instantanément tout ce qui fait de Monkey Island une saga à part dans le cœur de bons nombres de joueurs. Le doublage des différents protagonistes n’est d’ailleurs pas en reste et permettent de donner vie au titre avec une justesse agréable.

L’ensemble fait donc de Return to Monkey Island un jeu agréable à parcourir, nous tenant en haleine grâce à son scénario accrocheur (bien que relativement convenu) et ses situations ubuesques dont seul notre héros a le secret !

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Dans toutes les Caraïbes, mes exploits sont célébrés !

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Le jeu voit son gameplay évoluer vers une version modernisée du jeu d’aventure. Il n’est plus question de devoir composer avec une roue d’actions prédéfinies, voire avec des verbes d’actions à choisir avant de l’associer à un objet de son inventaire ou du décor. Dès à présent, il vous suffit de vous déplacer sur chaque tableau pour voir des cercles vous indiquant un « lieu d’intérêt. » Une fois à proximité, une ou plusieurs actions sont disponibles vous permettant d’avancer (ou pas) votre histoire. Même topo pour votre inventaire qui se voit simplifier et où vous n’aurez plus à tenter des mélanges improbables afin de créer un nouvel élément vous permettant de continuer à votre aventure. À la place, vous aurez une croix rouge qui s’affichera automatiquement lorsque vous passerez un objet sur un autre, vous indiquant si une action prévue par le jeu est réalisable.

Si ce choix peut se comprendre dans l’optique de s’ouvrir à un public plus large, probablement moins habitué à ce genre de jeu, il est tout de même dommage de ne pas avoir à devoir essayer 578 combinaisons improbables d’objets entre eux pour trouver la bonne marche à suivre. Aussi tordu cela puisse t’il être, il y a quelque chose de grisant dans le fait d’associer la queue d’un singe comme clé anglaise ou de devoir trouver des équivalents d’ingrédients pour réaliser une potion vaudou permettant de naviguer jusqu’à bonne destination. C’est d’autant plus dommage que le jeu propose un mode normal destiné aux novices et un mode difficile prévu pour les habitués du genre avec des énigmes moins accessible.

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Le jeu ne présente pas pour autant une difficulté insurmontable et tordue comme pouvaient l’être les deux titres originaux. À titre d’exemple, nous sommes loin du concours de crachat qui mélangeait triche sur le tableau, utilisation d’un grog maison et analyse du décor pour activer l’action quand le vent est dans le bon sens. La courbe de progression est relativement bien pensée et ne présente globalement que peu de moments bloquants, à l’exception peut-être des dernières énigmes à résoudre demandant un peu plus de réflexion.

Et si vous êtes bloqué, le jeu pense également à vous grâce à deux outils bien utiles :

  • Un résumé des tâches à résoudre afin d’avancer vers votre objectif général. Sans être indispensable, cela offre un cadre à votre aventure et vous permet de vous focaliser sur ce que vous avez à accomplir pour continuer d’avancer.
  • Un livre d’indices, relativement bien pensé. Il fonctionne par « palier » d’informations, c’est-à-dire qu’il ne révèle pas directement la réponse recherchée, mais vous apporte des indices sur ce que vous devriez faire pour résoudre votre problème. Si un indice ne suffit pas, vous pouvez en demander un autre et ainsi de suite. L’idée n’est donc pas de vous donner la solution facilement, mais simplement d’aiguiller votre réflexion vers les bons outils pour résoudre l’énigme face à vous. Ingénieux !

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Derrière toi, un singe à 3 têtes !

Le 1er jeu que j’ai acheté quand j’étais gosse avec mes propres sous, c’est The Curse of Monkey Island. Sans le savoir, je venais de mettre les mains sur une pépite qui allait me suivre toute ma vie. J’ai donc fait un nombre incalculable de fois les jeux originaux, et refait encore les remastered cet été pour me remettre toute l’histoire bien en tête. Si la DA m’avait laissé perplexe à l’annonce du jeu, je ne peux que m’incliner sur le résultat final.

Return to Monkey Island est une déclaration d’amour ouverte au jeu vidéo, à l’humour absurde, au temps qui passe, à la vie. Je ne révèlerai rien de l’histoire ou du secret de l’île aux Singes, mais le jeu nous rappelle avec justesse que ce n’est pas la destination qui compte mais bel et bien le chemin parcouru et ses nombreux détours qui nous ont menés jusque-là. Si le jeu est assurément perfectible, que ce soit dans sa rythmique pas totalement maîtrisée ou une courbe de difficulté des énigmes parfois surprenante (en mode difficile), il rentre facilement dans mon top 3 des plus belles expériences vidéoludiques que j’ai pu arpenter cette année.

Le jeu est disponible sur PC et Switch pour 25€ (et devrait arriver sur d’autres supports prochainement, sans plus d’informations précises à l’heure où ce test est écrit). Comptez environ 10 à 12h pour en voir le bout, peut-être plus si vous n’êtes pas habitués au jeu d’aventure et que vous bloquez sur une énigme. Enfin, pour ceux qui l’attendent avec impatience, sachez qu’une édition physique ainsi qu’une édition collector a été confirmé par Ron Gilbert lui-même, sans plus de précision temporelle quant à une fourchette de sortie.

Test réalisé sur Switch par Dunta à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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