Test de Clair Obscur: Expedition 33 – Quand un petit studio français bouscule l’industrie du jeu vidéo
Après cinq ans de développement par le petit studio Sandfall Interactive, le J-RPG made in France débarque enfin entre nos mains. Ayant suscité beaucoup de curiosité suite aux bandes annonces intrigantes des derniers mois, que vaut réellement Clair Obscur: Expedition 33 à la direction artistique atypique et au gameplay innovant ? Tentative de réponse dans ce nouveau test pour JeuxOnine.
Clair Obscur: Expedition 33 est donc un J-RPG (jeu de rôle japonais) ou du moins un jeu reprenant les codes du J-RPG pour en proposer une version française originale et innovante. S’inspirant de licences comme Final Fantasy, Persona, Lost Odyssey ou encore Legend of Dragoon, le jeu du studio français Sandfall Interactive trouve son originalité dans sa direction artistique - très inspirée du Paris de La Belle Époque, de la peinture dont le mouvement surréaliste et bien entendu le clair-obscur si cher à Rembrandt, mais aussi des jeux FromSoftware pour la monstruosité de son bestiaire -, à sa musique composée par le talentueux Lorien Testard et enfin à son système de combat, qui tente d’intégrer un soupçon d’action dans le tour par tour que l’on connait si bien depuis bientôt quarante ans. Grâce à ces trois points principaux, et accompagnés d’un scénario captivant, de personnages superbement écrits et d’un casting trois étoiles aussi bien dans sa version anglaise que française, Clair Obscur: Expedition 33 avait toutes les cartes en main pour devenir un grand jeu.
Annoncé lors du Summer Game Fest 2024, il a rapidement su se faire une place dans le panier des titres intrigants, qui attirent le regard. Malgré son statut de jeu AA au budget limité, Xbox n’a pas hésité à présenter sa bande annonce au milieu de plusieurs jeux AAA déjà bien établis comme Gears of War ou encore Fable. C’est cette mise en avant par Xbox qui a offert l’exposition nécessaire au jeu pour en faire un des titres les plus attendus de l’année 2025. Et si on peut imaginer que le petit studio montpelliérain (et oui, encore un) rêvait d’offrir le meilleur jeu possible, la trentaine de personnes ayant activement travaillé sur son développement en interne ne s’attendaient probablement pas à un tel enthousiasme et encore moins au succès qui allait suivre après sa sortie. Car oui, après deux semaines dans les bacs, Clair Obscur: Expedition 33 est indéniablement un succès et un sérieux prétendant au titre tant convoité de jeu de l’année. Mais parlons maintenant du jeu en lui-même, car il a beaucoup à dire et à offrir.
Demain viendra
Il y a soixante-sept ans de cela, une Fracture brisa le monde et sépara la ville de Lumière du reste du continent. Depuis, une entité gigantesque nommée la Peintresse est apparue et, chaque année, elle peint un nombre sur un monolithe tout aussi imposant. Mais cet acte n’est pas anodin, car toute personne ayant cet âge ou plus subit le Gommage et disparait instantanément dans une gerbe de pétales de fleurs. N’épargnant personne, la Peintresse est devenue l’ennemie d’une humanité mourante. Toutefois, sa résilience face à l’adversité l’a poussée à envoyer, chaque année, une expédition dans le but de mettre fin à ce cycle funeste.
Sans succès jusque-là, c’est au tour de l’Expédition 33 de prendre la mer et de suivre les traces laissées par ses prédécesseurs en espérant, cette fois, remplir sa mission. Parmi les membres, on trouve Gustave, l’ingénieur du groupe et inventeur du convertisseur Lumina, sa sœur adoptive Maelle, la cadette qui rêve de fuir Lumière, quitte à risquer sa vie à seulement seize ans, Sciel, la combattante la plus expérimentée, mais aussi la plus en phase avec son destin, et enfin Lune, l’érudite inflexible capable de manipuler les éléments. Mais le continent approche et avec lui, des défis semblant insurmontables et surtout des créatures hostiles défiant l’imagination : les névrons.
Il est difficile de parler de l’histoire de Clair Obscur: Expedition 33 sans passer la ligne rouge tant ses qualités reposent sur la quantité d’informations distillées avec soin tout au long de l’aventure. Et c’est déjà le cas avec ce qui doit être l’une des introductions les plus émotionnellement chargées depuis The Last of Us. Cette capacité à bousculer nos émotions en tout juste une heure de jeu est un exploit rarement vu dans le jeu vidéo, narré avec énormément de justesse, sans trop en faire, sans trop en dire. C’est avec ce genre de séquence que l’on constate avec quel respect les auteurs, que sont Jennifer Svedberg-Yen et Guillaume Broche, nous accueillent. Il n’y a pas de longs dialogues d’exposition pour décrire l’univers et ses personnages, il n’y a pas de longs messages avec toutes les informations estimées comme nécessaires à la compréhension du monde. Ici, l’intelligence et la curiosité des joueuses et joueurs sont respectées et mises à contribution en leur dévoilant tout miette par miette au fur et à mesure, que soit à travers les dialogues ou les journaux des précédentes expéditions dispersées un peu partout sur le continent. Cette forme de narration donne ainsi le temps de s’inventer des théories, d’imaginer des dénouements, qui ont peu de chance de tomber totalement justes tant les retournements de situation sont nombreux et réussis - au point d’en rendre certains évidents pour en cacher d’autres -, mais qui ont le mérite d’être confrontés à la réalité du jeu. Les thèmes abordés sont lourds et risquent d’en secouer plus d’un(e) d’entre vous. La famille, la mort, l’addiction, le suicide et surtout le deuil sont au cœur de cette aventure mature pour un public averti. Et c’est aussi ça qui renforce la qualité du scénario : il ne nous épargne pas. Il ne passe pas une main dans notre dos en chuchotant que tout va bien, que tout va s’arranger. Non, il nous jette dans un récit dramatique d’une grande beauté, mais aussi d’une grande cruauté. Un coup de maître dans un genre bien souvent trop convenu.
Et aussi bon soit ce scénario, il n’aurait jamais pu être convaincant sans des personnages qui le sont tout autant et sur ce point encore, Clair Obscur: Expedition 33 a fait des miracles. Tous les protagonistes sont réussis, aussi bien dans leurs designs, que l'on doit à Nicholas Maxson-Francombe et Alan Reynaud, que leurs personnalités. Tous ont une part d’ombre et de lumière qui les rend touchants et « vrais ». Et si vous ne ressentez pas la même affinité pour tous, il est peu probable que vous en détestiez un. Pour ma part, j’avais d’abord du mal avec Esquie, mais j’ai petit à petit compris le pourquoi de son comportement et je l’ai finalement trouvé très attachant, même si j’ai toujours autant envie de lui couper la langue lors des déplacements sur la mappemonde. Leurs dialogues ne sont ni pompeux, ni absurdes et l’humour y est savamment dosé pour les rendre humains et alléger un peu l’ambiance quand nécessaire. On est très loin de cette mode à la Marvel qui balance de la punch line toutes les cinq minutes avec une surdose d’humour forcé. C’est ici beaucoup plus naturel et subtil quand ça ne joue pas avec les clichés de narration. Quand, en plus, le tout est servi par une mise en scène réussie digne du cinéma, le résultat ne peut que tutoyer les plus grands.
Concernant les antagonistes, ils sont parmi les plus réussis du J-RPG. Non pas parce qu’ils surpassent le charisme de Sephiroth ou la folle cruauté de Kefka pour les plus célèbres, mais parce qu’ils sont multi-dimensionnels en ne se limitant pas à ce statut de méchants. Ils ont une histoire et leurs raisons d’agir, que l’on peut accepter ou non de comprendre. Tout n’est pas clair ou obscur, la réalité est souvent logée dans l’ombre crée par la lumière et dans ce domaine narratif, Sandfall Interactive a fait un superbe boulot pour éviter les poncifs et caricatures.
Pour finir, on ne peut pas parler des personnages sans mentionner les Gestrals. Ces créatures de bois rappelant les mannequins articulés des peintres, mais aussi leurs pinceaux, sont une bouffée d’air frais dans cet univers où la mort rode partout. Accros aux combats, ce sont des chiens fous plutôt rigolos, à défaut d’avoir beaucoup d’esprit, qui passent leur temps à se battre, mais aussi à vendre des marchandises trouvées lors de leurs explorations, ce qui s’avère bien utile lors de votre périple, puisque vous pouvez en rencontrer par hasard au milieu d’un donjon.
Quant aux névrons, ces créatures créées par la Peintresse pour repousser les expéditions humaines, ils semblent tout droit sortis d'un Dark Souls ou du manga Berserk. D'ailleurs, nul doute que les jeux FromSoftware ont grandement inspiré les designs de certains d'entre eux. Très nombreux pour éviter le color swap habituel, ils oscillent entre le grotesque, le monstrueux et le fantasque pour ne pas dire l'absurde. Chaque type de donjon possédant son lot de névrons, on en vient à frétiller d'impatience de voir ce que le jeu va nous proposer quand on en découvre un nouveau. Et c'est d'autant plus vrai que les boss sur lesquels ils n'ont fait aucun compromis. Grands, puissants, leur simple designs pourraient se traduire par « Vous allez passer un mauvais quart d'heure. ». À nouveau, les artistes ont rempli le cahier des charges et bien plus encore.
Et que dire de l’univers ? Ce monde original créé pour l’occasion est une œuvre d’art à lui seul. La Fracture ayant transformé le continent, c’est un prétexte parfait pour laisser parler une certaine folie créatrice en mélangeant des tas de décors différents, sans liens logiques, en brisant sans complexe toutes les lois de la physique, mais sans jamais donner cette impression que rien n’a de sens. Faire suivre un plateau verdoyant par des fonds marins que l’on parcourt à pied pour on ne sait quelle raison, cela ne devrait pas fonctionner et pourtant, c’est le cas. Tout tient debout malgré ce fouillis artistique. Petit bonus exquis, le jeu se permet de placer plein de petits clins d'œil discrets à la culture populaire ainsi que de multiples références à d'autres licences dont les développeurs sont fans.
Et si on pouvait avoir peur que le côté frenchy soit très, trop forcé, il n’en est rien. Cela ne signifie pas pour autant que le studio a sous-dosé son chauvinisme, mais ce fut intégré avec goût et même avec humour. On regrette quand même ce besoin d’ajouter des injures en français aux dialogues des doublages anglais. Ils n’ont aucun sens dans le contexte et ne servent qu’à faire des petits clins d’œil « omelette du fromage » aux anglophones. Sauf que faire ça avec des « putain » et des « merde », ce n’est pas ce qu’il y a de plus flatteur pour la langue de Molière, tout en cassant un peu l’immersion de ceux ayant décidé de jouer dans celle de Shakespeare. C’est d’autant plus dommage que le casting est fou, aussi bien côté anglais que français. D’un côté Charlie Cox, Ben Starr, Jennifer English, Kistry Rider ou encore Andy Serkis et de l’autre Alexandre Gillet, Adeline Chetail, Céline Melloul, Slimane Yefsah et Féodor Atkine. Que du beau monde pour donner vie à ces personnages. Cependant, tout n’est pas parfait non plus et on peut constater quelques problèmes de mixage notamment dans le doublage français.
Voyage au bout de l’enfer
Il est maintenant temps d’aborder la partie la plus dense du jeu : le gameplay. Clair Obscur: Expedition 33 est donc un J-RPG au tour par tour reprenant les bases bien connues depuis plusieurs décennies et que l’on doit à des licences comme Dragon Quest ou Final Fantasy. Vous incarnez un groupe de personnages, qui part d’un point A pour arriver au point B et afin d’y parvenir, il doit passer par tout à tas de donjons accessibles via une mappemonde à parcourir plus ou moins librement. D’abord très linéaire, le jeu s’ouvre petit à petit grâce à Esquie, qui sert de moyen de transport comme pouvaient l’être les buggys et autres aéronefs des jeux d’une époque que l’on pensait révolue. Chaque donjon est lui-même assez fermé avec juste quelques embranchements sans issue cachant des objets ou des boss optionnels. Exit donc le monde ouvert ou semi-ouvert, mais c’est au profit d’un rythme bien mieux maîtrisé et d’une direction artistique bien plus libre de vous proposer des environnements visuellement époustouflants, tout en évitant au maximum les redites. Une aventure à suivre en ligne droite, mais ne vous y trompez pas, si la trame principale se termine en une petite trentaine d’heures, vous pouvez comptez sur quasiment autant en contenus annexes.
Et ici, pas de quêtes nulles pour ramener dix griffes de je ne sais quelle bestiole anecdotique à massacrer à la chaîne. Il n’y a d’ailleurs que très peu de quêtes et certaines s’étalent sans même vous prévenir sur toute la durée du jeu. Mais la majorité du contenu annexe concerne soit des zones cachées à découvrir, soit des boss optionnels à défier, soit des morceaux de l’histoire servant à combler certains points un peu flous du scénario. Et si vous souhaitez faire une petite pause et vous vider un peu la tête, direction une plage gestral ! Il y en a plusieurs réparties sur tout le continent et chacune propose son mini jeu dont la récompense vous permet de personnaliser vos personnages entre les différentes coupes de cheveux et tenues, que vous pouvez aussi obtenir aux marchands ou en récompense contre des boss optionnels, que je vous laisse la joie de découvrir. Point intéressant, la personnalisation est conservée dans la très grande majorité des cinématiques, ce qui évite les habituels moments de malaise. Il y a donc de quoi faire avec du contenu qui donne envie de continuer et surtout, qui ne force pas à tuer des ennemis en boucle pour augmenter votre niveau parce que vous vous retrouvez face à un pic de difficulté. Les designers ont d’ailleurs parfaitement dosé la progression pour qu’elle évolue naturellement, sans artifice. De ce fait, si vers la fin du jeu vous vous retrouvez face à un mur, genre un boss optionnel encore trop compliqué, il vous suffit d’aller ailleurs et de revenir plus tard.
Et, là aussi. le jeu est intelligent, car vous n’avez pas à refaire tout le donjon entièrement si vous revenez plus tard. Il vous suffit de profiter du réseau de drapeaux placés un peu partout à la manière des feux dans Dark Souls. À partir de ceux-ci, vous pouvez vous reposer, améliorer votre groupe et voyager automatiquement vers un autre drapeau débloqué précédemment dans ce même donjon. Malheureusement pour une partie d’entre vous, cette reprise de mécanique des jeux FromSoftware vient avec l’absence de sauvegarde manuelle. Tout se fait automatiquement dès que vous terminez un combat, que vous activez un drapeau, que vous modifiez quelque chose dans le menu principal ou dans l’équipement de votre groupe. Bref, le jeu sauvegarde fréquemment et il vous est permis de choisir quelle sauvegarde charger parmi les vingt dernières, si jamais vous voulez revenir un peu en arrière. Si cette mécanique ne plaira pas à tous, on s’y fait assez vite et le jeu est très peu punitif face à la mort de votre groupe, ce qui réduit fortement le besoin de toujours recharger pour refaire un combat, d’autant plus que le jeu ne donne aucune statistique sur votre nombre de morts. Le seul véritable défaut de ce système, c’est l’impossibilité de sauvegarder à des passages clés de l’histoire, que l’on aimerait revoir. Pour cela, il vous faudra parcourir à nouveau le jeu en New Game +, par exemple, qui offre un peu plus de défis pour les plus aguerris et quelques récompenses exclusives.
Une fois le donjon terminé, vous vous retrouvez sur la mappemonde et là aussi, la direction artistique fait des merveilles. Faisant référence aux J-RPG du XXème siècle, cette madeleine de Proust profite des technologies actuelles pour proposer un voyage à travers des décors rappelant l’imagerie des dioramas grâce à une caméra adaptée pour l’occasion. Le résultat est très réussi et permet de profiter des paysages qui le sont tout autant. Prairies aux couleurs chaleureuses, montagnes enneigées, cimetière de bateaux, champ de bataille désolé, récifs frappés par la houle, ainsi que des îles flottant dans les airs, vous avez de quoi satisfaire votre soif de dépaysement, car si tout cela semble assez classique, la présentation bouscule les habitudes et ne manque pas de surprendre à de nombreuses reprises. Attention toutefois, si la mappemonde est un plaisir à visiter, elle n’est pas sans danger et quelques ennemis vous attendent sur la route, même s’ils sont très simples à éviter. Si, malgré tout, vous souhaitez les affronter, sachez que la mappemonde vous permet aussi de monter un camp afin de vous reposer, faire progresser vos personnages et de discuter avec chacun d’entre eux. Vous en apprenez ainsi un peu plus sur leurs rêves, leurs angoisses, leurs passés, ce qui participe à les rendre plus attachants encore. De plus, il est fortement conseillé de leur parler afin de débloquer certaines compétences spéciales dont je reparlerai un peu plus loin.
Dégâts maximums
Car une des raisons du succès de Clair Obscur: Expedition 33, au-delà de sa direction artistique, de sa musique ou encore de son casting trois étoiles, c’est son système de combat. Reposant sur les bases du tour par tour si cher au J-RPG depuis bientôt quarante ans, celui-ci a été agrémenté d’une petite pointe d’action pour en pimenter la recette.
Un combat se lance lorsque le personnage que vous contrôlez touche un névron lors de l’exploration d’un donjon ou de la mappemonde et pour avoir l’initiative, vous avez la possibilité de projeter de la chroma - une forme de magie pour simplifier - en leur direction un peu comme on donnerait un coup d’épée dans d’autres jeux. Une fois la zone de combat chargée, vos personnages - trois au maximum - se retrouvent bien en rang face à la ligne d’ennemis à affronter. Au niveau de l’interface, la colonne à gauche détermine l’ordre d’action et celui-ci est déterminé tout d’abord par l’ordre dans lequel vous avez constitué votre groupe, puis par la vitesse de chacun des participants. Ensuite, et vous allez sûrement voir quelques similitudes avec Persona 5, il y a le menu d’action directement placé à côté du personnage dont c’est le tour d’agir. À partir de celui-ci, vous pouvez lancer une attaque normale, utiliser une compétence parmi les six équipées, utiliser un objet de soin, ou viser. Viser ? Oui, car comme dans Persona 5, il vous est possible de tirer sur les nécrons pour, par exemple, détruire leurs points faibles ou toucher ceux qui volent, souvent insensibles aux autres types d’attaques. En plus de ces quatre possibilités d’action, il y a les Attaques Gradient, qui sont les fameuses compétences spéciales dont je parlais plus tôt et dont l’utilisation se débloque après une petite dizaine d’heures de jeu. Celles-ci se découpent en trois niveaux selon le nombre de charges de la barre de Gradient qu'elles consomment. Cette dernière se remplit au fur et à mesure que vos personnages agissent. Souvent dévastatrices, elles vous sont d’une grande utilité face aux ennemis les plus coriaces. De plus, ces attaques vous permettent de jouer à nouveau et ne consomment aucun point d’action.
Comme beaucoup de RPG, Clair Obscur a fait ce choix des points d’action (ou PA) pour déterminer les limites en combat de vos personnages et ainsi renforcer l’aspect stratégique. Chaque action consomme son lot de PA et vous devez réfléchir à comment les optimiser pour ne pas vous retrouver le tour suivant avec rien d’autre à faire que d’utiliser l’attaque de base, bien moins efficace. Et s’il existe plusieurs moyens d’en récupérer, votre barre se limite quoi qu’il arrive à neuf PA et vous devez faire avec, surtout lorsqu’il s’agit de choisir les compétences à utiliser. Comme dit plus haut, chaque personnage peut en équiper six parmi celles débloquées dans leurs arbres de talents respectifs, qui les rendent uniques avec une particularité propre à chacun. Par exemple, Gustave possède un bras mécanique capable de charger de l’électricité au fur et à mesure des coups qu’il porte pour ensuite l’utiliser sur les ennemis. Pour ce qui est de Maelle, ses compétences la placent dans une des différentes gardes ayant chacune un effet soit offensif ou défensif. Quant à Lune, ses magies génèrent des pigments qu’elle peut utiliser pour renforcer d’autres magies. Ainsi, tous les personnages ont un style de combat propre, mais le plus intéressant, c’est qu’il est possible de créer une synergie entre les compétences. Pour expliquer simplement, vous pouvez utiliser un premier personnage pour appliquer brûlure et ensuite utiliser un deuxième personnage possédant un bonus de dégâts sur les ennemis touchés par cette affliction tout en déposant une marque dessus qu’un troisième personnage ayant un bonus supplémentaire sur les ennemis marqués pourra exploiter. Et des synergies de ce type, il en existe plein et elles sont décuplées par un autre système de jeu : les pictos.
Les pictos sont des tatouages que vous pouvez équiper afin d’obtenir des bonus en santé, défense et chance de coups critiques, mais aussi une aptitude passive comme un bonus de dégâts lorsque la cible brûle ou bien le droit de jouer une seconde fois par tour, etc. Grâce à eux, vous pouvez créer des situations très favorables à votre groupe dès le début du combat. Et c’est peu de le dire, puisque les pictos sont si puissants qu’ils sont à la base des méthodes les plus folles pour complètement briser la difficulté du jeu. Vous ne pouvez en équiper que trois par personnage, mais c’est là que les luminas entrent dans la danse. Tout comme dans Final Fantasy IX et son système de compétences sur l’équipement, les pictos peuvent s’apprendre au bout d’un certain temps, à savoir quatre combats. Une fois le picto appris, il devient accessible à tous vos personnages et ces derniers peuvent l’activer en utilisant des luminas, que vous obtenez au fil de votre progression, mais aussi sous forme d’objets obtenus en récompense de combat, à ramasser durant votre exploration ou bien à acheter aux marchands. C’est votre principal outil pour créer les builds des membres de votre groupe.
Du côté des ennemis, chacun possède une barre jaune sous sa barre de vie. C’est en fait sa barre de fracture, qui une fois pleine brise sa défense et l’étourdit pour au moins un tour, durant lequel vous pouvez asséner des dégâts plus importants. Pour se défendre, ils peuvent aussi s’appliquer des boucliers, qu’il vous faut briser avant de pouvoir réduire leurs barres de vie.
Bon, tout ça est bien sympathique et peut donner envie, mais il est tout de même temps de parler de cet ingrédient magique qui pimente la recette du tour par tour. Dans un système au tour par tour classique, vous sélectionnez les actions de vos personnages puis vous devenez passifs le temps qu’ils agissent et que les ennemis répondent. Tout le sel se fait dans la gestion du menu et de la stratégie autour des compétences à choisir. Cela a fonctionné pendant des décennies, mais il faut admettre que c’est un système qui a bien du mal à évoluer et qui ne fait que se répéter avec au mieux quelques nuances bienvenues de temps en temps. Mais chez Sandfall, il y a Guillaume Broche, un des co-fondateurs et surtout le directeur créatif et cerveau derrière le projet Clair Obscur. Pourquoi je parle de lui ? Parce qu’en tant que fan de Dark Souls et de J-RPG, il ne comprenait pas ceux qui disaient qu’il était impossible de mélanger les deux genres. C’est ainsi que lui est venue l’idée d’intégrer un système de parades et d’esquives dans des combats au tour par tour.
Idée folle ? Elle aurait pu l’être, mais c’était sans compter sur les talents du studio montpelliérain. Lorsqu’un névron attaque vous avez une fenêtre plus ou moins longue pour soit esquiver, soit parer. La première solution est la plus facile à sortir grâce à une fenêtre plus large d’activation, mais la seconde offre l’opportunité de placer un contre destructeur si vous arrivez à parer tous les coups d’une attaque. Dans les deux cas, il suffit d’appuyer sur le bouton dédié chacune de ces actions pour éviter de vous faire toucher. Enfin, il suffit, c’est un bien grand mot, puisque ce n’est pas si simple que cela. En effet, la fenêtre est courte et il est nécessaire de bien se concentrer sur les attaques, que ce soit au niveau visuel ou auditif, afin d’anticiper le bon moment pour appuyer, au risque de le faire trop tôt ou trop tard. De plus, certains ennemis sont sournois et utilisent des feintes pour tromper vos habitudes, ce qui peut avoir tendance à frustrer. Et pour rajouter une couche, il existe aussi le saut, pour éviter les attaques venant du sol indiquées par un symbole doré, et le contre gradient, qui s’active avec un autre bouton et qui demande lui aussi de se concentrer pour anticiper les attaques gradient des névrons, même si elles sont généralement plus faciles à contrer que les attaques normales.
Toutefois, le studio a eu la bonne idée de prévoir plusieurs niveaux de difficultés, que vous pouvez modifier quand vous le souhaitez, ayant un impact sur la fenêtre d’activation afin de faciliter les combats, ou les complexifier pour ceux qui veulent encore plus de challenge. Le souci, c’est que ces niveaux de difficulté influent sur d’autres facteurs que la parade et l’esquive et pour une personne qui, par exemple, apprécie la difficulté standard, mais aimerait juste avoir un peu plus de temps pour agir, elle n’a pas d’autre choix que d’accepter le mode Histoire, bien plus facile, de se satisfaire du mode Exploration en se forçant à apprendre, ou bien d’utiliser un mod si elle possède la version PC. Il est impossible de gérer ces options à la carte et c’est bien dommage. Quant au mode Histoire, il est assis entre la facilité des combats et la volonté de conserver ce système d’esquives et de parades, ce qui le rend moins accessible que ses équivalents sur d’autres jeux. Il s’apparente d’ailleurs plus à un mode facile qu’à un véritable mode Histoire et ça aussi c’est bien dommage.
Petit défis aux amateurs, grâce à cette mécanique de jeu, il vous est possible de terminer le jeu sans vous faire toucher une seule fois - défis qu'a d'ailleurs accompli Guillaume Broche en deux heures et quatorze minutes en mode Histoire. Bonne chance !
Mais attendez, ce n’est pas fini, car vos attaques aussi ne sont plus passives. Lorsque vous lancez une de vos compétences, un QTE apparait à l’écran et le réussir renforce ses effets que ce soit au niveau des dégâts, des soins, ou encore du nombre de personnages touchés par les sorts d’amélioration. Pas d’inquiétude, ça se limite à un seul bouton et ne dépasse pas trois appuis. De plus, si jamais vous ne voulez pas entendre parler de QTE, vous pouvez les désactiver dans les options et ils seront considérés comme validés par le jeu. Et si jamais vous vous demandez pourquoi ils n’ont pas fait de même avec la parade et l’esquive, il faut comprendre que tout l’équilibre des combats repose sur cette mécanique. Si vous la supprimez, votre groupe ne peut plus se défendre et le mode normal se transformerait en calvaire quasi inaccessible au commun des mortels.
Avec son système hybride, Sandfall offre des combats complexes et fun à prendre en main. Peut-être pas des plus accessibles et on peut regretter l’absence d’options dédiées à la difficulté de l’esquive et surtout de la parade, tout comme on aurait aimé un vrai mode histoire les rendant totalement optionnelles, mais cela reste une proposition originale, qui donne envie de s’investir pour progresser.
En parlant de progression, celle de Clair Osbcur diffère un peu de ce que l’on a l’habitude de voir dans la plupart des J-RPG. Ou plutôt, elle reprend des idées de différents jeux pour en faire un mélange assez original, mais efficace. Déjà, si la montée en niveau se fait de manière classique via l’expérience acquise en gagnant des combats, la gestion des attributs ressemble plus à celle des jeux FromSoftware. Ainsi lorsque vous ouvrez le menu d’amélioration des personnages aux drapeaux, vous avez la possibilité de répartir des points dans différents attributs parmi la vitalité, la force, l’agilité, la défense et la chance. Ces attributs ont un impact sur plusieurs statistiques, comme la santé, la puissance d’attaque, la vitesse, la défense (ça se répète) et le taux de coups critiques. Mais tout comme un Dark Souls, on n’est pas sur du un pour un. Par exemple, ajouter un point en force, en plus d’augmenter la puissance d’attaque, peut légèrement augmenter le taux de coups critiques et ajouter de l’agilité peut autant améliorer votre vitesse que votre défense. Et à cela, il faut aussi ajouter l’impact des armes que vous utilisez. Chacune possède une affinité avec deux attributs et y placer des points augmente d’autant plus les statistiques associées. Et là vous allez probablement me dire que si vous changez d’arme et que les affinités sont différentes, alors cela va forcément casser la progression du personnage et vous n’auriez pas totalement tort, même si vous n’avez pas du tout besoin d’optimiser selon l’arme utilisée. Toutefois, et pour les accros à l’optimisation, les développeurs ont pensé à tout et des objets, en quantité largement suffisante, vous permettent de réinitialiser vos attributs quand bon vous semble. De quoi vous amusez à trouver les meilleures builds pour chaque personnage. Pour finir, les armes peuvent gagner des niveaux soit via un personnage dédié contre des objets au même titre que les luminas, soit à la suite de certains combats. Aux niveaux 4, 10 et 20, elles gagnent des aptitudes passives pouvant grandement influer la manière de jouer le personnage qui l'utilise. Et il en va de même pour les pictos, à la différence que leurs niveaux augmentent uniquement en récompense de combats ou lorsque vous trouvez le même picto dans un lieu plus avancé. À défaut de voir les passifs changer, ce sont leurs bonus en statistiques qui augmentent, ce qui pousse à les changer de temps en temps pour améliorer davantage votre groupe.
C’est Unreal
Développé sur le moteur Unreal Engine 5 d’Epic, Clair Obscur surprend par son aspect technique quand on le compare aux autres jeux AA, donc des jeux à budgets réduits provenant généralement de studios plus modestes. On est ici dans le haut du panier, qui n’a rien à envier aux jeux AAA, les jeux à gros budgets des gros éditeurs. Mieux encore, l’optimisation, qui reste le point faible de l’Unreal Engine 5, est ici de très bonne facture. Quand en face les joueuses et joueurs doivent se battre avec du stuttering et autres soucis de performances, Clair Obscur offre une expérience fluide et agréable. Cela ne signifie pas pour autant que le jeu n’est pas gourmand. Profitant des dernières technologies du moteur graphique, le rendu est superbe et peut facilement mettre à genoux les plus grosses configurations en fonction de la définition de l’écran. N’ayez crainte, sur PC il existe suffisamment d’options pour adapter le rendu à votre machine sans trop dénaturer la qualité. Toutefois, on peut constater quelques aberrations graphiques et autres artefacts, notamment au niveau de la chevelure des personnages. Rien de bien gênant, mais c’est là que l’on voit les limites du moteur et d’un petit studio. Autre défaut, l'absence de la prise en charge du FSR d'AMD, au contraire du DLSS de Nvidia et du XeSS d'Intel, même si ce dernier est compatible avec les cartes graphiques d'AMD. Un non sens qui, je l'espère, sera corrigé dans une prochaine mise à jour.
Sinon, que dire de la performance capture faite entièrement en interne ? Si utiliser des acteurs autres que les comédiens de doublage n’a possiblement pas aidé pour la synchronisation labiale, encore un peu décalée par rapport au son et limitée à la version anglaise, la qualité des expressions faciales est exceptionnelle et participe beaucoup au naturel des dialogues, à ce côté organique qui fait que l’on y croit. Bon, là encore, tout n’est pas parfait et il arrive à certains moments que l’on flirte avec la vallée dérangeante, mais c’est globalement une très belle réussite, qui permet une mise en scène de haut vol digne du cinéma. Mise en scène qui profite aussi aux combats, grâce à des animations folles, que l’on doit d’ailleurs à un petit groupe de prestataires sud-coréens, et qui offre à de rares occasions des fins d’affrontements dantesques.
Petit mot maintenant sur la musique que l’on doit au talentueux Lorien Testard. Vous ne connaissez pas ? C’est normal, c’est son premier travail sur un jeu vidéo et plus étonnant encore, il fut découvert sur le site Soundcloud par les fondateurs du studio. Véritable touche à tout, il a composé plus de huit heures de musiques aussi diverses que variées, d'inspirations tout aussi multiples et souvent sublimées par la voix cristalline d’Alice Duport-Percier, qui a participé à l'écriture de certaines paroles, ainsi que par le talent des musiciens ayant participé au projet. Musiques de chambre, orchestrations épiques, musiques électro, thèmes tribaux, musiques d’ambiance, et même une petite pointe de funk, tout y passe et s’emboîte parfaitement dans une œuvre complète, aux accents très « frenchy », qui ne peut laisser indifférent tant elle participe à l'émotion suscitée par le jeu. Véritable œuvre d'art pour un travail d'orfèvre, cette bande originale est bien partie pour rafler la plupart des récompenses musicales de l'année.
Conclusion
Pour un premier jeu, Sandfall Interactive a frappé fort et secoué le monde du J-RPG, qui en avait bien besoin. Il a remis à leurs places ceux qui assuraient que le tour par tour ambitieux était mort et ne pouvait survivre qu’à travers des petits jeux typés rétro. Et par son succès aussi bien dans les critiques que les ventes, il a redéfini les standards de qualité et montré les tares du modèle AAA, qui manque cruellement d’ambition, de finition et d’originalité.
Oui, Clair Obscur: Expedition 33 n’est pas parfait et possède son lot de défauts, comme le manque de personnalisation du système de combat pour le rendre un peu plus accessible sans pour autant en diminuer la difficulté, l’absence d’un vrai mode histoire, la synchronisation labiale perfectible et limitée à la version anglaise ou encore les quelques défauts visuels, mais qui aurait pu imaginer que le renouveau du jeu de rôle japonais viendrait de France et qu’il serait vendu 50€ ? Pourtant, les faits sont là et ce sera peut-être le prochain plafond de verre à briser pour Sandfall Interactive et son éditeur Kepler Interactive. Après une telle masterclass, les yeux sont rivés sur ce petit studio montpelliérain qui devra se confronter à ses propres standards pour ne serait-ce qu’imaginer surprendre à nouveau dans les années à venir. En attendant, nous ne pouvons que leur souhaiter un bon repos en profitant des éloges que toutes et tous méritent amplement.
Certains d’entre vous verront possiblement dans mes propos un enthousiasme exagéré, mais il n’en est rien. Je n’ai pas l’habitude de prendre des gants et j’ai la critique facile quand il s’agit de l’histoire, la mise en scène, la narration, et le gameplay. Si mes propos sont aussi positifs, c’est parce que Clair Obscur: Expedition 33 a eu le même effet sur moi, et peut-être plus encore, que Nier: Automata, Chrono Trigger, Life is Strange, Suikoden II ou encore Mass Effect 2. Des jeux qui ont réussi à me marquer d’une empreinte indélébile. Ce ne sera peut-être pas votre cas, et il n’y aurait rien de gênant à cela. Ce retour reste un avis personnel, à minima objectif, mais avec une grosse pointe de subjectivité.
Clair Obscur: Expedition 33 est disponible sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC pour 49,99€.
Test réalisé par Lianai à partir d'une version Steam fournie par l'éditeur.
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Plateformes | PlayStation 5, Windows, Xbox Series X|S |
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Genres | Jeu de rôle (RPG), europe, fantasy |
Sortie |
24 avril 2025 |
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