Test de Mario + The Lapins Crétins Sparks of Hope - La dégénérescence de l'âge

Cinq ans après le premier opus, la série Mario + The Lapins Crétins revient pour un deuxième épisode, intitulé Sparks of Hope. Le premier avait su nous séduire ; le second en fait-il autant ?

Lapin Luma

Alors que tout allait pour le mieux dans le Royaume champignon en dépit de l'invasion des Lapins Crétins, une mystérieuse pieuvre fait son apparition. Celle-ci attaque différents mondes, les plongeant dans le chaos. Après avoir repoussé l'attaque qui les a ciblés, nos héros décident de partir à sa chasse, planète par planète, en aidant aux passages les autochtones et en libérant les Sparks.

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Commençons par ces derniers, qui ont donné leur nom au jeu : l'un des objectifs du joueur est de collecter des "Sparks", fusions entre des lapins crétins et Luma. Chaque Spark offre un pouvoir spécifique au héros qui l'équipe : bonus de dégâts, effet élémentaire, protection, etc. Ils peuvent en outre être améliorés avec de la poussière d'étoiles, notamment obtenue en tuant des ennemis.

Si le joueur se contente au début d'équiper tous ses Sparks disponibles, en les changeant en fonction des combats, cet ajout obtient rapidement une forte dimension stratégique en permettant de personnaliser davantage ses combattants.

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Si parmi vous certains dormaient et ne savent pas du tout en quoi consistent les combats, rappelons qu'il s'agit d'un jeu de stratégie au tour par tour en vue aérienne. Dans ce nouvel opus, chaque personnage dispose de deux points d'action par tour, à dépenser librement entre son attaque, sa compétence spéciale et l'utilisation de son - ou de ses - Spark(s). Tout ceci donne une forte dimension stratégique à partir du milieu de partie - quand il est possible d'équiper deux Sparks. Il arrive régulièrement que l'on renonce à attaquer, préférant utiliser le pouvoir spécial du personnage et un des Sparks.

Attaquer, utiliser un pouvoir... et le déplacement ? C'est là une des plus grandes bizarreries du jeu. En effet, de manière générale, dans un jeu de stratégie au tour par tour, le joueur gère ses combattants l'un après l'autre : il en sélectionne un, le déplace, attaque puis passe au suivant. Chacun dispose en outre d'une portée de déplacement spécifique. Dans Mario + Rabbids - Sparks of Hope, en revanche, les déplacements sont un fouillis tel que je n'en avais jamais vu ailleurs, alors que j'ai déjà joué à énormément de jeux du genre. En effet, exit le système de cases du premier opus ou même la notion de tour : chaque héros dispose d'une aire de déplacement, symbolisée par un cercle, dans laquelle il peut se déplacer autant qu'il le souhaite tant qu'il n'attaque pas... y compris si on passe au tour d'un autre personnage. Concrètement, il est tout à fait possible de rassembler ses trois personnages afin d'utiliser les compétences de zone, puis de les disperser pour que chacun utilise ses compétences ou son attaque. Pareil pour les sauts d'équipe : le joueur passe son temps à micro-manager le déplacement de chaque personnage pour que chacun puisse sauter et gagner le maximum d'espace. Le saut est d'ailleurs désormais en temps réel, ce qui empêche de clairement voir où on peut aller et ajoute une dimension performative très désagréable.

Je serai direct : le changement du système de déplacement entre Kingdom Battle et Sparks of Hope est un choix de game design aussi incompréhensible que désastreux. Le premier opus était extrêmement lisible alors que le second est beaucoup plus brouillon. Dans ce dernier, le joueur passe son temps à changer de personnage pour exploiter autant que possible les failles fonctionnalités de ce système de déplacement.

Quand Ubisoft a annoncé qu'il ne serait toujours possible que de jouer trois personnages - comme dans le premier jeu -, je n'ai pas compris ce choix de leur part, tant j'aurais aimé en avoir un quatrième à disposition. Pourtant, en jeu, la justification de la décision est évidente ; gérer trois personnages s'avère déjà laborieux. Dans ce cas, cette mauvaise décision de game design entraîne donc une cascade de conséquences déplorables.

Randomia

Au rayon des ratés de cette nouvelle mouture, citons également le nouvel arbre de compétence des personnages. Pourtant, on pourrait se dire que créer un arbre de compétence n'a rien de sorcier. Prenons celui de Mato Anomalies, dont je vous parlais hier, pour exemple : à chaque niveau, les personnages gagnent un point chacun, qu'ils peuvent investir dans différentes compétences permettant de débloquer les paliers suivants. Simple, efficace. Dans Sparks of Hope, en revanche, pratiquement toutes les compétences sont accessibles directement, mais plusieurs d'entre elles coûtent 2, 3 voire 4 points pour être débloquées. À nouveau, le terme "fouillis" est celui qui décrit le mieux la situation : alors qu'habituellement le gain d'un niveau est un moment agréable, Sparks of Hope parvient à la fois à offrir énormément de choix et très peu, en raison du coût de chaque amélioration. Ces deux éléments font qu'en début de partie, le joueur est surtout inciter à ne pas dépenser ses points afin de les économiser. Une première expérience assez singulière.

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Autre changement important, finie la linéarité et place à des mondes ouverts. Dans Kingdom Battle, chaque niveau était composé de combats et de séquences d'exploration, très balisées. Dans Sparks of Hope, chaque planète constitue une petite zone ouverte, parcourue d'ennemis réapparaissant régulièrement. Ces derniers offrent des combats sans intérêt (il m'est arrivé d'en finir avec un seul tour d'un seul personnage) qui ont juste pour effet de rallonger la partie et de diluer la qualité de l'expérience. De même, en parallèle de la quête principale, chaque planète propose des dizaines de quêtes annexes.

Si certaines sont intéressantes, d'autres sont très basiques. Surtout, cette structure rappelle beaucoup le passage de Watch Dogs à Watch Dogs 2 : le premier proposait une histoire principale forte guidant le joueur tandis que le second était une collection d'expériences très courtes. J'ai fini le premier, jamais le deuxième. Je suis généralement un grand amateur des mondes ouvertes, mais dans ce jeu, ce changement dégrade clairement l'expérience. Il reste quelques moments mémorables, notamment quelques combats vraiment intéressants, mais ils sont désormais dilués.

Enfin, signalons que les réels problèmes du premier opus sont toujours présents, bien que certains aient été atténués. En effet, il existe trois situations : il est possible d'être à découvert, complètement à couvert ou derrière un abri partiel. Les deux premiers cas sont assez simples, bien que les lignes de vue soient parfois très étranges. En revanche, l'abri partiel se traduit par 50% de chance de toucher l'ennemi, ce qui laisse une place trop importante à l'aléatoire. Dans le premier opus, en fin de partie, le sort des affrontements se limitait à des lancers de dés. Dans Sparks of Hope, le problème est toujours présent, mais deux éléments l'atténuent. Premièrement, si les dégâts et les coups critiques sont toujours aléatoires, les effets élémentaires - particulièrement puissants - ne le sont plus. Ils dépendent en effet des Sparks et sont ensuite automatiques. Deuxièmement, les armes de certains personnages ignorent complètement les abris partiels. La situation n'est donc pas encore idéale - on aurait préféré une suppression totale de l'aléatoire -, mais ce point est en progrès. Ce n'est en revanche pas le cas des sauvegardes : il n'est toujours pas possible de sauvegarder pendant les combats, ce qui est assez frustrant quand une longue partie est perdue à cause d'une erreur d'inattention ou d'un manque de chance.

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Zelda 2

Si je pouvais en apprendre plus sur les conditions de développement d'un jeu vidéo, Sparks of Hope serait probablement un de mes premiers choix. En effet, je peine vraiment à comprendre pourquoi Ubisoft a mis cinq ans à produire un tel jeu, ni surtout pourquoi un certain nombre de décisions dégradant l'expérience (le nouveau système de déplacement, les petits mondes ouverts) ont été prises. Il y a bien quelques améliorations - principalement les Sparks et une légère diminution de l'aléatoire -, mais Sparks of Hope est nettement inférieur à Kingdom Battle. L'expérience demeure intéressante, mais pour le coup, il y a probablement de meilleurs jeux de stratégie vers lesquels vous tourner.

Test réalisé par Alandring sur Nintendo Switch grâce à une version fournie par l'éditeur.

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