Test de Baldur’s Gate 3 – La nouvelle référence du RPG ?

Baldur's Gate. Deux mots qui évoquent tant de souvenirs chez tous les trentenaires qui ont découvert la saga entre 1999 et 2001. Alors que l'idée d'un troisième épisode ressortait périodiquement, il a fallu attendre 2019 et Larian Studio pour voir le rêve devenir réalité. Entre craintes et espoirs, il est enfin temps de retourner à la Porte de Baldur.

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J’ai la larve à l’œil

Si vous avez vécu dans une grotte ces dernières années, laissez-moi vous présenter le point de départ de Baldur’s Gate 3. Lorsque le jeu débute, le héros de notre aventure est prisonnier d’un vaisseau illithid, des monstres ayant la désagréable habitude de se reproduire en introduisant une larve dans un hôte qui se transformera quelques jours plus tard en Flagelleur Mental. Nous parvenons toutefois à nous échapper et à faire cause commune avec d’autres anciens prisonniers qui, comme nous, cherchent désespérément un moyen de se débarrasser de l’hôte indésirable qui squatte notre cerveau. Une quête qui nous conduit à croiser la route d’un mystérieux culte de l’Absolue qui semble avoir un rapport très étroit avec ce qui nous arrive. On n’en dira pas plus, le scénario de ce Baldur’s Gate 3 est quelque chose qui vaut la peine d’être découvert.

Le chemin va être long avant de rejoindre Baldur's Gate
Le chemin va être long avant de rejoindre Baldur's Gate

Faire revivre une légende

Se lancer dans le développement d’une suite d’un jeu qui figure au panthéon vidéoludique d’une grande partie des fans de CRPG était une entreprise pour le moins casse-gueule. Que fallait-il absolument conserver et que pouvait-on moderniser ? Une question qui est d’autant plus délicate que le genre a évolué et que CRPG veut aujourd’hui dire bien autre chose qu’il y a 20 ans. Larian a donc dû faire des choix, fort du succès d’Original Sin 2, et le résultat est assez grandiose. Commençons par la base. Baldur’s Gate 3 abandonne les règles de AD&D 2.5 des précédents volets pour passer à D&D 5. Exit également le (pseudo) temps réel et la pause active pour du tour par tour traditionnel. Enfin, le jeu laisse de côté les jolis pixels de la 3D isométrique pour une véritable 3D.

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Dit comme ça, ces quelques points ont fait naitre la crainte de voir en Baldur’s Gate 3 un clone d’Original Sin. Soyez rassuré, ce nouveau Baldur’s est bien plus que ça. Ainsi, le monde qui nous est proposé échappe au découpage strict des précédents jeux Larian. Baldur’s Gate 3 n’est pas totalement un monde ouvert, mais sa construction y ressemble assez pour que l’illusion prenne. Dès notre libération actée, nous débutons le jeu sur une plage (une habitude du studio) et nous nous retrouvons face à un monde qui n’attend que d’être découvert. Les zones que nous pouvons explorer sont riches, tant le contenu proposé est hallucinant. Le joueur qui souhaite tracer sa route en a déjà pour son argent, mais Larian n’a pas oublié de récompenser ceux qui aiment explorer les moindres recoins (ou sous-sols) de la carte. Le jeu regorge ainsi de petits secrets cachés, de zones accessibles par des moyens détournés. Une richesse qui s’intègre de plus parfaitement au gameplay, puisque le jeu met un accent particulier sur la verticalité lors des combats qui ne manquent pas de croiser notre route.

Un D20 dans ta face !

Le choix du tour par tour était l’un des autres points qui a beaucoup été critiqué à l’annonce du jeu. J’ai pourtant tendance à le trouver justifié tant les combats de Baldur’s Gate 3 peuvent rapidement prendre de l’ampleur. Oh, nous commençons bien sûr par de simples petites escarmouches, mais les choses changent très vite. Le jeu nous place ainsi régulièrement devant un grand nombre d’ennemis face auxquels une mauvaise décision ou un mauvais positionnement peut rapidement conduire à une mort imprévue. Les premiers niveaux peuvent d’ailleurs se montrer assez délicats, même dans le niveau de difficulté les plus faibles, et il faudra quelques gains de niveau pour vraiment commencer à prendre du plaisir dans l’art subtil du massacre des ennemis. Ceux-ci sont loin d’être idiots et utilisent les possibilités qui leur sont offertes. Ils utilisent par exemple souvent intelligemment les hauteurs pour prendre l’avantage. Comptez également sur eux pour vous balancer dans le vide si votre placement le permet.

Qu'est ce qui pourrait mal se passer ?
Qu'est ce qui pourrait mal se passer ?
Bonus de +14, ça va passer non ? (spoiler : non)
Bonus de +14, ça va passer non ? (spoiler : non)

Pourtant, notre plus grand défi dans le jeu, ce sont les jets de dés. Il y en partout, tout le temps. Des jets de dés passifs lorsque vous explorez et des jets de dés actifs lorsque vous tentez certaines actions, comme désamorcer un piège ou crocheter une serrure. Mais c'est surtout dans les discussions qu'ils apparaissent à tout bout de champ. Alors oui, c'est parfois très drôle de tenter un jet de tromperie ou de persuasion pour convaincre un adversaire bien trop balèze qu'en fait, il serait préférable pour lui qu'il s'empale sur sa propre épée. Mais ça peut également être nettement plus frustrant de s'apercevoir que le jet que l'on tente est totalement hors de notre portée. Le jeu propose également, avec l'inspiration, un moyen de lutter contre le fumble. Il s'agit d'une possibilité de relancer les dés après un échec. Chaque personnage gagne de l'inspiration en effectuant des actions spéciales et chacun peut en stocker 4 au maximum.

Party Time !

Que serait enfin un Baldur’s Gate sans compagnons à recruter tellement succulents qu’on s’en souvient encore avec nostalgie 20 ans plus tard ? De ce côté, Larian a tenté d’en proposer un peu pour tous les goûts. Vous pouvez bien sûr créer votre propre personnage à l’aide d’un éditeur ultra-complet. Vous avez alors le choix entre une dizaine de races et plus d’une trentaine de sous-races. Du côté des classes, c’est une douzaine de possibilités qui vous attendent, avec la possibilité de multiclasser (sauf dans le niveau de difficulté le plus simple, étrangement). Fidèle à ses habitudes, Larian vous propose également des personnages « Origines ». Il s’agit là de personnages prédéterminés et qui possèdent une histoire propre. Vous avez la possibilité d’incarner l’un de ses personnages ou de les recruter comme compagnons durant vos aventures. Enfin et pour être complet, vous croisez également la route de PNJ plus classiques qui peuvent rejoindre votre équipe (dont l’un ou l’autre visage connus de la saga) tandis qu’un PNJ présent dans votre camp vous permet de recruter des mercenaires, sans histoires ni personnalités particulières, contre une petite somme d’argent. Toutefois, il vous faut faire des choix, car votre équipe est limitée à 4 personnages. Signalons également que comme d’habitude avec Larian, le jeu est entièrement jouable en coop, jusqu’à 4 joueurs là aussi.

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Le camp change selon notre progression dans le jeu

Si les compagnons sont globalement réussis (désolé Astarion, mais ça ne va pas être possible), l’importance de leurs histoires varie énormément selon les personnages. Ainsi, pour une Ombrecœur à l’histoire certes classique, mais qui nous occupe tout le long du jeu, on a droit à des personnages dont la quête personnelle ne décolle vraiment que dans l’ultime acte du jeu. Un peu dommage pour le coup, car certains ne nous accompagnent dès lors que ponctuellement…avant qu’on regrette de ne pas pouvoir tous les prendre en arrivant à Baldur’s Gate. Le cas de Sombre Pulsion est un peu particulier. Bien qu’il s’agisse d’un personnage Origine, celui-ci n’est pas recrutable durant le jeu. Il est clairement pensé pour être incarné par le joueur, bénéficie donc d’une histoire intimement liée à la trame générale du jeu et justifie à lui seul une seconde exploration du jeu. Quoi qu’il en soit, Larian a intégré les petites et grandes histoires de nos personnages au camp que l’on rejoint après une longue journée. L’occasion de faire le tour de nos alliés (et ce fichu camp peut devenir bien rempli, avec le temps) pour avoir leurs avis sur l’avancée de notre quête ou changer d’équipe avant de repartir. Un principe qui, s’il n’est pas inédit pour le genre, se révèle quand même bien plus pratique que d’envoyer tout le monde à l’auberge de Brasamical. Mais un principe qui peut également s’avérer contraignant, puisqu’il faut parfois se forcer à rentrer au camp pour ne pas manquer l’une de ses scénettes.

Une écriture qu’on n’attendait pas

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Là où Baldur’s Gate 3 m’a par contre vraiment pris par surprise, c’est sur son écriture. J’avais jusqu’ici toujours eu une relation compliquée avec les jeux Larian qui, malgré leurs qualités, m’étaient toujours tombés des mains à un moment ou l’autre de mes parties. Un moment où le scénario ne parvenait plus à me garder captif du jeu. Ce n’est pas arrivé avec Baldur’s Gate 3. C’est même un peu le contraire : il y a des années que je ne m’étais plus à ce point plongé dans un jeu vidéo au point de perdre toute notion du temps. Rarement aussi ai-je eu une telle envie de reprendre régulièrement une sauvegarde pour découvrir où menaient les options que j’avais laissées de côté. Baldur’s Gate 3 assume notamment totalement son PEGI 18 avec des scènes parfois surprenantes et parfois choquantes. Le jeu ne se contente pas de suggérer, il montre lorsqu’il le doit, ce qui lui donne un ton sérieux qu’on n’avait peut-être pas l’habitude de voir chez Larian.

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Le studio a également fait un travail phénoménal sur l’écriture des quêtes pour donner de multiples façons de progresser dans l’aventure. Là où beaucoup de jeux se contentent d’en offrir deux chemins, souvent en suivant la dichotomie voie du gentil vs voie du méchant, Larian a laissé des possibilités parfois bien cachées d’arriver à ses fins, que ce soit par la discussion ou autre. Monter un paladin devient parfois un sport olympique, tant la glissade qui nous conduit à rompre notre serment est vite arrivée. Il est également bon de noter que l’échec fait partie du voyage. Certaines quêtes importantes échoueront ou ne se termineront pas comme l’aviez prévu, ce qui peut drastiquement changer la physionomie de l’acte dans lequel vous êtes. D’autres choix vous conduiront également à une fin prématurée de l’aventure. Tout cela met en évidence le souci du détail qui a animé Larian tout le long du jeu. Il suffit de voir la manière dont les dialogues s’adaptent à la race ou à la classe du personnage qui mène la conversation. J’ai également été régulièrement impressionné par les animations et les expressions faciales des personnages. Larian a vraiment soigné son travail dans les moindres détails.

Des voix dans la tête

Certains regretteront sans doute l'absence d'un doublage français, mais il est difficile d'en tenir rigueur très longtemps à Larian tant le travail de doublage est titanesque dans le jeu. Une majorité des PNJ possèdent ainsi au moins un petit dialogue, il est rare d’entendre deux fois la même réponse durant plus de 80 heures. Il faut également ajouter la possibilité de parler avec les morts ou les animaux avec le sort idoine. Ironiquement, le plus grand muet du jeu n’est autre que le personnage principal, surtout si l’on n’utilise pas l’un des personnages prétirés. On échange donc la voix de notre personnage contre celle d'une narratrice, doublée par la voix si reconnaissable d’Amelia Tyler. Une habituée à la fois de Larian et de D&D puisqu’elle a doublé Malady dans Original Sin 2 et Nyrissa dans Pathfinder : Kingsmaker. Du côté des antagonistes, on reconnait également quelques voix connues, plus ou moins inspirées.

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Troubles sur Baldur’s Gate

Bien que Baldurs Gate 3 est probablement le meilleur jeu auquel j'ai touché depuis longtemps, et sûrement la production de Larian qui m'a laissée la meilleure impression, tout n'est pas parfait sur la Côte des Épées. Ainsi, mes principaux reproches se résument en deux mots : "caméra" et "interface". L'interface d'abord a beau avoir été retravaillée depuis le lancement de l'accès anticipé, on reste toujours très loin d'une solution alliant ergonomie et efficacité. La gestion de l'inventaire est par exemple un énorme point noir, surtout pour le personnage qui a l'habitude de tout ramasser. J’ai également un peu de mal avec certaines différences constatées entre les interfaces clavier/souris et l’interface manette, que je trouve presque plus pratique. Heureusement, l’interface de base reste lisible en combat, nous indiquant d’un simple coup d’œil les actions toujours disponibles durant notre tour ou le nombre de sorts encore à notre disposition pour chaque niveau. Un dernier petit bémol purement personnel concernant l’interface de création de personnage : j’aurais aimé une meilleure vue à long terme des capacités d’une classe. Ce qu’un jeu comme Solasta par exemple faisait très bien. Ici, seuls les apports du niveau en cours sont indiqués. Impossible donc de voir ce que l'on perd en multiclassant un personnage.

Le pathfinding va passer un très mauvais moment
Le pathfinding va passer un très mauvais moment

La caméra, et le système de déplacement avec elle, est l’autre point noir du titre. Elle est régulièrement prise en défaut dans les lieux exigus et a de gros problèmes avec la verticalité. C’est le cas des intérieurs, mais aussi des extérieurs dans lesquels vous pouvez accéder à des lieux surélevés. De nouveau, on se prend à regretter de ne pas avoir la possibilité de déplacer directement les personnages au clavier. Une possibilité qui existe pourtant à la manette et qui aurait rendu certaines actions aussi basiques que « franchir une porte » ou « monter un escalier » un peu moins casse-tête. Évidemment, sur plus de 80 heures d’un jeu avec autant de dialogues, difficile d’éviter quelques placements de caméra hasardeux durant les conversations. On imagine que ce sera corrigé avec le temps.

Le (petit) point technique

J’avais, au début de l’accès anticipé, manifesté quelques craintes sur la gourmandise technique du jeu. De l’eau a coulé sous les ponts et les choses se sont grandement améliorées sur ce point et le jeu semble bien plus optimisé aujourd’hui. J’ai ainsi testé le jeu sur deux machines, l’une à base de R5 3600 & GTX 1060, l’autre à base de R5 5600 & RTX 3060. Pas de problèmes, le jeu tournait sur les deux machines et la deuxième permettait de profiter pleinement des graphismes du jeu. Le DLSS a également été implémenté, ce qui devrait soulager certaines configurations. Attention toutefois, l'acte 3 dans la ville de Baldur's Gate se montre plus gourmand, la faute aux nombreux PNJ de la ville je suppose. Prévoyez également un SSD rapide, car même si une option existe pour soulager un disque un peu lent lors des chargements de textures, les chargements de sauvegarde peuvent se montrer un peu longuets.

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Pour conclure

Entre Solasta, les Pathfinder et maintenant ce Baldur’s Gate 3, les fans de D&D vivent une période faste. Des jeux aux moyens et aux ambitions bien différentes dont Baldur’s Gate 3 incarne la nouvelle tête de pont. À la fois vaste et rejouable, exigeant mais accessible, Baldur’s Gate 3 est sans conteste l’un des meilleurs RPG de ces dernières années et une bonne porte d’entrée au genre pour les novices. Beaucoup de développeurs craignaient la sortie du jeu et on les comprend : Larian a mis la barre très haut pour faire du jeu une nouvelle référence, et sans s’encombrer de Season Pass ou de microtransactions. Juste un excellent jeu, ultra complet et qui se suffit à lui-même. Un jeu digne de la saga dont il porte fièrement le nom.

Test réalisé par Grim sur PC à partir d'une version fournie par le développeur

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