Test de Tacoma
Créé par Fullbright, les développeurs de Gone Home, Tacoma reprend les éléments de son aîné en proposant d’arpenter un bâtiment à la découverte de la destinée de ses habitants. Exit l’immense maison familiale du premier pour laisser place cette fois-ci à une station spatiale dont les occupants ont mystérieusement disparu.
On incarne une jeune femme nommée Amy Ferrier, venue enquêter sur les lieux à la suite d’un contrat passé avec une société qui souhaite savoir ce qu’il est advenu de l’équipage. Dans un monde futuriste où les intelligences artificielles ont été développées à tel point qu’elles deviennent de véritables coéquipières, c’est une IA qui apporte son aide à l’héroïne pour lui faire découvrir ce qu’il s’est passé. Le joueur est lâché là, seul, et doit explorer la station spatiale afin de découvrir ses secrets.
À la manière de Gone Home, Tacoma vise à proposer une expérience narrative particulière où l’échec n’existe pas : impossible de subir des dégâts et de mourir. Ceci étant clair, le joueur devra tout de même veiller à explorer chaque recoin du vaisseau et à tout observer s’il souhaite terminer le puzzle et ne laisser aucune ombre. En effet, la narration passe par les éléments trouvables dans le décor et les dialogues reconstitués au moyen d’hologrammes. Ces hologrammes sont déterminants pour comprendre l’histoire en apparence obscure de Tacoma, puisqu’ils reconstituent diverses scènes du quotidien des six membres de l’équipage jusqu’à l’événement qui a provoqué leur disparition. La subtilité ici est qu’il sera possible de rembobiner les hologrammes, pour réécouter, mais également pour suivre les différents personnages à divers endroits. Pour écouter des scènes de vie quotidienne, mais aussi pour apprendre à connaître la situation du vaisseau et de l’équipage au travers de discussions en apparence anodines.
Mais Tacoma peine à exister là où il était attendu. En invitant le joueur à découvrir l’histoire et la destinée de l’équipage, il l’emmène dans une multitude d’anecdotes et de bouts de conversations qui n’ont pas un grand rapport avec l’événement qui a provoqué leur disparition, mais dont l’objectif est de rapprocher le joueur de ces personnages. Et le résultat est plutôt périlleux, puisque si certains personnages bénéficient d’un traitement de faveur avec des éléments et une histoire qui provoquent l’empathie, d’autres sont presque invisibles et ne parviennent pas à susciter la moindre émotion. Finalement, c’est la quête de l’IA qui prend toute la place, les développeurs mettant de côté ce qui avait fait la force de leur précédent jeu : la relation et l’empathie qui s’installe entre le joueur et des personnages qui ne sont là qu’au travers de souvenirs et photos.
Pourtant, le jeu de Fullbright n’en reste pas moins une expérience intéressante : pendant les trois heures nécessaires pour en voir le bout, on découvre lentement le contexte dans lequel les personnages ont évolué et de quelle manière ils ont influé sur leur disparition. L’équipage qui semble au premier abord paisible est en prise à plusieurs problèmes, qu’ils soient humains, existentiels ou propres à la société qui les embauche et à leur mission. Ils traversent plusieurs crises jusqu’à une dernière qui s’installe en pointe d’orgue d’une mission où rien n’a fonctionné comme prévu. Les tranches de vie qu’on voit dans les hologrammes donnent une dimension plus humaine à des personnages que l’on ne voit jamais vraiment et c’est ce quotidien presque banal qui tranche avec le caractère exceptionnel de leur objectif. D’autant plus que le joueur s’implique toujours : bien qu’il soit spectateur de ces scènes, il doit poursuivre et chercher les hologrammes, s’en servir pour découvrir des lieux cachés et comprendre tous les tenants et aboutissants.
Toutefois, le jeu est décevant sur la partie technique. Malgré un visuel assez pauvre, les chutes de framerate sont bien trop fréquentes sur la version testée (Xbox One) et les sous-titres français s'affichent de manière très aléatoire. Ces problèmes liés aux sous-titres peuvent poser un réel problème puisque l'audio est exclusivement en anglais. Si vous ne maîtrisez pas cette langue, attendez de voir s'il y aura une correction, car en l'état des choses il n'est pas sage de compter sur des sous-titres qui s'affichent quand ils le veulent bien.
Au-delà de ces soucis, le jeu se révèle assez agréable à l’œil. Si ses qualités graphiques ne sautent pas tout de suite aux yeux, sa direction artistique et la mise en scène des différentes scènes donnent un ensemble séduisant. Sans chercher à singer le cinéma, il parvient à donner vie à une histoire en s’appuyant sur des techniques de narration propres au jeu vidéo : la découverte de fichiers dans l’environnement, des détails inscrits ici et là, la gestion par le joueur d’une bande audio/hologramme qu’il peut rembobiner pour en découvrir tous les éléments. Malgré son statut de récit interactif, Tacoma offre suffisamment de liberté au joueur pour qu’il puisse pousser au maximum l’obtention d’informations, comme il peut également partir en ligne droite et manquer un grand nombre d’éléments importants pour la pleine compréhension de l’histoire.
Le sentiment général qui se dégage de Tacoma une fois terminé est un peu mitigé : si son contexte et l’aventure proposée par les développeurs de Fullbright sont plutôt agréables et constituent une bonne expérience, le jeu peine à impliquer émotionnellement le joueur avec des personnages souvent survolés et qui n’ont pas le temps d’exister. L’empathie est mise de côté pour laisser place à une histoire de science-fiction plutôt classique dont le dénouement n’étonne pas énormément et on a finalement l’impression que les développeurs ont manqué quelque chose. En décidant de se concentrer sur le mystère qui entoure la disparition de l’équipage, ils ont oublié que ce qui a fait la force et le succès de Gone Home, leur précédent jeu, c’est le sentiment de proximité qui s’installait entre le joueur et les protagonistes.
Test réalisé par Hachim0n à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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