Test de La Planète des Singes - La dernière frontière : un jeu sacrifié par manque de budget ?

Brillamment initiée par Qui es-tu, la gamme PlayLink de la PlayStation 4 a reçu trois nouveaux jeux fin novembre : Hidden Agenda, Knwoledge is Power et le jeu qui nous intéressera aujourd'hui, La Planète des Singes - La dernière frontière. Ce dernier surfe sur la mode actuelle des jeux narratifs et tente d'y ajouter une licence célèbre ainsi que du multi-joueurs. Avec succès ?

Opportunisme

Le premier contact avec le jeu est étrange. En effet, il se distingue de tout ce à quoi le programme PlayLink nous avait habitué. Premièrement, alors que les jeux PlayLink peuvent généralement accueillir jusqu'à six joueurs, La dernière frontière (nous utiliserons ce titre raccourci par la suite) n'en supporte que quatre. Ce n'est pas si grave en soi, mais cela peut surprendre de prime abord et cela prive le jeu d'une des particularités appréciables du programme PlayLink : permettre de jouer à plus de quatre.

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Deuxième bizarrerie, le jeu donne le choix entre utiliser une manette et un téléphone pour jouer. Cette initiative est appréciable puisqu'elle permet à chacun de choisir ce qu'il préfère, mais cette sensation disparaît après avoir lancé l'application sur téléphone : elle ne contient que quatre directions et quatre boutons, en faisant une manette du pauvre. Les autres jeux PlayLink exploitaient les particularités des smartphones, en mettant à contribution les écrans tactiles et les appareils photos. Rien de tout cela ici.

Ces premiers éléments donnent l'impression que le jeu n'a pas été développé avec pour objectif d'intégrer le programme PlayLink, mais que le wagon a été accroché bien après. C'est d'autant plus frappant que, contrairement à Hidden Agenda, le multi-joueurs est assez peu pris en compte : les joueurs n'ont pas d'objectifs secrets, mais doivent se mettre d'accords pour avancer. Ce n'est pas nécessairement un défaut : appartenir ou non à un programme ne garantit aucunement la qualité d'un jeu. Cependant, cela peut induire en erreur le consommateur, ce qui est regrettable.

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Au paradis des choix Telltale

Laissons cela de côté et attaquons l'histoire principale. Celle-ci met en scène deux groupes, confrontés à une même problématique : avoir suffisamment de nourriture pour l'hiver. Les joueurs incarnent tour à tour les singes ainsi que les humains et doivent faire des choix afin d'assurer leur progression. Enfin, ils doivent régulièrement sélectionner une option parmi deux, mais cela ne s'appelle pas réellement un choix.

Commençons par la toute première situation : les singes hésitent entre chasser dans leur montagne, dans laquelle la nourriture commence à manquer, ou aller dans les plaines, dans lesquelles risquent de se trouver des humains. L'alternative est intéressante et offre deux façons de jouer très différentes. C'est du moins ce que se disent les joueurs au premier abord, mais il n'en est rien : même en répétant à de nombreuses reprises que l'on ne désire pas aller vers les plaines, c'est quand même cette destination qui sera choisie.

Durant toute la première partie du jeu, les choix n'ont aucune importance. Pour ce faire, trois procédés sont utilisés. Premièrement, comme pour le choix précédent : ignorer totalement ce que décide le joueur en lui forçant la main. Deuxièmement, lui laisser faire des choix, mais ne donner aucun impact à ces choix. Enfin, la troisième méthode est encore pire : quelques fois, la différence entre les deux propositions est presque imperceptible, tant toutes deux vont dans le même sens.

Tout jeu a un budget limité. Permettre au joueur de passer certaines séquences, c'est consacrer du budget à des parties du jeu qu'une partie des utilisateurs ne verra pas. La problématique est compréhensible, mais ne légitime pas le résultat. Les productions Telltale reçoivent souvent le même reproche, mais au moins les développeurs de ces jeux réussissent à donner une illusion de choix. Ici, ce n'est même pas fait : les joueurs ont l'impression qu'on se moque d'eux pendant une bonne partie de l'aventure.

La fin du jeu propose plusieurs alternatives, donnant des fins différentes. Cependant, c'est ici qu'intervient l'écriture : à de rares exceptions, les personnages sont extrêmement mal écrits. Certains sont gentils et veulent sauver le monde tandis que les autres tuent sans ménagement ni scrupules. Résultat, les choix finaux sont ceux qui laissent le moins place au doute. De plus, refaire l'intégralité du jeu pour seulement pouvoir effectuer quelques choix n'est guère tentant.

Pourtant, la durée de vie totale n'est pas trop courte, tout au contraire. Comptez deux à trois heures pour arriver une première fois au terme du jeu. La durée peut sembler courte, mais dans le cas d'une soirée entre amis, c'est au contraire un peu long. Il aurait été préférable que le jeu ne dure qu'une heure, mais propose plein de chemins différents afin d'augmenter la rejouabilité. La version actuelle se justifie pour un jeu solo... incitant d'autant plus à penser que le jeu a rejoint le PlayLink tardivement.

Translation

Il reste à évoquer la technique, qui est au niveau du reste du jeu. Les graphismes et la bande son sont corrects, sans plus. Cependant, les voix sont exclusivement en anglais - à nouveau une étrangeté pour le programme. Des sous-titres français sont heureusement proposés, mais le niveau de la traduction est exécrable. Des accords sont souvent oubliés, les phrases ont parfois peu de sens et les traducteurs ont même oublié une phrase. C'est de l'ordre du détail, mais cet oubli représente bien le soin dont a bénéficié le titre.

Enfin... pour la première fois depuis que je joue sur cette console (novembre 2013), celle-ci a subi un crash en raison d'un jeu. En effet, vers la fin du titre, juste après un choix semblant réellement important (enfin !), la console a cessé de fonctionner, comme si le jeu tenait jusqu'au bout à montrer que les choix n'avaient aucun impact, provoquant un grand rire pour les joueurs. Heureusement, une fois la console redémarrée, il a été possible de reprendre la progression en ne perdant que quelques secondes et cette fois cela a fonctionné normalement.

Toutefois, ce n'est pas le seul problème technique à signaler. Le jeu souffre de quelques ralentissements tandis que les textures mettent parfois un temps très long à s'afficher, quand ce ne sont pas des personnages entiers qui apparaissent soudain, comme par magie. Le code du jeu semble donc souffrir d'importants problèmes, ajoutant un défaut de plus au titre.

En fait, c'était cool

Résumons : une écriture déplorable, des choix inexistants, une traduction aux fraises et une technique déficiente. La Planète des Singes : la dernière frontière a tout du titre exécrable, que l'on déteste et qu'on ressort des années plus tard dans la liste des pires jeux auxquels on a joué. Pourtant, en dépit de tous ces défauts objectifs, j'ai subjectivement passé une bonne soirée devant le jeu. Le cadre est assez sympathique et les jeux narratifs se prêtent parfaitement à une session de jeu entre amis. Le fait de vivre cela à plusieurs renforce aussi l'expérience, même dans ces mauvais côtés : lorsque la console a planté, cela a provoqué de l'hilarité, alors que la réaction aurait été différente en jouant seul.

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La qualité du jeu est en tous points inférieure à celle d'Hidden Agenda, mais l'expérience demeure appréciable. Il est difficile de recommander chaudement le jeu en raison de ses si multiples défauts, mais si vous avez des amis joueurs et que le principe du film narratif vous motive, l'expérience peut valoir le coût, à condition d'être conscients de ces défauts et d'en faire abstraction. À dire vrai, il est surtout regrettable que le jeu n'ait pas eu davantage de budget, car avec davantage de scènes, un soin apporté à la technique et une traduction de qualité (avec un doublage, soyons fou), le titre aurait pu se révéler vraiment intéressant.

Test réalisé par Alandring à partir d'une version commerciale.

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