Test de The Red Strings Club, de la manipulation des sentiments - MÀJ du 26.03 : version Switch
Un futur imparfait et un conglomérat qui veut manipuler la masse, voilà ce que nous propose The Red Strings Club. À mi-chemin entre le jeu narratif et le point'n'click, il nous embarque dans une aventure improbable dont le héros est un barman aux cocktails très spéciaux.
Porte étendard inattendu de la scène indépendante, la Switch accueille cette fois-ci The Red Strings Club. L'aventure en pixel art est retranscrite sans accroc sur la console de Nintendo, qu'elle soit dockée ou en nomade.
En ce qui concerne la maniabilité, le curseur se dirige au stick, moyen imprécis et peu réactif quand on est coutumier de la souris. Les quatre boutons de gauche permettent toutefois de le déplacer plus lentement et ainsi de gagner en précision dans les phases plus délicates. Les actions sont validées avec le bouton A et le bouton "+" permet d'accéder au menu.
C'est avec le tactile que le jeu gagne énormément en ergonomie : tout y est accessible du bout du doigt. On y perd la surbrillance des éléments notables pour les phases point'n clic, mais c'est peu handicapant. Si les actions sont intuitives sur les phases classiques du jeu, il faut cependant un petit temps d'adaptation avec les mini-jeux. Sur le tour de potier, c'est toujours la main de l’androïde que nous déplaçons et il faut donc toujours passer par elle pour activer les boutons. Pour la confection des cocktails, c'est la pression d'un second doigt sur l'écran qui déclenche le basculement de la bouteille.
Le seul regret serait finalement que le jeu ne permette pas de déplacer le curseur en se servant du Joy-con droit comme d'un pointeur, possibilité de motion-gaming exploitée par exemple par Nairi - Tower of Shirin.
Donovan tient un bar à la renommée flamboyante, sa promesse : être capable de déceler les émotions de ses clients et leur proposer des cocktails parfaits pour leur humeur. C'est aussi un bon moyen pour lui de soutirer des informations afin de les revendre, de quoi sortir du train-train quotidien dans une société très formatée et dirigée par de grandes entreprises. Néanmoins, un jour un androïde arrive dans son bar ; il découvre alors quelque chose d'énorme : un conglomérat cherche à mettre en place un dispositif qui lui permettrait de contrôler les émotions de la population.
Who Makes the Rules
Cette dystopie telle qu'elle est racontée rappelle de nombreuses oeuvres, notamment du côté des jeux vidéo avec Deus Ex. Difficile de ne pas faire le lien entre les deux tant les similarités sont nombreuses. Cependant, The Red Strings Club propose finalement une aventure presque intimiste : si les enjeux sont colossaux, ils ne tiennent qu'à une poignée de personnes. On entre dans l'intimité de chacun, les interroge au travers de discussions de comptoir afin d'en apprendre plus sur les plans du conglomérat. L'occasion pour le joueur de s'adonner à un des principaux "mini-jeux" de The Red Strings Club : la création de cocktail. Chaque mélange permettra d'accéder à un type de sentiment, modifiant l'état émotionnel de ses clients et permettant ainsi d'accéder à de nouvelles informations. Selon qu'ils soient dans un état d'angoisse ou de joie, ils ne répondront en effet pas au même type de question. Il faudra alors choisir astucieusement chaque boisson afin d'obtenir le maximum d'informations sur un projet qui semble destructeur.Une fois les discussions terminées, l'androïde que l'on recueille en début de partie nous proposera un petit jeu, une discussion d'homme à robot qui permettra tant de gagner un objet plutôt utile que d'offrir à cet androïde notre propre vision du monde. En effet, les androïdes créés par le conglomérat disposent eux-mêmes d'émotions et ce modèle arrivé au Red Strings Club est avide de savoir dans ce domaine. C'est un thème central du jeu, qui au-delà de son histoire de dystopie assez classique autour d'un conglomérat malveillant, s'intéresse de près à l'Humain. Ses choix, ses doutes et ses regrets. Le joueur devra donc faire des choix moraux, à l'influence plus ou moins large, afin d'aller au bout de l'enquête.
The Red Strings Club s'illustre tout particulièrement grâce à ses dialogues. Souvent savoureux et toujours à double sens, ils mettent le joueur face à ses contradictions et l'emmènent face à des interrogations inattendues. Bien sûr, cela est aussi le fruit d'une galerie de personnages de grande qualité, les développeurs ayant apporté un soin très particulier aux nombreux personnages qui passent la porte du bar. De l'avocate rigide et autoritaire au hacker en plein complexe héroïque, les personnages sont nombreux et apportent tous des éléments qui permettent d'imaginer le monde dans lequel ils évoluent. Un monde que l'on ne touche qu'en surface, le jeu se déroulant dans une poignée d'espaces clos.
In Love with Human Beings
Grâce à ces personnages, tout un imaginaire se met en place dans la tête du joueur. Confronté à une société profondément injuste et aux plans quasi-machiavéliques d'un conglomérat, il se met dans la peau de ces rêveurs d'un coin du bar, refaisant le monde entre deux verres. The Red Strings Club étonne par sa capacité à mettre en place cet univers sans trop en montrer : c'est pratiquement seulement avec ses dialogues et son excellente bande-son que le jeu nous fait imaginer une multitude de scènes, parfois violentes ou mélancoliques, qu'ont traversé ses protagonistes. Bien sûr, on cherchera à comprendre les plans du conglomérat et éventuellement y mettre un terme, mais là n'est pas l'essentiel du jeu.
Enfin, on peut saluer l'effort fait par les développeurs sur l'image. Le pixel art est un exercice périlleux duquel ils se sortent à merveilles. La mise en scène du bar est un exemple, une véritable invitation à s'immerger dans un monde méprisant où il faudra choisir entre soumission et révolution. Chaque lumière ou objet installé en fond de salle a du sens, prouvant tout le soin apporté par le studio sur les détails.
Toutefois, le jeu souffre de sa très courte durée de vie (environ trois heures). S'il ne s'agit pas d'un problème en soi, il traduit surtout quelques facilités dans la résolution des énigmes et le sentiment de voir un final bâclé. Bien que toutes les pièces du puzzle finissent par se réunir, la scène finale se termine de manière abrupte et laisse assez peu de place à la réflexion malgré toutes les pistes explorées au cours du jeu.
Conclusion
Chaque minute passée en la compagnie des protagonistes est une nouvelle excuse pour un peu plus de plaisir au travers de tous ces dialogues fort bien écrits. Alors certes, le jeu est extrêmement court malgré son potentiel de rejouabilité et on aurait certainement aimé un dénouement moins facile, mais on peut aisément lui pardonner ces errements tant le jeu séduit par son ambiance et ses thèmes matures, parfois étonnants, et son questionnement perpétuel sur la nature humaine. The Red Strings Club est une réussite à côté de laquelle il est difficile de passer pour tous les amateurs de jeux narratifs et de dystopie.
Test réalisé par Hachim0n à partir d'une version fournie par l'éditeur.
Plateformes | Linux, Nintendo Switch, Windows |
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Genres | Point & click, futuriste / science-fiction, science-fiction |
Sortie |
30 janvier 2018 (France) (Windows) 30 janvier 2018 (France) (Linux) |
Aucun jolien ne joue à ce jeu, aucun n'y a joué.
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