Test croisé d'AO International Tennis et de Tennis World Tour : à quand un retour gagnant ?
Après des années de disette en matière de simulation de tennis grand public, le mois de mai a été synonyme de retour en fanfare pour un genre presque disparu. Deux jeux aux approches très différentes s'offrent aux joueurs. Ainsi, l'un, Tennis World Tour, se targue d'être l'héritier de la licence des Top Spin et est développé par un studio français, tandis que l'autre, AO International Tennis, peut s'appuyer sur l'expertise en matière de jeux de sport de son studio de développement australien.
Des années séparent les joueurs de la dernière simulation de tennis grand public : Top Spin 4, référence pour de nombreux joueurs, n'a jamais connu de suite. Si le PC a connu quelques simulations plus pointues comme Tennis Elbow ou Full Ace Tennis, aucun n'a su fédérer. Les deux simulations sorties en mai et qui font l'objet d'un test commun ici visent à s'insérer dans un genre cruellement désert et notre objectif aujourd'hui sera d'expliquer les points communs, mais surtout les nombreuses différences qui opposent les deux jeux.
AO International Tennis a été testé sur PC, Tennis World Tour sur PlayStation 4.
Deux styles différents pour un même sport...
La première impression est très différente sur les deux jeux. Qu'il s'agisse de forme (graphismes et interface) ou de fond (le gameplay), les deux adversaires affirment chacun leur propre style malgré des objectifs communs.
AO International Tennis apparaît en premier lieu très austère. Avec une interface réduite à son minimum, néanmoins globalement fonctionnelle, le jeu du studio australien ne perd pas beaucoup de temps à soigner l'enrobage. Cela se vérifie d'ailleurs sur le court : un environnement souvent minimaliste, une modélisation sommaire du terrain et des tribunes et des couleurs assez fades. Le jeu se concentre sur son gameplay et n'accorde aucune importance au reste.
Les modes de jeu sont très classiques pour le genre, avec un mode exhibition où l'on pourra jouer des simples et des doubles, un mode tournoi qui nous permet de jouer des compétitions sur tous les courts possibles et imaginables, un mode en ligne, un mode tutoriel pour apprendre les bases du jeu, un outil de création de joueurs ainsi que de stades et enfin un mode carrière. Celui-ci se déroule également sans surprise. Avec notre joueur ou joueuse fraîchement créé(e), on cherche à gravir les 1000 places du classement mondial pour atteindre un jour, peut-être, la première place. Sachez que le parcours sera très long, le mode carrière offrant une durée de vie très conséquente tant les activités seront nombreuses. Au-delà des inévitables compétitions, il sera possible de s'entraîner et de gérer ses sponsors et son staff pour améliorer les caractéristiques et aptitudes du joueur. Une progression là aussi plutôt fastidieuse tant notre avatar part de loin. Avec une note générale de 42 au tout début de la carrière, contre plus de 80 pour les meilleurs, et une progression assez lente, il faudra compter de nombreuses heures avant d'espérer pouvoir atteindre le niveau de Nadal et compagnie.
Le système de jeu rappelle quelque peu celui de Tennis Elbow, rendu ici beaucoup plus accessible. Au moment des frappes, une cible sur la moitié de terrain adverse symbolise la zone où l'on tenterde placer notre balle, tandis qu'un signal lumineux présent près de notre joueur, passant du rouge au vert, signale la qualité du timing de la frappe. Des indications visuelles censées accompagner le joueur dans ses débuts souvent difficiles au sein d'un jeu qui ne pardonne que très rarement les mauvaises frappes. Dans les premières heures, les joueurs les moins habitués à un tel système mettront souvent des balles qui semblaient faciles en dehors des limites du terrain, ce qui peut inspirer un sentiment de frustration à ceux qui auraient pu chercher du fun immédiat. Alors, avec une grosse importance accordée au placement du joueur au moment de la frappe et au timing de cette dernière, il faudra souvent se montrer raisonnable et éviter d'aller viser trop près des lignes. Sous peine de quoi la balle partira très facilement en dehors des limites, mais toujours pour une bonne raison : au-delà de l'influence des statistiques de l'avatar que l'on contrôle, les coups ratés le sont pour la plupart du temps à cause d'un manque de maîtrise du joueur derrière la manette. D'autant plus que la gestion de l'endurance est une des réussites du jeu : la barre d'endurance, à surveiller constamment, fera évoluer le timing des frappes de balles, obligeant parfois à laisser passer des points afin d'éviter des courses inutiles et trop fatigantes. La clé de certains matchs sera d'épuiser l'adversaire, bien que l'on aimerait que les développeurs travaillent un peu plus sur cet aspect pour une IA qui ne semble pas toujours subir les conséquences d'un manque d'endurance.
On notera également l'introduction du challenge au sein du gameplay : grâce à la présence de la technologie Hawk-Eye propre au tennis, il est possible à chaque point de demander un challenge (dans la limite de trois par manche) afin de vérifier si la balle était effectivement "in" ou "out". Une fonctionnalité intéressante, d'autant plus qu'elle permettra de glaner quelques points ici et là. Néanmoins, son utilisation se révèle assez catastrophique, tant l'arbitre a tendance à accorder des points qui, de toute évidence (image Hawk-Eye à l'appui), n'étaient pas sur la ligne.
Tennis World Tour offre une impression radicalement différente. Menus chatoyants à base de tuiles (qui rappelle largement l'interface des jeux FIFA, par ailleurs), commentaires en match de Guy Forget (dont vous supprimerez rapidement les commentaires tant il est insupportable) et couleurs très vives et saturées : le jeu du studio français montre un visage opposé à l'austérité d'AO. Si la modélisation des joueurs et des stades n'est pas beaucoup plus ragoûtante que celle de son concurrent, le jeu offre toutefois une première impression visuelle plus conforme à ce que l'on pourrait attendre d'un jeu de tennis qui se veut accessible à tous.
Les modes de jeux sont pour l'essentiel identiques à ceux que j'ai décrits précédemment pour AO, néanmoins on observe quelques manques. Il n'y a en effet à l'heure actuelle pas la possibilité de faire des matchs en double, pas plus que de jouer en ligne : à la date de publication de ce test, le mode en ligne apparaît toujours avec la mention "bientôt disponible" dans le menu principal. Le mode carrière, lui, est également semblable à AO, à la différence qu'il est impossible de créer son personnage de toute pièce (il faut choisir parmi une dizaine de visages), qu'il offre un peu plus d'activités différentes, notamment les divers entraînements et défis et qu'il est plus court (il s'agit d'atteindre la première place d'un top 100, pas d'un top 1000). D'autant plus que l'on gagne l'expérience infiniment plus rapidement, à tel point qu'en quelques heures, notre avatar parviendra à rivaliser avec les meilleurs joueurs du circuit.
Pour ce qui est du système de jeu, les matchs sont beaucoup plus accessibles que chez son concurrent. S'il accorde une place relativement importante au timing et au placement, le jeu n'en reste pas moins extrêmement simple et intuitif à prendre en main et certainement plus que les Top Spin dont il se réclame. Difficile de mettre une balle en dehors des limites du terrain ; vous n'entendrez probablement jamais l'arbitre crier "out", pas plus que vous ne ferez de double faute sur un service. Le jeu incite grandement à frapper près des lignes, d'autant plus que la gestion de l'endurance est très anecdotique au contraire d'AO. Même avec une barre vide, vous parviendrez encore à frapper très fort et à courir d'un bout à l'autre du terrain. Le jeu introduit surtout un système de cartes d'aptitude, censées symboliser des moments dans le match où le joueur sera plus fort (avec un gain en puissance, en endurance, en contrôle, ...). Il s'agit de cartes à débloquer en carrière pour l'avatar et qu'il faudra arranger à sa guise pour un maximum de cinq cartes utilisables simultanément. Ces compétences sont toutes passives et se déclenchent en match selon des scénarios différents : lorsque l'on a moins de 50% d'endurance, lorsqu'on est au service ou encore lorsqu'on joue un point décisif. Ce gain de statistique permet de prendre l'ascendant sur l'adversaire et provoque parfois des retournements de situations assez improbables avec des joueurs qui deviennent soudainement quasiment injouables, car ils ont vu quelques-unes de leurs cartes s'activer. Le système se révèle assez peu intéressant et complètement inabouti ; on a du mal à cerner son intérêt véritable au-delà du fait de dynamiser de la pire des manières une simulation qui ne devrait, pourtant, dépendre que de la compétence du joueur qui tient la manette.
... Et de nombreuses erreurs
Les deux jeux ne parviennent toutefois pas à répondre à toutes les attentes. Si AO International Tennis dispose d'une bonne base et évolue très vite avec des mises à jour régulières, Tennis World Tour semble partir de si loin qu'il est difficile de lui prédire un quelconque avenir.
AO International Tennis échoue principalement dans l'exécution de ses idées. Si le système de jeu à base de timing et de visée précise est probablement la plus adaptée à la création d'une simulation digne de ce nom, le jeu, à l'ambiance sonore exécrable, se révèle parfois bien trop simple et souffre de son moteur de jeu qui ne répond pas nécessairement comme il le faut. Quand je parle de l'ambiance sonore, au-delà du public amorphe, c'est aussi le bruit de la balle, qui a plutôt tendance à faire rire. Loin du tennis, en fermant les yeux, on aura probablement l'impression d'entendre un match de tennis de table. Pour la simplicité, je pense notamment à un problème d'équilibrage entre les différentes actions du tennis. Placer un coup droit sera souvent plus difficile qu'un amorti juste derrière la ligne par exemple, le jeu au filet était extrêmement simple et destructeur pour un adversaire qui n'aura jamais vraiment l'opportunité de contrer. À tel point que les matchs finissent par ressembler à un concours d'amorti : le joueur humain place des amortis pour espérer marquer un point sans risquer de sortir la balle du terrain, tandis que l'IA continue de courir partout jusqu'à ce qu'une animation du moteur soit ratée et que le joueur, humain ou IA, se bloque sans raison face à la balle. Heureusement, ces situations de blocage, où le moteur semble avoir du mal à choisir quelle animation utiliser, sont assez rares et il est aujourd'hui, grâce à la dernière mise à jour du 31 mai, possible de faire des matchs intéressants. On note toutefois encore quelques erreurs, des animations douteuses et des frappes plus puissantes qu'elles ne le devraient. En revanche, difficile à dire si les problèmes sont les mêmes du côté du multijoueur, puisque des dizaines d'essais sur deux semaines n'ont jamais permis à votre serviteur de trouver un joueur à affronter en ligne. Impossible de dire néanmoins si le matchmaking a un problème ou s'il n'y a aucun joueur sur PC. Un comble, d'autant plus que la version PC du jeu oblige une connexion permanente : impossible en effet de jouer à AO International Tennis en mode hors ligne.
Pour ce qui est de Tennis World Tour, au-delà de son ambiance sonore pas plus soignée que celle d'AO, les problèmes du jeu résident essentiellement dans son moteur déjà dépassé. Prétendument héritier de Top Spin, le jeu n'en a strictement rien gardé et n'offre finalement qu'un ersatz de jeu de tennis arcade, ni vraiment fun, ni vraiment intéressant. La faute à un moteur de jeu qui n'a que faire des lois de la physique ou des ordres de la personne qui contrôle la manette. Je parle évidemment de la physique de balle absolument improbable où un coup droit chargé ne sera parfois pas plus puissant qu'un slice en revers, des services slicés avec un effet irréaliste, mais aussi et surtout du refus du jeu d'obéir aux ordres du joueur. Par exemple, effectuer un coup à plat ou un lift provoquera souvent un slice, tandis que l'avatar montera régulièrement au filet alors que l'on ne lui a pas demandé. De la même manière, certains coups partent tout seul, tandis qu'en cas de service puissant de l'adversaire, il y a une chance sur deux pour que votre avatar se lance dans un sprint fou vers le filet (rendant ainsi impossible le renvoi du service). Quant aux animations, elles sont absolument risibles : l'enchaînement des animations est dénué de toute fluidité, provoquant des saccades dans le comportement des avatars sur le terrain, tandis que l'on nous oblige à subir, à chaque service, une interminable animation où le joueur s'amuse avec la balle avant d'enfin nous permettre de jouer. Concernant les collisions, il n'est pas rare de voir un joueur renvoyer, en bout de course, une balle qui se trouvait pourtant encore à plus de 50 centimètres de sa raquette. Ces nombreux bugs du moteur rendent l'expérience particulièrement désagréable, d'autant plus que les quelques fois où le jeu se comporte normalement, il n'y aura rien de bien folichon à se mettre sous la dent tant l'orientation arcade du jeu tranche avec les attentes découlant des annonces de l'équipe de développement. Si l'on peut comprendre que quelques anciens de Top Spin ne suffisent pas à, de suite, proposer un jeu aussi abouti, il est dommage de voir tant de bugs entacher l'expérience.
Quant aux licences, les deux jeux offrent chacun un petit panel de joueurs et joueuses : si Tennis World Tour offre un choix assez important de joueurs (mais néanmoins essentiellement composé de joueurs mal classés), le jeu ne propose qu'une poignée de joueuses et ne dispose d'aucune licence de tournoi, pas même un grand chelem. Il faudra donc composer avec des tournois fictifs et, en carrière, avec de nombreux joueurs et joueuses inventées pour l'occasion. À noter qu'il n'existe qu'une dizaine de modèles de personnages et que vous affronterez en carrière ad vitam aeternam les mêmes avatars, avec parfois un nouveau nom et une nouvelle nationalité.
Du côté de AO International Tennis, il n'y a qu'une seule licence de tournoi : l'Open d'Australie. Pour la distribution, on note quelques joueurs sous licences ; là aussi, rien de bien fou. Il y a bien Nadal (qui manque cruellement à Tennis World Tour), mais il n'y a pas Federer, qui est chez le concurrent. Du côté des joueuses, on observe le même désert que le jeu du studio français. La différence étant ici qu'AO propose un outil de création de personnages et de stades assez intéressant et permet le partage des créations avec la communauté. Grâce à une communauté qui est mine de rien plutôt présente sur le jeu, il est possible en quelques minutes de télécharger au sein du jeu des dizaines des joueurs et compétitions fidèlement reproduits.
Conclusion
Déception. Difficile de conclure avec un autre mot. Qu'il s'agisse de Tennis World Tour ou d'AO International Tennis, le constat est le même : c'est insuffisant. Si ce dernier offre de belles perspectives grâce à une base de gameplay intéressante, l'exécution hésitante reste toutefois un frein à considérer AO International Tennis comme une réussite. On espère toutefois que les développeurs continueront leur activité en matière de patchs, puisque jusque-là les quelques mises à jour ont permis au jeu de faire un énorme bond en qualité et ce en l'espace de quelques semaines. S'il reste encore beaucoup de choses à lui reprocher, le jeu sort vainqueur du duel avec son concurrent tant il offre de belles promesses de fun et une courbe de progression intéressante. Quant à Tennis World Tour, on s'interroge sur le silence du studio français quant à une date d'arrivée du mode en ligne et sur les correctifs qu'ils apporteront à l'avenir. L'état du jeu est tel que l'on a du mal à voir un quelconque avenir pour celui-ci, tant il y a de boulot à faire avant qu'il ait un quelconque intérêt au-delà de quelques parties ici et là, entre amis sur le canapé (faute de mode en ligne), grâce à l'accessibilité du titre.
Double test réalisé par Hachim0n grâce à des versions fournies par les éditeurs des deux jeux.
Sur le même sujet :
Plateformes | Nintendo Switch, PlayStation 4, Windows, Xbox One, Xbox One X |
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Genres | Sport, contemporain |
Sortie |
22 mai 2018 (France) (Windows) 22 mai 2018 (France) (Xbox One) 22 mai 2018 (France) (PlayStation 4) 22 mai 2018 (France) (Nintendo Switch) 22 mai 2018 (France) (Xbox One X) |
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