Test de The Caligula Effect : Overdose - Un monde sans issue

Initialement sorti sur PlayStation Vita à l'été 2016, The Caligula Effect est un jeu de rôle japonais qui marche sur les plates-bandes de la série des Persona. Avec son univers lycéen, ses problèmes de société et ses monstres qui envahissent un monde alternatif, difficile de ne pas comparer les deux. Le jeu revient cette année dans une version Switch arrivée entre nos mains pour ce test, ainsi que sur PlayStation 4 et sur PC (Steam).

Des lycéens sont pris au piège dans un monde alternatif nommé "Mobius" et condamnés à vivre encore et encore leurs trois années de lycée. Si la plupart ne se rendent pas compte de la supercherie, une poignée d'entre eux, qui se font surnommer le "Go-Home Club", comprennent qu'ils vivent dans un monde virtuel et font tout pour le quitter.

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Le mal commun

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Écrite par Tadashi Satomi, qui a travaillé sur les trois premiers Persona, l'histoire de The Caligula Effect : Overdose rappelle évidemment son aîné. Son milieu lycéen d'abord, mais surtout les thèmes qu'il aborde : le rejet, le mal-être, la dépression et l'omniprésente compétition dans le système éducatif japonais. On y ajoute une touche de harcèlement et de réseaux sociaux pour finir de dépeindre le lycée comme une bien sombre période de la vie de chacun. Le monde alternatif est créé par un programme vocaloid aussi mignon que terrifiant : une chanteuse pop à qui on accorderait sans mal notre confiance. Elle vient nous expliquer que c'est pour notre bien et que Mobius est un monde idéal qui permet de s'échapper des tracas quotidien. Pourtant, on croise vite des lycéens devenus des monstres, ou du moins très agressifs, qui n'ont comme envie que de nous taper dessus. Plein de bons sentiments, The Caligula Effect : Overdose nous dévoile des personnages relativement attachants, mais finalement assez classiques pour le genre. On a le gars un peu brutal, mais gentil au fond, le beau brun mystérieux, la jeune fille timide et celle qui s'affirme au fil de l'aventure. On a rapidement le sentiment d'avoir déjà vu tout ça : dans les Persona évidemment, dont le jeu s'inspire énormément et on y reviendra plus tard, mais aussi plus généralement dans toute la production anime et vidéoludique du Japon qui parle un peu de lycéens. On y retrouve des problématiques d'acceptation, de confiance en soi ou de harcèlement.

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Ces thèmes se révèlent d'ailleurs plutôt bien traités avec la grande carte de connexion des personnages : on se fait des amis au fil de l'aventure parmi tous les personnages qui apparaissent sur cette grande carte. Une sorte d'arbre un peu fourre-tout où chacun y a vaguement sa place, avec des liens de connexion entre plusieurs personnages pour montrer qu'ils sont amis et qu'il faut, parfois, gagner la confiance de leurs proches pour pouvoir les approcher. En nous rapprochant de ces nombreux personnages, on découvre leur passé, leurs craintes, la raison qui les pousse à agir différemment ou au contraire à se replier sur eux-mêmes. Des moments de tendresse parfois, d'autres plus caricaturales, mais un sentiment d'affection pour celles et ceux qui viennent mettre leur petit grain de sel dans l'aventure domine le plus souvent. Ils ont tous en commun un certain mal-être qui les pousse à fermer les yeux sur la véritable nature de leur monde : ils vivent tous dans ce monde alternatif créé de toute pièce par une machine maléfique, sous des traits de star de J-pop, qui leur permet d'échapper à leurs problèmes au risque de tomber bien plus bas, mais on évitera de trop spoiler l'histoire.

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Une histoire qui peine cependant à se renouveler : très monotone, toujours dans le même esprit malgré quelques mystères et rebondissements ici et là, elle ne parvient pas vraiment à nous embarquer. Pire, la lassitude tombe rapidement alors que quelques dialogues savoureux, quasi-méta, tentent de sauver la mise. On ne vous cache pas que quelques séquences sont aussi drôles que touchantes, mais le jeu se révèle bien trop verbeux pour ce qu'il a à raconter. Faire la connaissance des centaines de lycéens devient vite une corvée alors que tout le monde a à peu près le même problème, tandis que les aider à les régler n'est pas vraiment satisfaisant. Néanmoins, ce qui dérange, le plus c'est un héros ou une héroïne, au choix, dénué(e) de personnalité. Comme dans Persona 5, notre personnage n'intervient que très peu en dehors des combats, mais The Caligula Effect peine à donner aux autres personnages suffisamment de charisme pour oublier qu'on joue un héros sans vie. Et c'est bien dommage, car son inspiration sans limite des Persona tant dans l'histoire que dans la mise en scène, dans les thèmes abordés et dans la musique donne de bons espoirs dans les premiers instants. Sans complètement singer la célèbre série de J-RPG, le jeu nous invite à lâcher prise et à nous lancer dans ce savant mélange entre combats et rencontres impromptues. Malheureusement, tout tombe à plat assez rapidement tant l'histoire et les personnages peinent à nous impliquer davantage.

Une overdose de couloirs et de J-pop

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Si zoner dans les couloirs de votre lycée était votre passe-temps favori, nul doute que vous trouverez dans The Caligula Effect : Overdose quelque chose de satisfaisant. Pour les autres, la sensation de tourner en rond s'affirme assez rapidement. Si on observe une certaine diversité dans les donjons, car le jeu est pour l'essentiel un enchaînement de simples donjons, on retrouve toujours les mêmes ingrédients que dans le tout premier d'entre eux. En effet, on commence dans le lycée de nos très chers protagonistes, un lycée labyrinthique à plusieurs étages où se croisent et s'entre-croisent des couloirs qui se ressemblent tous. On s'infiltre de temps en temps dans une salle de classe, mais le plus souvent, on reste à se balader dans les couloirs en entendant la même musique qui tourne en boucle pendant que l'on tente de sympathiser avec les quelques lycéens qui ne sont pas encore devenus trop agressifs à cause de la musique diffusée par le vocaloid. Les autres donjons fonctionnent de la même manière, à l'image d'un interminable centre commercial et la lassitude prend rapidement le pas sur l'excitation initiale, tant on a le sentiment de toujours revoir la même chose : les développeurs réutilisent les mêmes assets tout au long des donjons, chaque zone se ressemble et pire encore les ennemis sont soumis au même traitement. Alors, pendant la trentaine d'heures que le jeu exige de vos vies, vous serez condamnés à faire, voir et subir encore et toujours la même chose.

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Pourtant, il serait bien malhonnête d'oublier la très bonne idée du jeu : son système de combat. Comme une partition, dans un système au tour par tour, on vous invite à décider à l'avance l'ensemble des actions de votre équipe. S'enclenche alors une simulation tout à fait hypothétique de ce qu'il est susceptible de se passer selon vos choix d'actions, une simulation que l'on peut rembobiner pour faire des choix différents. L'objectif est de trouver la meilleure combinaison, sachant que certains coups peuvent être portés uniquement à des ennemis en l'air (projetés par l'attaque d'un autre personnage par exemple), ou encore qu'il vaut mieux parfois faire un pas de côté pour esquiver une attaque avant de lancer celle d'un de nos personnages, etc. Les possibilités et les combinaisons sont multiples pour des personnages à la diversité des coups très limitée, mais dont les combinaisons permettent de varier les situations. Malheureusement, le tout est assez confus et demande d'y passer quand même beaucoup de temps pour en tirer toute les subtilités alors que l'interface est assez fouillis. Cependant, c'est dans l'ensemble une réussite, qui n'est toutefois pas capable de nous faire oublier des ennemis à la panoplie tactique très limitée. Les combats ont tendance à tous se ressembler, en dehors de boss et de mini-boss qui peuvent parfois ajouter un peu plus de challenge. Dans l'ensemble, le jeu est très accessible grâce quelques choix de difficulté disponibles, mais peut aussi offrir un bon challenge pour les plus masochistes qui veulent se compliquer un peu plus la vie dans ses interminables couloirs. 

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D'autant plus que la musique composée par Tsukasa Masuko, à qui l'on doit la musique de quelques épisodes des Megami Tensei, finit par nous achever : assez peu diversifiée, bien trop proche de ce qu'on entend dans les Persona et Megami Tensei, elle lasse rapidement. Et c'est sans parler des chansons de la vocaloid qui passent en boucle dans les donjons. On a droit aux instrumentales hors combat, alors que la voix vient s'y greffer pendant les combats et ce qui ressemble initialement à une bande-son de J-pop inoffensive devient rapidement notre pire ennemi. Aussi mignonnes qu'entêtantes, les chansons ne sortent plus de la tête, pour le meilleur et pour le pire.

Où est passé le délégué de classe ?

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La version PlayStation Vita du jeu à l'époque était largement plombée par un aspect technique assez lamentable. Framerate asthmatique et textures baveuses, c'était une bouillie qui s'affichait à l'écran. La version Switch du jeu, ici testée, fait mieux que son aîné en proposant un jeu plus fin à l'écran et un framerate un peu plus stable. Si le jeu a tendance à beaucoup ramer dans quelques menus (comme l'énorme carte des relations entre les personnages) et certains donjons, l'ensemble tourne bien mieux. Pour autant, The Caligula Effect : Overdose reste dans l'ensemble assez laid. Les textures des décors sont sommaires tandis que les personnages bénéficient d'animations très basiques et seul les quelques dessins de personnages qui apparaissent lorsqu'ils nous parlent viennent apporter un peu de baume au cœur. Sans tomber dans le désastre technique de la version PlayStation Vita, le jeu reste quand même difficile à parcourir. 

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D'autant plus que le jeu ne bénéficie toujours pas de traduction française. Heureusement la traduction anglaise est dans l'ensemble de bonne qualité et offre quelques bons moments. Toutefois, le plus gros point noir reste l'interface et la taille des textes : prévu initialement pour un usage nomade sur PlayStation Vita, on aurait aimé que la version Switch suive le même chemin. Pourtant, jouer en nomade relève de l'exploit : les textes sont minuscules et les combats deviennent quasiment illisibles. Et c'est bien dommage, car le format du jeu avec ses combats à foison et son enchaînement de donjons se prête plutôt bien aux petites sessions d'une console portable.

Conclusion

Quelques bonnes idées, mais souvent mal exécutées, The Caligula Effect : Overdose porte très bien son nom. Si les premiers instants laissent croire à une aventure sympathique et touchante sur fond d'un humour assez bien senti, on se rend rapidement compte que les quelques moments de gloire sont noyés au milieu d'une répétitivité terrible qui vire à l'overdose de couloirs, de musique entêtante et d'ennemis sans intérêt. Le jeu ne se renouvelle que très peu et malgré toute l'affection que l'on peut avoir pour ce que le jeu raconte, on a trop vite le sentiment de tourner en rond. Son système de combat est pourtant une excellente idée qui a le mérite de nous accrocher quelques heures, mais ça semble bien insuffisant pour garder un bon souvenir de ce jeu.

Test réalisé par Hachim0n à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Nintendo Switch, PlayStation 4, PlayStation Vita, Windows
Genres Jeu de rôle (RPG), asie, contemporain, fantasy, science-fiction

Sortie 23 juin 2016 (PlayStation Vita)
12 mars 2019 (Windows)
15 mars 2019 (Nintendo Switch)
15 mars 2019 (PlayStation 4)

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