Test de Disco Elysium - Un jeu à multiples facettes / MÀJ du 08.04.2021 : test du portage PlayStation 5, par Hachim0n
Il y a des jeux que tout le monde attend et qui finalement déçoivent un peu par leur trop grand classicisme. Et il y a ceux que personne ne voit venir et qui secouent un genre sur ses bases. C'est plutôt à cette seconde catégorie qu'appartient Disco Elysium.
Mise à jour du 08.04.2021 : Test du portage de Disco Elysium : The Final Cut sur PlayStation 5 par Hachim0n
On n’y va pas par quatre chemins, aussi bon est Disco Elysium, acclamé à juste titre, son portage sur consoles est extrêmement perfectible en n’offrant à l’heure actuelle qu’une expérience passable, loin de sa version PC.
Les premiers problèmes arrivent dès la prise en main du personnage, au tout début du jeu, lorsque l’on découvre le mode de déplacement choisi par les développeurs. Faute de souris pour pouvoir sélectionner les objets et personnages avec lesquels on souhaite interagir, ils ont fait le choix d’utiliser le stick gauche pour se déplacer et le stick droit pour diriger la vue du personnage. C’est ainsi qu’on sélectionne ce avec quoi on veut interagir, avant de relâcher le stick droit pour appuyer sur X (en version PlayStation 5) afin de donner l’ordre au personnage. À ce moment-là, il se dirige sur la bonne « case » pour lancer le script d’exécution du dialogue, d’observation ou de changement de zone, mais celui-ci peine souvent à se lancer. On se retrouve vite obligé d’effectuer deux fois chaque action, en jouant de coups de stick droit et de bouton X pour valider. On finit certes par s’habituer à cette lourdeur, mais son caractère fastidieux et peu ergonomique met un sacré coup à la fluidité d’action. Chose dommageable pour un jeu qui brille normalement pour sa manière d’utiliser chaque décor, chaque personnage ou chaque objet pour étoffer sa narration. Au rayon de l’ergonomie, on pourrait aussi parler des menus qui sont parfois pénibles à utiliser à la manette, avec une interface entièrement pensée pour le PC, mais qui a bien du mal à convaincre sur consoles. Qu’il s’agisse de la surbrillance de l’item sélectionné trop discrète dans la gestion des talents ou de la barre de défilement trop rapide avec le stick droit quand on veut remonter un texte, il y a quelques ajustements simples qui pourraient être faits pour améliorer l’expérience.
Passé la prise en main archaïque, quelques problèmes techniques apparaissent à leur tour. D’abord sur les dialogues avec des doublages qui sautent parfois, trahissant des problèmes d’exécution du son sur consoles, où l’on se retrouve soudain face à un dialogue pendant lequel seul un des deux personnages parle réellement. Mais aussi et surtout, on regrette des temps de chargement entre les zones qui sont bien loin de nouveaux standards sur lesquels souhaite s’appuyer la nouvelle génération. Il faut parfois compter une dizaine de secondes pour passer d’une zone à l’autre, ce qui est beaucoup sur une génération où l’on a déjà vu plusieurs jeux qui ne dépassent pas les deux ou trois secondes de chargement. Sans que cela soit un scandale, les qualités du jeu étant suffisamment nombreuses pour passer outre les problèmes, on aurait aimé avoir un jeu plus solide techniquement.
Néanmoins, la Final Cut, ce n’est pas que ça, c’est aussi une traduction française qui pointe enfin le bout de son nez. Avec un langage soutenu, le jeu original était inaccessible aux personnes qui ne comprennent que sommairement l’anglais, mais le jeu s’adresse enfin à plus de monde. Et cette traduction est plutôt efficace, malgré quelques coquilles et fautes relevées ici et là, l’ensemble est plutôt de bonne facture avec la même volonté de garder un niveau de langage soutenu. Les passionnés de vieilles formules et d’expressions alambiquées devraient être ravis tant cette version française n’enlève rien au charme des dialogues de Disco Elysium. À cela on ajoute d’ailleurs un doublage anglais intégral, contrairement à la première version où seules quelques phrases étaient doublées. Certes, sur consoles, quelques dialogues sautent à cause de problèmes techniques, mais on ne devrait avoir aucun mal à profiter des formidables accents français des personnages dans la version PC, qui semble bien plus stable.
Mise à jour du 29 mars 2021 : Sortie de la Final Cut
C’est ce 30 mars que sortira la version finale de Disco Elysium, judicieusement appelée "The Final Cut". Cette mise à jour, gratuite pour tout le monde, apporte son lot de nouveautés au jeu. Premier changement de taille : le jeu est maintenant entièrement doublé en anglais. J’en profite pour vous rappeler que les textes du jeu profitent d’une version traduite en français depuis quelques mois.
La liste des nouveautés ne s’arrête pas là. Nouvelles cinématiques, nouvelles animations, nouvelles quêtes, nouveaux personnages ou encore nouvelles tenues sont aussi au programme de cette nouvelle version. On notera également quelques petites améliorations en termes de jouabilité, avec le support des manettes, ainsi que des petites améliorations de la qualité de vie en jeu, comme la possibilité de se téléporter dans les principaux quartiers du jeu. Merci pour ça.
Vous n’avez donc plus d’excuses pour ne pas plonger dans l’un des meilleurs RPG de ces dernières années, si ce n’était pas déjà fait.
Hobocop
Revahol. Un matin comme un autre débute pour le joueur. Votre chambre est complètement ravagée et vous n'avez aucun souvenir des derniers jours. En fait, vous n'avez même aucun souvenir tout court : l'homme que vous voyez dans le miroir est un parfait inconnu pour vous. Pourtant, la première personne que vous croisez sur le palier de votre chambre vous apprend que vous êtes flic, malgré la dégaine de poivrot ascendant clochard que vous vous traînez. Vous êtes là pour enquêter sur un homme, pendu à un arbre dans une cour voisine et donc le corps sert de cible aux garnements du coin depuis plus d'une semaine. Il est plus que temps de se reprendre en main pour embarquer dans une enquête plus complexe qu'il n'y parait. Et éventuellement de vous souvenir de qui vous êtes.
Buddies movie
Ce qui rend Disco Elysium tellement particulier, c'est son gameplay. Toutes les interactions possibles dans le jeu, de simplement regarder dans un miroir à essayer d'attraper vos chaussettes, passent par la même interface que celle que vous utilisez pour parler à un autre être humain. Il faut dire que le jeu ne manque pas une occasion de faire intervenir ce qui, dans n'importe quel autre jeu de rôle, seraient des compétences. Ici, on les définira plutôt comme des pièces de la personnalité de notre flic. On assiste donc à une improbable plongée dans le subconscient d'un homme continuellement en discussion avec lui-même. C'est là qu'on est frappé par la qualité d'écriture du titre. Chacune de ces personnalités (24 au total) se comporte comme un personnage à part entière, réagit au monde qui vous entoure et à vos actions. On se retrouve donc à suivre une réflexion sur les différents régimes politiques pour la seconde suivante discuter de la vie avec une boite aux lettres. Ou ce moment où une de vos personnalités commence à suspecter les autres de vous tromper parce qu'elles sont sous le charme d'une femme. Et c'est juste génial.
Évidemment, ce gameplay donne un jeu dans lequel les textes sont omniprésents. Le jeu se vante d’avoir un volume de textes qui explose celui de Planescape : Torment et c’est effectivement le cas. Autant être prévenu donc : il vaut mieux aimer lire, et avoir un sérieux niveau en anglais avant de s’attaquer au jeu. En effet, le jeu n’est disponible que dans la langue de Shakespeare et utilise un vocabulaire assez riche qui risque de passer au-dessus de la tête d’un bon nombre de joueurs de nos contrées. Ce serait honnêtement un énorme gâchis vue la qualité d’écriture des personnages et des subtilités des dialogues, en particulier lors des relations avec Kim Kitsuragi, l’autre policier avec qui vous faites équipe et qui vous suit comme votre ombre durant la plus grande partie de votre temps. Un personnage suffisamment bien écrit pour qu'il parvienne à faire passer ses sentiments sur votre manière d’agir sans jamais donner l'impression de vous juger. Le jeu vous encourage d'ailleurs à laisser libre cours à vos délires, autant en profiter.
Succès et frustrations sont dans un bateau
Pour essayer de comprendre pourquoi certains passages de Disco Elysium fonctionnent tellement bien, prenons un exemple concret. Vous devez convaincre un personnage de vous donner des informations sur un suspect. La majorité des jeux de rôle classiques résumeraient cette possibilité à une simple vérification de votre feuille de stat. Votre compétence de persuasion atteint le seuil fixé à l'avance ? Parfait, c'est une réussite assurée. Pas dans Disco Elysium. Ici, la mécanique de jeu consiste à maximiser ses chances de succès, à réduire la part d'aléatoire. Vos actions préalables comptent. Vous avez analysé la scène du crime et découvert comment placer le suspect sur celle-ci ? Vous avez un mobile ? Une indication sur l'arme utilisée ? Même vos vêtements jouent un rôle en apportant divers bonus ou malus. Voilà autant d'éléments qui vous permettent de passer d'une tentative de persuasion impossible à une réussite probable, chacun apportant sa petite contribution lors du jet de dés déterminant la réussite de la tentative. C'est dans ces moments où tout s’emboîte parfaitement et où votre enquête progresse tel un mécanisme d'horlogerie bien réglé que le jeu, ou plutôt le système de jeu, se montre sous son meilleur jour.
Hélas, à côté de ces moments satisfaisants, il y a ceux qui frustrent, ces moments où la progression semble bloquée par un coup de dés malchanceux. Il y a deux types de choix de discussions liés à des jets de dés que le personnage peut tenter. Des rouges, pour lesquels l'échec est définitif et des blancs qu'un échec bloque temporairement. Il vous faut alors améliorer la compétence correspondante ou découvrir un élément qui vous apporte un bonus. On peut alors se retrouver à tourner en rond, à la recherche d'une solution pas toujours évidente pour débloquer la situation. Une situation d'autant plus frustrante dans un jeu vidéo où rien n'empêche le joueur de reprendre une sauvegarde précédente pour retenter le coup, à part peut-être le pacte qu'il signe avec lui même en acceptant de "jouer le jeu". Malheureusement, c'est une facilité à laquelle j'ai fini par céder dans certains passages du jeu, plus par obligation que par choix. Il m'est arrivé plus d'une fois d'être simplement bloqué entre un test impossible à réussir et un autre verrouillé par un échec critique improbable. Je doute ainsi fortement qu'un personnage déséquilibré en terme de compétences soit capable d'atteindre la fin de la partie d'une manière satisfaisante.
Disco-Tech
Difficile de ne pas être conquis par la qualité graphique de Disco Elysium, étrange mélange entre un rendu proche d'une peinture bien détaillée qui en fait probablement l'un des plus beaux RPG du genre et des éléments bien plus étranges. Il suffit de voir les portraits des protagonistes (qu'ils soient humains ou issus de la psyché du personnage) pour comprendre que la vision du monde du héros est issue d'un esprit quelque peu torturé et détraqué. Hélas, cette réussite visuelle a des inconvénients qui ont, chacun à leurs manières, nuit à mon expérience de jeu. Le premier point noir concerne les temps de chargements, nombreux et parfois à rallonge malgré le SSD sur lequel le jeu était installé. Un véritable problème lorsque le jeu multiplie les allers-retours entre deux personnages dont vous devez confronter les histoires alors qu'ils sont séparés par plusieurs de ces écrans de chargements.
Les déplacements sont un autre point qui a plus d'une fois mis ma patience à l'épreuve. Le jeu opte pour une caméra assez proche des personnages et qui reste toujours centrée sur eux, avec pour conséquence malheureuse de ne pas permettre de faire défiler le bord de l'écran pour choisir une destination lointaine lors des déplacements. Lorsqu'on y ajoute l'obligation de double-cliquer pour faire courir les personnages, vous comprendrez aisément que les longs déplacements dans le jeu sont assez pénibles. On n’aurait donc pas été contre un système de déplacement rapide, même si l’espace de jeu est finalement assez réduit. Je m'en voudrais de ne pas toucher un mot de la partie sonore du jeu tant pour la musique dont plusieurs morceaux restent dans la tête même après avoir quitté le jeu que pour les doublages qui ont été la source de quelques fous rires devant l'accent anglais de quelques personnages d'inspiration clairement française.
Une délicate histoire du temps
Un autre élément trouble le quotidien du joueur : la gestion du temps. Dans Disco Elysium, le temps ne s'écoule que lorsque vous êtes dans l'interface de dialogue. Cela pose parfois problème lorsque certains éléments du jeu sont justement liés au temps, comme un personnage qui n'est disponible qu'à certains moments de la journée. Sans même parler du simple fait de dormir pour finir la journée, ce qui n'est possible qu'après 21h. On aimerait donc avoir un moyen d'attendre, mais, étrangement, les bancs, qui sont justement prévus pour ça, ne peuvent pas être utilisés lorsque Kim vous accompagne. On comprend aisément les raisons de ce choix, mais je me suis régulièrement retrouvé à ne pas trop savoir comment finir ma journée et ainsi pouvoir me livrer à quelques activités dans le dos de mon équipier. C'est encore plus vrai lorsqu'on sait que chaque jour ouvre de nouvelles options, que ce soit des nouveaux personnages ou des nouvelles zones.
Conclusion
Qu'on se comprenne bien : malgré ses défauts, Disco Elysium a le potentiel pour être un jeu qui se glissera dans la courte liste des jeux qui auront assez marqués les joueurs pour devenir une référence d'un genre entier. Le jeu rappelle ainsi beaucoup les liens qui existe entre les RPG et les jeux d'aventure. Disco Elysium met en avant cette parenté et se souvient que la base d'un RPG est avant tout une histoire modifiée par vos choix, qu'ils soient bons ou mauvais. C'est aussi ce qui en fait un jeu dont la rejouabilité est indéniable, alors qu'une partie propose déjà plus de 40 heures de jeu. Une référence qui ne s'offrira malheureusement pas facilement aux joueurs francophones. Néanmoins, si vous avez le niveau d'anglais requis, il serait dommage de passer à côté.
Test réalisé par Frère Grim à partir d'une version fournie par l'éditeur.
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Plateformes | Windows |
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Genres | Indépendant, jeu de rôle (rpg), fantasy |
Sortie |
15 octobre 2019 |
1 jolien y joue, 2 y ont joué.
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