Test de Pro Cycling Manager 2020 - Des défauts atemporels

Est-ce le manque lié à l'épidémie actuelle, qui a mis en pause la saison cycliste ? Quoi qu'il en soit, nous avons testé cette année Pro Cycling Manager 2020, seul jeu avec des roues que notre camarade Hachim0n a refusé d'essayer ("le cyclisme, c'est un sport beaucoup trop bien pour moi", aurait-il déclaré). Est-ce un palliatif de qualité aux compétitions de l'UCI ?

Vis ma vie de manager d'une équipe cycliste

Pour ceux qui ne connaîtraient pas la licence, Pro Cycling Manager met le joueur aux commandes d'une équipe cycliste. Le jeu est composé de deux parties. Dans la première, le joueur doit recruter les coureurs et le staff, gérer la préparation, décider qui aligner lors de quelle course, etc. Dans la seconde, il prend directement le contrôle de ses coureurs lors des courses, en leur donnant des ordres précis : relayer, attaquer, se préserver, etc.

Le jeu propose aussi d'incarner à la place un jeune cycliste néoprofessionnel, qu'il faut ensuite mener au sommet (du Tourmalet) à la manière du mode Je suis une légende de PES. On apprécie ces deux options, très différentes, qui offrent des expériences distinctes.

Précédemment dans Pro Cycling Manager

Je ne suis pas néophyte sur la licence, mais je n'ai pas non plus joué à l'opus précédent. Si vous êtes un féru de ce jeu et voulez savoir ce que vaut la version 2020 par rapport au 2019, je ne peux donc malheureusement pas vous éclairer.

Lors de ma dernière partie sur Pro Cycling Manager, je dirigeais la Discovery Channel et j'avais gagné le Giro avec Levi Leipheimer ; autant dire que cela date, de tellement loin qu'à l'époque, installer le jeu sur Steam n'était pas obligatoire. Depuis, l'interface s'est sensiblement améliorée, devenant beaucoup plus claire. On note aussi les nombreux tutoriels présents en jeu. Plein de questions demeurent sans réponse, preuve davantage de la richesse du jeu que de son opacité, mais l'initiation est beaucoup plus simple aujourd'hui qu'hier. On apprécie aussi les nouvelles options, renforçant la profondeur du titre.

De même, la réalisation est beaucoup plus jolie, logiquement, et la prise en main est là aussi plus simple. Des options qui semblent évidentes aujourd'hui (comme suivre un autre coureur) n'existaient pas à l'époque et elles facilitent grandement l'expérience. Tout n'est pas encore parfait (le ravitaillement demeure compliqué), mais le progrès est notable.

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Enfin, aujourd'hui comme hier, les noms de certains coureurs ont été modifiés, vraisemblablement pour des questions de droits : dites bonjour à Alaphilipi, à Evunepeol et autres Sam Bunnet. On cerne sans mal de qui il est question, mais c'est quand même désagréable. Heureusement, cela semble aujourd'hui limité à la Quick Step, alors que c'était beaucoup plus courant de mon temps. En outre, au lancement d'une partie, le jeu nous redirige vers le Steam Workshop, qui propose pas mal de contenus, particulièrement concernant les saisons passées, nous permettant de revivre les années mythiques récentes du cyclisme.

En somme, même si cela paraît évident en plus de dix ans, le jeu s'est sensiblement bonifié avec le temps. Il est beaucoup plus accessible aujourd'hui et encore plus riche.

Une seule fonctionnalité vous manque et tout est dépeuplé

Pourtant, je pourrais vous décrire les mêmes défauts qu'il y a dix ans. Tout d'abord, la réalisation des courses est toujours autant à côté de la plaque. Les bords des routes sont vides (l'effet COVID-19 ?) et toutes les courses se ressemblent terriblement. En outre, il y a une véritable incohérence entre les écarts en temps et la représentation graphique, ce que montre l'image ci-dessous :

Néanmoins, le véritable problème est ailleurs. L'élément le plus dérangeant, celui qui ruine toute l'expérience de jeu, le pêché originel qu'un sadique de Cyanide semble vouloir perpétuer année après année : la sauvegarde automatique obligatoire.

Dit ainsi, cela ressemble peut-être à un caprice de mauvais perdant, de faux joueur - par opposition aux vrais joueurs, qui s'éclatent sur les jeux Paradox en Ironman ou sur Darkest Dungeon. Il y a peut-être un peu de cela, mais l'absence de sauvegarde manuelle est profondément inadaptée au cyclisme ; laissez-moi vous expliquer pourquoi.

En football, il n'est pas nécessaire de gagner chaque match pour être champion. Aussi, une défaite n'est pas très grave. En cyclisme, en revanche, chaque course est décisive. Dans les courses d'un jour, tout se joue en une seule fois, évidemment. Cependant, le pire se trouve dans les courses par étape : il suffit d'un mauvais jour pour perdre trois semaines de travail.

C'est ce qui rend le cyclisme si agréable à regarder, mais cela ne pourrait marcher que si Pro Cycling Manager était un jeu réaliste, ce qui n'est pas le cas. En effet, il est tout à fait possible que votre leader perde 10 minutes lors d'une étape banale, sans qu'aucune explication ne soit fournie. Or, comme aucune erreur n'est permise, cela signifie qu'il faut absolument tout jouer : chaque étape de chaque course. En effet, c'est une chose de tout perdre parce qu'on a fait une erreur, c'en est une autre de tout perdre sur un lancer de dé défavorable.

Quel problème, me direz-vous ? Tout d'abord, le cyclisme n'est pas le football : en foot, il n'y a que deux matchs par semaine tout au plus, alors qu'en cyclisme, un grand tour est composé de 21 étapes. En foot, une saison se compose au maximum d'une soixantaine de matchs ; en cyclisme, il faut jouer plusieurs centaines de jours de course. De plus, un match de foot est assez calme ; il est parfaitement possible de le diriger en faisant autre chose à côté, voire de l'oublier sans trop de conséquences. Dans une course cycliste, c'est l'inverse : chaque instant peut être décisif, donc il faut être super attentif.

Aussi, Pro Cycling Manager est une licence qui n'a d'intérêt que si vous êtes prêt à vous y investir pleinement, à accepter de consacrer des dizaines - voire des centaines - d'heures à chaque saison que vous dirigerez. Cependant, même ainsi, cette décision de game design a un prix. Tout d'abord, à moins d'avoir un moyen d'arrêter le temps, elle signifie qu'il n'est pas possible d'aller très loin. Dans Football Manager, tout le plaisir vient du fait de façonner petit à petit son équipe en recrutant de jeunes joueurs. Dans Pro Cycling Manager, finir une saison est un exploit monumental. En outre, cela signifie que le joueur passe son temps à diriger des courses sans intérêt, lors desquelles il n'a rien à gagner, par peur de tout perdre. C'est très désagréable comme sensation et cela achève forcément toute envie de jouer, même avec la meilleure volonté du monde.

Tout ça pour ça

En tant que grand fan de cyclisme et en tant que joueur vétéran de Football Manager, j'aimerais vraiment parvenir à aimer Pro Cycling Manager. À dire vrai, cela fait plus de 15 ans que j'ai cet espoir, replongeant de temps en temps. Les progrès de Cyanide sont réels, preuve de la bonne volonté du studio, mais ils sont réduits à néant par une décision de game design, qui pourrit l'expérience des joueurs depuis des années (vraisemblablement depuis 2001). J'ignore qui en est à l'origine (j'imagine cependant que cette personne a un frère jumeau responsable des QTE chez Quantic Dream), mais tant que cette fonctionnalité demeurera présente, Pro Cycling Manager ne pourra jamais devenir un bon jeu, ni même un jeu moyen : il continuera toujours, inexorablement, à user la patience des pauvres joueurs qui lui donnent une chance.

Test réalisé sur PC par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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