Test de Half-Life : Alyx - Rise and shine, miss Vance

Il était temps. C’est en 2007 qu’est sorti Half-Life 2 : Episode 2 et les aventures de Gordon Freeman sont restées en suspens pendant ces 13 dernières années. Et même s’il ne s’agit que d’un spin-off (quoique…), voilà qu’un nouvel épisode de la légendaire licence voit enfin le jour (on ne comptera pas le honteux Prospekt). Oui, il était temps. C’est en mars qu’est sorti le titre et vous n’avez le test que maintenant. Il était vraiment temps. Reste à voir si le jeu vaut toute cette attente.

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Half-Life : The Pre-Sequel

On ne va pas vous faire l’affront de présenter Half-Life. De toute façon, ce n’est pas vraiment nécessaire ici. L’action se situe cinq ans avant les évènements de Half-Life 2, le Cartel a déjà envahi la Terre lors de la Guerre de Sept Heures et la résistance s’organise doucement en Europe de l’Est. Des anciens de Black Mesa se sont regroupés à Cité 17, dont Eli Vance. Nous incarnons sa fille, Alyx, 19 ans et peu de souvenirs du monde d’avant. Découvrir l’univers de la saga par ses yeux mettrait donc joueur et personnage plus ou moins sur le même pied d’égalité. Les autres profiteront des allusions et autres références.

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Tout commence pendant que la Résistance surveille les agissements suspects du Cartel. Eli et son collègue Russell sont sur le point de découvrir une information importante concernant une des opérations de l’oppresseur. Soudain, l’état d’urgence est déclaré en ville. Alyx essaye de rejoindre son père, mais ils finissent tous capturés. La jeune fille ne tarde pas à s’évader et à retrouver Russell. Ensemble, ils doivent d’abord secourir Eli avant de s’intéresser aux projets de l’ennemi.

L’aventure se déroule sur une dizaine de chapitres, chacun abordant une idée centrale différente. C’est bien la recette des précédents épisodes ; on note d’ailleurs certaines phases similaires (comme la salle remplie de mines lasers).

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Pas la peine de sortir du M.I.T. pour botter des culs

Le jeu s’ouvre sur un panorama de Cité 17 depuis un des balcons de la ville. Ça en jette plutôt, comme introduction, car le jeu est beau et détaillé ; les aéronefs passent dans le ciel, les habitants circulent en contrebas. Le jeu a été prévu entre autres pour être une démonstration de ce que le moteur Source 2 avait dans le ventre et ça se voit. Si on reconnaît de suite les lieux, la ville et ses habitants ont bénéficié d’un lifting bienvenu ; tout y est forcément plus détaillé qu’il y a dix ans.

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Pour se déplacer dans cet environnement, il y en a pour tous les goûts : assis ou debout, téléportation ou déplacements classiques, aides et raccourcis pour certaines actions. Tout est fait pour y jouer dans toutes les conditions et avec n’importe quelle oreille interne. Le plus immersif est bien entendu le déplacement classique, surtout que la téléportation facilite de nombreux passages. Les sauts se font toutefois par le biais de ce dernier mode.

Au programme des réjouissances, on a beaucoup d’exploration, une grosse dose de fouille, divers puzzles et énigmes et de nombreuses fusillades. Cet épisode met beaucoup plus l’accent sur la découverte et l’ambiance, les combats y étant moins présents que chez ses aînés. L’aspect survie est un peu plus mis en avant avec le rationnement (relatif) des munitions. Il faut également dégoter les résines cachées un peu partout pour pouvoir améliorer ses armes.

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Alyx dispose d’autres outils pour progresser : un outil de piratage et surtout des gants qui manipulent la gravité. Ces derniers permettent de faire venir à vous des objets d’un coup de poignet avant de les rattraper en plein vol. L’exercice demande un peu de pratique, mais finit par être tout à fait naturel. Deux objets peuvent se ranger au niveau des poignets tandis que toutes les ressources (résine et munitions) se rangent dans le sac à dos : il suffit de lâcher ou d’attraper au niveau de votre épaule pour les manipuler.
Le rechargement des armes est entièrement manuel : appuyer sur une touche pour éjecter le chargeur vide, engager les nouvelles munitions et armer le tout d’un mouvement. La manœuvre peut vite mener à d’épiques moments de panique si vous vous retrouvez à sec alors que plusieurs ennemis progressent vers vous.
Il est par contre regrettable que les affrontements se fassent exclusivement par fusillades interposées. Il n’y a aucune arme de corps à corps disponible et les coups de crosse tapent dans le vide. Pis, il est inutile de lancer caisses et balais sur vos adversaires : alors que l’exploration témoigne d’un moteur physique étonnant, on dirait que ces règles ne s’appliquent plus quand l’adversaire est vivant. Tout au plus, il est possible d’attraper un headcrab avec une poubelle, mais pas plus.

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Un effort a été fait sur l’interface. Mis à part quelques rares bulles d’information, toutes les informations sont affichées sur les gants. Alyx prévient aussi à voix haute quand les munitions commencent à manquer. Ce sont vos spectateurs qui profiteront du traditionnel HUD sur l’écran du PC.
La seule entorse à la règle est le menu pour choisir son arme. Ça peut paraître étonnant lorsque la plupart des jeux VR proposent la solution intuitive de l’arme rangée à la hanche ou au-dessus de l’épaule. Cependant, ces options s’accompagnent souvent de la possibilité de jeter l’arme au loin et de récupérer celle de l’ennemi, ce qui ne cadre pas avec le contexte (les armes des soldats leur sont liées génétiquement) ou avec le fait qu’on puisse les améliorer.

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Tout a donc été fait pour que le joueur s’immerge au maximum dans Cité 17 et son ambiance, aussi bien graphique que sonore, a été travaillée dans ce but. Avec toutes les bonnes options activées, vous devez manipuler votre environnement (presque) comme si vous y étiez vraiment. Attention aux murs de votre salle de jeu lorsqu’un headcrab vous saute dessus par surprise, donc. Oui, il y a divers jump-scare de la sorte qui rodent dans les coins sombres.

Un des fers de lance des Half-Life a toujours été sa communauté de moddeurs. Plusieurs jeux cultes ont débuté à travers leurs éditeurs de niveau. Alyx ne fait pas défaut à la tradition et offre également cette possibilité.
À l’heure actuelle, il est un peu tôt pour voir se démarquer quelque chose. Pour l’instant, on trouve beaucoup de campagnes solos (dont des portages des niveaux de Goldeneye) ou la possibilité de modifier le gameplay (comme l’utilisation des boucliers combines).

Unforeseen Consequences

À son démarrage, beaucoup de joueurs avaient noté des bugs graphiques et des ralentissements. Aujourd’hui, la chose est plutôt rare. Même si le jeu peut chouiner que les réglages sont trop hauts pour le PC, il tourne très bien avec un Ryzen 5, 16 Go de RAM et une GTX 1070.

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Inutile d’investir dans un casque associé à Valve : tout le jeu est parfaitement compatible avec un Oculus Rift. Les étonnantes manettes de l’Index apportent quelques fonctionnalités purement cosmétiques, comme pouvoir écraser les canettes dans sa main ou jouer au piano plus fluidement. Rien d’indispensable, donc.

Un point un peu gênant pour l’immersion est la gestion de la taille du joueur. C’est assez déstabilisant de jouer une Alyx de 1m86, car les adversaires du Cartel passent pour des nabots en comparaison. Pour ce qui est de l’intimidation, ça ne fonctionne pas vraiment. Le jeu ne propose pas d’onglet pour régler cette partie et les divers re-calibrages de Steam VR n’ont rien arrangé.

Les mains sont représentées comme deux entités indépendantes. Cela occasionne parfois des réactions étranges : il arrive que la main reste coincée dans un interstice étroit après s’être déplacée. Sans compter le fait de la passer par un orifice avant de la faire sortir par un autre. Un petit côté Rayman, en somme.

Contrairement au reste de la série, le jeu ne propose pas de doublage en français. Les dialogues sont très bien doublés (même si Alyx ne sonne pas toujours comme une jeune fille de 19 ans), mais ce n’est pas toujours évident à suivre quand on est occupé par divers zombies. Et les sous-titres qui flottent devant vos yeux égratignent eux aussi l’immersion. C’est assez dommage, car les répliques sont souvent drôles, entre une Alyx désabusée qui cherche à comprendre son univers et un Russell déconnecté de la réalité.

Un dernier point qui peut nuire à l’illusion est la fréquence des chargements. En effet, le jeu est découpé en zones de taille moyenne. Dans ces moments, on se retrouve à attendre devant une carte où est indiquée notre progression travers les quartiers de la ville.

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I hate you, Jeff

Half-Life : Alyx est un excellent jeu en réalité virtuelle. Il se place clairement dans le haut du panier de ce que le média peut offrir aujourd’hui. Mais voilà, on parle quand même de Half-Life, la licence qui a par deux fois redéfini un genre et dont Valve traîne à sortir le troisième épisode, car il se doit de s’articuler autour d’une idée novatrice. En gros, on attendait de Valve qu’il redéfinisse toute la forme du panier.
Half-Life est un condensé de tout ce qui se fait en réalité virtuelle. La scène du balcon en introduction et l’outil de hack renvoient à Batman : Arkham VR. La fouille du moindre placard pour des ressources, la gestion des chapeaux (trop peu variés, d’ailleurs) et certains passages angoissants font penser à Arizona Sunshine. La manipulation réaliste des armes a déjà été faite avec Boneworks (que certains qualifiaient déjà de digne héritier de Half-Life) ou Pavlov. Les puzzles rappellent irrémédiablement FORM ou the Gallery, surtout que Heart of the Emberstone s’offre en plus le luxe d’avoir un gant un peu similaire.
Certains clament qu’il est le premier à apporter une véritable longue aventure solo, mais c’est vite oublier l’existence de Lone Echo (exclusivité Oculus, certes, mais Re-Vive permet depuis longtemps de s’affranchir de cela). Oh, c’est certain que Alyx en impose tout de même avec sa quinzaine d’heures. Mais au prix de puzzles qui se répètent inlassablement (la sphère pour les armoires, les conduits électriques pour les portes, un petit parcours pour les mines et les points à relier pour les synthétiseurs), d’une redondance dans les lieux visités (appartements, entrepôts et sous-terrains) et autres phases qui s’éternisent (bon sang, Jeff…), pour souvent des objectifs similaires.

Attention, melting pot de diverses références, oui ; mais il faut reconnaître qu’ils ont fait ça avec une réelle homogénéité, le tout forme un ensemble solide et cohérent. Le jeu n’est pas qu’un copier/coller avec un habillage Half-Life, il apporte aussi quelques idées qui lui sont propres (comme la gestion des spores, par exemple). Seul le rythme aurait définitivement bénéficié de quelques coupes dans son déroulement.

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Un autre point fait beaucoup débat : pourquoi ne pas avoir proposé de version non VR ? Car le jeu n’aurait eu alors aucun intérêt sans ce format. Ce ne serait qu’une succession de couloirs avec quelques affrontements. Le jeu est plutôt linéaire, les combats et explorations seraient bien trop simples sans réalité virtuelle et la maniabilité des puzzles en aurait pâti. Cela veut donc dire que c’est un mauvais jeu ? Non, car c’est justement la composante réalité virtuelle qui fait toute la différence.
La VR s’applique à répliquer des mouvements réels dans des situations extraordinaires. Le joueur est immergé dans un espace dans lequel il peut bouger naturellement (et même se déplacer si vous avez suffisamment d’espace pour du roomscale) et pas seulement limité à la lucarne qu’est l’écran. Il dispose de deux outils de contrôle indépendants : ses propres mains. Il est possible de tirer sur un ennemi d’une main et de manipuler un mécanisme de l’autre, tout en jetant des coups d’œil derrière pour voir où passent le reste des adversaires. Quand il faut fouiller, on peut inspecter tous les objets, tout balayer d’un revers de la main ou renverser une poubelle par terre pour mieux voir son contenu. On a déjà abordé la manipulation des armes, mais il est aussi possible de tirer à l’aveugle au-dessus de son abri ou au coin d’un passage. C’est autre chose que de se contenter d’appuyer sur R pour recharger son arme, de presser sur E pour que le meuble s’ouvre tout seul ou autre "press F to pay respects". Bien sûr, il faut alors viser soi-même et il peut être rageant de foirer son lancer de grenade. Mais ça fait partie du plaisir de jeu.

Le soucis, c'est qu'on revient à ce qui divise les joueurs autour du motion-gaming, et ce depuis l'apparition de la Wii : certains prennent plaisir avec la pratique tandis que d'autres ne veulent pas avoir à bouger les bras pour une action alors que presser une touche peut suffire pour un résultat souvent plus précis. Même l'approche de l’immersion s'avère ne pas être la même pour tous les joueurs, comme en témoignent par exemple les débats sur le manque de troisième personne dans Cyberpunk 2077.

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En allant plus loin que l’expérience qu’est the Lab, Valve nous propose ici un vrai grand jeu en réalité virtuelle. Certes, Half-Life : Alyx n’est pas parfait. Oui, un habitué du média aura l’impression d’avoir déjà vu la plupart des mécaniques proposées. Mais un néophyte qui profiterait du retour de la saga légendaire pour s’y essayer sera enchanté, à condition qu’il ait conscience que les combats y sont en retrait au profit de l’ambiance et de l’exploration. Et pour tous les fans qui croient encore en cette satanée arlésienne, c'est l'occasion de remettre une pièce dans le grand manège de l'espoir.

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Test réalisé sur PC par NeoGrifteR à partir d’une version commerciale

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