Test de Watch Dogs : Legion - Il est pas beau mon futur ?
Après à peine trois années, Ubisoft revient, via son studio basé à Toronto, avec un nouvel opus pour une de ses sagas phare : Watch Dogs. Cet opus nous propose une vision d'un futur londonien s'inspirant des meilleurs épisodes de Black Mirror. Avec une volonté de modifier la recette un tant soit peu, est-ce que Watch Dogs : Legion répond à nos attentes ?
Black Dogs Mirror
Watch_Dogs : Légion (WDL) nous propose donc de suivre l'antenne londonienne de DedSec. Pour rappel, ces derniers sont un collectif secret de hackers en tout genre voulant restaurer une certaine démocratie face à l'arrivée massive de technologie de surveillance toujours plus intrusive comme notamment le CtOs. Dans le premier opus, nous incarnions Aiden Pearce en quête de vengeance puis nous avons fait la connaissance de Marcus Holloway. Aujourd'hui, c'est une toute autre paire de manche, car l'une des fonctionnalités principales de WDL est de ne proposer aucun personnage principal. Tout le monde peut rejoindre DedSec et se battre pour la liberté. Nous parlerons plus en détail de cette mécanique qui apporte son lot de bons et de mauvais côtés.
Au niveau de l'histoire, le Brexit a eu lieu, Londres est en proie à une crise économique qui met bien plus en avant les crypto-monnaies ainsi que l'écart social entre les corporations et les citoyens. Au milieu de cette ambiance quelque peu nauséabonde, des attentats retentissent en plein cœur de la capitale anglaise et sont revendiqués par Zero-Day, "membre" de DedSec. Heureusement (ou pas), une société de sécurité, Albion, propose son aide à la ville pour renforcer la sécurité et apporter la paix au territoire londonien. Bien entendu, c'est un état totalitaire qui se met rapidement en place, dans lequel on assiste très facilement à du délit de faciès, des passages à tabac en pleine rues et à une omniprésence de la technologie récoltant toujours plus d'informations sur les gens. Benjamin Franklin le disait très bien : " Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre et finit par perdre les deux".
Votre mission est de comprendre ce qu'il s'est réellement passé à Londres, qui a commandité ces attentats et qui tire les ficelles dans l'arrière-boutique. Si le pitch est intéressant en soi, il est déjà vu et revu au travers des nombreuses séries/jeux que nous proposent les différents médias nous entourant. WDL propose ici de s'inspirer de ceux-ci (Deus Ex, Black Mirror, James Bond...) pour créer un univers cohérent, mais manquant, à mon sens, cruellement de profondeur. Tout est parfois un peu trop manichéen comme dans la plupart des jeux d'Ubisoft. C'est d'ailleurs mon premier regret concernant WDL. On vous propose un univers, une aire de jeu avec de multiples outils, mais jamais on ne va vraiment au fond des évènements ni pousse le joueur à s'interroger sur ce qu'il se passe devant ses yeux. Bien trop souvent, on ne permet pas la réflexion au joueur, on lui dit d'aller au point A, de faire telle tâche et de prendre du plaisir à le faire. Finalement, vos seuls choix se résument à la manière dont vous appréhendez l'histoire en matière de gameplay ; c'est déjà intéressant, mais clairement cela aurait pu, aurait dû, être mieux.
Différemment semblable
Quand je parlais d'univers cohérent, Londres est simplement sublime et vivante. Chaque quartier est représenté par sa population, ses mœurs et sa vie. Vous aurez bien plus de chance de croiser un groupe de Punk à Camden ou des voitures de luxes en plein centre. Chaque personnage que vous rencontrez a sa propre histoire bien que celle-ci soit assez simpliste : lui, c'est un docteur hacker, lui, c'est un ancien militaire alcoolique, lui, c'est un punk anti système, elle, c'est une mamie retraitée du MI5....Cela permet d'avoir une idée à la fois de l'utilité du personnage, de son gameplay et de l'utilisation que vous pouvez en faire. En appuyant sur une simple touche, vous avez accès à l'ensemble de ces informations ainsi qu'aux bonus qu'apporte la personne (toujours en fonction de son histoire) et cela peut même lancer une procédure de recrutement.
Certains personnages ont plus de facilité en Hacking, d'autres en conduite de véhicule ou encore dans l'utilisation de certaines armes. Ubisoft a clairement basé sa communication sur cette mécanique qui, aux premiers abords, est réellement intéressante. L'idée que chaque personnage de l'univers dans lequel on évolue puisse avoir un impact sur ce dernier, c'est une ouverture incroyable en matière de monde ouvert. Toutefois, ce système montre rapidement ses lacunes. En effet, je trouve que ce système aurait dû être bien plus abouti, car finalement, tout est dispensable. Est-ce que c'est un choix pour permettre une certaine casualisation du contenu ou bien pour éviter la frustration ? On ne le saura sans doute jamais.
Tout d'abord, sachez qu'à côté de vos agents, vous avez un arbre de technologie qui vous permet de dépenser des points TECH récoltés à travers le monde ou en accomplissant des missions. Cet arbre est la pire erreur qu'Ubisoft pouvait faire pour mettre en avant la mécanique des agents. En effet, cela veut dire qu'une fois qu'un agent rejoint DedSec, il a accès à toutes les technologies de l'arbre de talent. On y retrouve : l'arachnobot, des armes non létales, une invisibilité, la possibilité de cacher des corps virtuellement, de contrôler des drones ou des tourelles. Bref, le kit du parfais hacker. De ce fait, que vous soyez un tueur à gage ou bien un hacker confirmé, vous avez accès à ces technologies. Ces dernières sont très (trop ?) facilement déblocables et amenuisent totalement la difficulté du jeu. À quoi bon se prendre la tête à faire de l'infiltration quand je peux tout simplement devenir invisible pendant 10-15-30 secondes ? L'arachnobot peut s'infiltrer, pirater et réaliser des éliminations... Bref, je ne comprendrai sans doute jamais l'intérêt de proposer des personnages uniques en leur genre tout en proposant des options disponibles pour tous. Il aurait été bien plus intéressant de proposer des personnages ayant des spécialités plus marquées dans certains domaines et de faire appel à eux pour favoriser le gameplay et ainsi affirmer encore plus leur personnalité. On a le sentiment qu'Ubisoft veut contenter tout le monde et éviter à tout prix la moindre frustration de se dire : "Ha flûte pour la mission là, il m'aurait fallu un spécialiste en Arachnobot, mais je n'en ai pas, je vais devoir aller en cherchant un"...Bha non, prends ton espionne que tu viens de débloquer, elle pourra faire la même chose et en plus elle, elle a une voiture qui tire des missiles.
Pourtant, il y a clairement des bonnes idées dans ce système. Et c'est très clairement l'inspiration Hitmanesque qui est au rendez-vous via le système de tenues. En effet, en recrutant un officier de police, une femme de chantier ou encore un garde d'Albion, vous avez la possibilité de vous promener plus librement si vous devez infiltrer un commissariat, un hôpital ou autre. Cela vous pousse très clairement, en fonction des missions, à favoriser un agent ou un autre. Malheureusement, vous pouvez facilement être reconnu (par on ne sait quel miracle) si vous vous rapprochez trop près d'un garde, mais dans l'ensemble, cela apporte un petit plus à l'infiltration qui n'est clairement pas désagréable.
Autre point positif de ce système, on se retrouve avec des personnages ayant maintenant des "sets" d'animations. En fonction de l'histoire du personnage, il évoluera dans le monde à sa manière. Ainsi, le geek ultime fan d'hacking n'a aucune fluidité dans ses mouvements de combats au corps à corps tandis que l'espionne a des animations de combat réelles. Il y a de nombreuses possibilités qui modifient la manière de marcher du personnage, ses animations d'éliminations ou encore la manière dont il porte des armes.
L'idée de base est sublime et mérite d'être saluée, mais on sent clairement le manque de temps et d'expérience pour réaliser cela de manière réellement complète. Les personnages manquent de profondeur face aux évènements qui se déroulent et deviennent rapidement des pions que vous utilisez comme bon vous semble en fonction de vos envies. Jamais un personnage ne refuse de s'adonner à de la violence parce que cela ne rejoint pas ses valeurs, jamais un personnage ne réagit sur la manière dont vous évoluez dans le monde. On rejoint DedSec, on combat le pouvoir, on est cool. Et pourtant, on ressent des tentatives de rendre l'univers plus cohérent et plus profond. Quand vous réalisez une mission pendant laquelle vous avez tabassé des mecs et que vous les recroisez sortant de l'hôpital avec une petite mention "S'est fait tabasser par tel personnage"...Quand vous sauvez un mec qui se fait passer à tabac dans une rue par des gardes d'Albion et qu'il a soudainement plus facilement envie de vous rejoindre... Toutefois, cela reste très en surface, malheureusement.
Open Ubi World
Outre la mécanique des agents, on retrouve bien entendu le fameux monde ouvert made in Ubisoft. On croise les doigts pour que la next-gen donne envie au studio de proposer un jour quelque chose de différent que ce que l'on mange depuis des années maintenant. On retrouve donc une ville divisée en quartiers. Dans chacun de ceux-ci, vous avez des missions pour débloquer des agents, mais aussi débloquer des points de relais (pour le déplacement rapide) ou encore la position des technologies TECH permettant d'obtenir les éléments de l'arbre technologique. Far Cry avait ses avants-poste, Assassin's Creed ses tours... Dans Watch Dogs, ce sont ses missions de propagande.
On retrouve aussi quelques activités annexes qui sont là, mais on ne sait pas vraiment pourquoi : jonglage avec un ballon de football, fléchettes dans les bars... Il ne manquait sans doute que les fish & chips pour vraiment avoir une expérience londonienne.
Toutefois, on ne peut nier la beauté de ce monde. Le jeu est beau, on sent le sens du détail dans l'architecture et les panoramas qui s'offrent à nous quand on sort du métro ou en plein centre-ville. Que ce soit l'éclairage, la vie du monde qui nous entoure ou encore le cycle jour/nuit, on peut vite être bluffé par la qualité visuelle du titre. Si l'emballage est magnifique, on regrette que son contenant peine encore sur des difficultés déjà présentes il y a maintenant six ans (Watch Dogs premier du nom). Est-ce qu'un jour, Ubisoft se décidera à travailler sur ses IA ? En effet, encore une fois, on se retrouve avec des ennemis qui n'ont aucune logique. Dès les premières minutes, on se rend compte queMarcel le garde n'entend pas du tout que vous êtes en train d'effectuer l'élimination la plus bruyante du monde sur son pote Boris. Bref, ne cherchez aucunement une IA intelligente et compliquée à négocier, ce n'est pas le cas ici. Moment réellement vécu en jeu : j'ai réussi à faire perdre le niveau d'alerte d'un gars en tournant autour d'un canapé, ça vous laisse imaginer le niveau. Ou encore la fois où j'ai volé une voiture d'Albion sous leurs yeux sans déclencher la moindre alerte. On notera qu'il est d'ailleurs très facile d'échapper à Albion que ce soit en voiture ou même en quitter simplement leur ligne de vue pendant un moment.
Globalement, le titre m'a semblé vraiment trop facile. D'ailleurs, je vous conseille clairement d'activer la mort de vos agents comme option. Cela apporte bien plus de challenge et d'intérêt à ce système imparfait. Si vous ne le faites pas, le monde sera tout de suite bien moins intéressant, car quand un agent est mis k-o, soit il est arrêté pendant une heure soit il se retrouve à l'hôpital pendant le même temps. Assez cocasse de se dire parfois qu'après avoir tué dix personnes dans un commissariat, on ressort après une petite heure au cachot... De même, il semble aberrant que dans un état présenté comme totalitaire, un garde ne sort son arme que si vous ne sortez la vôtre. Oui, vous avez bien lu : si vous vous battez au corps à corps, l'ennemi respectera votre choix et se battra au corps à corps lui aussi... Je ne sais pas si l'inspiration vient de For Honor, mais là encore je ne comprends pas l'intérêt à part se tirer une balle dans le pied (enfin si votre pied à une arme, sinon...).
Néanmoins, WDL propose aussi un héritage très marqué vis-à-vis de ses deux cadets et on retrouve bien entendu les différentes formes de piratage à travers les caméras de surveillance, les voitures, les clés de déchiffrage... Les habitués du titre n'auront aucun mal à se mettre manette ou clavier en main dans cet univers londonien.
Who let the dogs out ?
Oui, ce test peut paraître quelque peu sévère avec Watch Dogs : Legion, mais les promesses faites par Ubisoft ne sont clairement pas totalement remplies. Le jeu manque de profondeur dans ses différentes mécaniques, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne propose rien pour peu qu'on ne soit pas trop difficile. Vous avez tout de même droit à un bac à sable offrant de nombreuses manières de solutionner un problème et même de vous créer une ligne de conduite si vous le voulez. L'univers reste toujours aussi cohérent et pour les amateurs de ce genre-là, c'est du caviar en boite !
Watch Dogs: Legion n'est clairement pas ce que l'on peut qualifier de mauvais jeu, car on sent le travail du studio et la volonté de proposer enfin quelque chose de différent. Néanmoins, si l'expérience est appréciable, elle ne restera probablement pas dans les mémoires de par ce manque de profondeur ainsi que son côté très générique. C'est malheureusement une approche qu'Ubisoft ne fait pas évoluer assez rapidement face aux attentes des joueurs. On a souvent une recette très similaire aux précédents opus avec seulement quelques ajouts derrière. Le studio se doit d'être prudent face à cela pour ne pas répéter le cas Assassin's Creed qui en était venu à dégoûter une bonne partie des joueurs de la licence et avait obligé le studio à modifier la recette de base.
Pour finir, Watch_Dogs Legion plaira sans aucun doute à ceux ayant apprécié les deux premiers opus ainsi qu'aux gens qui recherchent un monde ouvert où passer un peu de temps. Toutefois, ne soyez pas trop gourmand et n'en attendez pas trop non plus, vous risqueriez d'être déçu ! Enfin, il est important de préciser que le mode en ligne du jeu n'arrivera que le 3 décembre.
Le jeu est disponible sur PlayStation 4, Xbox One, Windows et Stadia puis prochainement sur PlayStation 5 et Xbox Series à un prix avoisinant les 55 euros. Un season pass est bien entendu prévu ; on retrouvera dans celui-ci des histoires additionnelles (concernant notamment Aiden Pierce) ainsi que du contenu supplémentaire.
Ce test a été réalisé sur PC par Glaystal grâce à une copie offerte par le développeur.
Sur le même sujet :
Plateformes | Google Stadia, PlayStation 4, PlayStation 5, Windows, Xbox One, Xbox Series X|S |
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Genres | Action, aventure, tir, futuriste / science-fiction |
Sortie |
29 octobre 2020 (Windows) 29 octobre 2020 (Xbox One) 29 octobre 2020 (PlayStation 4) 10 novembre 2020 (Xbox Series X|S) |
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