Test de The Silver Case 2425 - Une expérience atypique du visual novel à la sauce Suda 51

Compilation de deux (très) anciens jeux d'enquête signés Suda 51, The Silver Case 2425 propose d'expérimenter du visual novel sombre et pour le moins original. Sans nuance, on se situe entre le chef d'œuvre et le nanar vidéoludique.

The Silver Case 2425

Quand on se lance sur la compilation The Silver Case 2425, on remonte littéralement dans le temps. En effet, le premier opus, The Silver Case est sorti sur la console PlayStation en 1999, tandis que sa suite The 25th Ward : The Silver Case a été lancée sur mobiles en 2005 au Japon. Le charismatique développeur japonais Goichi Suda avec le studio Grasshopper Manufacture sont à la manœuvre, bien avant No More Heroes, Lollipop Chainsaw ou Killer Is Dead. Celui aussi connu sous le pseudonyme Suda 51 a toujours eu une approche décalée, sombre voire inconvenante, dès ses premières productions.

Concernant The Silver Case, le studio avait à ses débuts peu de moyens dans un projet rendant hommage aux jeux des années 80, je vous laisse imaginer le décalage aujourd'hui. Dès les premières secondes, on se demande où l'on est tombé, mais clairement pas dans le consensuel. En transformant le modèle du visual novel, on se dirige vers une expérience visuelle un brin psychédélique perpétuellement en mouvements, mais pour mieux remettre en lumière le texte avec ses dialogues qui se superposent. Car cet ensemble baigne dans une obscurité aussi malaisante qu'oppressante. Des traits qui apparaissent pour recentrer l'attention du joueur dans ce fouillis sans nom, des mots qui s'éclipsent en quelques secondes alors qu'un encadré distille images, vidéos ou séquences de jeu dans différents styles au gré d'une mise en scène particulièrement travaillée.

Un martellement sonore presque incessant signale chaque nouvelle lettre du dialogue, alors que le rectangle accompagnant la dernière d'entre elle file à toute allure comme au début de l'informatique. Ce bruit si horrible et pénible, le jeu en joue pour influer sur l'ambiance, en particulier quand le sentiment de malaise monte. L'erreur serait de couper le son, car la musique composée par Masafumi Takada porte idéalement l'ambiance glauque du jeu. En effet, The Silver Case nous entraîne dans un monde dystopique en train de sombrer dans une folie meurtrière, influé par un tueur en série devenu légendaire. Ce monde profondément inégalitaire a semé le désespoir, où l'on tente d'intervenir en tant que membre d'une unité spéciale des forces de police, mais aussi d'autres personnages au gré des chapitres.

The Silver Case est une oeuvre d'art

Au bout des premières minutes de jeu, ou plus précisément des dialogues qui se sont enchaînés de manière interminable, on arrive à la première séquence de jeu que l'on a bien du mal à distinguer tellement les graphismes sont d'une autre époque. On est dans le cubisme avant même Minecraft. Les déplacements s'opèrent de case en case sur le modèle du dungeon crawler, le tout avec une vue à la première personne. Chaque environnement ne compte que quelques cases avec des interactions possibles très limitées et surtout la nécessité absolue de faire exactement ce qui est attendu par les développeurs. Le joueur n'a quasiment aucune prise sur la narration. Au passage, si vous êtes complètement bloqué, je ne peux que vous encourager à regarder le plafond. Cette linéarité bornée au plus près rappelle que l'on est là avant tout pour suivre une narration, avec pour principal élément de gameplay le bouton permettant de passer au dialogue suivant. On comprend vite que le jeu tourne essentiellement autour de la narration, le principe du visual novel en fait.

The Silver Case 2425

Des énigmes ponctuent le tout, mais la principale difficulté restera de trouver la tâche, la manœuvre ou le dialogue attendu pour débloquer la suite. Les énigmes sont tellement accessoires qu'une touche permet de les résoudre automatiquement. Servi par une interface qui ne connaît pas le concept d'ergonomie, on progresse donc plus ou moins laborieusement dans l'histoire. En fait, il faut réellement faire preuve de volonté pour entrer et surtout poursuivre The Silver Case. C'est comme se retrouver devant de l'art contemporain, avec la nécessité de faire un pas de côté pour entrer dans l'esprit de l'artiste à l'origine de l'œuvre. Tout est joué dès les prémisses, si vous n'avez pas déjà rangé -- à juste titre -- The Silver Case parmi les bouses vidéoludiques sans nom.

On poursuit donc pour aborder un dernier point bloquant par rapport à The Silver Case, l'absence de localisation en français. Pour un jeu dont l'intérêt est avant tout dans son texte, il est nécessaire d'être suffisamment à l'aise avec l'anglais pour en profiter. Si certains dialogues peuvent traîner en longueur, ce sont bien eux, avec l'histoire qu'ils composent, qui font tout l'intérêt du jeu. Et cette impression se renforce d'autant plus quand on part avec sa console Nintendo Switch en mode nomade : on embarque un livre interactif.

The 25th Ward : The Silver Case, la maturité de l'œuvre

The Silver Case 2425

Persister permet d'arriver jusqu'au second titre de cette compilation avec The 25th Ward : The Silver Case. On continue d'évoluer sur le même registre avec un visual novel dont les codes sont remaniés. Conçue pour mobiles, mais adapté pour un remake sur PlayStation 4 et PC, cette suite se déroule plusieurs années après l'affaire The Silver Case. La narration évolue cette fois sous la forme de trois histoires parallèles, trois points de vue différents qu'il est préférable d'aborder ensemble, car elles se recoupent. Les déplacement sont plus aisées, les graphismes moins datés et surtout la mise en scène maîtrisée.

L'ambiance oppressante et le scénario continuent de représenter tout l'intérêt du titre, qui conserve l'ensemble des défauts évoqués précédemment. Les éléments de gameplay sont accessoires et les dialogues tout en longueur, toujours au rythme crispant de la machine à écrire les déroulant. Toutefois, les illustrations sont un magnifique support à la narration, se mouvant à l'écran pour donner une dynamique intéressante à l'ensemble, même si elles sont souvent étranges et sombres à l'image de son créateur.

Conclusion

La compilation The Silver Case 2425 est l'occasion de découvrir une œuvre vidéoludique résolument originale, un brin datée notamment sur sa première partie. Il peut également s'agir d'une découverte du visual novel, un genre qui ne sort que rarement du Japon. Il faut toutefois bien prendre en compte le côté atypique et un brin désuet de ces deux titres, en recommandant d'ailleurs une pause entre les deux volets pour éviter de saturer. Il faut bien mesurer si l'on est prêt à se laisser embarquer par cette œuvre de Suda 51, qui peut prendre aux tripes grâce à son ambiance si l'on dépasse ses défauts majeurs en terme de conception, ou laisser totalement indifférent si on la considère simplement comme un jeu. The Silver Case 2425 est une histoire qui se laisse raconter.

Test réalisé par Agahnon sur Nintendo Switch à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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Plateformes Nintendo Switch
Genres Aventure, visual novel, contemporain, science-fiction

Sortie 9 juillet 2021 (France) (Nintendo Switch)

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