Un renouveau venu de l'histoire

The Great Ace Attorney Chronicles opère un virage complet : exit l'époque contemporaine, place au 19ème siècle à l'ère Meiji. Un changement d'ambiance qui profite allègrement à l'histoire et à ses références, la série assumant pleinement ses emprunts aux univers de Sherlock Holmes et de Hercule Poirot, dont la temporalité se rapproche un peu plus avec ce retour dans le temps. Le jeu y multiplie donc les références, notamment au célèbre détective britannique, avec une multitude de situations et de personnages qui font directement écho aux histoires imaginées par Arthur Conan Doyle. Néanmoins, plus qu'un festival de références, The Great Ace Attorney Chronicles offre au cours des deux jeux qu'il compile un changement d'ambiance et un joli retour aux sources pour la série. En effet, le monde judiciaire imaginé par les Phoenix Wright s'est longtemps inspiré d'une vision très anglo-saxonne, avec la solennité et la grandeur du cérémonial d'un tribunal britannique. Ici, le jeu mélange directement les deux pays, à un moment où la justice japonaise tente de faire bonne figure face aux pratiques importées par des gouvernants Anglais sur l'archipel. Il y a une dose de politique, de conspirations et de jeux de pouvoir, ce qui donne une certaine grandeur au récit.

Pourtant, les deux titres ne sont pas si différents des épisodes de la série principale, puisqu'on y retrouve la même mise en scène grandiloquente, ses fameux "objection", son avocat qui pointe du doigt un peu tout le monde et ses protagonistes improbables. Les deux jeux disposent d'ailleurs d'une formidable galerie de personnages aux caractères variés, au ton plein de dérision et aux histoires déroutantes. Mis en scène comme un whodunit, les procès se jouent toujours autour de contre-interrogatoires à la recherche des incohérences des témoignages et la présentation de preuves qui mettent à mal un procureur général toujours du mauvais côté de l'histoire. Entre deux procès, on explore les lieux d'enquête et on tente de trouver de quoi s'armer pour la prochaine audience, profitant de dialogues ciselés et de décors somptueux qui donnent à The Great Ace Attorney Chronicles une ambiance bien particulière, peut-être même plus séduisante que la série principale. Peut-être parce que l'histoire et la politique y jouent une place prépondérante, donnant une envergure encore plus importante à ses histoires et ses machinations. Certes, les enquêtes restent plutôt faciles, mais on se plaît tellement à jouer aux détectives et à faire des déductions, à interroger les témoins et à chercher les erreurs et incohérences, que les deux jeux se parcourent avec un plaisir certain.

Générosité du remaster, traduction au poil

On sait que la traduction des deux jeux a été un défi et ça a souvent été rappelé, notamment dans un post de blog PlayStation. The Great Ace Attorney Chronicles aborde en effet l'histoire du Japon, multipliant des références, des jeux de mot et des réflexions sur les enquêtes qui pourraient être difficiles à comprendre pour une audience étrangère. D'où les difficultés rencontrées pendant la traduction, mais le résultat s'avère extrêmement satisfaisant avec un énorme travail de localisation effectué pour que le jeu soit parfaitement compréhensible tout en conservant toute sa subtilité. Cependant, on ne va pas se cacher, c'est un bon moyen aussi de justifier une chose : le jeu n'est disponible qu'en anglais. Difficile pourtant de leur en vouloir tant ce remaster est généreux, avec des améliorations de confort comme une sauvegarde automatique et de nombreux bonus (bande-originale, galerie d'artworks, commentaires des développeurs...) ainsi que la possibilité de jouer les deux jeu en "story mode" où les enquêtes et procès se résolvent seuls, retrouvant un simple visual novel où l'on se contente d'avancer l'histoire. Notons d'ailleurs la présence des "escapades", des séquences de narration supplémentaires écrites par Shu Takumi, le réalisateur de la saga. Ce contenu supplémentaire apporte parfois un nouvel éclairage sur les personnages, renforçant une narration déjà dense.

Cela fait de The Great Ace Attorney Chronicles un remaster plein d'un contenu qui fait passer la pilule après une trop longue attente. Les deux titres sont qualitatifs et leurs adaptations sur les différentes plateformes fonctionnent plutôt bien. Notamment sur Switch où il est possible d'y jouer intégralement au tactile pour les personnes que cela intéresse, rappelant les origines des deux jeux sur 3DS, bien que l'on perde ici l'utilisation du stylet. Mais peu importe la plateforme, les deux titres brillent pour bien des raisons et sont extrêmement agréables à l'œil grâce au design toujours varié et loufoque pour les nombreux personnages qui composent les deux histoires. Il y a toujours ce goût du détail sur les vêtements, les expressions, les animations, donnant un peu plus de vie à un genre de jeu qui, par nature, a une mise en scène plutôt statique. Notons enfin qu'il est possible de jouer avec les voix anglaises ou japonaises, au choix.

Conclusion

Chaleureux comme une vieille connaissance que l'on retrouve, The Great Ace Attorney Chronicles nous donne enfin l'occasion de découvrir deux titres particulièrement réussis, qui emmènent la saga des Phoenix Wright dans le temps en abordant la justice sous l'angle du 19ème siècle. Avec une narration forte et quelques-uns des meilleurs personnages de la saga, les deux jeux qui composent ce remaster offrent une cinquantaine d'heures parfaitement maîtrisées. Un plaisir à parcourir, avec son lot de rebondissements qui s'assurent de garder un rythme narratif intense. 

Test réalisé par Hachim0n sur Switch à partir d'une version fournie par l'éditeur.