Test de Final Fantasy Pixel Remasters - Final fan t'hésites?

Si SquareEnix est un développeur au catalogue prestigieux, l'entreprise a également un lourd passif lorsqu'il s'agit de porter ses anciennes gloires sur de nouvelles machines. Le portage Steam de Chrono Trigger a été un long chemin de croix pour les fans comme pour l'éditeur, et les versions Smartphone et PC des épisodes 16 bits une lente descente aux enfers, malgré de bonnes intentions.

Cette fois-ci, l'éditeur annonce avoir mis les petits plats dans les grands avec ces Pixel Remasters - qui sont pour certains titres une sixième mouture - à renfort de grands noms et de superlatifs, enterrant au passage les polémiques comme les anciennes versions rayées des boutiques en lignes. Ces titres, qui visent à proposer une interface unifiée pour toute la saga ramèneront-ils l'équilibre dans la force ?

Rien n'est moins sûr.

Titre v2

Mais que fait la police ?

Le comble pour une collection nommée "Pixel Remaster" ne serait-il pas d'omettre de faire une police en pixel art ? D'autant que l'éditeur Square Enix est au courant de l'appétence des joueurs pour de tels détails après la lutte acharnée menée par ces derniers afin de redonner au portage de Chrono Trigger ses lettres de noblesse. Pourtant, le problème du texte dans cette collection va encore plus loin.

Si l'absence d'option pour ajuster le texte peut passer pour une faute de goût, c'est surtout un problème ergonomique. En effet la police choisie n'est pas fonctionnelle: les chiffres sont de taille adaptée, mais tout ce qui relève du texte est riquiqui et tassé. Si c'est lisible assis à un bureau, c'est problématique au fond du canapé, et illisible en remote sur smartphone. Échec donc sur toute la ligne de caractères comme de caractère.

Le pire, c'est qu'une police adaptée existe. En effet le fichier japonais inclut l'alphabet latin moderne avec des symboles à la bonne taille. On pourra, au prix d'un simple swap de fichiers rendre le jeu plus lisible - voire s'offrir les joies du pixel art grâce au travail des fans - mais en perdant au passage les langues autres que l'Anglais. En effet, nos caractères accentués ne sont bien entendu pas pris en charge. Il faudra donc sans grand regret faire une croix sur une énième traduction française au lexique surprenant remplaçant par exemple la classique "résurrection" de nos alliés par une désuète "ressuscitation". Sympa si vous parlez "le vieux François".

Le pad de travers

Autre régression surprenante et pour le coup handicapante, l'ergonomie qui perd les fondamentaux de la série. Dites adieu aux raccourcis L+R nous permettant de fuir les combats depuis plus de 25 ans. Faites une croix sur gauche et droite pour trouver facilement la défense ou le positionnement du perso. Oubliez le menu des armes accessible avec haut - il faudra en plus faire X. Le nouveau menu de combat, à base de pages qui défilent voire d'options qui se déplacent est moins pratique que l'ancien.

Perdez aussi vos habitudes pour sortir du menu principal en trois cancels, puisqu'une étape supplémentaire inutile pointant sur les personnages a été rajoutée. Autant vous dire que les habitués de la saga auront de quoi se prendre les pieds dans le tapis, au point qu'on se demande pourquoi les développeurs ont cherché à réinventer la roue, surtout pour la rendre carrée.

Les options sur PC manquent aussi le coche. Si on peut heureusement choisir diverses résolutions et un affichage plein écran, le jeu s'ouvrira quoi qu'il en soit en mode fenêtré à chaque redémarrage. Pour le reste, il faudra soit aller faire un tour dans les drivers graphiques afin de forcer le vsynch, soit transiger avec un tearing important: une grande première pour un titre en 2D. Un "filtre analogique" est proposé, avec des scanlines et un flou élevé sans aucun ajustement possible. Le rendu étant à peu près aussi net que quand je retire mes lunettes, j'ai laissé à contrecœur cette option de côté.

Ne parlons pas des contrôles à la souris pour éviter de s'énerver : on peut cliquer sur certains menus et pas sur d'autres, ce n'est ni cohérent ni intuitif. Sans parler du pointeur Windows basique qui traîne à l'écran même lorsque l'on joue au pad. Heureusement il est possible d'utiliser uniquement le clavier et paramétrer toutes ses touches fétiches comme les habitués le font depuis des années. Quand vous jouez à la manette, si de nombreux périphériques sont reconnus d'office, seuls les 4 boutons de façade sont ajustables.

D'un point de vue purement fonctionnel, c'est donc une inexplicable régression sur toute la ligne qui donne l'impression que Square Enix repart de zéro à chaque nouveau remake, au lieu d'améliorer l'existant, qui plus est en enchaînant les faux pas.

Plus doux que du lait de la NES

Après ce déluge de désillusions - qui avec quelques ajustements ne ternissent pas tant que ça une expérience qu'on aurait tout de même préférée "plug and play" - viennent plusieurs bonnes nouvelles.

La direction artistique est très bien réussie. Kazuko Shibuya - pixel artist des premiers épisodes - a fait un excellent travail d'équilibriste pour reprendre les sprites d'origine et en proposer un rendu à la fois fidèle à l'expérience NES, mais visuellement proche de la SNES. On a vraiment l'impression de jouer à des titres des années 80 dans un mode 16 bits débridé, aussi flatteur que fidèle à l'original. Il en va de même pour l'ensemble des décors -bien que le fan avisé remarquera que beaucoup d'assets ont été repris et transformés depuis les versions PSOne/GBA et PSP.


La comparaison avec les versions PSP des deux premiers Final Fantasy, aux sprites plus fins et détaillés que toutes les autres sont d'ailleurs inévitables. Je suis cependant plus sensible à la direction artistique, plus compacte, plus simple et plus colorée de ces Pixel Remasters, qui ont pour moi davantage le goût et la sensation des Final Fantasy de mon enfance - mais ce sera à chacun de trancher, les jeux étant globalement identiques au-delà de la forme.

À noter qu'il est dommage que les versions PSP aient été retirées de l'eshop Android - une pratique dommageable pour tous dont est coutumier l'éditeur, qui avait déjà fait le coup avec Dragon Quest XI lors de la sortie d'un portage controversé.

Les réorchestrations - symphoniques s'il vous plaît - sont vraiment à la hauteur des mélodies originelles de Nobuo Uematsu, et justifieraient presque à elles seules le passage à la caisse. On enterre à pieds joints le très limité chiptune de la NES comme les abominables borborygmes de la GBA, et on survole loin au-dessus des versions PlayStation, y compris des excellents MIDI de la PSP. C'est beau, c'est doux, c'est du bonheur à l'état pur qui nous fait poser le pad pour juste profiter de la musique, sans aucun des bugs habituels. Merci.

Le parti pris de ces remakes c'est de s'approcher au plus près de l'expérience des versions NES d'origine dans de bonnes conditions. Pour ce faire, l'ensemble du contenu additionnel des versions précédentes a été supprimé. On peut sans remords tirer un trait sur les donjons additionnels des deux premiers opus - aussi superflus que perturbants - mais on regrettera tout de même les très élégants portraits de personnages qui ornaient les boîtes de dialogue de Final Fantasy II, notamment ceux de la version PSP.

Choix cohérent avec l'ensemble, mais qu'il convient de noter, la surcouche narrative qui avait été ajoutée au remake 3D de Final Fantasy III saute intégralement. L'histoire d'origine est toujours là, et cette coupe ne pénalise absolument pas la compréhension d'un scénario à la simplicité d'époque bien ficelée.

Les bons points de l'expérience

Le gameplay a été revu pour revenir vers les fondamentaux. L'objectif est vraiment de retrouver l'essence de la version NES, la pénibilité en moins. La progression des protagonistes a été ajustée pour éviter de devoir grinder à s'en mordre le pad.

Les points de magie par niveau font leur retour dans le premier épisode, redonnant un aspect stratégique valorisant, et les pénalités de changement de job du troisième sautent, nous donnant plus de fluidité dans la composition de notre équipe. Le second opus semble pour sa part avoir simplifié son système de progression aussi original que bancal. Les statistiques progressent sans régresser, permettant au joueur une approche plus lisible, voire tout simplement un gameplay plus spontané.

Le menu des échoppes a été amélioré: tous les effets, caractéristiques et statistiques de chaque objet sont précisément détaillés et nous accédons directement à l'équipement de nos personnages afin de comparer les éléments, permettant de faire ses choix en toute connaissance de cause. On déplore tout de même ne pas retrouver d'explications sur les jobs de Final Fantasy III dans l'interface. L'usage des objets magiques a également été restructuré. Plus question d'abuser d'un unique bâton de feu avec nos quatre équipiers et de lancer un même sort en boucle: en plus des restrictions de classe, un objet magique ne pourra servir qu'une fois par round. Une bonne chose pour l'équilibre des trois jeux.

Au niveau des options de confort, les sauvegardes sont très permissives. En plus des slots classiques, on pourra faire une sauvegarde rapide n'importe quand, et notre progression est aussi sauvegardée à chaque changement de zone. Il sera donc possible de reprendre une salle ou un boss mal engagé sans aucune contrepartie, gagnant ainsi du temps sans sacrifier la difficulté.

Si l'affichage d'une mini map dans le coin de l'écran n'était pas nécessaire, l'ajout de cartes du monde via un bouton apporte un confort indéniable. Une option qui fera plaisir à tous ceux qui ont dû se contorsionner pour faire select+B sur PSVita à chaque fois qu'ils cherchaient leur route.

L'autre gros ajout, ce sont les combats automatiques. Certes on avait déjà ce choix sur les versions Android qui ont été supprimées des boutiques en ligne, mais dans le cas présent l'implémentation est plutôt bien réalisée. Un bouton nous permet en pleine bataille d'enclencher le mode automatique, ce qui aura pour effet de réutiliser vos dernières commandes, mais aussi d'accélérer la vitesse des animations. Il est possible de définir dans le menu principal si cette option est activée à chaque escarmouche, et on peut la désactiver à la volée.

C'est très pratique de jongler entre les deux modes instantanément, permettant d'accélérer les animations et de garder la main au besoin. Par contre, une fois de plus les défauts d'ergonomie nous rattrapent: ce bouton est actif y compris dans les sous-menus, et je me suis retrouvé plusieurs fois à lancer le combat automatique alors que je cherchais à changer d'arme. Malgré ce petit accroc, les options de confort ajoutées se sont montrées bénéfiques.

Ébauches de moyen

Bien qu'étant fan de Final Fantasy, j'ai cherché pendant des années à faire les titres 8 bits sans succès.  J'ai avancé sur chacune des versions, pourtant toutes me sont tombées des mains. Seule exception, le tout premier dont le gameplay monotouche a récemment accompagné mes journées cloués au lit par le COVID.

Le point commun de ces trois opus initiant la saga, c'est malheureusement qu'aucun n'est à la hauteur des jeux suivants. Si vous êtes un nouveau venu dans le monde des Final Fantasy 2D, je vous en prie, ne commencez pas par ces remakes. Les épisodes SNES, apportent une plus grande profondeur de gameplay et une narration mieux maîtrisée, si bien que comparativement ces premières aventures ne peuvent faire figure que d'ébauches.

C'est triste à dire, mais malgré tous les arrangements qu'on pourra y faire, ces jeux sont datés - et si comme moi vous n'en avez pas la nostalgie, ils risquent fort de vous dérouter voire vous décevoir. De plus, l'expérience est globalement identique aux itérations précédentes, à l'exception du III qui troque avec bonheur la mollesse de la 3D contre le dynamisme et le charme de la 2D - un plaisir qui se monnaye au passage un peu plus cher que pour ses deux camarades.

Cependant, il faudrait plus qu'un lifting graphique et des options de confort pour vraiment mettre ces titres au goût du jour. Square Enix a donc choisi le parti pris opposé: celui de s'approcher le plus possible des épisodes originaux en les rendant accessibles. D'autant que ces imperfections d'époque participent au charme de jeux hyper sympa à jouer - surtout avec ces nouvelles moutures et surtout si vous êtes un amateur qui ne les a jamais parcourus. Le plaisir sort du cadre du jeu en lui-même, il se trouve dans la sensation d'être un archéologue de la saga qui découvrirait pierre par pierre, objet par objet, job par job, les origines du mythe - le tout dans des conditions grand luxe. C'est d'ailleurs probablement l'un des objectifs recherchés par Square Enix, et celui-ci est atteint haut la main.

Le problème avec les nombreux remakes et remasters de SquareEnix, c'est que les joueurs ont perdu confiance à force de voir depuis 10 ans l'entreprise enchaîner les faux pas plutôt que de s'appuyer sur ses fondamentaux pour proposer à chaque itération une version améliorée de son patrimoine. Espérons à ce titre que l'éditeur n'ait sorti pour l'instant que les trois premiers opus afin de prendre en compte les retours de la communauté et ajuster le tir sur les gros morceaux que sont les épisodes IV-V-VI.

Ces "nouvelles" itérations des épisodes I-II-III sont réussies sur de nombreux points, notamment une direction artistique qui évoque la NES comme l'ère 16 bits avec brio ainsi qu'une bande-son à l'orchestration magistrale qui renvoie aux oubliettes les arrangements numériques des précédentes moutures. Cependant on note des régressions aussi incompréhensibles qu'inacceptables du point de vue de l'ergonomie, qui dégradent inutilement une expérience toujours accessible via d'autres supports aux joueurs rétro. Seul le numéro III tire vraiment son épingle du lot en présentant une version 2D qui apporte un plus par rapport à l'existant.

Les nouveaux venus auraient tort de se lancer sur ces jeux, car les trois épisodes suivants sont bien mieux aboutis. Les joueurs ayant déjà écumé ces titres dans tous les sens n'y trouveront pas non plus grand-chose de neuf à par un bel écrin. Quant aux amateurs de la saga n'ayant jamais pu franchir la barrière des premiers opus, l'expérience s'avère malgré ses défauts aussi plaisante qu'entraînante, et cette version pourrait être celle qui les fasse chavirer.

Source : Testé par Oulanbator sur une version Steam fournie par l'éditeur

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