Test d'Age of Empire IV - Quand tradition ne rime pas avec modernité

16 ans après Age of Empire III, la plus célèbre licence de stratégie en temps réel est revenue avec un nouvel opus sorti le 28 octobre 2021. L'attente en valait-elle la peine ?

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La vieille école

Commençons par nous attarder par le mode solo, tant les campagnes ont participé à la renommée de la licence. Age of Empire IV comporte quatre campagnes différentes, chacune centrée sur un peuple - les Anglais, les Français, les Mongoles ainsi que les Russes - et prenant environ six à sept heures, via une dizaine de missions.

Comme souvent dans ce genre de jeux, la campagne a en premier lieu pour but d'aider à prendre en main le gameplay du titre et de ses différentes factions. Elle est donc assez linéaire, le joueur étant vraiment pris par la main, particulièrement pour les premières d'entre elles.

De plus, les développeurs ont décidé d'accorder une place importante à la dimension historique : exit les histoires de fontaine de jouvence, place à une histoire qui pioche aussi peu que possible dans la fiction. Cette approche se voit de plusieurs manières. Tout d'abord, le titre propose de nombreuses cinématiques en prises de vue réelles, qui prennent place sur les lieux des événements. Cela permet de rendre cette histoire plus vivante et fonctionne assez bien, donnant l'impression de jouer à un jeu entrecoupé de courts documentaires. Ensuite, toutes les missions s'intègrent dans une ligne du temps, aidant toujours à savoir où l'on se situe.

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Enfin, Relic a accordé une grande importance à des contenus annexes, ce qui est assez inhabituel. En effet, en progressant dans la campagne, les joueurs peuvent débloquer de nombreuses vidéos supplémentaires donnant des détails sur la vie au Moyen Âge : le fonctionnement des arbalètes, la création des châteaux, etc. S'il est facile de passer à côté, ces vidéos permettent d'enrichir ses connaissances sur les factions joués et sont de très bonne facture, ce qui est appréciable.

Malheureusement, si les développeurs ont visiblement fait de grands efforts pour proposer une vision plus réaliste de l'histoire, les campagnes donnent l'impression inverse. En effet, elles se limitent à une succession de batailles, que les vidéos explicatives cherchent à contextualiser. Elles donnent l'impression que les peuples n'ont fait que se battre pendant une centaine d'années, que toute paix n'était que temporaire, sans que le spectateur ne puisse réellement comprendre pourquoi. La narration reste en surface, ignorant notamment tous les aspects sociaux, ce qui est compréhensible dans un jeu vidéo, mais donne une impression étrange et désagréable.

Ces éléments contribuent à rendre les campagnes assez inintéressantes, en dépit des efforts déployés par les développeurs. Cette quête de la véracité historique les amène à livre une histoire peu attractive et un récit centré sur les batailles. Ce n'est, en définitive, ni un bon documentaire historique ni une bonne histoire de jeu vidéo. La campagne d'Age of Empire IV manque donc de liant, d'une raison de lancer la partie suivante de la campagne.

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C'est dans les vieux pots...

Venons-en maintenant au gameplay. Les amateurs de la licence ne seront guère dépaysés, tant la formule demeure proche de ce qui a fait la force d'Age of Empire au début des années 2000 : le mix entre économie et militaire, la gestion des ressources, etc. L'ensemble est en définitive assez simple : il n'existe par exemple que quatre bâtiments militaires et, surtout, chacun ne propose qu'un nombre réduit d'unités différentes, formant une trinité assez classique : les archers sont très puissants, mais sont vulnérables face aux cavaliers, eux-mêmes assez faibles face aux lanciers.

Cependant, simple ne signifie pas simpliste. Outre la possibilité d'améliorer ses unités via des recherches technologiques, le jeu profite des différences entre ses factions - nous y reviendrons - pour forcer les joueurs à s'adapter. De plus, chaque unité possède des actions spécifiques qu'il est important d'utiliser à bon escient. Ainsi, les archers anglais peuvent poser des piques ralentissant une éventuelle charge de cavalerie ou encore créer une zone de soin.

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Age of Empire IV accorde donc une place importante à la micro-gestion. Malheureusement, contrairement à ses prédécesseurs, il ne propose pas de pause active, même en solo. Il est donc difficile de pleinement exploiter ces possibilités stratégiques, car le joueur doit toujours gérer plein de choses en même temps, l'intelligence artificielle ne se gênant jamais de multiplier les attaques en des lieux différents. En outre, l'ensemble est assez brouillon : il n'est pas toujours évident de voir avec précision quelles unités ennemies sont encore en vie, ni d'estimer combien de temps il faudra à nos unités pour les décimer.

Depuis les années 2000, une autre licence de stratégie en temps réel s'est développée, prenant la place laissée vacante : la franchise Total War. Il est impossible de ne pas l'évoquer, tant Age of Empire IV paraît pataud en comparaison ; pause active ou pas pause active, les Total War permettent de facilement gérer les unités contrôlées alors que c'est souvent laborieux dans la licence de Microsoft. Le potentiel stratégique est présent, mais l'ergonomie n'est pas satisfaisante, ce qui empêche d'en profiter.

Il en est de même pour la dimension économique du jeu. Comme ses prédécesseurs, Age of Empire IV est centré sur les ressources, au nombre de quatre : la nourriture, le bois, l'or et la pierre. Si les deux premières sont abondantes - et la nourriture peut être obtenue de plusieurs manières -, les deux dernières ne sont présentes que sur des gisements, disponibles en quantité limitée. Il est donc essentiel de s'en emparer et de bien anticiper ses besoins, sous peine de se retrouver un jour à court d'une ressource essentielle.

Même si elle est assez mécanique, la partie gestion est assez agréable. Le nombre de bâtiments semble ainsi approprié puisqu'il offre de nombreuses options sans pour autant surcharger le joueur de possibilités. En revanche, Relic a fait un choix assez étrange : même 16 ans plus tard, il n'est toujours pas possible d'avoir simultanément plus de 200 unités. Cela s'explique probablement par une volonté de limiter l'effet boule de neige ainsi que le nombre de choses à gérer simultanément (l'absence de pause active, toussa, toussa), mais jouer en 2021 à un jeu imposant les mêmes restrictions qu'un autre sorti 20 ans plus tôt paraît assez étrange.

En fait, l'erreur de Relic est probablement d'avoir cherché à être trop respectueux envers les bases posées par ses prédécesseurs. Il aurait probablement été préférable de créer une limitation différente pour les villageois et pour les unités militaires, ainsi que de permettre de créer directement des régiments, qui seraient plus faciles à manier que des agrégats d'unités et permettraient donc de lever de grandes armées sans avoir pour autant trop de choses à gérer.

Qu'on fait des jeux service

Si les Age of Empire ont toujours laissé une place au multijoueur, en particulier le troisième opus, ce nouveau né semble y accorder encore plus d'importance, ce qui peut sembler logique en 2021. Dès le départ, le joueur est assailli de missions quotidiennes, qui peuvent être accomplies dans différents modes de jeux. De plus, si le titre ne dispose que de quatre campagnes, il contient en réalité huit factions, très différentes les unes des autres, même si leur fonctionnement de base demeure assez proche.

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Prenons le cas des Mongoles, peut être le plus marqué, en exemple. Ils commencent avec leur limitation de population maximale et n'ont donc pas besoin de créer des habitations. De plus, tous leurs bâtiments peuvent être déplacés. En compensation, ils ne peuvent construire de murs et obtiennent des bonus en rasant des bâtiments ennemis. Ils ont aussi un rapport particulier aux ressources : la pierre se récolte toute seule via un bâtiment spécifique et ils ne peuvent produire de fermes, leur bâtiment agricole produisant à la place des moutons à intervalles réguliers.

Ainsi, chaque faction offre une nouvelle perspective de jeu, forçant à s'adapter, que l'on incarne cette faction ou qu'on l'affronte.

On comprend assez vite que comme indiqué en préambule, les campagnes ne sont vraiment pensées que comme des introductions préparant le joueur en vue du multijoueur. Celui-ci a l'avantage de proposer de nombreuses options, qu'il s'agisse de pré-réglages ou de parties entièrement personnalisées.

À mon sens, c'est là l'explication des choix critiqués plus tôt, l'absence de pause active en solo, la limitation d'unités et les campagnes très linéaires : Age of Empire IV est un jeu avant tout penser pour le multijoueur et il est assez satisfaisant ainsi. C'est une orientation que l'on peut regretter, au vu de la qualité des campagnes des jeux précédents, mais qui est assez compréhensible de nos jours.

Historique ?

Soyons honnêtes et directs : j'ai été personnellement très déçu par ce nouvel opus d'une licence qui a tant marqué mon enfance. Il a des qualités indéniables : ses cinématiques, ses nombreuses factions différentes ou encore ses nombreuses options de personnalisation. Cependant, de tous les RTS auxquels j'ai joué - les anciens Age of Empire, les Total War, les Halo Wars ou encore les Dawn of Wars de Relic -, je n'ai jamais aussi peu apprécié la campagne du jeu. En effet, la narration peine à convaincre en raison de cette multiplication de combats dont on ne comprend guère le sens et les objectifs se ressemblent terriblement d'une mission à l'autre. Il en est de même pour le gameplay du titre : les développeurs ont fait le choix de rester très proches des trois jeux canoniques, mais du coup Age of Empire IV paraît pataud et daté. C'est dommage.

Test réalisé sur PC par Alandring à partir d'une version fournie par l'éditeur.

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